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23/09/2010 | FRANCE | N°08LY01653

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 23 septembre 2010, 08LY01653


Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2008, présentée pour M. Franck A et Mme Emmanuelle A, agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leurs filles mineures Floriane et Pauline, domiciliés ... ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 0605758 du 6 mai 2008 en tant qu'il a limité à 37 318,88 euros la réparation des préjudices de M. Franck A nés de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, à 4 000 euros la réparation du préjudice de Mme Emmanuelle A et à 1 000 euros chacune

la réparation du préjudice de leurs deux filles ;

2°) de porter à 656 453,97...

Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2008, présentée pour M. Franck A et Mme Emmanuelle A, agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leurs filles mineures Floriane et Pauline, domiciliés ... ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 0605758 du 6 mai 2008 en tant qu'il a limité à 37 318,88 euros la réparation des préjudices de M. Franck A nés de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, à 4 000 euros la réparation du préjudice de Mme Emmanuelle A et à 1 000 euros chacune la réparation du préjudice de leurs deux filles ;

2°) de porter à 656 453,97 euros le montant de la condamnation de l'Etablissement français du sang destinée à réparer les préjudices de M. Franck A, à 40 000 euros le montant de la condamnation destinée à réparer les préjudices de Mme Emmanuelle A et à 15 000 euros chacune le montant de la condamnation destinée à réparer les préjudices de Floriane et Pauline ;

3°) de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'assistance aux opérations d'expertise ainsi que le remboursement des frais d'expertise ainsi que des frais d'huissiers relatifs à la procédure civile devant le Tribunal de grande instance de Villefranche sur Saône ;

Ils soutiennent que les premiers juges ont sous-évalué les préjudices résultant de la contamination litigieuse ; que le jugement attaqué ne permet pas de connaître le montant et la nature des différents postes de préjudices réparés ; que la pathologie hépatique de M. A est à l'origine d'un préjudice professionnel ; que l'incapacité permanente partielle imputable à l'affection litigieuse peut être évaluée à 40 % ; qu'ils ne s'opposent pas à l'organisation d'un complément d'expertise aux fins de déterminer le taux de déficit fonctionnel permanent ; que l'affection hépatique est évolutive et à nouveau active ; que le préjudice spécifique de contamination est réel et doit être réparé ; que M. A a subi un préjudice esthétique temporaire et connaît un préjudice esthétique permanent ; que le préjudice d'agrément n'est pas symbolique ; que les frais divers futurs, évalués à 34 000 euros, doivent être indemnisés compte tenu du caractère évolutif de la maladie ; que Mme A connaît un préjudice économique du fait de la maladie de son époux ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 8 octobre 2009, le mémoire présenté pour l'Etablissement français du sang qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les prétentions indemnitaires des requérants sont excessives ; que les premiers juges ont fait une juste évaluation des préjudices des consorts A ; que les conclusions tendant à la réparation d'un préjudice spécifique de contamination doivent être rejetées ; qu'une telle réparation ne peut en tout état de cause se cumuler avec l'indemnisation de préjudices à caractère personnel ; que l'état de M. A est considéré comme consolidé ;

Vu, enregistré le 22 février 2010 le mémoire présenté pour Mme A qui reprend l'instance après le décès de son mari survenu le 24 août 2008 et qui tend aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens sauf à porter le préjudice d'affection aux sommes respectives de 30 000 et 35 000 euros pour la veuve et chacune de ses deux filles et le préjudice économique à la somme de 798 099 euros pour la veuve, de 85 126 euros pour Floriane et 97 837 euros pour Pauline ;

Vu, enregistré le 26 février 2010 par télécopie et régularisé le 1er mars 2010 par courrier, le mémoire déposé pour l'Etablissement français du sang tendant à ce que la Cour écarte les prétentions nouvelles relatives au conséquences du décès de M. A ; il fait valoir que ces prétentions sont nouvelles en appel et qu'en tout état de cause, le décès de M. A n'est pas imputable à son affection hépatique ;

Vu, enregistré le 23 juin 2010 par télécopie et régularisé le 29 juin par courrier, le mémoire en défense déposé pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) tendant à ce que la Cour confirme le jugement attaqué, limite en tout état de cause l'indemnisation à la somme totale de 43 318,88 euros, déclare irrecevables les demandes fondées sur le décès de M. A ou subsidiairement ordonne une expertise ;

L'ONIAM fait valoir que :

