La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/09/2009 | FRANCE | N°08NT01554

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 14 septembre 2009, 08NT01554


Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2008, présentée pour la SAS SOMADIS, dont le siège est avenue de Paris à Margon (28400), par Me Blanchard, avocat au barreau de Nantes ; la SAS SOMADIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-2504 du 6 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 octobre 2003 pour un montant de 340 996 euros ;

2°) de prononcer la restitution demandée ;
>3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'articl...

Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2008, présentée pour la SAS SOMADIS, dont le siège est avenue de Paris à Margon (28400), par Me Blanchard, avocat au barreau de Nantes ; la SAS SOMADIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-2504 du 6 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 octobre 2003 pour un montant de 340 996 euros ;

2°) de prononcer la restitution demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité du 25 mars 1957 instituant la communauté économique européenne, devenue Communauté européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code rural ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la décision n° 2005/474/CE de la Commission européenne du 14 décembre 2004 concernant la taxe sur les achats de viande (taxe d'équarrissage) mise à exécution par la France ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 relative aux lois de finance ;

Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural ;

Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 portant loi de finance rectificative pour 2000, notamment son article 35 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mars 2009 :

- le rapport de Mme Specht, rapporteur ;

- les conclusions de M. Hervouet, rapporteur public ;

- et les observations de Me Blanchard, avocat de la SAS SOMADIS ;

Considérant que la SA SOMADIS, qui exploite un supermarché à Le Margon (Eure-et-Loir) demande la restitution de la taxe sur les achats de viande prévue par l'article 302 bis ZD du code général des impôts qu'elle a acquittée au titre des années 2001, 2002 et 2003 ;

Sur la régularité du retrait des décisions de dégrèvement :

Considérant que la réclamation présentée par la SA SOMADIS le 19 décembre 2003 et tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande déclarée et versée au titre de la période du 1er janvier 2001 au 30 octobre 2003 a fait l'objet d'une décision de dégrèvement total du 6 septembre 2004, puis d'une décision du 7 décembre 2004 par laquelle l'administration a annulé le dégrèvement annoncé, a informé la société de ce que la taxe versée au cours de la période considérée était légalement fondée et ne pouvait être remboursée et qu'elle disposait d'un délai de trente jours pour présenter ses observations, puis a, par décision du 24 mai 2005, rejeté sa demande de restitution de la taxe sur les achats de viande ;

Considérant que les impositions ayant fait l'objet des décisions de dégrèvement ont été acquittées spontanément par la société ; qu'ainsi, les dispositions du livre des procédures fiscales, notamment celles des articles L. 57 et suivants, relatives à la rectification des déclarations du contribuable ne pouvaient trouver à s'appliquer en l'espèce ; que la décision du 7 décembre 2004 annulant le dégrèvement n'étant pas détachable de la procédure d'imposition qui relève des dispositions spécifiques du livre des procédures fiscales, notamment celles relatives au délai de reprise de l'administration, la SA SOMADIS ne peut, par suite, utilement invoquer ni les dispositions de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 susvisée relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, ni les règles générales relatives au retrait des actes administratifs ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des articles 87 et 88 du Traité instituant la communauté européenne :

Considérant qu'aux termes de l'article 87 du Traité instituant la communauté européenne : 1. Sauf dérogations prévues par le présent Traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions (...) ; qu'aux termes de l'article 88 du même Traité : 1. La commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États (...) 2. Si (...) la commission constate qu'une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d'État, n'est pas compatible avec le marché commun, (...) elle décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine (...) 3. La commission est informée en temps utiles pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, (...) elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des communautés européennes, si une aide de la nature de celles visées par l'article 87 du Traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ledit Traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux États membres la dernière phrase du 3, paragraphe précité, de l'article 88 du Traité, d'en notifier à la commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ;

Considérant toutefois que la double obligation de notifier et de ne pas exécuter avant la décision de la Commission ne s'étend au mode de financement d'une mesure d'aide que lorsqu'il en fait partie intégrante ; qu'une taxe ou une partie d'une taxe ne peut être regardée comme faisant partie intégrante d'une mesure d'aide que s'il existe nécessairement un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 susvisée, codifié à l'article 302 bis ZD du code général des impôts, a institué à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viandes dont le produit était affecté à un fonds ayant pour objet de financer le service de collecte et d'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, c'est-à-dire les activités définies comme mission de service public par l'article 264 du code rural, ledit fonds étant géré par le centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) ; que l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 portant loi de finances rectificative pour 2000, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2001, a, au I., apporté certaines modifications au mécanisme de la taxe et, au II., clairement supprimé, à compter du 1er janvier 2001, l'affectation au CNASEA du produit de cette taxe lequel a été affecté par la loi de finances pour 2001 au budget général de l'État ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la taxe sur les achats de viande n'entrait pas, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du Traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat et que, par suite, doit être rejeté le moyen tiré de ce que les autorités françaises auraient méconnu, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, les obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du Traité instituant la communauté européenne ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des articles 23, 25 et 90 du Traité instituant la Communauté européenne :

Considérant qu'aux termes de l'article 23 du Traité instituant la communauté européenne : I. La communauté est fondée sur une union douanière qui s'étend à l'ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l'interdiction entre les Etats membres des droits de douane à l'importation et à l'exportation et de toutes taxes d'effet équivalent, (...) ; qu'aux termes de l'article 25 du même Traité : Les droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent sont interdits entre les États membres. Cette interdiction s'applique également aux droits de douane à caractère fiscal.; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 90 dudit Traité : Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires. (...) ;

Considérant que constitue une taxe d'effet équivalent à un droit de douane, au sens des stipulations précitées du Traité, toute charge unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, et frappant les marchandises en raison du fait qu'elles franchissent la frontière ; qu'il en va de même lorsque les ressources procurées par une taxe, frappant simultanément les produits nationaux ou importés ou issus d'une acquisition intracommunautaire, sont ensuite affectées de manière à compenser intégralement la charge supportée par les seuls produits nationaux ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 302 bis ZD du code général des impôts que la taxe qu'il institue est due sur les achats de viande et d'autres produits à base de viande, quelle qu'en soit la provenance, effectués par les personnes qui réalisent des ventes au détail de ces viandes et autres produits ; qu'elle appréhende ainsi systématiquement les produits nationaux et les produits faisant l'objet d'acquisitions intracommunautaires ou importés, au même stade de la commercialisation et selon les mêmes critères ; que son produit n'est pas affecté à un fonds qui serait exclusivement destiné à alimenter des activités profitant spécifiquement aux produits nationaux imposés mais au budget général de l'Etat ; que, dans ces conditions, la taxe sur les achats de viande ne peut être regardée comme ayant un effet équivalent à un droit de douane au sens des stipulations précitées du Traité instituant la communauté européenne ; qu'en l'absence de lien d'affectation contraignant entre la taxe instituée à l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2000 et les éventuelles mesures d'aides accordées par l'Etat, le régime de la taxe litigieuse n'est pas davantage assimilable à une imposition intérieure discriminatoire prohibée par l'article 90 ;

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que l'administration aurait pris position sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ;

Considérant que, alors même qu'elle faisait suite à une demande de la SA SOMADIS, la décision de dégrèvement, non motivée, prononcée par l'administration le 6 septembre 2004 ne constitue pas une prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation d'une situation de fait au regard du texte fiscal ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS SOMADIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la SAS SOMADIS la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS SOMADIS est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS SOMADIS et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

''

''

''

''

N° 08NT01554 2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 08NT01554
Date de la décision : 14/09/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : BLANCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2009-09-14;08nt01554 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award