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07/07/2011 | FRANCE | N°09LY00287

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 07 juillet 2011, 09LY00287


Vu la requête, enregistrée le 13 février 2009, présentée pour la SA METALLIANCE, dont le siège social est sis Zone industrielle de la Saule à Saint-Vallier (71230) ;

La SA METALLIANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701533 du 11 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 mai 2007 par laquelle l'inspecteur du travail a reconnu M. A apte à son poste d'attaché commercial ;

2°) d'annuler cette décision du 14 mai 2007 ;

3°) d'enjoindre à l'administratio

n de tirer les conséquences de cette annulation sur le fondement des articles L. 911-1, L. ...

Vu la requête, enregistrée le 13 février 2009, présentée pour la SA METALLIANCE, dont le siège social est sis Zone industrielle de la Saule à Saint-Vallier (71230) ;

La SA METALLIANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701533 du 11 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 mai 2007 par laquelle l'inspecteur du travail a reconnu M. A apte à son poste d'attaché commercial ;

2°) d'annuler cette décision du 14 mai 2007 ;

3°) d'enjoindre à l'administration de tirer les conséquences de cette annulation sur le fondement des articles L. 911-1, L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la décision du 14 mai 2007 est insuffisamment motivée, l'inspecteur du travail ayant fondé sa décision sur un avis du médecin inspecteur régional du 23 avril 2007 et sur deux attestations qu'il n'a pas joints à sa décision ; que l'inspecteur du travail s'est en outre fondé sur un certificat du médecin du travail du 2 février 2007, rédigé le même jour que l'avis d'inaptitude émis par ce même médecin, qui n'avait jamais été porté à sa connaissance et ne constituait pas un avis médical au sens des articles R. 241-51 et R. 241-51-1 du code du travail ; que la décision du 14 mai 2007 est entachée d'erreurs de date ayant une incidence sur sa légalité ; qu'en substituant ses propres appréciations à celles du médecin du travail, l'inspecteur du travail a porté une appréciation, au demeurant inexacte, sur la relation contractuelle alors qu'il ne lui appartient pas d'apprécier l'incidence de l'état de santé du salarié sur le contrat de travail lui-même ; qu'en se prononçant sur l'aptitude de M. A à un poste d'attaché commercial alors qu'il avait été embauché en qualité de chargé d'affaires, l'inspecteur du travail a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'en tenant compte d'éléments nouveaux et postérieurs à l'avis médical contesté, l'inspecteur a entaché sa décision d'une erreur de droit ; qu'il appartenait à l'inspecteur d'indiquer quels postes pouvaient être occupés par M. A en proposant le cas échéant les aménagements nécessaires ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 juillet 2009, présenté pour M. Roger A, demeurant 8 rue Henri Vincenot à Chalon-sur-Saône, qui conclut au rejet de la requête et à la mise d'une somme de 3 000 euros à la charge de la SA METALLIANCE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la décision attaquée est suffisamment motivée et que les dispositions du code du travail n'imposent pas à l'inspecteur du travail de joindre à sa décision l'avis du médecin inspecteur du travail, ou tout autre document, et que l'inspecteur du travail pouvait viser des attestations médicales et un certificat du médecin du travail du 2 février 2007 sans les annexer à sa décision ; que les erreurs de plume commises par l'inspecteur du travail sont sans incidence sur la légalité de sa décision ; que la référence aux trajets entre le domicile et le travail est liée à l'attestation préconisant d'éviter les longs déplacements en voiture, son domicile étant situé à 60 kilomètres du siège de l'entreprise ; que l'inspecteur du travail n'a porté aucune appréciation sur la relation contractuelle et a seulement mentionné des considérations de fait relatives aux aménagements de poste qui auraient été possibles ; qu'il n'était pas inapte à occuper un emploi de chargé d'affaires ; que l'inspecteur était tenu de se prononcer en fonction des considérations de fait et de droit dont il disposait à la date à laquelle il devait statuer ; que son état de santé n'a cessé de s'améliorer depuis l'accident dont il a été victime ; que la décision de l'inspecteur du travail retenant son aptitude tout en préconisant un aménagement pour éviter les longs déplacements est parfaitement régulière et qu'elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que la distinction entre les postes de chargé d'affaires et d'attaché commercial est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 juin 2010, présenté pour le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que l'inspecteur du travail avait bien compétence pour revenir sur l'appréciation portée par le médecin du travail sur l'aptitude de M. A à occuper le poste qui était le sien et qu'il était fondé pour ce faire à prendre en considération les éléments de droit et de fait existant à la date de sa propre décision ; que la décision de l'inspecteur était suffisamment motivée ; que l'avis du médecin inspecteur n'a pas à être systématiquement communiqué au salarié et à l'employeur ;

Vu l'ordonnance du 30 juin 2010 fixant la clôture d'instruction au 20 août 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la lettre du 15 avril 2011 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'incompétence de l'inspecteur du travail pour connaître de l'avis émis par le médecin du travail après le licenciement du salarié concerné ;

Vu les observations, enregistrées le 22 avril 2011, présentées pour M. A, en réponse à la lettre du 15 avril 2011 ; M. A soutient qu'aucun délai n'est imparti à l'une ou l'autre des parties pour saisir l'inspecteur du travail, qui peut être valablement saisi y compris après la notification du licenciement ;

