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11/05/2010 | FRANCE | N°08DA00593

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 11 mai 2010, 08DA00593


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 3 avril 2008 et régularisée par la production de l'original le 7 avril 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS LIEVIN (CALL), dont le siège est situé 21 rue Marcel Sembat, BP65 à Lens cedex (62302), par la SCP Savoye et associés ; la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS LIEVIN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Lille nos 0607511-0704897 en date du 5 février 2008 qui a rejeté sa demande tendant principalement à la déch

arge de la somme de 549 028 euros qu'elle a été condamnée à verser à ti...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 3 avril 2008 et régularisée par la production de l'original le 7 avril 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS LIEVIN (CALL), dont le siège est situé 21 rue Marcel Sembat, BP65 à Lens cedex (62302), par la SCP Savoye et associés ; la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS LIEVIN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Lille nos 0607511-0704897 en date du 5 février 2008 qui a rejeté sa demande tendant principalement à la décharge de la somme de 549 028 euros qu'elle a été condamnée à verser à titre provisionnel à la société Relais frigorifique A21 par ordonnance du juge des référés du même tribunal en date du 10 octobre 2006 et tendant subsidiairement à la condamnation solidaire de M. A, la Sarl A Ingénierie, la société Urlocat, le Bureau Véritas et la société Brenor 35 à la garantir du montant des condamnations prononcées à son encontre ;

2°) de la décharger du paiement de la provision précitée et à défaut de condamner M. A, la société A Ingénierie, la société Chotard devenue Urlocat, le Bureau Véritas venant aux droits de la société CEP à la garantir des sommes mises à sa charge au titre des dommages subis par la société Relais frigorifique A21 ;

3°) de condamner les mêmes à lui payer la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que sa responsabilité ne pouvait être engagée sur le terrain de la garantie décennale dès lors que les désordres affectent des tunnels de congélation qui sont des éléments d'équipement dissociables du bâtiment en cause ; que la société Relais frigorifique A21 est intervenue dans la survenance des dommages dès lors qu'elle n'a pas fait de l'ouvrage une utilisation conforme et ne l'a pas entretenu correctement ; que c'est à tort que le Tribunal a considéré que la Sarl A Ingénierie n'avait pas été partie au contrat de construction ; que c'est à tort que le Tribunal a rejeté ses appels en garantie à l'encontre des autres constructeurs au motif que son action était prescrite ; que dans la mesure où la requérante a subrogé l'acquéreur dans les droits qu'elle détenait à l'encontre des constructeurs, elle profite de l'interruption de prescription née de l'action en référé diligentée par la société Relais frigorifique A21 ; que M. A et la Sarl A Ingénierie seront condamnés à la garantir de toute condamnation dès lors que le rapport d'expertise établit que le maître d'oeuvre a failli à sa mission en ne s'assurant pas de l'adaptation de la portée des panneaux et des soupapes de pression ; que la société Chotard devenue Urlocat sera condamnée à la garantir des condamnations prononcées à son encontre dès lors que pesait sur elle une obligation de signalement des défectuosités et imperfections de l'ouvrage ; que de même, le Bureau Véritas venant aux droits de la société CEP devra la garantir de toute condamnation dès lors qu'elle n'a pas rempli sa mission de contrôle technique correctement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2008, présenté pour M. Pascal A et la SAS A Ingénierie, dont le siège est 11 rue des Charmilles à Cesson Sevigne (35514), par Me Deleurence, qui concluent au rejet de la requête de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN, à la condamnation de cette dernière à leur payer une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, par la voie de l'appel provoqué, à ce que le Bureau Véritas et la société Urlocat soient condamnés à les garantir des éventuelles condamnations intervenant à leur encontre ; ils soutiennent que la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN est forclose à appeler en garantie les autres constructeurs ; que la société A Ingénierie n'était en tout état de cause pas partie au contrat, seul M. Pascal A étant intervenu ; qu'en ce qui concerne ce dernier, il n'était titulaire ni d'une mission relative aux spécifications techniques détaillées, ni d'une mission relative aux plans d'exécution des ouvrages et n'était donc pas en charge du calcul du dimensionnement des ouvrages ; que ladite mission était également partielle en phase travaux ; que le quantum de la réparation ne devrait pas dépasser 371 807 euros HT dès lors qu'il existe une solution technique de réparation moins chère n'apportant pas de plus value à l'ouvrage ;

