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16/12/2010 | FRANCE | N°09LY00190

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 16 décembre 2010, 09LY00190


Vu la requête enregistrée le 3 février 2009, présentée pour la SOCIETE PASQUIER DESVIGNES dont le siège est Route Nationale 6, la Maison Blanche à Romanèche-Thorins (71570) ;

La SOCIETE PASQUIER DESVIGNES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606829 du 2 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande d'annulation de la décision du 7 septembre 2006 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a déclassé 4 176,78 hectolitres de vins d'appellation d'origine contrôlée Beaujolais rouge, Beaujolais

villages rouge et Fleurie rouge des millésimes 2002 et 2004, présentée par la...

Vu la requête enregistrée le 3 février 2009, présentée pour la SOCIETE PASQUIER DESVIGNES dont le siège est Route Nationale 6, la Maison Blanche à Romanèche-Thorins (71570) ;

La SOCIETE PASQUIER DESVIGNES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606829 du 2 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande d'annulation de la décision du 7 septembre 2006 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a déclassé 4 176,78 hectolitres de vins d'appellation d'origine contrôlée Beaujolais rouge, Beaujolais villages rouge et Fleurie rouge des millésimes 2002 et 2004, présentée par la Société des Etablissements Quinson à laquelle elle succède ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SOCIETE PASQUIER DESVIGNES soutient que la décision litigieuse est insuffisamment motivée dès lors qu'elle n'indique ni les critères organoleptiques de chaque appellation d'origine auxquels ne satisferaient pas les échantillons testés ni la cause d'altération de ces échantillons ni que cette décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, le ministre n'ayant pas respecté de délai de vingt jours prescrit par l'article 5 du décret du 12 juin 2001 pour statuer sur le recours hiérarchique présenté contre la décision préfectorale de déclassement ; que le respect de ce délai, prescrit pour protéger la liberté du commerce et de l'industrie et pour prévenir l'oxydation des prélèvements, constitue une formalité substantielle ; que l'avis rendu par la commission nationale est entaché de partialité dès lors que, d'une part, aucune disposition ne garantit la dissimulation de l'origine et de l'appartenance des échantillons testés et que, d'autre part, il n'est pas établi qu'en l'espèce, cet anonymat aurait été respecté ; que les textes n'offrent aucune garantie d'impartialité et d'indépendance quant à la composition de la commission nationale ; que ni le rapport d'essai du laboratoire de Montpellier ni la décision du 19 juillet 2006 ni la décision litigieuse ne mentionnent la composition des commissions régionales et nationales d'experts ; que l'administration n'établit pas avoir pris les précautions techniques aptes à prémunir les échantillons prélevés de l'oxydation ; que le motif du déclassement ne pouvait reposer sur la qualité organoleptique des échantillons et ne pas tenir compte de l'amélioration de leurs qualités gustatives qui devait résulter de leur assemblage ; que le règlement communautaire applicable ne prévoit le déclassement qu'à raison des conditions de stockage du vin ; que le motif opposé par le Tribunal pour écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation était étranger au litige ; que le déclassement litigieux, qui ne repose sur la qualité du produit mais sur le souci d'éliminer des produits ne correspondant pas aux critères des services de l'Etat, est entaché de détournement de pouvoir ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 14 mai 2009 par lequel le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi conclut au rejet de la requête ;

Le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi soutient que la décision litigieuse, qui énonce les défauts relevés sur chaque échantillon, est suffisamment motivée ; que le moyen tiré de l'absence d'indication des conditions de stockage justifiant le déclassement est inopérant ; qu'en tout état de cause et en dépit de l'omission d'une virgule dans le texte de l'article 5 du décret 12 juin 2001, le délai de vingt jours imparti au ministre pour statuer sur le recours hiérarchique doit être décompté depuis l'émission de l'avis par la commission nationale d'expert, non depuis la présentation du recours hiérarchique ; qu'en l'espèce, ce délai a été respecté ; que la commission nationale s'est réunie selon la composition prévue par l'arrêté du 7 février 2005, pris conformément au décret du 12 juin 2001 ; que les experts sont indépendants de l'administration et testent les échantillons dont la provenance ne leur est pas communiquée ; qu'aucune disposition du décret du 8 juin 2006 n'impose de communiquer la composition de la commission ; que les prélèvements d'échantillons n'ont pas fait l'objet de remarque de la part de l'oenologue de la requérante ; qu'ils ont été conservés par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) conformément à la procédure d'assurance qualité contrôlée annuellement ; qu'aucune bouteille ouverte par la commission départementale n'a été ensuite goûtée par la commission nationale ; que n'existe pas un droit acquis à commercialiser un vin classé AOC qui aurait subi une altération de ses qualités ; que le règlement communautaire applicable interdisant l'assemblage de vins qui, individuellement, ne présenteraient pas les qualités gustatives d'une appellation contrôlée, le défaut de qualité gustative des échantillons suffisait à fonder le déclassement ;

Vu le mémoire enregistré le 8 juillet 2009 par lequel la SOCIETE PASQUIER DESVIGNES conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, qu'en l'absence de dispositions particulières, les articles 12 et 13 du décret du 2 décembre 1983 sont applicables à la commission nationale d'experts ; que l'administration n'établit ni l'avoir convoquée 5 jours au moins avant la séance, ni qu'elle aurait siégé avec un quorum égal à la moitié de ses membres, ni que l'avis aurait été émis à la majorité de ses membres, ni qu'aucun membre intéressé n'aurait pris part à la séance ; que les critères organoleptiques n'ayant pas été définis pour les vins du Beaujolais, la décision de déclassement est dépourvue de base légale ;