Vu les observations, enregistrées le 26 avril 2011, présentées pour la SA METALLIANCE, en réponse à la lettre du 15 avril 2011 ; elle soutient que si la loi de décembre 1976 n'a pas prévu de délai pour saisir l'inspecteur du travail, l'articulation des dispositions des articles L. 1226-4 et L. 4624-1 du code du travail implique que l'inspecteur du travail se prononce dans un délai d'un mois pour éviter que l'employeur ne se voie reprocher un licenciement sans cause avec des conséquences indemnitaires illégitimes ;

Vu les observations, enregistrées le 20 mai 2011, présentées par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, en réponse à la lettre du 15 avril 2011 ; il soutient que la décision de l'inspecteur du travail se substitue rétroactivement à l'avis émis par le médecin du travail et que la décision de l'inspecteur produit ses effets rétroactivement avant le licenciement pour inaptitude de l'intéressé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2011 :

- le rapport de M. Pourny, premier conseiller ;

- les observations de Me Tixier, avocat de la SA METALLIANCE, et celles de Me Mathieu, avocat de M. A ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée aux parties présentes ;

Considérant que la SA METALLIANCE, qui employait M. Roger A en qualité de chargé d'affaires, a été informée d'un avis du médecin du travail du 2 février 2007 le déclarant inapte à son poste de travail et à tout poste dans l'entreprise (...) de façon définitive ; que le médecin du travail lui a confirmé, le 8 février 2007, l'inaptitude du salarié à son poste de travail et l'impossibilité de le reclasser sur un autre poste de travail ; qu'elle a, en conséquence, prononcé le licenciement de M. A par une lettre du 27 février 2007 reçue par l'intéressé le 28 février 2007 ; qu'elle conteste le jugement du 11 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 mai 2007 par laquelle l'inspecteur du travail a reconnu M. A apte à occuper son poste ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 241-10-1 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur : Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. / Le chef d'entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l'inspecteur du travail après avis du médecin-inspecteur du travail ;

Considérant que les dispositions précitées, actuellement reprises à l'article L. 4624-1 dudit code, organisent, dans le cadre du contrat de travail, un recours de l'employeur ou du salarié à l'encontre de l'avis émis par le médecin du travail sur les mesures individuelles justifiées par des considérations relatives à l'état de santé des travailleurs ; que, si un tel recours n'est pas enfermé dans un délai déterminé, il ne peut, eu égard à son objet, portant sur l'aptitude d'un salarié à son emploi et sur les mutations ou transformations de postes justifiées par l'âge, la résistance physique ou l'état de santé dudit salarié, être utilement exercé qu'avant le licenciement de l'intéressé, lequel ne peut intervenir qu'après la recherche par l'employeur des éventuelles possibilités de reclassement ; que, dès lors, un salarié, qui a eu la possibilité d'exercer ce recours avant son licenciement, n'est plus recevable à former un tel recours après ce licenciement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le médecin du travail a déclaré M. A inapte à son poste de travail et à tout poste dans l'entreprise lors d'une visite médicale, le 2 février 2007, faisant suite à une première visite médicale, intervenue à la demande du salarié, le 19 janvier 2007, alors que le même médecin l'avait estimé apte à un travail de bureau lors de consultations intervenues le 2 octobre 2006 et le 8 janvier 2007 ; que M. A, qui n'allègue pas avoir nié son inaptitude à tout poste dans l'entreprise durant la période où cette dernière lui recherchait un emploi de reclassement ou durant les jours précédant son licenciement, n'a pas contesté l'avis médical d'inaptitude rendu le 2 février 2007 avant d'avoir reçu notification, le 28 février 2007, de la lettre du 27 février 2007 prononçant son licenciement ; que, dès lors, M. A n'était plus recevable le 13 mars 2007 à saisir l'inspecteur du travail, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 241-10-1 du code du travail, pour contester son inaptitude physique ; que l'inspecteur du travail était ainsi tenu de rejeter une telle demande ; que la décision du 14 mai 2007 par laquelle il a déclaré M. A apte à son poste de travail doit par suite être annulée ; que c'est dès lors à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de la SA METALLIANCE tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'eu égard à ses motifs, le présent arrêt, qui annule la décision du 14 mai 2007 par laquelle l'inspecteur du travail a reconnu M. A apte à occuper son poste, implique seulement le rejet pour tardiveté du recours formé par M. A contre l'avis du médecin du travail ; que, dès lors, sans qu'il besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte, il y a lieu d'enjoindre à l'inspecteur du travail de rejeter le recours de M. A ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SA METALLIANCE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige qui lui est soumis ; que les conclusions présentées à ce titre pour M. A doivent dès lors être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0701533 du 11 décembre 2008 du Tribunal administratif de Dijon et la décision du 14 mai 2007 par laquelle l'inspecteur du travail a reconnu l'aptitude de M. A à son poste sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à l'inspecteur du travail de rejeter le recours de M. A contre l'avis du 2 février 2007 par lequel le médecin du travail l'a déclaré inapte à tout emploi dans l'entreprise de la SA METALLIANCE.

Article 3 : L'Etat versera à la SA METALLIANCE une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de M. A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SA METALLIANCE, à M. Roger A et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2011 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Pourny et Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 7 juillet 2011.

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N° 09LY00287

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-03-04 Travail et emploi. Conditions de travail. Médecine du travail.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : TIXIER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 07/07/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09LY00287
Numéro NOR : CETATEXT000024470830 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-07-07;09ly00287 ?
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