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20/10/2010 | FRANCE | N°08PA04963

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 20 octobre 2010, 08PA04963


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 septembre 2008, présentée pour la société METRO CASH et CARRY FRANCE, venant aux droits et obligations des sociétés METRO LSG Villeneuve-la-Garenne, METRO LSG Chennevières-sur-Marne, METRO LSG Lomme-les-Lille, METRO LSG Bordeaux, METRO LSG Vitry-sur-Seine, METRO LSG Nanterre, METRO LSG Bobigny, METRO LSG Marseille, METRO LSG Vaulx-en-Velin, METRO LSG Nantes, METRO LSG Nice, METRO LSG Toulouse, METRO LSG Montpellier, METRO LSG Sassenage, METRO LSG Sotteville-lès-Rouen, METRO LSG Souffelweyersheim, METRO LSG Six-Fours-les-Plages, ME

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 septembre 2008, présentée pour la société METRO CASH et CARRY FRANCE, venant aux droits et obligations des sociétés METRO LSG Villeneuve-la-Garenne, METRO LSG Chennevières-sur-Marne, METRO LSG Lomme-les-Lille, METRO LSG Bordeaux, METRO LSG Vitry-sur-Seine, METRO LSG Nanterre, METRO LSG Bobigny, METRO LSG Marseille, METRO LSG Vaulx-en-Velin, METRO LSG Nantes, METRO LSG Nice, METRO LSG Toulouse, METRO LSG Montpellier, METRO LSG Sassenage, METRO LSG Sotteville-lès-Rouen, METRO LSG Souffelweyersheim, METRO LSG Six-Fours-les-Plages, METRO LSG Saint-Etienne, METRO LSG Hénin-Beaumont, METRO LSG Lisses, METRO LSG Limonest, METRO LSG Marseille-la-Valentine, METRO LSG Metz, METRO LSG Soge et METRO CENTRALE D'ACHATS, dont le siège est 5 rue des Grands Prés à Nanterre (92000), par Me Cortez ; la société METRO CASH et CARRY FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0309582 du 25 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices financiers qu'elle a subis résultant de la mise en oeuvre des modalités édictées par l'Etat à la suite de la suppression de la règle dite du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

2°) de prononcer la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 4 709 719 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2002 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu la loi n° 93-859 du 22 juin 1993 de finances rectificative pour 1993 ;

Vu le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 ;

Vu l'arrêté du 15 mars 1996 fixant le taux d'intérêt applicable à compter du 1er janvier 1995 aux créances résultant de la suppression du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-595 du 3 décembre 2009 ;

Vu l'arrêt du 18 décembre 2007 de la Cour de justice de l'Union européenne rendu dans l'affaire C-368/06 SA Cedilac ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2010 :

- le rapport de Mme Dhiver, rapporteur,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;

Considérant que la société METRO CASH et CARRY FRANCE, venant aux droits et obligations des sociétés METRO LSG Villeneuve-la-Garenne, METRO LSG Chennevières-sur-Marne, METRO LSG Lomme-les-Lille, METRO LSG Bordeaux, METRO LSG Vitry-sur-Seine, METRO LSG Nanterre, METRO LSG Bobigny, METRO LSG Marseille, METRO LSG Vaulx-en-Velin, METRO LSG Nantes, METRO LSG Nice, METRO LSG Toulouse, METRO LSG Montpellier, METRO LSG Sassenage, METRO LSG Sotteville-lès-Rouen, METRO LSG Souffelweyersheim, METRO LSG Six-Fours-les-Plages, METRO LSG Saint-Etienne, METRO LSG Hénin-Beaumont, METRO LSG Lisses, METRO LSG Limonest, METRO LSG Marseille-la-Valentine, METRO LSG Metz, METRO LSG Soge, METRO CENTRALE D'ACHATS, fait appel du jugement du 25 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis, de l'année 1993 à l'année 2002, à la suite de la mise en oeuvre des modalités de la suppression, prévue à l'article 271 A du code général des impôts, de la règle dite du décalage d'un mois en matière de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et résultant, d'une part, du mécanisme de remboursement différé de la créance, d'autre part, de la rémunération insuffisante de cette créance provenant des taux de 4,5 %, 1 % et 0,1 % successivement fixés par arrêtés du ministre chargé du budget pour les intérêts échus en 1993, puis à compter du 1er janvier 1994 et du 1er janvier 1995 ; que, dans le dernier état de ses écritures, elle demande à la Cour la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 4 709 719 euros, majorée des intérêts légaux et de leur capitalisation, correspondant à la différence entre le montant des intérêts effectivement perçus et le montant des intérêts calculés au taux effectif du marché annuel pratiqué par les banques pour les prêts aux entreprises à taux fixe supérieurs à deux ans ou, subsidiairement à un taux de 4,5 %, ou, encore plus subsidiairement, à la moitié du taux applicable aux obligations assimilables du Trésor, ainsi qu'une somme de 300 000 euros ;