- il est substitué à l'Etablissement français du sang dans cette instance en vertu de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 entrée ne vigueur le 1er juin 2010 ;

- le Tribunal a bien évalué les différents postes de préjudice ;

- les requérants demandent plusieurs fois l'indemnisation des mêmes préjudices ;

- le préjudice spécifique de contamination ne pourrait en tout état de cause être transmis aux héritiers ;

- les demandes fondées sur le décès sont nouvelles en appel et irrecevables ;

- le décès n'est pas imputable à l'hépatite ; les requérants ont d'ailleurs saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux en soutenant que le décès était lié à un accident médical non fautif ;

- il faudrait une expertise à laquelle serait appelé le centre hospitalier Lyon Sud ;

- il ne peut prendre en charge l'indemnisation de la caisse primaire d'assurance maladie qui devra mieux se pourvoir, le jugement devant être réformé sur ce point ;

Vu, enregistré le 15 juillet 2010, le mémoire déposé pour l'Etablissement français du sang faisant valoir que, du fait de la substitution de l'ONIAM, les conclusions de la requête sont mal dirigées ;

Vu, enregistré le 12 août 2010, le mémoire déposé pour les consorts A faisant valoir que les demandes liées au décès de M. A restent dans le cadre du préjudice dont il était déjà demandé réparation et sont recevables ;

Vu, enregistré le 12 août 2010, le mémoire déposé pour la caisse primaire d'assurance maladie de Villefranche sur Saône tendant à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a condamné l'Etablissement français du sang à lui verser la somme de 184 483,39 euros, à ce que l'ONIAM soit condamné à lui payer 910 euros en application de l'ordonnance du 24 janvier 1996 et 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ; elle fait valoir que l'avis du Conseil d'Etat du 22 janvier 2010 ne peut avoir d'effet rétroactif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2010 :

- le rapport de Mme Serre, présidente ;

- les observations de Me Choulet, avocat des consorts A et de Me Collomb, avocat de l'Etablissement français du sang ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que M. Franck A, souffrant d'une agammaglobulinémie de Bruton diagnostiquée dans l'enfance, s'est vu administrer de nombreux produits sanguins, notamment des plasmas frais congelés de 1980 à 1985 ; qu'il s'est révélé séropositif au virus de l'hépatite C en 1996 et a recherché la responsabilité de l'Etablissement français du sang à raison de cette contamination virale ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a condamné l'Etablissement français du sang à verser, en réparation des préjudices nés de la contamination transfusionnelle dont s'agit, une somme de 37 318,88 euros à M. A, une somme de 4 000 euros à son épouse, Mme Emmanuelle A, une somme de 2 000 euros à ces derniers en leur qualité de représentants légaux de leurs deux filles Floriane et Pauline et une somme de 184 483,39 euros, outre intérêts au taux légal, à la caisse primaire d'assurance maladie de Villefranche-sur-Saône en remboursement des débours exposés pour le compte de la victime ; que les consorts A font appel de ce jugement et demandent la majoration des indemnités accordées par les premiers juges ; que, M. A étant décédé en cours d'instance, son épouse et ses enfants mineurs représentés par leur mère ont repris l'instance introduite en son nom par un mémoire enregistré le 22 février 2010 ;

Sur la substitution de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'Etablissement francais du sang et sa portée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique issu du I de l'article 67 de la loi susvisée du 17 décembre 2008 : Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4 ... ; qu'aux termes du IV du même article 67 de la loi susvisée du 17 décembre 2008 : A compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l' Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. ; qu'il est constant que ces dispositions de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 sont entrées en vigueur le 1er juin 2010 ; que l'ONIAM se trouve donc, même en l'absence de conclusions à son encontre, substitué à l'Etablissement français du sang dans la présente instance relative à l'indemnisation du préjudice résultant de la contamination de M. Franck A ;

Considérant toutefois que l'ONIAM fait valoir que le recours des caisses de sécurité sociale, subrogées dans les droits d'une victime d'un dommage, organisé par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, s'exerce à l'encontre des auteurs responsables de l'accident survenu à la victime et ne peut être exercé contre l'ONIAM dès lors qu'il prend en charge la réparation de ce dommage au titre de la solidarité nationale ;

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi susvisée du 4 mars 2002 : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. ; que ces dispositions instituent un régime de présomption de responsabilité ; qu'ainsi les préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C du fait d'une transfusion sanguine sont indemnisés lorsque l'administration est déclarée responsable du fait de la fourniture d'un sang qui a pu en être à l'origine ;

