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25/05/2010 | FRANCE | N°08BX01975

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 25 mai 2010, 08BX01975


Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2008, présentée pour la COMMUNE DE RODEZ, représentée par son maire, par Me Goutal ;

La commune demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0802154 du 5 juin 2008 par laquelle le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande en annulation de la décision du préfet de l'Aveyron en date du 17 mars 2008 portant qu'il n'appartenait pas aux services de l'Etat d'exercer le contrôle technique des règles d'hygiène dans l'habitat ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la

décision du préfet de l'Aveyron en date du 17 mars 2008 ;

3°) de mettre à la charg...

Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2008, présentée pour la COMMUNE DE RODEZ, représentée par son maire, par Me Goutal ;

La commune demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0802154 du 5 juin 2008 par laquelle le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande en annulation de la décision du préfet de l'Aveyron en date du 17 mars 2008 portant qu'il n'appartenait pas aux services de l'Etat d'exercer le contrôle technique des règles d'hygiène dans l'habitat ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du préfet de l'Aveyron en date du 17 mars 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2010 :

- le rapport de M. Pottier, conseiller,

- les observations de Me Goutal, pour la COMMUNE DE RODEZ,

- et les conclusions de M. Vié, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;

Considérant que le maire de la COMMUNE DE RODEZ a été saisi le 26 novembre 2007 d'une demande de Mme X tendant à ce qu'un rapport soit effectué sur l'insalubrité de son logement ; que le maire, s'estimant incompétent, a transmis cette demande, en application des dispositions de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000, au directeur départemental des affaires sanitaires et sociales de l'Aveyron ; que la demande ayant été rejetée par ledit directeur, le maire de la COMMUNE DE RODEZ a saisi le préfet de l'Aveyron d'un recours hiérarchique qui a été rejeté par la décision attaquée en date du 17 mars 2008, au motif que le contrôle technique des règles d'hygiène dans l'habitat relevait de l'autorité chargée de la police municipale et qu'il appartenait par conséquent au maire de la COMMUNE DE RODEZ de faire procéder à la visite du logement de Mme X avant de transmettre la demande à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales ;

Considérant qu'il ressort de l'ensemble des pièces du dossier que ce refus résulte d'une interprétation des dispositions légales relatives à la police sanitaire des immeubles insalubres, notamment des articles L. 1331-26 et L. 1421-4 du code de la santé publique, qui tend à attribuer aux maires la mission de prescrire et d'organiser la première visite des logements insalubres qui leur sont signalés, et d'élaborer un rapport motivé sur l'insalubrité de ces logements, dont l'instruction relèverait ensuite des services départementaux de l'Etat ; que cette interprétation de portée générale, telle qu'elle est révélée notamment par la décision du 17 mars 2008, présente un caractère impératif ; qu'elle doit dès lors être regardée comme faisant grief ; que la COMMUNE DE RODEZ est par conséquent recevable à déférer au juge de l'excès de pouvoir les prescriptions ainsi édictées par le préfet de l'Aveyron ; que l'ordonnance par laquelle le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de la commune tendant à l'annulation desdites prescriptions par le motif qu'elles étaient dénuées de caractère impératif doit donc être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur le recours pour excès de pouvoir formé par la COMMUNE DE RODEZ ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment... le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, ... les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure... ; que, selon l'article L. 1421-4 du code de la santé publique, le contrôle administratif et technique des règles d'hygiène relève... de la compétence du maire pour les règles générales d'hygiène fixées, en application du chapitre Ier du titre Ier du livre III, pour les habitations, leurs abords et dépendances... ; qu'aux termes de l'article L. 1331-26 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : Lorsqu'un immeuble...constitue... un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le préfet, saisi d'un rapport motivé du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales... concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois... sur la réalité et les causes de l'insalubrité... [et]... sur les mesures propres à y remédier.../ Le directeur départemental de la santé et de l'action sociale établit le rapport prévu au premier alinéa soit de sa propre initiative, soit sur saisine du maire..., soit encore à la demande de tout locataire ou occupant de l'immeuble... concerné... ; qu'aux termes de l'article L. 1331-28 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : I. - Lorsque la commission... conclut à l'impossibilité de remédier à l'insalubrité, le préfet déclare l'immeuble insalubre à titre irrémédiable, prononce l'interdiction définitive d'habiter... et précise, sur avis de la commission, la date d'effet de cette interdiction, qui ne peut être fixée au-delà d'un an. Il peut également ordonner la démolition de l'immeuble... / II. - Lorsque la commission... conclut à la possibilité de remédier à l'insalubrité, le préfet prescrit les mesures adéquates ainsi que le délai imparti pour leur réalisation sur avis de la commission ou du haut conseil et prononce, s'il y a lieu, l'interdiction temporaire d'habiter... ; qu'enfin, aux termes de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000 : Lorsqu'une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, cette dernière la transmet à l'autorité administrative compétente et en avise l'intéressé... ;