Vu l'intervention en défense, enregistrée le 21 juillet 2008, présentée pour la société SMABTP, dont le siège est 114 avenue Emile Zola à Paris cedex 15 (75739), par la SCP Verley, Pille, qui conclut au rejet de la requête aux motifs que le litige ne relève pas de la garantie décennale dès lors que les éléments d'équipement frigorifiques en question ont pour fonction exclusive de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage au sens de l'article 1792-7 du code civil ; que M. A et la sarl A, ainsi que les autres constructeurs devront garantir Urlocat de toute condamnation ; que la faute de la société Relais frigorifique A21 exonère les constructeurs de leur responsabilité ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2008, présenté pour la SA Relais frigorifique A21, dont le siège est ZI des Alouettes à Bully les Mines (62160), par Me Boyer, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN est tenue à garantie décennale à l'égard de la SA Relais frigorifique A21 ainsi que le prévoit le contrat de vente ; que les désordres entrent dans le champ de la garantie décennale puisqu'ils rendent l'ouvrage impropre à sa destination ; que les tunnels compte tenu de leurs dimensions constituent des ouvrages immobiliers à part entière ; que l'expert n'a relevé aucune faute de la victime relative à un manque d'entretien ou à l'utilisation anormale de l'ouvrage ; que seul un défaut de conception est à l'origine des dommages ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 août 2008, présenté pour M. Pascal A et la SAS A Ingénierie, qui concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens et concluent au surplus à l'irrecevabilité de l'intervention de la SMABTP ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 octobre 2008, présenté pour la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et soutient au surplus que les tunnels en litige ne constituent pas des ouvrages mais des équipements industriels pour lesquels l'article 1792-7 du code civil exclut l'application de la garantie décennale ; que la Sarl A a signé elle-même le procès-verbal de réception des ouvrages du 10 juin 1991 et peut donc être attraite ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 octobre 2008, présenté pour M. Pascal A et la SAS A Ingénierie, qui concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 novembre 2008, présenté pour la SA Relais frigorifique A21, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 novembre 2008, présenté pour M. Pascal A et la SAS A Ingénierie, qui concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutiennent au surplus que les ouvrages en litige ne ressortissent pas de la garantie décennale dès lors qu'il s'agit d'équipements à usage uniquement professionnel ;

Vu le mémoire enregistré le 5 décembre 2008, présenté pour la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient que l'inutilité de l'allocation d'une provision à la société Relais frigorifique est démontrée par le fait que plus de deux années après l'ordonnance de référé, elle n'a toujours pas utilisé les fonds alloués ;

