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20/05/2010 | FRANCE | N°08VE01970

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 20 mai 2010, 08VE01970


Vu la requête, enregistrée le 24 juin 2008, présentée pour M. Khémaïs A, demeurant ..., par Me Tourniquet ; M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0710699 du 5 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à lui verser la somme de 6 000 euros, qu'il estime insuffisante, en réparation des préjudices ayant résulté des fautes commises par l'administration à son encontre ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices ayant résulté des fautes commises à son encontre ;



3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l...

Vu la requête, enregistrée le 24 juin 2008, présentée pour M. Khémaïs A, demeurant ..., par Me Tourniquet ; M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0710699 du 5 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à lui verser la somme de 6 000 euros, qu'il estime insuffisante, en réparation des préjudices ayant résulté des fautes commises par l'administration à son encontre ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices ayant résulté des fautes commises à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que de janvier 1993 au 15 avril 2005 il a exercé, auprès du Tribunal de grande instance de Nanterre, les fonctions de traducteur interprète et celles de coordonnateur de l'ensemble des traducteurs interprètes, dans des conditions précaires, avant d'être congédié par une décision non motivée ; qu'ayant occupé un emploi permanent, à temps plein, il aurait dû percevoir une rémunération sous forme de salaires; que la décision supprimant le service de permanence de traduction et d'interprétariat l'a licencié de ses fonctions en violation des règles procédurales fixées par le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ; que les fautes commises par l'administration de la justice lui ont causé des préjudices, constitués de la privation d'un emploi assorti d'une carrière et de garanties statutaires, de la perte de droits à la retraite, de la privation de ses droits à indemnisation du chômage, outre un préjudice moral ; que la prescription quadriennale ne lui est pas opposable ; qu'aucune part de responsabilité dans les préjudices subis ne saurait lui être imputée dès lors qu'il était requis par les chefs de juridiction en qualité de libéral, eu égard à la carence fautive de l'Etat à créer un corps d'emploi et les postes nécessaires pour pourvoir à un besoin permanent ; que la reprise d'une activité libérale, à laquelle il a été contraint après avoir été licencié, ne saurait exonérer l'Etat de l'obligation de réparer le préjudice résultant de la privation de ses droits à indemnisation du chômage ; que la condamnation prononcée par le tribunal est dérisoire au regard des préjudices subis ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2010 :

- le rapport de Mme Vinot, président assesseur,

- les conclusions de M. Davesne, rapporteur public,

- et les observations de Me Tourniquet pour M. A ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par note de service du président et du procureur de la République du Tribunal de grande instance de Nanterre du 23 octobre 1992, M. A, inscrit sur la liste des experts près la Cour d'appel de Versailles en qualité de traducteur en langues arabe et anglaise s'est vu confier, à compter du 2 novembre suivant, l'organisation et l'animation au sein de cette juridiction d'un service de permanence de traduction et d'interprétariat ; que cette permanence a été supprimée à compter du 18 avril 2005 ; que M. A a présenté au garde des sceaux, ministre de la justice, une demande tendant au versement de la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis à raison des fautes qui auraient été commises par l'Etat à son encontre en le privant de la possibilité de poursuivre une carrière assortie de garanties statutaires et en procédant illégalement à la rupture de son contrat de travail ; que, cette demande ayant été rejetée, le Tribunal administratif de Versailles a, par le jugement attaqué, condamné l'Etat à lui verser la somme de 6 000 euros ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le garde des sceaux, ministre de la justice, a soulevé devant les juges de première instance le moyen tiré de la prescription quadriennale ; que si le jugement du Tribunal administratif de Versailles porte le visa de la loi du 31 décembre 1968 susvisée relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, il n'a pas statué explicitement sur ce moyen ; qu'il ne ressort pas non plus de ses termes que le Tribunal aurait entendu statuer implicitement sur ce moyen, dont il n'est pas manifeste que l'examen n'aurait pas été de nature à conduire à une indemnisation différente de celle décidée par les juges de première instance ;

Considérant qu'il suit de là que le garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé à soutenir que le jugement du 5 mai 2008 du Tribunal administratif de Versailles est entaché d'omission à statuer et à demander pour ce motif, par la voie de l'appel incident, l'annulation de ce jugement ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

- Sur la faute de l'Etat à raison de la rupture du contrat de travail de M. A :

