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18/01/2012 | FRANCE | N°09-72542

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 janvier 2012, 09-72542


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 22 septembre 2009) que, par acte notarié du 1er mars 1979, Paul X..., exploitant agricole, et Pauline Y..., son épouse, ont fait donation, à titre de partage anticipé, à l'un de leurs deux enfants, Jean, participant à l'exploitation en qualité d'aide familial non salarié depuis 1959, par préciput et hors part, de la nue-propriété d'un tiers de leurs biens, dont la maison d'habitation, avec stipulation d'une obligation, à sa charge, de soins et d'entretien des donat

eurs, et du surplus à leurs deux enfants ; que les époux X... sont...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 22 septembre 2009) que, par acte notarié du 1er mars 1979, Paul X..., exploitant agricole, et Pauline Y..., son épouse, ont fait donation, à titre de partage anticipé, à l'un de leurs deux enfants, Jean, participant à l'exploitation en qualité d'aide familial non salarié depuis 1959, par préciput et hors part, de la nue-propriété d'un tiers de leurs biens, dont la maison d'habitation, avec stipulation d'une obligation, à sa charge, de soins et d'entretien des donateurs, et du surplus à leurs deux enfants ; que les époux X... sont respectivement décédés les 19 février et 11 octobre 1999 ; que Mme Yvette X..., épouse Z..., a assigné son frère en liquidation et partage des successions de leurs parents ; qu'elle a soutenu que celui-ci s'était rendu coupable de recel successoral et qu'ayant joui gratuitement de la maison servant aussi d'habitation aux défunts depuis 1959, il avait bénéficié d'un avantage indirect devant être rapporté aux successions ; que M. X... a demandé le règlement de sa créance de salaire différé ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal formé par M. X..., pris en ses deux branches, et le second moyen du pourvoi incident formé par Mme Z..., ci-après annexés :
Attendu que ces moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en ses trois branches :
Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de rapport aux successions et communauté confondues de l'avantage indirect représenté par la jouissance gratuite de l'immeuble de Brisse, alors, selon le moyen :
1°/ que tout avantage indirect, dès lors qu'il entraîne une rupture objective d'égalité dans la situation des successibles, doit être rapporté ; que même en l'absence de caractère exclusif, l'occupation à titre gratuit d'un immeuble oblige son bénéficiaire à en rendre compte à ses cohéritiers ; qu'en opposant à la demande de rapport le fait que M. X... n'avait pas joui privativement de l'immeuble litigieux, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article 843 ancien du code civil ;
2°/ qu'en statuant comme elle a fait, cependant que la donation faite à M. X... de la nue-propriété de l'immeuble litigieux moyennant la charge de s'occuper de ses parents excluait que l'exécution de cette charge pût caractériser le caractère rémunératoire de l'avantage indirect consenti à celui-ci, représenté par la jouissance gratuite dudit immeuble, la cour d'appel, qui a statué par un motif pareillement inopérant, a violé l'article 843 ancien du code civil ;
3°/ qu'en toute hypothèse, en statuant par ces seuls motifs, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, à tout le moins, la jouissance gratuite de l'immeuble litigieux antérieurement à l'acte du 1er mars 1979, et ce depuis le 9 septembre 1959, ne constituait pas un avantage indirect consenti à M. X..., dont celui-ci devait rapport à la succession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 843 ancien du code civil ;
Mais attendu que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession ; que la cour d'appel ayant admis que l'intention libérale des époux X... n'était pas établie, sa décision se trouve légalement justifiée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