Considérant que si le maire peut enjoindre au propriétaire de faire disparaître toute cause d'insalubrité de son immeuble en vertu des pouvoirs généraux de police qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et de l'article L. 1421-4 du code de la santé publique, il ne saurait en principe, au lieu de se borner à une telle injonction, prescrire au propriétaire de faire procéder à l'intérieur de l'immeuble insalubre à un certain nombre de travaux qu'il spécifierait lui-même ; que les article L. 1331-26 et L. 1331-28 du code de la santé publique réservent expressément au directeur départemental des affaires sanitaires et sociales la compétence pour établir le rapport motivé sur l'insalubrité d'un immeuble signalé et au préfet, saisi de ce rapport, la compétence pour consulter la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques, et pour prescrire, conformément à l'avis rendu par cette commission, les mesures propres à remédier à l'insalubrité de l'immeuble, ainsi que pour prononcer l'interdiction temporaire ou définitive de l'habiter, et ce, quelle que soit la cause de l'insalubrité ; que les dispositions de l'article L. 1421-4 du code de la santé publique issues de l'article 83 de la loi du 9 août 2004 ne sauraient être regardées comme ayant implicitement abrogé les dispositions spécifiques de l'article L. 1331-26 du même code, attribuant expressément au directeur départemental des affaires sanitaires et sociales la compétence pour établir le rapport susmentionné, lequel constitue une formalité substantielle conditionnant la mise en oeuvre des pouvoirs de police spéciale qui incombent au préfet ; que, par ailleurs, la circonstance que le locataire d'un immeuble insalubre, sollicitant la prescription des mesures propres à remédier à l'insalubrité de son logement, ait adressé à tort sa demande au maire, et non au directeur départemental des affaires sanitaires et sociales, ne saurait influer sur l'ordre légal des compétences, alors que le maire était, ainsi qu'il a été dit, dans l'obligation, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000, de transmettre la demande à l'autorité compétente ;

Considérant, ainsi, qu'en énonçant qu'il appartenait au maire de faire procéder aux visites des logements qui lui sont signalés et d'établir un rapport motivé sur leur insalubrité, le préfet de l'Aveyron a illégalement modifié la répartition des compétences entre les services de l'Etat et ceux des communes ; qu'il suit de là, sans même qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par la COMMUNE DE RODEZ, que cette dernière est fondée à demander l'annulation de la décision du 17 mars 2008 par laquelle le préfet de l'Aveyron a émis des prescriptions générales qui procèdent d'une lecture erronée des dispositions légales relatives à la police spéciale des immeubles insalubres et a, en conséquence, rejeté la demande de visite de logement que le maire lui avait transmise ;

Considérant qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la COMMUNE DE RODEZ une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 0802154 du 5 juin 2008 par laquelle le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de la COMMUNE DE RODEZ tendant à l'annulation des prescriptions du préfet de l'Aveyron attribuant aux maires la mission d'ordonner et d'organiser la première visite des logements signalés et d'élaborer un rapport motivé sur leur insalubrité est annulée.

Article 2 : La décision du préfet de l'Aveyron en date du 17 mars 2008 est annulée.

Article 3 : L'Etat versera à la COMMUNE DE RODEZ la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et de la demande présentée par la COMMUNE DE RODEZ devant le tribunal administratif de Toulouse est rejeté.

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N° 08BX01975


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

01-01-05-03-01 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS. DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES. ACTES ADMINISTRATIFS - NOTION. INSTRUCTIONS ET CIRCULAIRES. RECEVABILITÉ DU RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR. - EXISTENCE - INTERPRÉTATION DE DISPOSITIONS LÉGALES RELATIVES À LA POLICE SANITAIRE DES IMMEUBLES INSALUBRES, RÉVÉLÉE PAR L'ACTE DÉFÉRÉ ET D'AUTRES PIÈCES DU DOSSIER, PAR LAQUELLE UN PRÉFET ATTRIBUE AUX MAIRES LA MISSION DE PRESCRIRE ET D'ORGANISER LA PREMIÈRE VISITE DES LOGEMENTS INSALUBRES QUI LEUR SONT SIGNALÉS, ET D'ÉLABORER UN RAPPORT MOTIVÉ SUR L'INSALUBRITÉ DE CES LOGEMENTS.

01-01-05-03-01 L'interprétation des dispositions légales relatives à la police sanitaire des immeubles insalubres, notamment des articles L. 1331-26 et L. 1421-4 du code de la santé publique, par laquelle le préfet de l'Aveyron a attribué aux maires la mission de prescrire et d'organiser la première visite des logements insalubres qui leur sont signalés, et d'élaborer un rapport motivé sur l'insalubrité de ces logements, telle qu'elle est révélée par l'acte déféré et les autres pièces du dossier, présente un caractère impératif et général. Recevabilité, par conséquent, du recours pour excès de pouvoir dirigé contre les prescriptions ainsi édictées.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme FLECHER-BOURJOL
Rapporteur ?: M. Xavier POTTIER
Rapporteur public ?: M. VIE
Avocat(s) : GOUTAL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 25/05/2010
Date de l'import : 22/01/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08BX01975
Numéro NOR : CETATEXT000022328656 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-05-25;08bx01975 ?
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