Considérant que M. A soutient qu'eu égard aux conditions de l'exercice de son activité, pendant plus de douze ans, au sein du Tribunal de grande instance de Nanterre, il doit être regardé, nonobstant l'absence de contrat écrit, comme ayant été recruté dans les services du ministère de la Justice en tant qu'agent non titulaire de l'Etat, et que ce dernier a commis une faute en procédant à son licenciement sans motif et sans respecter la procédure prévue par les dispositions du décret du 17 janvier 1986 susvisé relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat ; qu'à l'appui de sa revendication des droits résultant du bénéfice d'un contrat de travail, M. A fait valoir qu'en raison des nécessités du service de permanence de traduction et d'interprétariat il s'est trouvé, au cours de la période de 1992 à 2005, dans l'obligation de consacrer son activité professionnelle exclusivement au Tribunal de grande instance de Nanterre pour y assurer des fonctions d'interprétariat indispensables au fonctionnement du service public de la justice ainsi que d'autres missions également indispensables au fonctionnement de ce service public, notamment celle de pourvoir le Tribunal, selon ses besoins, en interprètes spécialisés dans les langues autres que l'anglais et l'arabe, et la réalisation d'une analyse du processus de sélection des candidats à l'inscription sur la liste des traducteurs-interprètes experts près la Cour d'appel de Versailles ;

Considérant, cependant, qu'il est constant qu'au cours de la période de 1992 à 2005 M. A était inscrit sur la liste des experts traducteurs près la Cour d'appel de Versailles et, par suite, était réputé exercer une activité libérale indépendante ; qu'il ressort de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté, qu' au cours des douze années de sa présence auprès du Tribunal de grande instance de Nanterre il a assuré, de façon habituelle, des prestations d'interprétariat pour lesquelles il était compétent en cette qualité d'expert - traducteur, et que sa rémunération était basée sur les tarifs prévus à l'article R. 122 du code de procédure pénale ; que si M. A soutient que lui a également été confiée la tâche de pourvoir le tribunal en interprètes spécialisés dans les autres langues et qu'il a été amené à intervenir dans le processus de sélection des candidats à l'inscription sur la liste des traducteurs-interprètes experts près la Cour d'appel de Versailles, il ne démontre pas qu'il aurait assuré, de façon répétée, des fonctions relevant des missions habituelles du service public de la justice ; que s'il fait valoir sans être contredit que les horaires de la permanence du service, de trente-trois heures hebdomadaires à l'origine, ont été portées à quarante-deux heures à compter du 1er avril 1995 et qu'il a exercé son activité à temps plein auprès du Tribunal de grande instance de Nanterre au cours de la période en cause, il ne démontre pas qu'il se serait trouvé dans l'obligation d'affecter son activité professionnelle, de façon exclusive et permanente, au service de permanence de traduction et d'interprétariat du Tribunal, alors, d'ailleurs, que la note de service du 23 octobre 1992 précise que dans l'hypothèse où M. Arfaoui ne pourrait assurer sa permanence, il sera remplacé par un autre expert ; que si M. A fait valoir qu'il était doté d'un bureau dans les locaux du Tribunal et d'un poste téléphonique, qu'il apparaissait dans l'annuaire du Tribunal en qualité de responsable du service des traducteurs-interprètes et que le tableau des permanences de fin de semaine indiquait son nom, sa présence le samedi après-midi et son numéro de téléphone personnel afin de permettre qu'il soit joint le samedi matin et le dimanche, il n'établit pas qu'il se serait trouvé dans une situation de subordination à l'égard de magistrats ou de personnels du Tribunal de grande instance de Nanterre ;

Considérant que, dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'en exerçant son activité auprès du Tribunal de grande instance de Nanterre il aurait agi en tant qu'agent non-titulaire de l'Etat dans l'exercice de fonctions de collaborateur du service public de la justice ; que, dès lors, la décision par laquelle le service de permanence a été supprimé ne saurait être regardée comme procédant à la rupture du contrat de travail dont il soutient avoir été titulaire ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat à raison de la faute qui résulterait, selon sa demande, de l'illégalité du licenciement allégué ;

- Sur la faute à raison due la carence de l'Etat à créer un corps de fonctionnaires :

Considérant que M. A n'apporte aucune argumentation en droit à l'appui de l'allégation selon laquelle l'Etat aurait commis une faute en s'abstenant de créer un corps de fonctionnaires en vue de faire assurer les missions d'interprétariat nécessaires au fonctionnement du service public de la justice, alors, d'ailleurs, que les dispositions de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée prévoient la possibilité de recruter des agents contractuels lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions par lesquelles M. A demande la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices ayant résulté, selon la demande, des fautes commises par l'administration à son encontre, doivent être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse à M. A la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles du 5 mai 2008 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Versailles est rejetée, ensemble les conclusions qu'il a présentées devant la cour administrative d'appel.

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N° 08VE01970


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 08VE01970
Date de la décision : 20/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Hélène VINOT
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : TOURNIQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-05-20;08ve01970 ?
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