Vu le mémoire enregistré le 1er septembre 2010 par lequel le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi conclut aux mêmes fins que son premier mémoire par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 12 novembre 2010 par lequel la SOCIETE PASQUIER DESVIGNES conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 26 novembre 2010 par lequel le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code la consommation ;

Vu le code rural ;

Vu le règlement CE n° 1493/1999 du Conseil du 17 mai 1999 portant organisation commune du marché vitivinicole ;

Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers ;

Vu le décret n° 2001-510 du 12 juin 2001 portant application du code de la consommation en ce qui concerne les vins, vins mousseux, vins pétillants et vins de liqueurs ;

Vu le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif, notamment son article 16 ;

Vu l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 7 mai 2005, portant désignation d'experts en vue du déclassement des vins d'appellation d'origine contrôlée et des vins à appellation d'origine Vins délimités de qualité supérieure ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2010 :

- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller,

- les observations de Me Sam-Simenot, représentant la SOCIETE PASQUIER DESVIGNES et de M. , représentant le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,

- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée à Me Sam-Simenot et à M. ;

Vu, enregistrée le 6 décembre 2010, la note en délibéré présentée par le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ;

Sur les conclusions à fins d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 54 du règlement susvisé du 17 mai 1999 : Par vins de qualité produits dans les régions déterminées (V.Q.P.R.D.), on entend les vins répondant aux dispositions du présent titre et aux dispositions communautaires ou nationales adoptées à cet égard ; qu'aux termes de l'article 56 du même règlement : 2. Le déclassement d'un V.Q.P.R.D. au stade du commerce est effectué : a) par l'instance compétente de l'Etat membre sur le territoire duquel se trouve ce vin : i) lorsqu'il s'agit d'un vin originaire de cet Etat membre (...) ; qu'aux termes de l'article 5 du décret susvisé du 12 juin 2001 : (...) Le préfet, sur proposition de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes décide du déclassement au vu des conclusions du directeur du laboratoire. (...) /. L'intéressé dispose d'un délai de dix jours à compter de la décision du préfet prononçant (...) le déclassement (...) pour saisir le ministre chargé de l'économie. Celui-ci statue dans les vingt jours après avoir recueilli l'avis d'une commission nationale dont les membres sont désignés par arrêté conjoint des ministres chargés respectivement de l'économie et de l'agriculture sur proposition de l'Institut national des appellations d'origine ; qu'aux termes de l'article 12 du décret susvisé du 28 novembre 1983 applicable, en vertu de l'article 16 du décret susvisé du 8 juin 2006, au fonctionnement des organes collégiaux de l'Etat constitués avant le 8 juin 2006 : A défaut de dispositions réglementaires contraires, le quorum est égal à la moitié du nombre des membres titulaires composant l'organisme dont l'avis est sollicité (...) ;

Considérant que l'arrêté du 7 mai 2005 désigne 135 membres pour siéger à la commission nationale d'experts sans instituer de collèges selon l'origine des vins à tester ni régime particulier de quorum ; que ladite instance ne peut, en conséquence, valablement émettre d'avis qu'en présence de la moitié au moins de ses membres ;

Considérant qu'en dépit des demandes répétées que lui a adressées la requérante en ce sens, le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi n'a pas communiqué les procès-verbaux de la séance du 21 août 2006 au cours de laquelle les échantillons de vins d'appellation d'origine contrôlée Beaujolais rouge, Beaujolais villages rouge et Fleurie rouge des millésimes 2002 et 2004 prélevés des chais de la Société des Etablissements Quinson ont été testés ; qu'en outre, il résulte des explications données à l'audience par le représentant de l'administration, que n'ont été convoqués pour goûter ces échantillons que trois spécialistes des vins du Beaujolais ; que, par suite, les avis favorables au maintien du classement de ces vins n'ont pas été émis en la présence d'au moins 68 experts désignés par l'arrêté du 7 mai 2005 ; que la décision de déclassement litigieuse est, dès lors, intervenue en méconnaissance de l'article 12 précité du décret du 28 novembre 1983 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE PASQUIER DESVIGNES est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que de la décision prise par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le 7 septembre 2006 en ce qu'elle déclasse les crus des cuves 42, 14, 139, 133, 97, 129, 34, 120, 140, 145, 84, 85, 137, 106, 22, 107, 143, 103, 149, 130 et 146 ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE PASQUIER DESVIGNES et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0606829 du 2 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon, ensemble la décision prise par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le 7 septembre 2006 en ce qu'elle déclasse les crus des cuves 42, 14, 139, 133, 97, 129, 34, 120, 140, 145, 84, 85, 137, 106, 22, 107, 143, 103, 149, 130 et 146 entreposés dans les chais de la Société des Etablissements Quinson sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la SOCIETE PASQUIER DESVIGNES une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE PASQUIER DESVIGNES et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2010 à laquelle siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Arbarétaz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 décembre 2010.

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N° 09LY00190


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00190
Date de la décision : 16/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SCP VAISSE BREMOND RAMBERT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-12-16;09ly00190 ?
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