Sur la demande de condamnation de l'Etat :

Considérant que, par les dispositions de l'article 2 de la loi du 22 juin 1993 portant loi de finances rectificative pour 1993, le législateur a mis fin à la règle dite du décalage d'un mois , selon laquelle les assujettis ne pouvaient déduire immédiatement de la taxe sur la valeur ajoutée dont ils étaient redevables la taxe payée sur les biens ne constituant pas des immobilisations et sur les services, la déduction ne pouvant être opérée que le mois suivant ; qu'afin d'étaler sur plusieurs années l'incidence budgétaire de ce changement de règle, qui entraînait l'imputabilité sur la taxe due par les assujettis au titre du premier mois de sa prise d'effet, soit le mois de juillet 1993, de la taxe ayant grevé des biens et services acquis au cours de deux mois, soit les mois de juin et juillet 1993, les dispositions du II du même article 2 de la loi du 22 juin 1993, insérant dans le code général des impôts un article 271 A, ont prévu que, sous réserve d'exceptions et d'aménagements divers, les redevables devraient soustraire du montant de la taxe déductible ainsi déterminé celui d'une déduction de référence (...) égale à la moyenne mensuelle des droits à déduction afférents aux biens ne constituant pas des immobilisations et aux services qui ont pris naissance au cours du mois de juillet 1993 et des onze mois qui précèdent , que les droits à déduction de la sorte non exercés ouvriraient aux redevables une créance (...) sur le Trésor (...) convertie en titres inscrits en compte d'un égal montant , que des décrets en Conseil d'Etat détermineraient, notamment, les modalités de remboursement de ces titres, ce remboursement devant intervenir à hauteur de 10 % au minimum pour l'année 1994 et pour les années suivantes de 5 % par an au minimum (...) et dans un délai maximal de vingt ans , et, enfin, que les créances porteraient intérêt à un taux fixé par arrêté du ministre du budget sans que ce taux puisse excéder 4,5 % ; que le décret du 14 septembre 1993 a prévu le remboursement, dès 1993, de la totalité des créances qui n'excédaient pas 150 000 F et d'une fraction au moins égale à cette somme et au plus égale à 25 % du montant des créances qui l'excédaient, le taux d'intérêt applicable en 1993 étant fixé à 4,5 % par un arrêté du 15 avril 1994 ; que le décret du 6 avril 1994 a prévu le remboursement du solde des créances à concurrence de 10 % de leur montant initial en 1994 et de 5 % chaque année suivante, le taux d'intérêt étant fixé à 1 % pour 1994, puis à 0,1 % pour les années suivantes, par les arrêtés du 17 août 1995 et du 15 mars 1996 ; qu'enfin, le décret du 13 février 2002 a prévu le remboursement anticipé immédiat des créances non encore soldées, et celui des créances non encore portées en compte dès leur inscription ;

En ce qui concerne les conclusions relatives aux années 1993 à 1997 :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ; que selon l'article 2 de cette même loi : La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; / Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné. / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ; qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, (...) ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ; qu'enfin, aux termes de l'article 7 de la même loi : L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond (...) ;

