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24/08/2010 | FRANCE | N°09LY02851

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 24 août 2010, 09LY02851


Vu la décision n° 301563, en date du 7 décembre 2009, enregistrée au greffe de la Cour le 16 décembre 2009, par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi en cassation présenté pour la société Autogrill Côté France, a annulé l'arrêt n° 02LY00922 du 12 décembre 2006 par lequel la Cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit à la requête de Mme Bernadette A, a annulé, d'une part, le jugement du 14 mars 2002 du tribunal administratif de Dijon rejetant la demande de celui-ci tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'emploi et de la

solidarité du 20 avril 2001 autorisant la société Autogrill Côté F...

Vu la décision n° 301563, en date du 7 décembre 2009, enregistrée au greffe de la Cour le 16 décembre 2009, par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi en cassation présenté pour la société Autogrill Côté France, a annulé l'arrêt n° 02LY00922 du 12 décembre 2006 par lequel la Cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit à la requête de Mme Bernadette A, a annulé, d'une part, le jugement du 14 mars 2002 du tribunal administratif de Dijon rejetant la demande de celui-ci tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité du 20 avril 2001 autorisant la société Autogrill Côté France à la licencier et, d'autre part, la décision ministérielle du 20 avril 2001 ;

Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2002, présentée par Mme Bernadette A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 012563 du 14 mars 2002 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité du 20 avril 2001 autorisant la société Autogrill Côté France, à la licencier ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

Elle soutient que :

- la décision en litige est insuffisamment motivée,

- la société Autogrill Côté France a tardé à procéder à son licenciement qui avait été autorisé dès le 20 avril 2001,

- elle doit être regardée comme bénéficiant d'un contrat tacite lui permettant, depuis vingt ans, de travailler de façon continue,

- le refus exprimé le 2 mai 2000, sous la pression de son employeur, ne constitue pas une réponse au courrier en date du 24 janvier 2000, qui n'est pas un avenant à son contrat de travail, mais résulte d'une proposition de travailler selon des horaires discontinus non prévus par l'accord sur la réduction du temps de travail,

- le tribunal administratif et le ministre du travail ont commis une erreur de droit en faisant application de l'article L. 212-3 du code du travail,

- son refus d'accepter une modification de ses conditions de travail ne constitue pas une faute suffisamment grave pour justifier son licenciement,

- ce licenciement revêt un caractère discriminatoire ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 juillet 2002, présenté pour la société Autogrill Côté France, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la décision ministérielle en litige est suffisamment motivée ; que ne pouvant imposer unilatéralement la modification des conditions de travail de Mme A, liées au nouvel aménagement des horaires de travail, elle devait procéder au licenciement de l'intéressée ; que la procédure de licenciement s'inscrit dans le cadre de l'article 30 de la loi du 19 janvier 2000 ; que le licenciement ne revêtant pas un caractère disciplinaire, elle n'était tenue par aucun délai particulier entre la décision du ministre et la notification du licenciement ; que le courrier du 24 janvier 2000 s'analyse comme un avenant au contrat de travail de l'intéressée ; que la seule modulation applicable à l'intéressée aurait résulté de l'un des trois modes prévus à l'annexe I à l'accord du 22 décembre 1999 ; que l'intéressée n'apporte pas la preuve de ce que la société lui aurait proposé de travailler de façon discontinue et de ce que son refus aurait été exprimé sous la pression ; que le licenciement ne présente pas de caractère discriminatoire ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 août 2002, présenté par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que l'utilisation tardive de l'autorisation de licenciement est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ; que la modification de la répartition des horaires de travail sur la semaine ne constitue qu'une simple modification des conditions de travail en l'absence de clause contraire au contrat de travail ou d'un bouleversement du mode de vie qui en résulterait ; que l'usage invoqué par l'intéressée n'est pas assimilable à une clause d'un contrat tacite ; que ce licenciement ne revêt pas un caractère discriminatoire ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 août 2002, présenté par Mme A, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que la société Autogrill Côté France n'a soumis les projets de l'accord initial et de ses avenants ultérieurs ni au comité central ni au comité d'établissement et que la modulation affichée en 2000 ne correspond à aucun des trois scénarios annexés à l'accord ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 septembre 2002, présenté par Mme A, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 décembre 2005, présenté par Mme A, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 2 mars 2010 fixant la clôture d'instruction au 19 mars 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juillet 2010 :

- le rapport de M. Chanel, président ;

- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;