Vu l'ordonnance en date du 3 mars 2010 fixant la clôture d'instruction au 6 avril 2010 à 16 heures 30 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2010, présenté pour la SA Urlocat, en liquidation amiable, ayant pour liquidateur la société Ellipse et venant aux droits de la société Chotard, dont le siège social est situé 24 rue de Paris à Rennes (35000), par Me Berthelot-Parrad ; elle conclut au rejet de la requête et par la voie de l'appel provoqué, à ce que M. Pascal A et la société A Ingénierie soient condamnés à la garantir de toute condamnation, et demande en outre la condamnation de la partie succombante et en tout cas de la requérante à lui payer la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la communauté d'agglomération n'est pas subrogée dans l'action introduite par la société Relais frigorifique A21 ; que l'article 1792-7 du code civil ne permet pas d'engager la responsabilité décennale des constructeurs à raison des dommages affectant les seuls éléments d'équipement à usage professionnel des bâtiments ; que la responsabilité contractuelle des constructeurs ne peut davantage être invoquée ; qu'en tout état de cause, les désordres sont dus uniquement à un défaut de conception et relèvent de la seule responsabilité du maître d'oeuvre ; que la société Chotard doit être mise hors de cause ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 6 avril 2010 et régularisé par la production de l'original le 8 avril 2010, présenté pour M. Pascal A et la SAS A Ingénierie, qui concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutiennent au surplus qu'il revenait à la seule société Chotard de réaliser les études techniques, notes de calcul et spécifications techniques détaillées ainsi que les plans d'exécution de l'ouvrage ; qu'aucune réserve n'a jamais été présentée par la société Chotard ou le contrôleur technique ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2010, présenté pour la société Bureau Véritas venant aux droits de la société CEP, dont le siège social est situé 67-71 boulevard du Château à Neuilly-sur-Seine cedex (92571), par la SCP Duttlinger, Faivre, qui conclut au rejet de la requête et des appels provoqués et par la voie de l'appel provoqué, à ce que la société Relais frigorifique A21, M. A ou la société A Ingénierie et la société Urlocat la garantissent de toute condamnation, et demande en outre la condamnation solidaire de la requérante et de tout succombant à lui payer une somme de 9 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la requête est irrecevable dès lors que la requérante n'a procédé à aucun règlement des sommes mises à sa charge par l'ordonnance du 10 octobre 2006 ; que l'action de la CALL à l'encontre des autres constructeurs est prescrite sur le fondement de la garantie décennale ; que l'action de la CALL ne peut davantage se fonder sur la responsabilité contractuelle dès lors que l'ouvrage a été réceptionné depuis le 10 juin 1991 ; que les désordres en cause ne se rattachent pas à la construction de l'immeuble proprement dit mais à une installation industrielle ; que les conclusions de l'expert sur l'origine des dommages sont sujettes à critique ; que l'installation en cause n'était pas soumise au contrôle de la société CEP ; que l'exploitant n'est pas étranger à l'origine des dommages ; qu'à titre subsidiaire, le Bureau Véritas appelle en garantie la société Relais frigorifique, M. A et la société A Ingénierie et la société Urlocat ;

Vu l'ordonnance en date du 6 avril 2010 ordonnant la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 21 avril 2010 et régularisé par la production de l'original le 22 avril 2010, présenté pour la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient au surplus que la CALL a réglé à la société Relais frigorifique A21 le montant de la provision au versement de laquelle elle a été condamnée ;

Vu la note en délibéré, enregistrée par télécopie le 27 avril 2010 et régularisée par la production de l'original le 28 avril 2010, présentée pour la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN, par la SCP Savoye et associés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Boutou, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Delgorgue, pour la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN, Me Boyer, pour la SA Relais frigorifique A21, Me Verley, pour la SMABTP, Me Degaie, pour M. A et la SAS A Ingénierie et Me Duttlinger, pour le Bureau Véritas venant aux droits de la société CEP ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant que la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN a saisi en première instance le Tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce que soit définitivement fixé le montant de sa dette à l'égard de la société Relais frigorifique A21 qui avait obtenu, par ordonnance du vice-président du même Tribunal en date du 10 octobre 2006, confirmée en appel et en cassation, le versement d'une provision pour la réparation des désordres affectant les entrepôts frigorifiques exploités par elle à Bully-les-Mines ; que le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête par le jugement susvisé ; que, par suite, elle a intérêt à faire appel sans que la société Bureau Véritas puisse utilement lui opposer une fin de non-recevoir tirée de ce qu'elle n'aurait pas procédé au paiement intégral de la provision au versement de laquelle elle a été condamnée ;

Sur l'intervention de la société SMABTP :

Considérant que la société SMABTP a intérêt à intervenir au soutien des conclusions en défense de la société Urlocat qui vient aux droits de la société Chotard, dès lors qu'elle est l'assureur en responsabilité décennale de cette dernière, constructeur de l'ouvrage en litige ; qu'ainsi son intervention est recevable ;

Sur l'appel principal de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE

LENS-LIEVIN :

