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21/06/2010 | FRANCE | N°08NC00531

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 21 juin 2010, 08NC00531


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 avril 2008, complétée par un mémoire enregistré le 12 novembre 2009, présentée pour l'EARL ROBINET, dont le siège est 45 rue Saint Hilaire à Le Fresne sur Moivre (51240), par le cabinet Devarenne, avocats ; l'EARL ROBINET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500749 en date du 13 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 132 074,64 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 24 jan

vier 2005, en réparation du préjudice que lui a causé l'illégalité de la d...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 avril 2008, complétée par un mémoire enregistré le 12 novembre 2009, présentée pour l'EARL ROBINET, dont le siège est 45 rue Saint Hilaire à Le Fresne sur Moivre (51240), par le cabinet Devarenne, avocats ; l'EARL ROBINET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500749 en date du 13 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 132 074,64 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2005, en réparation du préjudice que lui a causé l'illégalité de la décision du préfet de la Marne du 25 avril 2001 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 132 074,64 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2005, les intérêts étant eux mêmes capitalisés à compter de sa demande du 25 septembre 2007 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les premiers juges n'ont pu, sans commettre d'erreur, écarter sa demande d'indemnisation au motif que d'autres exploitants ont obtenu une autorisation d'exploiter les terres litigieuses alors que cette circonstance ne serait peut être pas advenue si le vice de procédure n'avait pas été commis et que c'est précisément là la cause de son préjudice ;

- sa demande devait être regardée comme prioritaire par rapport à celle présentée par les consorts , permettant l'installation d'un jeune agriculteur et l'agrandissement d'une exploitation familiale à responsabilité personnelle afin de lui permettre d'atteindre le seuil de 1,4 fois l'unité de référence ; les éléments de la candidature concurrente qui ont été pris en compte étaient purement hypothétiques et n'existaient pas à la date de la décision attaquée ;

- en tout état de cause, les fautes de l'administration lui ont fait perdre une chance de discuter les demandes concurrentes et d'être bénéficiaire de l'autorisation administrative ;

- son préjudice est de 360 euros par hectare et par an, soit pour les 20 ha 35 a 19 ca litigieux un montant de 132 074,64 euros à la date du 24 janvier 2005 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2009, présenté par le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- l'EARL ROBINET ne démontre pas que, si elle avait été mise à même de discuter le caractère prioritaire des demandes concurrentes, elle se serait vue délivrer l'autorisation d'exploiter les terres en cause ; l'autre candidat, jeune agriculteur, répondait aux critères du code rural et du schéma départemental des structures agricoles de la Marne ;

- l'EARL ROBINET ne peut pas plus, pour établir le caractère certain de son préjudice, se prévaloir de l'attestation du propriétaire déclarant accepter de lui donner en location les parcelles litigieuses, alors que celui-ci a délivré au GAEC , demandeur concurrent, une attestation identique ;

- l'EARL ROBINET n'a pas ressaisi l'administration d'une demande d'autorisation d'exploiter les terres objet de la décision annulée et c'est sa propre carence qui l'a privée de la possibilité d'obtenir le droit de les exploiter ;

- subsidiairement, le montant du préjudice invoqué n'est pas justifié ;

Vu les autres pièces du dossier ;

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées que l'arrêt paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction le 20 novembre 2009 à 16 heures ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2010 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,

- les conclusions de M. Wallerich, rapporteur public,

- et les observations de Me Keyser, avocat de l'EARL ROBINET ;

