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21/06/2010 | FRANCE | N°08NC01057

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 21 juin 2010, 08NC01057


Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2008, présentée pour la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN, représentée par son président en exercice, ayant son siège 11 rue Poincaré BP 80719 à Verdun (55107), par la SELARL Vovan et associés, avocats; la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500720 en date du 6 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nancy l'a condamnée à verser à la SAEML Sovameuse une indemnité de 240 000 euros, tous intérêts confondus, au titre de prestations supplémentaires exécutées par elle dans l

e cadre d'un contrat conclu pour l'élimination des ordures ménagères ;

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Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2008, présentée pour la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN, représentée par son président en exercice, ayant son siège 11 rue Poincaré BP 80719 à Verdun (55107), par la SELARL Vovan et associés, avocats; la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500720 en date du 6 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nancy l'a condamnée à verser à la SAEML Sovameuse une indemnité de 240 000 euros, tous intérêts confondus, au titre de prestations supplémentaires exécutées par elle dans le cadre d'un contrat conclu pour l'élimination des ordures ménagères ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SAEML Sovameuse devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la SAEML Sovameuse une somme de 2 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement attaqué méconnaît l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 21 octobre 2004 de la Cour administrative d'appel de Nancy, qui a écarté les mêmes demandes dont elle était saisie par la SAEML Sovameuse ; l'enrichissement sans cause était déjà en débat, dès lors qu'il était excipé de l'irrégularité du contrat ;

- la demande de la SAEML Sovameuse devant le tribunal administratif était irrecevable en l'absence de demande indemnitaire préalable ; le marché a pour objet des prestations de services et non des travaux publics ; la communauté de communes n'y était pas partie contractante ;

- elle ne peut être regardée comme étant la bénéficiaire des prestations supplémentaires qu'auraient réalisées la SAEML Sovameuse alors même que le contrat liant l'entreprise au syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de l'agglomération verdunoise était résilié depuis trois ans lorsqu'elle lui a succédé ;

- la condition liée au caractère indispensable des prestations supplémentaires dont se prévaut la SAEML Sovameuse n'est pas remplie ; l'entreprise n'en a aucunement justifié ;

- la SAEML Sovameuse a accepté d'exécuter un contrat irrégulier ; également, elle ne pouvait ignorer la nécessité de conclure des avenants pour l'exécution de prestations au delà du montant fixé par le marché ; la faute commise ne saurait lui ouvrir droit à réparation ;

- l'indemnisation demandée par la SAEML Sovameuse ne saurait être fondée sur le prix de revient du litrage puisqu'il est constant que les prix offerts aux collectivités territoriales par cette entreprise étaient inférieurs ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2008, présenté pour la SAEML Sovameuse, dont le siège social est sis en l'Hôtel du département à Bar-le-Duc (55000), par Me Vaissier-Catarame avocat ;

La SAEML Sovameuse demande à la Cour :

1°) e rejeter la requête de la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN ;

2°) par la voie du recours incident, de réformer le jugement attaqué et porter le montant de l'indemnisation à la somme de 299 411 euros initialement réclamée ;

3°) de mettre à la charge de la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN une somme de 5 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la requête de la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN est irrecevable ; la délibération du 23 janvier 2002, adoptée antérieurement au renouvellement de l'organe délibérant de la communauté de communes, n'est pas de nature à habiliter son exécutif à faire appel du jugement attaqué ; aucune délibération autorisant l'exécutif de la communauté à ester en justice n'est produite ;

- il n'y a pas méconnaissance de la chose jugée, la Cour de céans ne s'étant prononcée que sur la responsabilité contractuelle et la nouvelle demande reposant sur d'autres fondements ;

- le moyen tiré de l'absence de demande indemnitaire préalable manque en fait, une demande ayant été déposée le 6 décembre 2004 ;

- la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN répond juridiquement du passif du syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de l'agglomération verdunoise ;

- elle a réalisé les prestations dont elle se prévaut, qui ne sont pas supplémentaires mais figuraient dans les prévisions du contrat ; si l'appel d'offres portait sur un volume estimatif de 1 300 000 litres, le CCTP a été conclu pour un volume de 1 595 900 litres ;

- la faute est le fait unique de la personne publique qui a lancé l'appel d'offres et conclu le contrat sans en avoir la compétence ;

- le montant de son indemnisation a été justement évalué sur la base du prix du marché initial majoré des intérêts ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2010 :

- rapport de M. Devillers premier conseiller,

- et les conclusions de M. Wallerich, rapporteur public ;