Considérant, en premier lieu, que les dispositions précitées s'appliquent à l'ensemble des dettes de l'Etat, y compris lorsque la créance est fondée sur une méconnaissance des engagements internationaux ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, elle avait la possibilité de contester les dispositions mettant fin à la règle dite du décalage d'un mois dès leur publication en 1993 ; que l'intéressée a, en outre, eu connaissance, pour les années en cause, des taux d'intérêt appliqués à la créance qu'elle détenait sur le Trésor public, au plus tard lors de la publication des arrêtés les fixant, en date respectivement des 15 avril 1994, 17 août 1995 et 15 mars 1996 ; que, dès lors, la requérante ne pouvait légitimement ignorer l'existence du préjudice et de la créance dont elle se prévaut ainsi que le montant de cette créance ; qu'elle ne saurait, par suite, valablement soutenir que, la publication du décret du 13 février 2002 lui ayant permis de constater qu'elle avait subi un préjudice définitif et la créance de taxe sur la valeur ajoutée n'étant pas exigible avant cette date, la prescription quadriennale n'avait pu courir avant ladite publication ; que la créance indemnitaire dont se prévaut la société requérante, qui est relative à la réparation du préjudice financier né de la rémunération insuffisante de la créance qu'elle détenait sur le Trésor, est distincte de celle constituée par les intérêts versés par l'Etat en application des arrêtés mentionnés ci-dessus au cours des années 1994 à 1996 ; que l'article 21 la loi de finances pour 1994, les décrets des 6 avril 1994 et 13 février 2002 et les arrêtés en date des 15 avril 1994, 17 août 1995 et 15 mars 1996 n'ont pas constitué des communications écrites de l'administration ayant trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, interruptives de prescription au sens du cinquième alinéa de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 ; qu'en outre, la société requérante, qui disposait de la possibilité de saisir du litige le tribunal administratif compétent, n'est pas fondée à soutenir que la prescription qui lui est opposée porterait atteinte au droit au recours effectif prévu par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, les délais de prescription n'ont pu être interrompus par des recours formés par d'autres contribuables s'étant trouvés dans des situations comparables, mais titulaires de créances différentes, ni par le recours pour excès de pouvoir dirigé contre le décret susmentionné en date du 13 février 2002, en tout état de cause présenté à une date à laquelle la prescription des sommes réclamées au titre de chaque annuité jusqu'au 31 décembre 1997 était déjà acquise ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'à supposer que, dans son mémoire enregistré le 6 novembre 2009, la requérante ait entendu faire valoir que la loi du 31 décembre 1968 serait contraire à la Constitution, il résulte de la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-595 du 3 décembre 2009 que seules sont recevables les questions prioritaires de constitutionnalité présentées à compter de l'entrée en vigueur de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, soit le 1er mars 2010, dans un mémoire distinct et motivé ; qu'aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative, dans sa rédaction résultant du décret n° 2010-148 du 16 février 2010 : Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé ... ; qu'aux termes de l'article R. 771-4 du même code dans sa rédaction issue dudit décret : L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ; que l'article 7 du même décret dispose : Le présent décret entre en vigueur le 1er mars 2010. Dans les instances en cours, une question prioritaire de constitutionnalité doit, pour être recevable, être présentée sous la forme d'un mémoire distinct et motivé produit postérieurement à cette date. Le cas échéant, la juridiction ordonne la réouverture de l'instruction pour les seuls besoins de l'examen de la question prioritaire de constitutionnalité, si elle l'estime nécessaire ; que, par suite et en tout état de cause, le moyen doit être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, que la demande de la société requérante tendant à la réparation d'un préjudice financier au titre des années 1993 à 2002, en date du 30 décembre 2002, a été reçue par l'administration le 31 décembre 2002 ; que la prescription était, dès lors, acquise au profit de l'Etat, pour les sommes réclamées au titre de chaque annuité jusqu'au 31 décembre 1997 ; que c'est, par suite, à bon droit que l'administration a opposé l'exception de prescription quadriennale aux conclusions de la société requérante relatives aux années 1993 à 1997 ;

En ce qui concerne les conclusions relatives aux années 1998 à 2002 :