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Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que Monsieur Jean X... devait rapporter à la succession de ses père et mère la somme de 219 360 € au titre des prélèvements opérés sur le compte à vue et le compte sur livret de ses parents, qu'il sera privé de tout droit sur cette somme et paiera des intérêts sur cette somme à compter de leur perception, au taux légal courant de chaque année, capitalisés,
AUX MOTIFS QUE sur les prélèvements effectués au profit de Monsieur Jean X..., l'article 843 du code civil dispose que tout héritier même bénéficiaire venant à une succession doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément par préciput et hors part, ou avec dispense de rapport » ; qu'il ressort du rapport d'expertise que les parents X... étaient titulaires d'un compte dépôt à vue et d'un compte livret ouverts au Crédit Agricole et que Paul X... avait donné des procurations à Monsieur X... ainsi qu'à son épouse ; que c'est avec justesse que Madame Z... fait observer que si Paul X... avait la possibilité de dispenser les mandataires de rendre compte, la preuve de cette dispense expresse ou tacite doit être apportée et l'existence de liens familiaux étroits entre le mandant et les mandataires ne suffit point à eux seuls à rapporter cette preuve ; qu'il s'ensuit que Monsieur X... héritier titulaire d'une procuration bancaire donnée par Paul X... qui ne justifie nullement de l'emploi des sommes retirées en doit le rapport ; qu'en considération du rapport d'expertise déposé dont les conclusions ne sont nullement remises en cause par les critiques des parties, Monsieur Jean X... doit rapporter à la succession les sommes de 165 464 € au titre des chèques et virements, celle de 17 836 € au titre des retraits d'espèces et celle de 36 059 € au titre des débits inférieurs à 2000 F soit 36 059 € ;
ET AUX MOTIFS QUE, sur le recel successoral, il résulte du dossier que ce n'est qu'après plusieurs années de procédure et de contestations et devant les éléments de preuve produits par Madame Z... et par l'expert que Monsieur X... a enfin reconnu qu'il avait bénéficié de prélèvements sur le compte dépôt à vue et sur le livret ouverts par ses parents ; que l'intention frauduleuse de Monsieur X... est établie ; qu'il y a donc lieu de juger que Monsieur X... s'est rendu coupable de recel successoral au sens de l'article 792 du code civil et qu'il sera privé de toute part sur la somme de 219 360 € correspondant aux prélèvements effectués ; qu'il convient de plus de le condamner à payer sur ces sommes les intérêts au taux légal à compter de la date de leur perception, capitalisés ; que Madame Z... a toujours admis qu'elle avait bénéficié de la part de ses parents d'un chèque d'un montant de 100. 000 F à une date indéterminée ; qu'elle ne saurait s'être rendue coupable d'un recel successoral de la somme ;
1) ALORS QUE conformément à l'article 843 du code civil, l'héritier venant à une succession doit rapporter à ses cohéritiers les libéralités qu'il a reçues, ce qui ne comprend pas les libéralités consenties à des non successibles ou les libéralités de revenus ou encore les prélèvements opérés en toute connaissance de cause sur les comptes bancaires des mandants ; qu'en se bornant à relever que Monsieur X... n'établissait pas que ses parents l'avaient dispensé de rendre des comptes pour déclarer rapportable la totalité des prélèvements effectués sur les comptes bancaires de ses parents pendant vingt ans, la cour d'appel qui n'a pas relevé, comme elle y était invitée, pour chaque prélèvement opéré, si l'héritier en était l'auteur et non pas un non successible, ni s'il constituait une libéralité rapportable, pour cela seulement que les époux X... n'auraient pas dispensé leur fils, mandataire, de la reddition de compte mais qui a déclaré rapportable la totalité des prélèvements et retraits, même inférieurs à 2000 F opérés sur les comptes des de cujus a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;
2) ALORS QUE conformément à l'article 792 du code civil, l'héritier receleur d'un effet de la succession perd tout droit sur cet effet mais le recel suppose une volonté de divertir ou de cacher un effet de la succession et il n'est pas constitué dans le cas où l'héritier conteste avoir profité de retraits et prélèvements opérés sur les comptes bancaires de ses parents et où, à défaut de déclaration de succession, aucune intention frauduleuse n'est établie ; qu'en l'espèce, Monsieur X... ayant contesté devant l'expert comme encore devant la cour d'appel avoir diverti et recelé des effets de la succession, la cour d'appel ne pouvait pas justifier de retenir le recel en se déterminant par un prétendu aveu de Monsieur X... que ses écritures contestaient ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 1356 du code civil. Moyens produits AU POURVOI INCIDENT par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour Mme Z....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