Considérant par ailleurs que si le premier alinéa de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique définit L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales [comme] ... un établissement public à caractère administratif de l'Etat, ... chargé de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale, dans les conditions définies au II de l'article L. 1142-1, à l'article L. 1142-1-1 et à l'article L. 1142-17, des dommages occasionnés par la survenue d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale ainsi que des indemnisations qui lui incombent, le cas échéant, en application des articles L. 1142-15 et L. 1142-18 , les deux alinéas suivants disposent qu'il ... est également chargé par diverses lois successives de la réparation ou de l'indemnisation des victimes de divers dommages qui ne relèvent pas tous explicitement ou nécessairement de la solidarité nationale ;

Considérant ainsi que, lorsqu'il se trouve substitué à l'Etablissement français du sang dont seule, jusqu'alors, la responsabilité pouvait être recherchée par les victimes atteintes d'une hépatite C contractée par voie transfusionnelle, l'ONIAM ne se présente pas en qualité de payeur au titre de la solidarité nationale, mais comme responsable de la contamination ; qu'il n'est donc pas fondé à soutenir que l'action subrogatoire de la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon serait irrecevable à son encontre ; que la circonstance que les dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique prévoient dans le cadre de la procédure amiable qui est mise en place par l'article 67 de la loi susvisée du 17 décembre 2008 que l'offre d'indemnisation est faite à la victime dans les conditions fixées aux deuxième, troisième et cinquième alinéas de l'article L. 1142-17 , c'est-à-dire en tenant compte des prestations de la caisse dont elle a bénéficié, est sans incidence sur les droits de la caisse eux-mêmes et ne saurait en tout état de cause réduire ses droits dans les instances en cours où l'ONIAM est légalement substitué à l'Etablissement français du sang ;

Sur l'évaluation des préjudices :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 portant financement de la sécurité sociale pour 2007 le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste du préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste du préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;

Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus-décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

S'agissant des préjudices de M. A :

Sur les préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux dépenses de santé :

Considérant que l'Etablissement français du sang ne conteste pas que la caisse primaire d'assurance maladie de Villefranche-sur-Saône a exposé pour la prise en charge de l'affection hépatique de son assuré social des frais pharmaceutiques, de soins, d'hospitalisation, d'appareillage, ainsi que des dépenses médicales diverses, pour une somme de 162 215,82 euros allouée par le jugement attaqué ; que les consorts A ne justifient pas plus en appel qu'en première instance que des dépenses de santé seraient restées à leur charge pour un montant de 2 000 euros ;

Quant aux pertes de revenus :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le Tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône, que M. A s'est trouvé hospitalisé à de nombreuses reprises au cours des années 2003, 2004 et 2005 en raison de son affection hépatique et a, entre temps, continué à travailler dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique ; que les pertes de revenus ainsi subies ont été compensées à hauteur de 22 267,57 euros par les indemnités journalières que M. A a reçues de la caisse primaire d'assurance maladie de Villefranche-sur-Saône, somme que le jugement attaqué a alloué à ladite caisse et dont le montant n'est pas contesté ; que les requérants qui sollicitent une indemnisation forfaitaire , ne justifient pas plus en appel que devant les premiers juges du montant d'une perte de revenus qui ne serait pas compensée par les indemnités journalières versées par la caisse ;

Quant à l'incidence professionnelle du dommage corporel :

Considérant que les requérants font état de l'incidence professionnelle de l'hépatite C, dans des termes très généraux et n'établissent pas, ni même n'allèguent, que M. A aurait subi un préjudice, en tout état de cause non chiffré, à ce titre ; qu'il résulte au contraire de l'instruction que, durant les trois dernières de sa vie, les revenus de M. A ont augmenté ;

Quant aux dépenses liées aux handicaps :

Considérant que les consorts A ont justifié avoir exposé pendant les périodes d'incapacité de la victime une somme de 2 318,88 euros, allouée par le jugement attaqué et non contestée, pour l'entretien de leur jardin ; qu'en revanche, ainsi que le tribunal administratif l'a jugé, les frais futurs dont ils demandent le paiement à ce titre, sous forme d'un capital représentatif, ne présentent pas de caractère certain ;

Quant aux autres dépenses liées au dommage corporel :