Considérant que, par un marché du 3 juin 1992, le Syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de l'agglomération verdunoise a confié à la SAEML Sovameuse la collecte, le transport et le traitement des ordures ménagères ainsi que la mise à disposition et l'entretien des bacs roulants ; que par un arrêt du 21 octobre 2004, la Cour de céans, statuant en appel de deux jugements du Tribunal administratif de Nancy en date des 17 février et 1er septembre 1998 a, d'une part, déclaré le contrat nul en raison de l'absence de compétence du SIVOM de l'agglomération verdunoise en matière de collecte et de traitement des ordures ménagères à la date de signature dudit contrat, et, d'autre part, rejeté les conclusions indemnitaires présentées par la SAEML Sovameuse à l'encontre du SIVOM de l'agglomération verdunoise pour un montant de 299 441 euros TTC, au motif que le contrat litigieux, entaché de nullité, n'avait pu faire naître aucun droit ni obligation dont les parties puissent se prévaloir ; que la SAEML Sovameuse a alors saisi le Tribunal administratif de Nancy de conclusions indemnitaires fondées sur les responsabilités quasi-contractuelle et quasi-délictuelle de la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN, venant aux droits et obligations du SIVOM de l'agglomération verdunoise ; que celle-ci fait appel du jugement du 6 mai 2008 par lequel le tribunal administratif l'a condamnée à verser à la SAEML Sovameuse une indemnité de 240 000 euros, tous intérêts confondus ; que la SAEML Sovameuse demande à la Cour de faire droit à l'intégralité de ses conclusions initiales ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, par arrêt du 21 octobre 2004 devenu définitif, la Cour administrative d'appel de Nancy a rejeté les conclusions indemnitaires de la SAEML Sovameuse dirigées contre le SIVOM de l'agglomération verdunoise, au motif que, le contrat étant entaché de nullité, de telles conclusions ne pouvaient être fondées sur la responsabilité contractuelle ; que toutefois, les nouvelles conclusions indemnitaires de la SAEML Sovameuse devant le tribunal administratif de Nancy, fondées sur les responsabilités quasi-contractuelle et quasi-délictuelle de la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN, reposent sur une cause juridique distincte ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait méconnu l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 21 octobre 2004 ne peut qu'être écarté ;

Sur les conclusions principales de la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité:

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de la SAEML Sovameuse devant le tribunal administratif :

Considérant que, contrairement à ce que soutient la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN, la SAEML Sovameuse l'a saisie, par courrier du 6 décembre 2004, réceptionné le 7 décembre, d'une demande préalable, portant sur le paiement de prestations effectuées au profit du SIVOM de l'agglomération verdunoise, de nature à lier le contentieux ; que, par suite, la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN n'est pas fondée à soutenir que la demande de la SAEML Sovameuse aurait été irrecevable faute d'avoir été précédée d'une réclamation préalable ;

En ce qui concerne la responsabilité de la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'arrêté du 27 décembre 2001 du préfet de la Meuse, portant dissolution du SIVOM de l'agglomération verdunoise, que les biens actifs et passifs de celui-ci afférents à la gestion des déchets ménagers ont été transférés à la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN ; que la SAEML Sovameuse est dès lors fondée, du fait de la nullité du marché litigieux, à rechercher sa responsabilité ;

En ce qui concerne le bien fondé de la demande de la SAEML Sovameuse et l'évaluation du montant des dépenses utiles :

Considérant que l'entrepreneur dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l'intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration, ce qui fait obstacle à l'exercice d'une telle action ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, l'entrepreneur peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le contrat conclu entre le SIVOM de l'agglomération verdunoise et la SAEML Sovameuse n'a pas été obtenu par celle-ci dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration ; que la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN ne peut utilement opposer à la demande de la SAEML Sovameuse, pour sa partie indemnisée par le Tribunal, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, la circonstance que l'entreprise a accepté d'exécuter un contrat irrégulier ou ignoré la nécessité de conclure des avenants pour l'exécution de prestations au delà du montant fixé par le marché ;

Considérant, en second lieu, que, dès lors que l'indemnisation réclamée par la SAEML Sovameuse est calculée sur la base de la rémunération de ses prestations prévue par le contrat, la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN n'est pas fondée à opposer à sa demande, fondée sur l'enrichissement dont elle a bénéficié à raison des prestations exécutées, la circonstance que cette entreprise pratiquerait au bénéfice de collectivités territoriales des tarifs inférieurs à ses prix de revient ;

Sur les conclusions incidentes de la SAEML Sovameuse :

Considérant que la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN ne conteste pas que la SAEML Sovameuse a exécuté, d'octobre 1992 à février 1997, d'une part, les prestations contractuelles de mise à disposition, maintenance et entretien d'un parc de containeurs, pour un litrage de 1 595 900 litres, tel que prévu par les stipulations de l'article 16 du cahier des clauses techniques particulières, dont 295 000 litres non encore rémunérés, d'autre part, des prestations complémentaires identiques, pour 206 520 litres, répondant aux besoins des usagers, dont ni le caractère indispensable ni l'utilité pour le SIVOM de l'agglomération verdunoise ne sont démentis ; que, par suite, la SAEML Sovameuse est fondée à demander à la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN, sur le double fondement de l'enrichissement sans cause résultant de l'accomplissement de ces prestations et de la faute quasi-délictuelle constituée du motif susmentionné de nullité du contrat, le remboursement des dépenses ainsi supportées et l'indemnisation du manque à gagner, pour le montant réclamé de 299 441 euros TTC, dont le mode de calcul, sur la base des prix du marché actualisés, n'est pas contesté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'indemnisation accordée à la SAEML Sovameuse par le jugement attaqué du Tribunal administratif de Nancy doit être portée à la somme de 299 441 euros TTC ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la SAEML Sovameuse et non compris dans les dépens ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAEML Sovameuse, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN demande au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN est rejetée.

Article 2 : La somme que la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN a été condamnée à verser à la SAEML Sovameuse par le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 6 mai 2008 est portée à la somme de 299 441 euros TTC.

Article 3 : Le jugement du Tribunal de Nancy en date du 6 mai 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN versera une somme de

1 000 (mille) euros à la SAEML Sovameuse au titre des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE VERDUN et à la SAEML Sovameuse.

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N° 08NC01057


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: M. Pascal JOB
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : SELARL VOVAN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 21/06/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08NC01057
Numéro NOR : CETATEXT000022445902 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-06-21;08nc01057 ?
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