Considérant que le syndicat mixte d'aménagement des zones industrielles de Liévin (SMAZIL), auquel a succédé la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN, a construit en 1991 un immeuble à usage d'entrepôt frigorifique comprenant deux tunnels de congélation et trois chambres froides de stockage qui a été revendu à la société Interbail devenue Sophia, qui l'a elle-même vendu par contrat de crédit-bail à la société Relais frigorifique A21 ; que les travaux ont été effectués par l'entreprise Chotard, sous la maîtrise d'oeuvre de M. A avec attribution du contrôle technique au cabinet CEP et ont été réceptionnés par le SMAZIL le 10 juin 1991 ; que la société Relais frigorifique A21 a constaté à partir de l'année 2000 des flèches dans les parois latérales des chambres froides et au plafond de celles-ci ; qu'elle a saisi le 29 mai 2001 le Tribunal administratif de Lille de ce litige, qui a nommé un expert en la cause, par ordonnance du 21 novembre 2001 ; que cet expert, qui a rendu son rapport le 15 juillet 2004, estime que les désordres sont en rapport avec un défaut de conception de l'ouvrage qui ne comportait pas suffisamment de soupapes de pression ; que sur saisine de la société Relais frigorifique A21 par voie de référé, le Tribunal administratif de Lille a accordé à cette dernière une provision de 549 028 euros par ordonnance du 10 octobre 2006 ; qu'en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN, condamnée à verser cette somme, a introduit une requête devant le même Tribunal, qui l'a rejetée par jugement du 5 février 2008 dont elle interjette appel ; que par la voie de l'appel provoqué, M. A et la SAS A Ingénierie demandent la condamnation de la société Urlocat venant aux droits de la société Chotard et du Bureau Véritas venant aux droits du cabinet CEP à les garantir de toute condamnation, que la société Urlocat venant aux droits de la société Chotard demande la condamnation de M. A et la SAS A Ingénierie à la garantir de toute condamnation, et que la société Bureau Véritas venant aux droits de la société CEP demande la condamnation de la société Relais frigorifique A21, de M. A ou de la société A Ingénierie et de la société Urlocat à la garantir de toute condamnation ;

En ce qui concerne la responsabilité de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN :

Considérant qu'aux termes de l'article 1792 du code civil : Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère. ; qu'aux termes de l'article 1792-1 du code civil : Est réputé constructeur de l'ouvrage : (...) 2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire ; (...) ; que ces dispositions sont applicables à la responsabilité décennale des constructeurs à l'égard des maîtres d'ouvrage publics ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'une fois construit, l'immeuble à usage d'entrepôt frigorifique dont s'agit a été vendu par le SMAZIL à la société Interbail qui l'a revendu en crédit-bail à la société Relais frigorifique A21, qui a elle-même levé l'option d'achat en 2006 et en est devenue le propriétaire ; que l'action en garantie décennale a, par suite, été transmise à la société ayant acquis l'immeuble qui est fondée à attraire, en tant que constructeur, la collectivité publique qui l'a vendu, en application des dispositions précitées de l'article 1792-1 du code civil ; que cette garantie a été opposée au SMAZIL par la société Relais frigorifique A21 dans le délai de dix ans suivant la réception de l'ouvrage prononcée, le 10 juin 1991, par la saisine, le 29 mai 2001, par ladite société, du juge du référé du Tribunal administratif de Lille ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert déposé le 15 juillet 2004, que les tunnels frigorifiques et chambres froides de l'ouvrage sont affectés par le décollement de leurs parois latérales et supérieures qui affectent l'étanchéité de ces équipements ; que si ces équipements sont dissociables de l'ouvrage, leur défectuosité rend ce dernier impropre à sa destination d'entrepôt frigorifique qui est devenu inutilisable ; qu'en dépit de leur caractère d'équipement à usage professionnel, la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN ne peut utilement soutenir que les dommages affectant ces chambres froides sont exclus de la garantie décennale en vertu des dispositions de l'article 1792-7 du code civil dès lors que cet article, introduit par les dispositions de l'article 1er de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005, ne s'applique qu'aux marchés, contrats et conventions conclus après la publication de l'ordonnance selon ce qui résulte des termes de son article 5 ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que les désordres en cause ont pour origine un défaut de conception des tunnels et chambres froides qui n'ont pas été dotés d'un nombre suffisant de soupapes de pression et dont les parois supérieures étaient d'une portée trop importante ; que les conditions d'utilisation des chambres froides par l'exploitant, qui en maintenait les portes ouvertes, loin d'aggraver ces désordres, ont au contraire permis d'en retarder l'apparition ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que la société Relais frigorifique A21 était fondée à demander la condamnation de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN, en tant que constructeur, à lui verser une provision destinée à réparer lesdits désordres ;

