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04/03/2010 | FRANCE | N°09NC00569

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 04 mars 2010, 09NC00569


Vu la requête, enregistrée le 20 avril 2009, complétée par mémoire enregistré le

1er février 2010, présentée pour LA SOCIETE COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS, dont le siège est ..., par Me Lautré-Goasguen ; la SOCIETE COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704611 du 26 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en restitution d'un montant de 24 135 euros de taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2002 ;


2°) de prononcer la restitution demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat ...

Vu la requête, enregistrée le 20 avril 2009, complétée par mémoire enregistré le

1er février 2010, présentée pour LA SOCIETE COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS, dont le siège est ..., par Me Lautré-Goasguen ; la SOCIETE COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704611 du 26 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en restitution d'un montant de 24 135 euros de taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2002 ;

2°) de prononcer la restitution demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la Cour de justice des Communautés européennes a expressément jugé par son arrêt du 6 octobre 2005 (aff. C-243/03 Commission c/France) que la condition financière posée notamment à l'égard des subventions d'équipement par l'instruction du 8 septembre 1994 du service de la législation fiscale est incompatible avec les articles 17 et 19 de la sixième directive ;

- le régime prévu aux articles 216 bis et suivants de l'annexe II au code général des impôts, qui pose la même condition financière que celle condamnée par l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, doit en conséquence être regardé comme entaché d'une incompatibilité avec le droit communautaire révélée par le même arrêt, autorisant une action en restitution sur le fondement des dispositions du 3ème alinéa de l'article L.190 du livre des procédures fiscales ;

- la Direction générale des impôts a elle-même tiré toutes les conséquences de l'arrêt en cause dans une instruction publiée au BOI indiquant que la condition financière ne constitue plus une condition du droit à déduction et précisant que les dispositions de l'article 216 ter de l'annexe II au code général des impôts ne sont plus applicables en tant qu'elles subordonnent la procédure de transfert des droits à déduction à une condition de répercussion ;

- les textes invoqués constituent une règle de droit au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, s'agissant du décret codifié à l'article 216 ter de l'annexe II au code général des impôts et d'une circulaire à caractère réglementaire ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut :

- au rejet de la requête ;

Il soutient que aucun des moyens n'est de nature à entraîner la restitution de la taxe litigieuse ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 6 octobre 2005 aff. 243/03, 3e ch., Commission c/ République française ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 février 2010 :

- le rapport de Mme Le Montagner, président,

- et les conclusions de Mme Fischer Hirtz, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : (...) Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle ou un avis rendu au contentieux, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision ou l'avis révélant la non-conformité est intervenu. ; qu'en vertu de l'article R. 196-1 du même code : Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : (...) b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que le délai pour réclamer le remboursement d'un impôt ou d'une taxe versée court, en l'absence d'émission d'un avis de recouvrement ou d'établissement d'un rôle, à partir du versement de l'impôt, sauf à ce qu'un événement permette de rouvrir le délai ; qu'en application de l'article 216 ter de l'annexe II au code général des impôts : La taxe déductible est celle afférente : 1° aux investissements publics que l'Etat, les collectivités locales et leurs établissements publics ont concédés ou affermés lorsque leur coût constitue l'un des éléments du prix du service soumis à la taxe ; ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS, qui exploite un réseau interurbain de transports publics de voyageurs dans le cadre d'une convention de gestion et d'exploitation passée le 14 février 2001 avec le département du Bas Rhin, a soumis au titre de l'année 2002 à la taxe sur la valeur ajoutée la subvention d'exploitation due par la collectivité délégante et compensée par la redevance d'usage égale à l'amortissement technique des biens concédés afin de se conformer aux prévisions de l'instruction du 21 janvier 1985 rappelant les dispositions de l'article 216 ter de l'annexe II au code général des impôts instituant une obligation de répercussion du coût des biens dans le prix des services soumis à la taxe ;