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient le ministre, la réclamation préalable reçue le 31 décembre 2002 visait à obtenir réparation d'un préjudice résultant des modalités de mise en oeuvre de la suppression de la règle du décalage d'un mois définies à l'article 271 A du code général des impôts ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par le ministre doit être écartée ;

Considérant, en deuxième lieu, que, selon l'article 17, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires applicable au présent litige, le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible et que, selon l'article 18, paragraphe 2, de la même directive, la déduction est opérée par imputation sur le montant de la taxe due pour une période de déclaration du montant de la taxe pour laquelle le droit à déduction a pris naissance au cours de la même période ; que l'article 28, paragraphe 3, sous d) a toutefois prévu que les Etats membres pourraient, pendant une période transitoire, continuer à appliquer des dispositions dérogeant au principe de la déduction immédiate prévue par l'article 18, paragraphe 2 ; que, par un arrêt du 18 décembre 2007 rendu dans l'affaire C-368/06 SA Cedilac dans le cadre de la procédure de questions préjudicielles, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les articles 17 et 18 de la sixième directive ne s'opposent pas au régime transitoire institué par la France à l'occasion de la suppression de la règle du décalage d'un mois autorisée par l'article 28, paragraphe 3, sous d) de la même directive, pour autant qu'il soit vérifié par le juge national que, dans son application au cas d'espèce, le régime transitoire réduit les effets de la disposition nationale dérogatoire antérieure ; qu'il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en instaurant un tel régime transitoire, qui lui est plus favorable que les règles prévalant antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative pour 1993, dès lors, notamment, qu'il permet à la créance née de sa mise en oeuvre de produire des intérêts et limite la créance de l'assujetti qui n'est pas immédiatement remboursable au seul montant d'une déduction de référence égale à la moyenne mensuelle des droits à déduction acquis des mois d'août 1992 à juillet 1993, et alors même qu'un tel système lui serait moins favorable que l'application pure et simple du principe de déduction immédiate prévu par la directive, le dispositif législatif en cause serait contraire aux dispositions des articles 17 et 18 de la sixième directive, ainsi qu'aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou tout autre situation ; que les dispositions des 1 à 5 de l'article 271 A du code général des impôts issues du II de l'article 2 de la loi du 22 juin1993 n'ont conduit à reporter le remboursement que d'une somme représentant un mois moyen d'excédent de taxe et non de la totalité des excédents qui ont pu être constatés, somme calculée sur une période allant du 1er août 1992 au 31 juillet 1993 et, ainsi, pour les onze douzièmes, antérieure à l'entrée en vigueur de la nouvelle rédaction du 3 du I de l'article 271 du code général des impôts, issue du I de l'article 2 de la loi du 22 juin 1993 et supprimant le décalage d'un mois ; que, s'agissant des assujettis relevant du régime réel normal d'imposition, l'article 8 du décret du 14 septembre 1993 a prévu le remboursement immédiat de la totalité des créances n'excédant pas 150 000 F et, à concurrence de 25 %, le remboursement immédiat des créances d'un montant supérieur, avec un minimum de 150 000 F ; que ce texte, dès lors, d'une part, qu'il a garanti aux titulaires d'une créance excédant 150 000 F un remboursement d'un montant au moins égal à cette somme et, d'autre part, qu'il était applicable à l'ensemble des entreprises assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et leur a permis d'obtenir le remboursement intégral desdites créances, n'a créé aucune discrimination avec les titulaires de créances d'un montant inférieur et n'a pas eu pour effet de créer une différence de traitement injustifiée entre redevables de la taxe sur la valeur ajoutée selon la taille des entreprises concernées ; qu'en outre, la circonstance que les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée concernés par le dispositif de remboursement progressif des créances nées de la suppression du décalage d'un mois avaient la qualité de créancier de l'Etat n'imposait pas de leur réserver un traitement identique aux autres créanciers de l'Etat, notamment les porteurs d'obligations assimilables du Trésor, qui ne se trouvaient pas dans la même situation ; que les différences de rémunération afférentes aux titres de ces deux catégories de créanciers présentaient ainsi une justification objective ; qu'il suit de là que, si les créances de taxe sur la valeur ajoutée nées de l'instauration d'un régime de déduction immédiate supérieures à un certain montant ont fait l'objet d'un remboursement différé et ont donné lieu à un niveau de rémunération inférieur à celui des taux d'intérêts du marché ou à ceux auxquels peuvent prétendre d'autres catégories de créanciers de l'Etat, la distinction ainsi introduite par le législateur et qui est pertinente au regard des buts poursuivis, n'a pas abouti à des effets disproportionnés au regard des buts poursuivis et ne pouvait être regardée comme une discrimination prohibée par les stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ;