En ce que l'arrêt attaqué, de ce chef infirmatif, a rejeté la demande de rapport aux successions et communauté confondues de l'avantage indirect représenté par la jouissance gratuite de l'immeuble de Brisse ;
Aux motifs qu'il ressort du dossier que Monsieur Jean X... a vécu dans la maison de Brisse, commune de Sauveterre La Lemance, jusqu'au décès du dernier de ses parents, alors que l'acte notarié en date du 1er mars 1979 réserve an profit des parents X... l'usufruit de " l'entière maison d'habitation ". C'est avec justesse que Monsieur Jean X... fait observer qu'il n'a point joui privativement de l'immeuble litigieux et qu'il était de plus contraint de vivre chez ses parents dans la mesure où, en vertu de l'acte notarié susvisé, il était tenu de " nourrir ses parents donateurs, à sa table, avec lui et comme lui, les vêtir, blanchir, entretenir, chauffer, éclairer et soigner tant en santé qu'en maladie... ". L'avantage indirect allégué ne saurait être retenu en l'espèce (arrêt attaqué, p. 6, § 5 à 7) ;
1°) Alors que tout avantage indirect, dès lors qu'il entraîne une rupture objective d'égalité dans la situation des successibles, doit être rapporté ; que même en l'absence de caractère exclusif, l'occupation à titre gratuit d'un immeuble oblige son bénéficiaire à en rendre compte à ses cohéritiers ; qu'en opposant à la demande de rapport le fait que Monsieur X... n'avait pas joui privativement de l'immeuble litigieux, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article 843 ancien du code civil ;
2°) Alors qu'en statuant comme elle a fait, cependant que la donation faite à Monsieur X... de la nue-propriété de l'immeuble litigieux moyennant la charge de s'occuper de ses parents excluait que l'exécution de cette charge pût caractériser le caractère rémunératoire de l'avantage indirect consenti à celui-ci, représenté par la jouissance gratuite dudit immeuble, la cour d'appel, qui a statué par un motif pareillement inopérant, a violé l'article 843 ancien du code civil ;
3°) Et alors, en toute hypothèse qu'en statuant par ces seuls motifs, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, à tout le moins, la jouissance gratuite de l'immeuble litigieux antérieurement à l'acte du 1er mars 1979, et ce depuis le 9 septembre 1959, ne constituait pas un avantage indirect consenti à Monsieur X..., dont celui-ci devait rapport à la succession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 843 ancien du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