Considérant que l'EARL ROBINET, constitué en 1993, exploitant 102 ha 65a 36 ca de terres, a souhaité prendre à bail des parcelles appartenant aux consorts ; que suite à un premier refus d'exploiter 80 ha 2a 64 ca qui lui a été opposé par décision du 19 décembre 2000 du préfet de la Marne, l'EARL ROBINET a formé le 19 février 2001 une nouvelle demande pour 39 ha 33, a partiellement refusée par le préfet de la Marne le 25 avril 2001, qui a seulement autorisé l'exploitation de 18 ha 95 a 65 ca ; que ces deux décisions ont été annulées par le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne par deux jugements du 12 octobre 2004 ; que l'EARL ROBINET a alors saisi le préfet de la Marne le 26 janvier 2005 d'une demande, implicitement rejetée, tendant à obtenir l'indemnisation des pertes de revenus résultant du refus d'autoriser l'exploitation de 20 ha 35 a 19 ca qui lui a été opposée par la décision du 25 avril 2001 ; que l'EARL ROBINET relève appel du jugement du 13 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

Considérant que, quelle qu'en soit la nature, l'illégalité d'une décision administrative est fautive et, comme telle, susceptible d'engager la responsabilité de l'Administration dès lors qu'elle est à l'origine du préjudice subi ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le préfet de la Marne a, par sa décision précitée du 25 avril 2001, opposé un refus partiel d'exploiter à l'EARL ROBINET pour 20 ha 35 a 19 ca ; qu'il a concomitamment fait droit à la demande concurrente du GAEC pour l'exploitation de cette surface ; qu'il n'est pas contesté, toutefois, que M. Jean-François , né en 1969, était installé comme agriculteur depuis 8 ans et remboursait ses emprunts lorsque la commission a statué en avril 2001 ; qu'il relevait ainsi de la priorité 1.3 du schéma directeur départemental agrandissement d'exploitations détenues par des agriculteurs bénéficiaires d'aides à l'installation pour leur permettre de respecter leurs engagements , alors que MM. Maurice et Alain âgés respectivement de 53 ans et 52 ans ne pouvaient prétendre à un rang de priorité égal ou supérieur pour eux-mêmes ou pour le fils de M. Maurice , dont la reprise de l'exploitation lors du départ en retraite de son père n'était alors qu'à l'état de projet ; que le préfet de la Marne a dès lors commis une erreur d'appréciation en refusant, pour la surface de 20 ha 35 a 19 ca susmentionnée, l'autorisation d'exploiter sollicitée par l'EARL ROBINET, qui est dès lors fondée à demander réparation du préjudice présentant un lien de causalité avec l'illégalité fautive commise ;

Considérant que le préjudice invoqué présente un caractère certain, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le propriétaire avait donné son accord pour donner à bail les terres litigieuses à l'EARL ROBINET ; que toutefois, l'EARL n'ayant pas ressaisi l'administration d'une demande d'autorisation d'exploiter les terres objet de la décision annulée par le jugement susmentionné du 12 octobre 2004, le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche est fondé à soutenir que c'est sa propre carence qui l'a privée de la possibilité d'obtenir l'autorisation sollicitée pour la période postérieure audit jugement ; que la période indemnisable est donc celle délimitée par la décision de refus illégalement opposée à l'EARL ROBINET et le jugement du 12 octobre 2004, soit 42 mois ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice de perte de revenus nets supportée par la requérante, l' attestation de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles de la Marne produite sur ce point ne tenant pas compte des charges qui seraient à supporter pour l'exploitation des 20 ha litigieux, compte tenu de leurs spécificités, en l'évaluant à un montant annuel de 200 euros par hectare ; que, par suite, l'Etat doit être condamnée à verser à l'EARL ROBINET la somme de 14 246,33 euros ; que cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2005, les intérêts étant eux mêmes capitalisés à compter du 25 septembre 2007 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EARL ROBINET est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'EARL ROBINET et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0500749 du 13 mars 2008 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à l'EARL ROBINET une somme de 14 246,33 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2005 et capitalisés à compter du 25 septembre 2007.

Article 3 : L'Etat versera à l'EARL ROBINET une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de l'EARL ROBINET est rejeté.

Article 5: Le présent arrêt sera notifié à l'EARL ROBINET et au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

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N° 08NC00531


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC00531
Date de la décision : 21/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : SELAS CABINET DEVARENNE ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-06-21;08nc00531 ?
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