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18/02/2010 | FRANCE | N°09NC00698

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 18 février 2010, 09NC00698


Vu I°) la requête, enregistrée le 14 mai 2009 sous le n° 09NC00698, présentée pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAÔNE par Me Fort ; la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAÔNE demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0501842 en date du 19 mars 2009 du Tribunal administratif de Besançon en tant qu'il a rejeté sa demande tendant au remboursement des débours qu'elle a exposés, de condamner le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône à lui verser la somme de 25 581,56 € correspondant auxdits débours ainsi que la somme de 955 € au

titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, enfin, que la somme de ...

Vu I°) la requête, enregistrée le 14 mai 2009 sous le n° 09NC00698, présentée pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAÔNE par Me Fort ; la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAÔNE demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0501842 en date du 19 mars 2009 du Tribunal administratif de Besançon en tant qu'il a rejeté sa demande tendant au remboursement des débours qu'elle a exposés, de condamner le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône à lui verser la somme de 25 581,56 € correspondant auxdits débours ainsi que la somme de 955 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, enfin, que la somme de 1 000 € soit mise à la charge du centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAÔNE soutient qu'elle a exposé pour le compte de M. A des dépenses d'un montant total de 25 581,56 € au titre des conséquences de l'opération du 5 mars 1987 ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 septembre 2009, présenté pour M. A par Me Bertholde ; M. A conclut, par les mêmes moyens, aux mêmes fins que son mémoire enregistré à la même date sous la requête n° 09NC00754 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2009, présenté pour le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône, par Me Le Prado ; le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- l'annulation des jugements avant dire droit en date des 23 janvier 2007 et 24 avril 2008 et du jugement du 19 mars 2009 du Tribunal administratif de Besançon, dans l'instance n° 09NC00754, implique le rejet de la requête de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAÔNE ;

- la créance de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAÔNE est prescrite ; le point de départ de la prescription de ses débours est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les dépenses ont été exposées, à savoir le 1er janvier 1988 ;

- la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAÔNE demande le remboursement de débours qui sont antérieurs au 5 mars 1987, c'est-à-dire à l'acte chirurgical litigieux, alors qu'elle doit démontrer un lien de causalité entre les sommes qu'elle réclame et la faute médicale alléguée ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 6 janvier 2010, présenté pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAÔNE ; elle maintient l'ensemble de ses conclusions mais réduit ses conclusions principales à la somme de 22 158,17 € au titre de ses débours ; elle soutient que :

- sa créance n'était pas prescrite à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ; le point de départ de la prescription à considérer est la date de la consolidation ;

- ses débours sont justifiés et sont en lien direct avec les faits dommageables en cause ; elle a établi un nouveau décompte, actualisé au 24 septembre 2009, sur la base de l'attestation d'imputabilité du médecin-conseil ;

Vu II°) la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement au greffe de la Cour le 20 mai 2009 et le 27 juillet 2009 sous le n° 09NC00754, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE LA HAUTE-SAÔNE, dont le siège est 41 avenue Aristide Briand à Vesoul (70014), par Me Le Prado ; le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE LA HAUTE-SAÔNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501842 du 23 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Besançon, avant de statuer sur les conclusions de M. A tendant à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE LA HAUTE-SAÔNE, a ordonné une expertise médicale ;

2°) d'annuler le jugement n° 0501842 en date du 24 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Besançon, après avoir retenu sa responsabilité, a ordonné un complément d'expertise afin d'évaluer le préjudice subi ;

3°) d'annuler le jugement n° 0501842 en date du 19 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Besançon l'a condamné à verser à M. A une indemnité de 44 000 euros en réparation de son préjudice ;

Il soutient que :

- les premiers juges ont écarté à tort la prescription quadriennale de la créance que détenait M. A sur lui ; la prescription décennale en matière médicale issue de l'article 98 de la loi du 4 mars 2002, codifié à L. 1142-28 du code de la santé publique, ne s'applique qu'à des faits intervenus à compter du 5 septembre 2001 ; s'agissant du point de départ de la prescription, il y a lieu de retenir la date du 3 octobre 1989, à laquelle a eu lieu l'amputation du membre inférieur gauche de M. A, et non celle du 1er décembre 2001 comme l'ont fait les premiers juges ; qu'ainsi la créance de M. A est prescrite ;

- aucune faute ne peut lui être reprochée pour avoir procédé à une arthrolyse sur le genou gauche de M. A alors même qu'aucun prélèvement bactériologique n'avait été réalisé avant l'intervention ;

- c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamné à réparer l'intégralité du préjudice ; si la faute commise a compromis les chances du patient d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice est constitué par la seule perte de chance d'éviter la survenance du dommage ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2009, présenté pour M. A par Me Bertholde ; M. A conclut au rejet de la requête, à ce qu'une somme de 3 000 € soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE LA HAUTE-SAÔNE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et, par voie d'appel incident, à la réformation du jugement du 19 mars 2009 du Tribunal administratif de Besançon en ce qu'il a fixé à 20 % le taux d'incapacité temporaire totale, fixé respectivement à 3,5 et 3 sur une échelle de 7 ses souffrances et son préjudice esthétique, et limité à 44 000 € l'indemnité à lui verser, et à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE LA HAUTE-SAÔNE à lui verser la somme de 1 424 934,47 € au titre des préjudices qu'il a subis ;