Considérant que les requérants ne justifient pas avoir exposé des frais pour se faire assister aux opérations d'expertise ; que s'ils demandent le remboursement des frais d'huissier et d'expertise exposés lors de l'instance devant le tribunal de grande instance, il n'apportent aucune précision sur le montant de ces frais, ni sur les décisions éventuellement prises par le juge judiciaire sur ce point ; que leurs prétentions doivent ainsi être rejetées ;

Sur les préjudices à caractère personnel :

Considérant en premier lieu qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le Tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône, que M. A a souffert d'une hépatite C chronique agressive parvenue, dès sa découverte en 1996, à un stade de fibrose importante avec nécrose inter lobulaire ; que l'intéressé a été contraint de subir plusieurs traitements antiviraux qui ont engendré des effets secondaires, notamment un syndrome dépressif et une asthénie importante, sans parvenir à éradiquer le virus de son organisme ; que les traitements médicamenteux ont été interrompus à la suite , en mars 2004, d'une première décompensation d'une cirrhose qui s'était constituée chez l'intéressé ; que M. A a été victime de nouvelles décompensations oedémato-ascitiques dans un contexte septique avec notamment une infection à campilobacter jéjuni et une pneumopathie avec pleurésie ; que la gravité de l'état de santé de l'intéressé a nécessité une transplantation hépatique qui a finalement été réalisée en juillet 2005 ; que M. A devait s'astreindre à un traitement immunosuppresseur de durée indéfinie ; que si le foie transplanté fonctionnait, selon l'expert, de façon satisfaisante, il avait toutefois été contaminé par le virus de l'hépatite C ; que M. A présentait une charge virale importante témoignant d'une hépatite à nouveau active ; que la victime devait s'astreindre à une surveillance médicale régulière tout en éprouvant des craintes légitimes quant à l'évolution de son état de santé ; que M. A a connu plusieurs périodes d'incapacité temporaire totale et partielle en lien avec la contamination litigieuse ; que si l'expert n'a pas fixé un taux d'incapacité permanente partielle, il n'en demeure pas moins que M. A présentait nécessairement, compte tenu de sa pathologie hépatique active, une telle incapacité même si, de par sa volonté, il a mené une vie professionnelle presque normale ; que, sans qu'il soit besoin d'organiser un complément d'expertise, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature ainsi subis par M. A dans ses conditions d'existence en les évaluant à la somme de 100 000 euros, laquelle inclut la réparation du préjudice d'agrément, du préjudice sexuel et la souffrance morale liée aux incertitudes concernant l'évolution de son état de santé ;

Considérant en deuxième lieu que M. A a notamment subi une transplantation hépatique, des traitements aux effets secondaires importants et des décompensations oedémato-ascitiques, ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; qu'il a par ailleurs été contraint d'endurer plusieurs biopsies hépatiques dont une, sur l'organe transplanté, qui s'est compliquée d'une hémorragie et a nécessité une reprise chirurgicale ; que l'expert a qualifié les souffrances physiques endurées de très importantes et les a évaluées à 6 sur une échelle de 7 ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 20 000 euros ;

Considérant enfin que M. A a enduré un préjudice esthétique temporaire lié aux décompensations oedémateuses et restait atteint d'un préjudice esthétique permanent, constitué d'importantes cicatrices de laparotomie et de chirurgie du foie, qualifié de modéré par l'expert ; que ce chef de préjudice sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 3 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la somme destinée à réparer le préjudice de M. A et évaluée par le jugement attaqué à 37 318,88 euros doit être portée à 125 318,88 euros ;

S'agissant des préjudices de Mme Emmanuelle A et de Mlles Floriane et Pauline A :

Sur les demandes tendant à la réparation des préjudices imputables au décès de M. A :

Considérant que M. A a été hospitalisé le 5 août pour une résection endoscopique de la vessie qui a été pratiquée le 12 août ; qu'après des suites opératoires simples, il a développé un état de choc hépatique et une souffrance viscérale diffuse et est décédé le 24 août suivant ; que ses héritiers, qui sollicitaient déjà l'indemnisation de leurs préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux propres, sont recevables à faire valoir dans la présente instance l'aggravation de ces préjudices du fait de ce décès dans la mesure où ce dernier serait imputable à la maladie contractée lors de la transfusion ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par la CRCI en novembre 2008 que si la cause de la dégradation de l'état de santé de M. A du 15 au 16 août, dont l'issue a été fatale, est multifactorielle, la défaillance multi viscérale s'explique par l'état antérieur de M. A dans une proportion de 80 % dès lors que ce dernier était atteint de la maladie de Burton d'une part, souffrait d'une insuffisance hépatique d'autre part et enfin était immunodéprimé du fait de la greffe hépatique qu'il avait subie en 2005 ; que, dans ces conditions il peut être regardé comme établi que la contamination transfusionnelle dont M. A était atteint a induit des prédispositions aux graves complications de l'opération d'août 2008 et lui a fait perdre une chance de guérison ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, en condamnant l'ONIAM à réparer 40 % des préjudices imputables au décès de M. A ;