Considérant que Mme A, engagée le 24 juillet 1981 par la société Autogrill Côté France en qualité d'employée de restauration sur l'aire d'autoroute de Beaune-Tailly à Mercueil (Côte d'Or), est devenue membre du comité d'établissement ; que, le 22 décembre 1999, un accord d'aménagement et de réduction du temps de travail a été signé entre la direction et les organisations syndicales ; que, par courrier du 2 mai 2000, Mme A a informé son employeur de son refus de la modulation du temps de travail ; que, par lettre en date du 21 juillet 2000, reçue le 24, la société Autogrill Côté France a sollicité l'autorisation de licencier Mme A pour cause réelle et sérieuse ; que, par décision du 22 janvier 2001, l'inspecteur du travail a confirmé la décision implicite de rejet née le 25 novembre 2000 du silence gardé par l'administration sur la demande présentée par la société ; que, sur recours hiérarchique formé par la société le 20 février 2001, le ministre de l'emploi et de la solidarité a, par décision du 20 avril 2001, annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de Mme A au motif que le refus par celle-ci d'accepter les nouveaux horaires constituait une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; que, par jugement du 14 mars 2002, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de Mme A tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 20 avril 2001 ; que, par arrêt du 12 décembre 2006, la Cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit à la requête de l'intéressée au motif que le refus par un salarié protégé d'accepter un changement dans ses conditions de travail n'était par lui-même constitutif d'aucune faute, a annulé le jugement du Tribunal administratif de Dijon ainsi que la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 20 avril 2001 ; que la décision rendue par le Conseil d'Etat le 7 décembre 2009, sur pourvoi de la société Autogrill Côté France, a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon pour erreur de droit dès lors que le refus par un salarié protégé d'accepter une modification dans ses conditions de travail constitue en principe une faute et qu'il appartient alors à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si la faute ainsi commise est d'une gravité suffisante pour justifier la délivrance de l'autorisation de licenciement sollicitée, et a renvoyé l'affaire devant ladite Cour ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 212-3 du code du travail alors en vigueur issu du I de l'article 30 de la loi du 19 janvier 2000 susvisée : La seule diminution du nombre d'heures stipulé au contrat de travail, en application d'un accord de réduction de la durée du travail, ne constitue pas une modification du contrat de travail. et qu'aux termes du II de l'article 30 de la loi du 19 janvier 2000 : Lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent une modification de leur contrat de travail en application d'un accord de réduction de la durée du travail, leur licenciement est un licenciement individuel ne reposant pas sur un motif économique et est soumis aux dispositions des articles L. 122-14 à L. 122-17 du code du travail. ; qu'il résulte de ces dispositions que le refus par un salarié protégé d'accepter une modification de son contrat de travail découlant de la mise en oeuvre d'un accord de réduction de la durée du travail constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement visant un tel salarié de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si, dans les circonstances de l'espèce, l'accord collectif sur la base duquel la modification de son contrat de travail est imposée au salarié est conforme aux exigences du code du travail, et, dans l'affirmative, si, compte tenu, d'une part, des droits du salarié concerné et de sa situation particulière, d'autre part, de l'atteinte susceptible d'être portée aux intérêts de l'employeur et des autres salariés, ce refus constitue une cause réelle et sérieuse du licenciement envisagé ;

Considérant que, par lettre du 24 janvier 2000, la société Autogrill Côté France a informé chacun de ses salariés de ce que la durée hebdomadaire moyenne de travail appréciée sur une année serait, à compter du 1er février 2000, de trente-cinq heures en moyenne hebdomadaire, conformément à l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail signé le 22 décembre 1999, et que cette durée hebdomadaire de travail pourrait fluctuer dans l'année en fonction du programme de modulation annexé à cet accord ; que, pour annuler la décision de l'inspecteur du travail et autoriser le licenciement de Mme A, le ministre s'est fondé sur la circonstance que, en l'absence de clause contractuelle incluse au contrat de travail, les nouveaux horaires proposés en application dudit accord constituaient une modification des conditions de travail et qu'en refusant de les accepter, la salariée avait commis une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; qu'en retenant ce motif sans rechercher si, compte tenu des droits de l'intéressée, l'atteinte que son refus était susceptible de porter aux intérêts de son employeur et des autres salariés de l'entreprise pouvait constituer une cause réelle et sérieuse du licenciement envisagé, alors, d'une part, que la demande d'autorisation reposait sur la non acceptation par Mme A de la diminution de ses horaires, laquelle, en vertu de l'article 30 de la loi du 19 janvier 2000, n'était pas à elle seule constitutive d'une modification du contrat de travail, et, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les stipulations de l'accord ne sont pas conformes aux exigences légales, le ministre a entaché sa décision d'une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme AX est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de la société Autogrill Côté France tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Autogrill Côté France, qui est, dans la présente instance, la partie perdante, bénéficie de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 14 mars 2002 et la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité du 20 avril 2001 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la société Autogrill Côté France tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Bernadette A, à la société Autogrill Côté France et au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2010 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Monnier et Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 24 août 2010.

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N° 09LY02851


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02851
Date de la décision : 24/08/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Christian CHANEL
Rapporteur public ?: M. GIMENEZ
Avocat(s) : BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-08-24;09ly02851 ?
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