En ce qui concerne les appels en garantie de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN :

Considérant que malgré la transmission à l'acquéreur de l'immeuble de l'action en garantie décennale, la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN n'a cependant pas perdu la faculté d'exercer cette action par voie récursoire dans la mesure où, condamnée à verser une provision en réparation des désordres affectant l'ouvrage, elle présente pour elle un intérêt direct et certain ; qu'en revanche, la requérante ne justifie pas disposer d'une action subrogatoire légale ou conventionnelle transmise par la société Relais frigorifique A21 titulaire de l'action en garantie décennale à l'encontre des constructeurs ;

Considérant, cependant, qu'aux termes de l'article 2244 du code civil dans sa version applicable au litige : Une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir. ; qu'aux termes de l'article 2270 du même code, dans sa version applicable au litige : Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article. ; qu'il résulte de ces dispositions applicables à la responsabilité décennale des constructeurs à l'égard des maîtres d'ouvrage publics, qu'une citation n'interrompt la prescription qu'à la double condition d'émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait ;

Considérant, à cet égard, qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'avant la date du 10 juin 2001 à laquelle expirait la garantie décennale attachée à l'ouvrage, la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN a accompli, à l'égard de M. A, de la société Urlocat ou du Bureau Véritas, qu'elle appelle en garantie, un acte de nature à interrompre ce délai ; que, par suite, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande en ce sens ;

En ce qui concerne le montant de la provision :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert, que le coût de la reconstruction des tunnels frigorifiques et d'un tunnel provisoire est évalué à 656 637,17 euros TTC ; que la requérante ne conteste pas que le Tribunal était fondé à évaluer à une somme de 549 028 euros le montant de la provision à accorder à ce titre à la société Relais frigorifique A21 ; qu'elle se borne à soutenir, sans l'établir d'ailleurs, que plus de deux ans après que le Tribunal a accordé cette provision, la société Relais frigorifique A21 n'en a pas fait usage par prudence ;

Sur les appels provoqués de M. A et de la société A Ingénierie, de la société Urlocat et de la société Bureau Véritas :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'appel en garantie de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN à l'encontre des autres constructeurs de l'ouvrage ne peut être accueilli ; que par suite, les appels provoqués de M. A et de la société A Ingénierie, de la société Urlocat et de la société Bureau Véritas sont sans objet et ne peuvent qu'être rejetés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN doivent, dès lors, être rejetées ; qu'en revanche, les conclusions de M. A et de la société A Ingénierie, de la société Urlocat, du Bureau Véritas ainsi que celles de la société Relais frigorifique A21 fondées sur les mêmes dispositions pourront, dans les circonstances de l'espèce, être accueillies ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN à verser 1 000 euros chacun respectivement à M. A et à la société A Ingénierie ensemble, à la société Relais frigorifique A21, à la société Urlocat et à la société Bureau Véritas ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la société SMABTP est admise.

Article 2 : La requête de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN est rejetée.

Article 3 : La COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS-LIEVIN est condamnée à verser une somme de 1 000 euros respectivement à M. A et à la société A Ingénierie ensemble, à la société Relais frigorifique A21, à la société Urlocat et à la société Bureau Véritas en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A et de la société A Ingénierie, de la société Urlocat et de la société Bureau Véritas est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE LENS LIEVIN venant aux droits du SMAZIL, à la société Relais frigorifique A21, à la société Sophia, à la société Bureau Véritas venant aux droits de la société CEP, à M. Pascal A, à la société A Ingénierie, à la société Urlocat ayant pour liquidateur la société Ellipse et venant aux droits de la société Chotard, et à la société SMABTP.

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N°08DA00593


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Kimmerlin
Rapporteur ?: M. Bertrand Boutou
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : DUCLOY

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Date de la décision : 11/05/2010
Date de l'import : 22/01/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08DA00593
Numéro NOR : CETATEXT000022789196 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-05-11;08da00593 ?
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