Il soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal administratif a fait application de la prescription décennale prévue à l'article L. 1142-28 du code de la santé publique et a fixé son point de départ à compter de la date de consolidation de son état, soit le 1er décembre 2001 ;

- la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE LA HAUTE-SAÔNE est engagée du fait des conséquences de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 5 mars 1987 ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a limité la période d'incapacité temporaire totale du 5 mars 1987 au 1er octobre 1987 alors qu'elle aurait dû prendre fin au 1er décembre 2001 et a évalué le taux d'incapacité permanente partielle à 20 % alors qu'il aurait dû être fixé à 50 % ;

- les préjudices évalués à 44 000 euros doivent être portés à 1 424 934,47 euros ;

Vu les ordonnances en date du 14 décembre 2009 par lesquelles le président de la 3ème chambre de la Cour a fixé la clôture de l'instruction au 8 janvier 2010 à 16 heures ;

Vu les jugements attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique, et notamment son article L. 1142-28 ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2010 :

- le rapport de M. Brumeaux, président,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Considérant que les requêtes de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAÔNE et du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE LA HAUTE-SAÔNE sont relatives aux conséquences d'un même accident et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE LA HAUTE-SAÔNE :

Considérant qu'à la suite d'un grave accident de la circulation survenu le 1er décembre 1986, M. A a été opéré au centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône pour des traumatismes multiples aux deux jambes, notamment une fracture ouverte complexe du fémur gauche ; qu'en raison d'un déficit d'extension du genou gauche, il a subi le 5 mars 1987 une arthrolyse selon la technique de Judet au niveau du fémur gauche dans le même établissement hospitalier ; que, consécutivement à cette opération, il a présenté une parésie du nerf sciatique poplité gauche ainsi qu'une bactériémie avec hémoculture positive ; que le développement d'une nécrose a nécessité le 3 octobre 1989 l'amputation de sa jambe gauche au niveau de la diaphyse fémorale ;

Considérant que l'opération pratiquée sur M. A le 5 mars 1987 visait à améliorer la flexion du genou gauche et à éviter la rétractation musculaire du quadriceps gauche ; que s'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que cette intervention chirurgicale a eu pour conséquence de réveiller les infections déjà présentes dans l'organisme du patient à cause de sa fracture accidentelle souillée par des débris végétaux et métalliques, les conséquences de ce second épisode infectieux, la lésion du nerf sciatique, ont cependant été entièrement récupérées et ne sont pas à l'origine de la nécrose de sa jambe gauche ; que l'opération litigieuse du 5 mars 1987 n'est ainsi pas à l'origine des complications ultérieures et de l'amputation pratiquée le 3 octobre 1989 ;

Considérant qu'en raison de l'absence de lien de causalité entre l'intervention chirurgicale litigieuse et les préjudices invoqués, et à supposer même que cette intervention ait été prématurée et qu'elle aurait dû être précédée d'examens bactériologiques, c'est ainsi à tort que le tribunal administratif a retenu la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE LA HAUTE SAÔNE ; que, pour le même motif, la circonstance que M. A n'a pas été informé des conséquences de l'opération chirurgicale qu'il allait subir le 5 mars 1987, n'est pas davantage susceptible d'engager la responsabilité du centre hospitalier ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale, le centre hospitalier requérant est fondé à demander l'annulation du jugement avant dire droit du 24 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Besançon l'a reconnu responsable des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale subie le 5 mars 1987 par M. A, et, par voie de conséquence, du jugement du 19 mars 2009 fixant le préjudice subi par l'intéressé ; qu'en revanche les conclusions présentées par le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE LA HAUTE-SAÔNE dirigées contre le jugement avant-dire droit en date du 23 janvier 2007, qui ne tranche aucune question de droit et se borne à définir la mission de l'expert, ne peuvent être que rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les demandes présentées par M. A et par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAÔNE devant le tribunal administratif, ainsi que leurs conclusions d'appel, doivent être rejetées ;

Sur les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'affaire, de mettre les frais des deux expertises ordonnées en première instance, taxés et liquidés respectivement par ordonnances du président du Tribunal administratif de Besançon en date des 11 janvier 2008 et 3 novembre 2008 à la somme globale de 2 600 €, à la charge du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE LA HAUTE-SAÔNE ;

Sur les conclusions présentées en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE LA HAUTE-SAÔNE qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, les sommes que demandent M. A et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAÔNE au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les jugements du Tribunal administratif de Besançon en date des 24 avril 2008 et 19 mars 2009 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE LA HAUTE-SAÔNE est rejeté.

Article 3 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Besançon et les conclusions d'appel incident de M. A sont rejetées.

Article 4 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Besançon et la requête d'appel de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAÔNE sont rejetées.

Article 5 : Les frais d'expertise exposés en première instance, taxés et liquidés à la somme de 2 600 €, sont mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE LA HAUTE-SAÔNE.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE LA HAUTE-SAÔNE, à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-SAÔNE et à M. Didier A.

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09NC00698-09NC00754


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC00698
Date de la décision : 18/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : FORT ; FORT ; FORT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-02-18;09nc00698 ?
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