Sur les préjudices patrimoniaux :

Considérant d'une part que Mme A n'établit pas une perte de revenu ou un préjudice économique imputable à l'affection hépatique de son époux avant le décès de ce dernier ;

Considérant d'autre part qu'il résulte de l'instruction qu'au moment du décès de M. A, le salaire net mensuel de M. A était de 4 700 euros et celui de Mme de 4 000 euros en moyenne ; que leurs revenus annuels peuvent donc être évalués à 104 400 euros ; qu'eu égard à la part de consommation personnelle de M. A qui peut être fixée à 30 %, les pertes de revenus du foyer du fait du décès de ce dernier doivent être évaluées à 25 000 euros par an, la part de sa veuve étant de 70 % et celle de chacune de ses filles de 15 %, soit respectivement 17 500 euros et 3 750 euros ; que compte tenu de la perte de chance imputable à la contamination, l'ONIAM doit être condamné à verser une rente annuelle de 7 000 euros à Mme A et de 1 500 euros à chacune de ses filles jusqu'à leur vingtième anniversaire ; que ces rentes revalorisées par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, seront versées annuellement sous réserve que la situation du foyer ne connaisse pas de modification ;

Sur les préjudices personnels :

Considérant que l'affection hépatique de M. A est à l'origine pour son épouse et ses filles d'un préjudice moral et de troubles de toute nature dans ses conditions d'existence ; que compte tenu de la part du préjudice imputable au décès qui est réparable dans ce cadre, ces préjudices seront justement évalués en les fixant à 15 000 euros pour Mme A et à 10 000 euros pour chacune de ses filles, dont les parts respectives imputables au décès seront fixées à 10 000 et 7 000 euros ; qu'eu égard au pourcentage de perte de chance ci-dessus mentionné, l'ONIAM devra verser à Mme A une somme de 9 000 euros et à chacune des filles une somme de 5 800 euros ;

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Villefranche-sur-Saône tendant à l'application des dispositions de l'ordonnance du 24 janvier 1996 :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Villefranche sur Saône a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 966 euros auquel elle est fixée, à la date de la présente décision, par l'arrêté interministériel du 1er décembre 2009 ; qu'il y a lieu de porter à ce montant l'indemnité allouée à ce titre en première instance ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang le versement à Mme A d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Villefranche-sur-Saône présentées sur ce fondement ;

DECIDE :

Article 1er : Les sommes que l'Etablissement français du sang a été condamné, par l'article 1er du jugement susvisé du Tribunal administratif de Lyon no 0605758 du 6 mai 2008, à payer pour la réparation des préjudices respectifs de M. A, de son épouse et de chacune de ses filles sont portées de 37 318,88 euros à 125 318,88 euros, de 4 000 à 9 000 euros et de 1 000 à 5 800 euros. Elles seront versées par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à Mme A.

Article 2 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera à Mme A une rente annuelle de 7 000 euros et à chacune de ses filles jusqu'à leur vingtième anniversaire une rente annuelle de 1 500 euros. Ces rentes, qui seraient revalorisées en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, pourront être remises en cause en cas de changement dans la situation du foyer.

Article 3 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est substitué à l'Etablissement français du sang dans la condamnation de ce dernier, par l'article 2 du même jugement, à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Villefranche-sur-Saône une somme de 184 483,39 euros, outre l'indemnité forfaitaire qui sera portée de 910 euros à 966 euros.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon no 0605758 du 6 mai 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera une somme de 2 000 euros à Mme A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête et de la caisse primaire d'assurance maladie de Villefranche-sur-Saône est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Emmanuelle A, à l'Etablissement français du sang, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de Villefranche-sur-Saône.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2010 à laquelle siégeaient :

Mme Serre, présidente de chambre,

MM. Picard et Stillmunkes, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 23 septembre 2010.

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No 08LY01653


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY01653
Date de la décision : 23/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SERRE
Rapporteur ?: Mme Claire SERRE
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : CHOULET-BOULOUYS-KLINZ AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-09-23;08ly01653 ?
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