Considérant que, par un arrêt du 6 octobre 2005, la Cour de justice des Communautés européennes, statuant sur la requête de la Commission des Communautés européennes lui demandant de constater que la République française avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire et notamment des articles 17 et 19 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, en limitant le droit à déduction de la taxe afférente à l'achat de biens d'équipement en raison du fait qu'ils avaient été financés au moyen de subventions, a jugé que (33) ... les dispositions nationales en cause soumettent le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée lorsque l'acquisition du bien concerné est financée à l'aide d'une subvention, à la condition que les amortissements de ce bien soient répercutés dans le prix des opérations effectuées par l'assujetti, condition qui n'est pas prévue par la sixième directive et qui constitue, par conséquent, une limitation du droit à déduction non permise par celle-ci et constaté ( 37) ... que, en instaurant une règle particulière limitant la déductibilité de la TVA afférente à l'achat de biens d'équipement en raison du fait qu'ils ont été financés au moyen de subventions, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire et, notamment, des articles 17 et 19 de la sixième directive ; que si l'arrêt précité de la Cour de justice des Communautés européennes, qui considère que l'exigence de répercussion des amortissements des biens financés par subvention sur le prix des opérations réalisées par le redevable contrevient aux articles 17 et 19 de la 6ème directive, se prononce sur un dispositif limitant la déductibilité de la taxe afférente à l'achat de biens d'équipements, il résulte de ses termes mêmes de cet arrêt qu'il a pour effet de déclarer incompatibles avec les dispositions de la 6ème directive l'ensemble des dispositifs de déduction de la TVA instituant une telle condition ; que, par suite, l'incompatibilité des dispositions de l'article 216 ter de l'annexe II au code général des impôts auxquelles se réfère l'instruction du 21 janvier 1985 doit être regardée comme ayant été révélée par cette décision juridictionnelle ; qu'il suit de là que la décision de la Cour de justice des Communautés européennes du 6 octobre 2005, qui constitue un évènement au sens du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, autorisait la société requérante, en application des dispositions du 3ème alinéa de l'article L. 190 du même livre, à demander, par une réclamation présentée le 11 décembre 2006, la restitution de la somme d'un montant non contesté de 23 145 euros indument acquittée sur le fondement des dispositions de l'article 216 ter de l'annexe II au code général des impôts au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2002 ; qu'il s'ensuit que le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 26 février 2009 ayant rejeté la demande de la COMPAGNIE DES TRANSPORTS SRASBOURGEOIS au motif que sa réclamation présentée à l'administration le 11 décembre 2006 en vue d'obtenir la restitution de la TVA indûment payée au titre de l'année 2002 était tardive doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Considérant qu' il résulte, comme il est dit ci-dessus, de l'arrêt susmentionné du 6 octobre 2005 de la Cour de Justice des Communautés européennes que les dispositions de l'article 216 ter de l'annexe II au code général des impôts n'étaient pas conformes au droit communautaire en tant, notamment, qu'elles avaient pour effet de subordonner, ainsi que l'exigeait également l'instruction du 21 janvier 1985, le transfert des droits à déduction de la TVA ayant grevé l'acquisition des biens nécessaires à l'exploitation du réseau à l'assujettissement spontané à la taxe des subventions accordées à l'entreprise par le département de la Moselle pour compenser la redevance d'usage ; qu'il s'ensuit que la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS est en droit de prétendre à la restitution de la somme de 23 145 euros correspondant au montant non contesté de la taxe en litige indûment versée au titre de l'année 2002 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la COMPAGNIE DES TRANSPORTS SRASBOURGEOIS et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif Strasbourg du 26 février 2009 est annulé.

Article 2 : Il est accordé à la COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS restitution de la somme de 23 145 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée indûment versée au titre de 2002.

Article 3 : L'Etat versera à la COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

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N° 09NC00569


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-02-02-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES. RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES. RÉCLAMATIONS AU DIRECTEUR. DÉLAI. - ACTION EN RESTITUTION FONDÉE SUR LA NON-CONFORMITÉ À UNE RÈGLE SUPÉRIEURE DE LA RÈGLE DE DROIT DONT IL A ÉTÉ FAIT APPLICATION - DÉLAI DE RÉCLAMATION - EVÈNEMENT MOTIVANT LA RÉCLAMATION AU SENS DU C DU 1 DE L'ART. R. 196 DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES - PRÉSENCE - ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES DU 6 OCTOBRE 2005 AFF. 243/03, COMMISSION C/ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DÉCLARANT INCOMPATIBLE AVEC LES ART. 17 ET 19 DE LA 6ÈME DIRECTIVE 77/388 CEE LA RÈGLE PARTICULIÈRE LIMITANT LA DÉDUCTIBILITÉ DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE AFFÉRENTE À L'ACHAT DE BIENS D'ÉQUIPEMENT AU MOTIF QU'ILS ONT ÉTÉ FINANCÉS PAR VOIE DE SUBVENTIONS.

19-02-02-02 Alors même que la Cour de justice des communautés européennes, qui par un second arrêt du même jour invalide un dispositif équivalent du Royaume d'Espagne, ne se prononce pas sur les dispositions de l'article 216 ter de l'annexe II au code général des impôts relatives aux investissements publics concédés, mais sur une instruction administrative du 8 septembre 1994 du service de la législation fiscale édictant des règles applicables à la taxe ayant grevé des investissements financés par subvention, la constatation du manquement commis par la France en limitant le droit à déduction de certains assujettis bénéficiaires de subventions constitue, compte tenu de la portée générale de l'arrêt qui condamne expressément la condition de répercussion, un évènement au sens du c de l'article R. 196 du livre des procédures fiscales dont peut se prévaloir le concessionnaire d'un réseau de transport auquel la même règle particulière a été opposée sur le fondement de l'article 216 de l'annexe II au code général des impôts.,,,Annulation du jugement de première instance qui avait jugé tardive la demande en restitution formée sur le fondement de l'article L. 190 des procédures fiscales.,,,[RJ1],,[RJ2].


Références :

[RJ1]

Rappr. CAA Lyon, 30 novembre 2006, Regnault de Maulmin, n° 06LY00901, inédit au Recueil.,,,

[RJ2]

Cf. sol. contr. CAA Nantes, 20 avril 2009, SA Kéolis Cherbourg, n° 08NT01334, inédit au Recueil.


Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: Mme Michèle LE MONTAGNER
Rapporteur public ?: Mme FISCHER-HIRTZ
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 04/03/2010
Date de l'import : 22/01/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09NC00569
Numéro NOR : CETATEXT000022203213 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-03-04;09nc00569 ?
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