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07/01/2010 | FRANCE | N°08LY00248

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 07 janvier 2010, 08LY00248


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 4 février 2008 et le 16 mars 2009, présentés pour la SOCIETE CHANTELAUZE, dont le siège est route nationale à Marsac en Livradois (63940), représentée par son gérant en exercice ;

La SOCIETE CHANTELAUZE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701303 du 6 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté de communes du pays d'Arlanc à lui verser la somme de 16 500 euros en réparation de son éviction irrégul

ière du marché de travaux portant sur la réhabilitation de bains douches en vue de...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 4 février 2008 et le 16 mars 2009, présentés pour la SOCIETE CHANTELAUZE, dont le siège est route nationale à Marsac en Livradois (63940), représentée par son gérant en exercice ;

La SOCIETE CHANTELAUZE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701303 du 6 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté de communes du pays d'Arlanc à lui verser la somme de 16 500 euros en réparation de son éviction irrégulière du marché de travaux portant sur la réhabilitation de bains douches en vue de créer une bibliothèque ;

2°) de condamner la communauté de communes du pays d'Arlanc à lui verser ladite somme, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes du pays d'Arlanc la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que le tribunal administratif aurait dû ordonner la communication de documents supplémentaires afin de lui permettre d'établir qu'elle disposait d'une chance sérieuse d'emporter le marché ; qu'elle disposait bien d'une telle chance s'agissant des lots 1 et 8 ;

- que les critères d'appréciation de l'offre ayant été irrégulièrement définis, il y a lieu d'apprécier les mérites de son offre au seul regard du prix ; qu'elle était la moins-disante sur ces deux lots ; qu'à supposer même qu'il faille retenir les critères initialement prévus par la commission d'appel d'offres, elle est également la mieux-disante ;

- qu'elle est donc fondée à demander l'indemnisation de son manque à gagner, de son préjudice commercial ainsi que des frais engagés pour la préparation du dossier ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré au greffe le 11 décembre 2009, présenté pour la communauté de communes du pays d'Arlanc, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SARL CHANTELAUZE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que le jugement est régulier ;

- que la SARL CHANTELAUZE ne présentait pas une qualité technique comparable à celle de la société qui a été retenue ;

- que la requérante n'avait pas de chance sérieuse de remporter le marché ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 décembre 2009, présenté pour la SARL CHANTELAUZE ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2009 :

- le rapport de Mme Vinet, conseiller,

- les observations de Me Martins Da Silva, représentant la SARL CHANTELAUZE,

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,

la parole ayant été de nouveau donnée à Me Martins Da Silva ;

Considérant que, par un avis d'appel public à la concurrence émis le 10 novembre 2006, la communauté de communes du pays d'Arlanc a lancé une procédure d'appel d'offres en vue de la passation de plusieurs marchés publics de travaux relatifs à la réhabilitation de bains-douches pour la création d'une bibliothèque à Arlanc ; que cette première procédure ayant été estimée infructueuse, un nouvel avis d'appel public à la concurrence à été émis le 21 décembre 2006 ; que ledit avis mentionnait que la sélection de l'offre se ferait en application de l'article 53 du code des marchés publics ; que la candidature de la SOCIETE CHANTELAUZE à l'attribution des marchés des lots nos 1, 7 et 8 n'a pas été retenue par la communauté de communes, qui le lui a indiqué par un courrier en date du 30 janvier 2007 ; que la SOCIETE CHANTELAUZE relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté de communes du pays d'Arlanc à l'indemniser du préjudice lié à son éviction irrégulière des marchés passés pour les lots nos 1 et 8 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 53 du code des marchés publics dans sa rédaction issue du décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 modifié : Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, la personne publique se fonde sur divers critères variables selon l'objet du marché, notamment le coût d'utilisation, la valeur technique de l'offre, son caractère innovant, ses performances en matière de protection de l'environnement, le délai d'exécution, les qualités esthétiques et fonctionnelles, le service après-vente et l'assistance technique, la date et le délai de livraison, le prix des prestations. D'autres critères peuvent être pris en compte, s'ils sont justifiés par l'objet du marché. Si, compte tenu de l'objet du marché, la personne publique ne retient qu'un seul critère, ce critère doit être le prix. Les critères sont définis dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans le règlement de la consultation. Ces critères sont pondérés ou à défaut hiérarchisés ;

Considérant, en premier lieu, que ni l'avis d'appel à la concurrence, ni le règlement de consultation des entreprises ne mentionnaient les critères que le pouvoir adjudicateur entendait mettre en oeuvre pour sélectionner l'entreprise attributaire du marché pour chaque lot considéré ; que si la communauté de communes du pays d'Arlanc soutient que le procès-verbal de la commission d'appel d'offres mentionnait les critères de la valeur technique, du prix et de la garantie professionnelle, ces critères, qui au demeurant n'étaient ni pondérés, ni hiérarchisés, n'avaient pas été portés à la connaissance des entreprises soumissionnaires préalablement à la décision de la commission d'appel d'offres ; qu'ainsi la procédure de passation du marché litigieux, à l'issue de laquelle la SOCIETE CHANTELAUZE n'a pas été retenue, a été irrégulière, de même, par suite, que la décision de ne pas retenir sa candidature ;