Considérant que les stipulations précitées ne faisaient pas obstacle, en elles-mêmes, à la mise en oeuvre d'un dispositif transitoire destiné à répartir sur plusieurs années la charge de remboursement de la créance née de la suppression de la règle du décalage d'un mois, ni même à ce que la créance sur le Trésor public mentionnée par le II de l'article 2 de la loi du 22 juin 1993 fût rémunérée à un taux inférieur à celui applicable aux autres créances sur l'Etat, compte tenu de l'intérêt qui s'attachait à la conciliation de l'instauration d'un régime de droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée se rapprochant des règles de droit commun prévues par la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 avec la nécessité de limiter l'impact budgétaire d'une telle mesure ; qu'il suit de là que les dispositions de l'article 271 A du code général des impôts, en ce qu'elles se bornaient à plafonner à 4,5 % le taux de rémunération des créances sur le Trésor public résultant de la suppression du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée, n'étaient pas, par elles-mêmes, contraires aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il en va de même des dispositions de l'arrêté du 15 avril 1994 fixant à 4,5 % le taux d'intérêt rémunérant ces mêmes créances, dès lors que, compte tenu notamment de l'origine de ces créances, elles préservaient un juste équilibre entre le respect des biens des contribuables et les motifs d'intérêt général avancés par l'administration ;

Considérant, toutefois, eu égard notamment au caractère incessible des créances mentionnées à l'article 271 A du code général des impôts et au délai dans lequel ces dernières ont été remboursées, que les stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au respect de la propriété privée faisaient obstacle à ce que le ministre chargé du budget arrêtât, sur le fondement des dispositions de l'article 271 A du code général des impôts, un taux de rémunération de cette créance aboutissant à une dépréciation de celle-ci en termes réels ; qu'il suit de là qu'en fixant, par l'arrêté du 15 mars 1996, un taux de 0,1 % pour les intérêts échus à compter du 1er janvier 1995, correspondant à un niveau de rémunération quasi-nul, et en maintenant ce taux pour les intérêts dus au titre des années 1998 à 2002, alors même que la part non encore remboursée des créances sur le Trésor revêtait un caractère de plus en plus résiduel, l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que, par suite, la société requérante est fondée à demander réparation du préjudice qu'elle a subi à ce titre ;

Considérant, néanmoins, que, d'une part, il résulte de l'instruction que la créance sur le Trésor détenue par la société METRO CASH et CARRY FRANCE, en tant qu'elle vient aux droits et obligations des sociétés METRO LSG Villeneuve-la-Garenne, METRO LSG Bordeaux, METRO LSG Bobigny, METRO LSG Marseille, METRO LSG Nice, METRO LSG Toulouse, METRO LSG Montpellier, METRO LSG Six-Fours-les-Plages, METRO LSG Saint-Etienne, METRO LSG Metz et METRO LSG Soge, a été entièrement remboursée avant l'année 2002 ; que, d'autre part, la requérante ne justifie pas de l'existence d'une créance qui aurait été détenue par les sociétés METRO LSG Souffelweyersheim, METRO LSG Hénin-Beaumont, METRO LSG Lisses, METRO LSG Limonest et METRO LSG Marseille-la-Valentine, aux droits et obligations desquelles elle vient également ; qu'enfin, la requérante, qui n'indique pas dans sa requête venir aux droits et obligations de la société METRO LSG Les Pennes Mirabeau, n'est, en tout état de cause, pas recevable à demander à ce titre la réparation du préjudice qui aurait été subi ;