En ce que l'arrêt attaqué, de ce chef infirmatif, a dit que Monsieur Jean X... est créancier de la succession de la somme de 114 677, 33 euros au titre d'une créance de salaire différé ;
Aux motifs qu'aux termes de l'article L. 321. 13 du code rural, la demande de salaire différé n'est justifiée que si les trois conditions suivantes sont réunies :
* être âgé de plus de 18 ans ;
* avoir participé directement et effectivement à l'exploitation sans être associé ni aux bénéfices ni aux pertes ;
* n'avoir pas reçu de salaire en argent en contrepartie de la collaboration.
Madame Z... ne conteste point que Monsieur Jean X... était âgé de plus de 18 ans lorsqu'il a participé à l'exploitation agricole de son père. L'attestation de la Mutualité Sociale Agricole en date du 7 juin 2000, les attestations délivrées par Messieurs A..., B...et C..., ainsi que les relevés des cotisations des années 1969, 1970 et 1971 payées par Paul X... en qualité d'exploitant, produits aux débats, établissent que Monsieur Jean X... a été affilié à l'assurance vieillesse agricole du 1er janvier 1959 au 31 décembre 1970 en qualité de membre de famille non salarié, qu'il n'a point perçu de revenu, qu'il a cotisé en qualité d'aide familial, et que son père Paul X... était le chef d'exploitation pendant la période considérée. Il faut de plus observer que les acquisitions réalisées par Monsieur Jean X... sur ladite période apparaissent très modestes. Son affiliation à la Mutualité Sociale Agricole en qualité d'aide familial laisse à elle seule présumer qu'il a travaillé sur l'exploitation agricole de son père sans percevoir de revenu. En l'état de la cause, Madame Z... ne rapporte pas la preuve que son frère aurait été effectivement rétribué. Force est de constater que les trois conditions imposées par l'article L. 321. 13 du code rural sont réunies et que Monsieur Jean X... est bien fondé à prétendre à une créance de salaire différé. L'expert, dont les conclusions en annexe 3 de son rapport d'expertise sont opposables à Madame Z... dans la mesure où elles ont été soumises à la discussion contradictoire des parties, a chiffré ladite créance à la somme de 114. 677, 33 €. Le calcul effectué par l'expert, qui est conforme à la législation en vigueur et qui prend en compte une durée limitée à 10 ans, doit être entériné par la Cour (arrêt attaqué, p. 7, pénultième et dernier § et p. 8, § 1 à 4) ;
Alors que c'est à celui qui se prétend bénéficiaire d'un contrat de travail à salaire différé d'apporter la preuve qu'il remplit les conditions légales et qu'il n'a reçu aucune autre contrepartie pour sa collaboration à l'exploitation ; que la circonstance, à la supposer même établie, que Monsieur X... eût participé à l'exploitation agricole en qualité d'aide familial non salarié ne suffisait pas à exclure l'existence d'une telle contrepartie, de sorte qu'en opposant au moyen tiré par Madame Z... des apports et acquisitions réalisés par Monsieur X... sur la période litigieuse, ces dernières auraient-elles été modestes, qu'elle n'apportait pas la preuve que son frère aurait été effectivement rétribué, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du code civil, ensemble les articles L. 321-13 et L. 321-19 du code rural.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-72542
Date de la décision : 18/01/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SUCCESSION - Rapport - Libéralités rapportables - Conditions - Intention libérale du défunt - Preuve - Nécessité

SUCCESSION - Rapport - Choses sujettes à rapport - Avantage indirect - Portée

Seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession (arrêt n° 1, pourvoi n° 09-72.542). Ne donne pas de base légale à sa décision, la cour d'appel qui décide que l'hébergement du donataire de la nue-propriété d'un immeuble par le donateur, qui s'est réservé l'usufruit de celui-ci, constitue une libéralité rapportable à la succession, sans rechercher si, nonobstant l'absence de paiement de loyers, le règlement par le donataire de diverses dépenses au bénéfice du donateur, ne constituait pas la contrepartie de son hébergement, excluant ainsi toute libéralité, dont la reconnaissance exige, en outre, la preuve d'une intention libérale (arrêt n° 2, pourvoi n° 11-12.863)


Références :

Sur le numéro 1 : article 843 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006
article 843 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 22 septembre 2009

Sur l'incidence de l'intention libérale du défunt, à rapprocher :1re Civ., 8 novembre 2005, pourvoi n° 03-13890, Bull. 2005, I, n° 409 (rejet)

arrêt cité ;1re Civ., 8 juillet 2010, pourvoi n° 09-12491, Bull. 2010, I, n° 170 (cassation partielle) ;1re Civ., 18 janvier 2012, pourvoi n° 10-27325, Bull. 2012, I, n° 9 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 18 jan. 2012, pourvoi n°09-72542, Bull. civ. 2012, I, n° 8
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, I, n° 8

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Sarcelet
Rapporteur ?: M. Rivière
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:09.72542
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