Considérant, en deuxième lieu, que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ; que dans une telle hypothèse, ce sont les critères que la personne publique adjudicatrice a entendu mettre en oeuvre, à condition qu'ils soient légaux, qui doivent être retenus pour apprécier l'existence d'une chance sérieuse pour l'entreprise évincée de remporter le marché ;

Considérant que la communauté de communes du pays d'Arlanc soutient que pour sélectionner l'offre de la société BTPL sur les lots concernés, elle a mis en oeuvre les critères de la valeur technique, du prix, des garanties professionnelles et du délai ; que le critère de la garantie professionnelle ne pouvait cependant plus être retenu au stade du choix des offres ; qu'il y a lieu d'apprécier l'existence d'une chance sérieuse pour la requérante de remporter les marchés des lots nos 1 et 8 en retenant les critères de la valeur technique, du prix et du délai ; que l'offre de la SOCIETE CHANTELAUZE était la moins-disante en ce qui concerne les lots n° 1 et n° 8 ; qu'à cet égard, la communauté de communes ne pouvait, en tout état de cause, porter une appréciation globale pour les lots nos 1, 7 et 8 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la SOCIETE CHANTELAUZE aurait présenté une offre dont la valeur technique aurait été inférieure à celle de la société BTPL ou aurait été moins satisfaisante que celle des autres entreprises s'agissant du délai d'exécution proposé ; qu'au contraire, il résulte notamment de la décision de la commission d'appel d'offres, aux termes de laquelle il a été décidé d'attribuer tous les lots aux entreprises les moins-disantes , et de la lettre en date du 16 avril 2007 adressée par la communauté de communes du pays d'Arlanc à la requérante, que les offres ont été considérées comme équivalentes s'agissant des critères de la valeur technique et du délai, le critère du prix étant alors utilisé pour les départager ; qu'ainsi, il résulte de l'instruction que la requérante avait une chance sérieuse d'emporter les marchés passés pour les lots nos 1 et 8 et a, par suite, droit à être indemnisée de son manque à gagner pour chacun d'eux ;

Considérant que la SOCIETE CHANTELAUZE, qui produit une attestation d'un cabinet d'expert comptable, soutient sans être sérieusement contredite que les taux de marge applicables aux prix de chacun des lots pour lesquels elle avait une chance sérieuse d'emporter le marché s'élèvent à 6,84 % s'agissant du lot n° 1 et 7,94 % pour le lot n° 8 ; que les prix proposés pour chacun de ces deux lots étaient de 126 757,13 euros pour le lot n° 1 et de 20 173,76 euros pour le lot n° 8 ; que, dès lors, il sera fait une exacte appréciation du manque à gagner subi par la SOCIETE CHANTELAUZE du fait de son éviction irrégulière en fixant la somme due à ce titre par la communauté de communes du pays d'Arlanc à 10 280,89 euros ; qu'en revanche, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction que la requérante aurait subi un préjudice commercial du fait de son éviction irrégulière et, d'autre part, les frais de présentation de l'offre ayant été inclus dans l'indemnisation du manque à gagner, ceux-ci, en l'absence de stipulation spécifique du contrat, ne peuvent donner lieu à une indemnisation supplémentaire ; qu'il suit de là que la communauté de communes du pays d'Arlanc doit être condamnée à verser à la SOCIETE CHANTELAUZE la somme de 10 280,89 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière des marchés afférents aux lots nos 1 et 8 de l'opération d'aménagement de la bibliothèque d'Arlanc ;

Sur les intérêts :

Considérant que la SOCIETE CHANTELAUZE a droit, comme elle le demande, que la condamnation prononcée soit assortie des intérêts de retard à compter de sa requête introductive d'instance devant le tribunal administratif ; qu'ainsi, la somme de 10 280,89 euros que la communauté de communes du pays d'Arlanc est condamnée à verser à la requérante portera intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2007 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE CHANTELAUZE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes du pays d'Arlanc la somme de 1 500 euros demandée par la SOCIETE CHANTELAUZE au titre des frais exposés dans l'instance et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 6 décembre 2007 est annulé.

Article 2 : La communauté de communes du pays d'Arlanc est condamnée à payer à la SOCIETE CHANTELAUZE la somme de 10 280,89 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2007.

Article 3 : La communauté de communes du pays d'Arlanc versera la somme de 1 500 euros à la SOCIETE CHANTELAUZE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE CHANTELAUZE est rejetée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE CHANTELAUZE, à la communauté de communes du pays d'Arlanc et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2009, où siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

Mme Chalhoub, président-assesseur,

Mme Vinet, conseiller.

Lu en audience publique, le 7 janvier 2010.

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08LY000248

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY00248
Date de la décision : 07/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : DEVES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-01-07;08ly00248 ?
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