Considérant que la société METRO CASH et CARRY FRANCE n'est susceptible de demander réparation du préjudice subi qu'en tant qu'elle vient aux droits et obligations des sociétés METRO LSG Chennevières-sur-Marne, METRO LSG Lomme-les-Lille, METRO LSG Vitry-sur-Seine, METRO LSG Nanterre, METRO LSG Vaulx-en-Velin, METRO LSG Nantes, METRO LSG Sassenage, METRO LSG Sotteville-lès-Rouen, et METRO CENTRALE D'ACHATS ; qu'il sera fait une juste appréciation de la rémunération à laquelle la société requérante pouvait prétendre à ce titre en la calculant, compte tenu de l'origine de la créance et de la nécessité de concilier une rémunération effective de cette créance avec les contraintes d'intérêt général de limitation de l'impact budgétaire de la mesure, sur la base d'un taux d'intérêt équivalent à la moitié du taux applicable aux obligations assimilables du Trésor, soit respectivement 2,30 %, 2,35 %, 2,70 %, 2,50 % et 2,40 % pour les années 1998, 1999, 2000, 2001 et 2002 ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner l'Etat, en réparation du préjudice résultant pour la société requérante de l'insuffisante rémunération de sa créance, à verser à la société METRO CASH et CARRY France, en tant qu'elle vient aux droits et obligations des sociétés METRO LSG Chennevières-sur-Marne, METRO LSG Lomme-les-Lille, METRO LSG Vitry-sur-Seine, METRO LSG Nanterre, METRO LSG Vaulx-en-Velin, METRO LSG Nantes, METRO LSG Sassenage, METRO LSG Sotteville-lès-Rouen, et METRO CENTRALE D'ACHATS, une indemnité d'un montant correspondant à la différence entre la rémunération calculée sur cette base et celle, calculée sur le fondement du taux d'intérêt de 0,1 %, qui lui a été allouée au titre des intérêts échus au cours des années 1998 à 2002 ; que si la requérante demande également réparation d'un préjudice complémentaire évalué à 300 000 euros, elle ne justifie pas, en tout état de cause, de l'existence d'un tel préjudice ;

Sur les intérêts :

Considérant que la société requérante a droit aux intérêts au taux légal sur la somme susmentionnée à compter du 31 décembre 2002, date de réception de sa demande d'indemnisation par l'administration ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que la société requérante a demandé la capitalisation des intérêts dans sa requête introductive devant le tribunal administratif enregistrée le 8 juillet 2003 ; que cette demande prend effet à compter du 1er janvier 2004, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière ;

Sur les autres conclusions de la requérante :

Considérant, d'une part, que le présent litige n'a donné lieu à aucune mesure de nature à faire naître des frais compris dans les dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions de la requérante tendant à ce que l'Etat soit condamné aux dépens sont en tout état de cause dépourvues d'objet et doivent, par suite, être rejetées ;

Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société METRO CASH et CARRY FRANCE et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à la société METRO CASH et CARRY FRANCE, en tant qu'elle vient aux droits et obligations des sociétés METRO LSG Chennevières-sur-Marne, METRO LSG Lomme-les-Lille, METRO LSG Vitry-sur-Seine, METRO LSG Nanterre, METRO LSG Vaulx-en-Velin, METRO LSG Nantes, METRO LSG Sassenage, METRO LSG Sotteville-lès-Rouen, et METRO CENTRALE D'ACHATS, une somme calculée selon les modalités ci-dessus définies, majorée des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2002. Ces intérêts seront capitalisés à la date du 1er janvier 2004 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement n° 0309582 du 25 juillet 2008 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société METRO CASH et CARRY FRANCE une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions la requête de la société METRO CASH et CARRY FRANCE est rejeté.

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N° 08PA04963


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : LANDWELL ET ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 20/10/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08PA04963
Numéro NOR : CETATEXT000023038509 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-10-20;08pa04963 ?
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