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15/04/2010 | FRANCE | N°09NT00497

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 15 avril 2010, 09NT00497


Vu la requête, enregistrée le 19 février 2009, présentée pour M. et Mme Brahim X, demeurant ..., par Me Cartron, avocat au barreau de Rennes ; M. et Mme Brahim X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-538 du 22 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a condamné le centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Rennes à leur verser, ès qualités d'administrateurs légaux de leur fils mineur Sami X, à compter du 12 mai 1999 et jusqu'à l'âge de sa majorité, une rente annuelle de 10 000 euros et une rente de 100 euros par jour due

au prorata du nombre de nuits passées par l'enfant au domicile familial...

Vu la requête, enregistrée le 19 février 2009, présentée pour M. et Mme Brahim X, demeurant ..., par Me Cartron, avocat au barreau de Rennes ; M. et Mme Brahim X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-538 du 22 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a condamné le centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Rennes à leur verser, ès qualités d'administrateurs légaux de leur fils mineur Sami X, à compter du 12 mai 1999 et jusqu'à l'âge de sa majorité, une rente annuelle de 10 000 euros et une rente de 100 euros par jour due au prorata du nombre de nuits passées par l'enfant au domicile familial, ces rentes étant revalorisées par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale et assorties des intérêts légaux à compter du 22 août 2000, capitalisés au 29 octobre 2007 et à chaque échéance ultérieure, en tant que ce jugement n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs demandes indemnitaires ;

2°) de liquider leur préjudice, à titre provisionnel, selon leurs demandes ;

3°) d'ordonner une expertise médico-légale de l'état de santé de leur fils Sami, l'expert désigné étant assisté d'un sapiteur spécialisé en évaluation des besoins en aides techniques et humaines et en aménagement du cadre de vie d'une personne handicapée ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu l'arrêté du 1er décembre 2009 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion

prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 2010 :

- le rapport de Mme Dorion, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Hervouet, rapporteur public ;

- les observations de Me Cartron, avocat de M. et Mme X ;

- et les observations de Me Duroux-Couery, avocat de la CPAM d'Ille-et-Vilaine ;

Considérant que, par un jugement avant dire droit du 30 mars 2006 devenu définitif, le Tribunal administratif de Rennes a déclaré le centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Rennes responsable des conséquences dommageables de l'anoxie périnatale dont a été victime le jeune Sami X, né le 12 mai 1999 ; que M. et Mme X, agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs Sami, Adem et Sofia, ont demandé la réparation de leurs préjudices ; que, par un arrêt du 7 février 2008, la cour, statuant sur un jugement avant dire droit du 13 septembre 2007 portant sur la réparation du préjudice moral subi par M. et Mme X, a porté l'indemnisation de celui-ci à 30 000 euros pour chacun des parents ; que M. et Mme X interjettent appel du jugement du 22 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a condamné le CHRU de Rennes à leur verser, ès qualités d'administrateurs légaux de leur fils mineur Sami X, à compter du 12 mai 1999 et jusqu'à l'âge de sa majorité, une rente annuelle de 10 000 euros et une rente de 100 euros par jour due au prorata du nombre de nuits passées par l'enfant au domicile familial, en tant que ce jugement n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs demandes indemnitaires ;

Sur l'évaluation du préjudice subi par le jeune Sami X et les droits de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Ille-et-Vilaine :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jeune Sami reste atteint, du fait de l'anoxie périnatale dont il a été victime, de lésions cérébrales majeures entraînant une incapacité permanente partielle évaluée par l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes à 95 % ; que son état de santé étant susceptible de dégradation à l'avenir et sa consolidation médicale n'étant pas acquise, il y a lieu de mettre à la charge du CHRU de Rennes la réparation des préjudices subis par la victime entre le 12 mai 1999, jour de sa naissance, et la date à laquelle elle atteindra l'âge de la majorité et où il y aura lieu de procéder à une nouvelle évaluation du dommage ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une nouvelle expertise présenterait, à la date du présent arrêt, un caractère utile ;

Considérant que la CPAM d'Ille-et-Vilaine exerce sur les réparations dues au titre du préjudice subi par Sami X, le recours subrogatoire prévu à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; qu'il y a lieu de statuer poste par poste sur ce préjudice et sur les droits respectifs de la victime et de la caisse ;

En ce qui concerne le préjudice à caractère patrimonial :

Quant aux dépenses de santé :

Considérant, en premier lieu, que la CPAM d'Ille-et-Vilaine justifie que les frais d'hospitalisation, de soins médicaux et paramédicaux, de pharmacie, d'appareillage et de transport supportés pour son assuré du 12 mai 1999 au 19 mai 2009 s'élèvent à la somme de 505 994,65 euros dont le remboursement incombe au CHRU de Rennes ;

Considérant, en second lieu, que les frais restés à la charge de la victime pour l'acquisition de différents matériels spécialisés tels que notamment lit médicalisé, chariot douche, verticalisateur, fauteuil roulant, peuvent être évalués à la somme globale de 20 000 euros, réputée comprendre le renouvellement de ces équipements ;

Quant aux frais liés au handicap :

Considérant que si le juge n'est pas en mesure de déterminer lorsqu'il se prononce si l'enfant sera placé dans une institution spécialisée ou s'il sera hébergé au domicile de sa famille, il lui appartient d'accorder à l'enfant une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien au domicile familial, en fixant un taux quotidien et en précisant que la rente sera versée au prorata du nombre de nuits que l'enfant aura passées à ce domicile au cours du trimestre considéré ; que les autres chefs de préjudice demeurés à la charge de l'enfant doivent être indemnisés par ailleurs, sous la forme soit d'un capital, soit d'une rente distincte ; que le juge doit condamner le responsable du dommage à rembourser à l'organisme de sécurité sociale qui aura assumé la charge du placement de l'enfant dans une institution spécialisée, le remboursement, sur justificatifs, des frais qu'il justifiera avoir exposés de ce fait ; qu'en cas de refus du centre hospitalier, il appartiendra à la caisse de faire usage des voies de droit permettant d'obtenir l'exécution des décisions de la justice administrative ;

Considérant que la CPAM d'Ille-et-Vilaine justifie avoir exposé jusqu'au 19 mai 2009, au titre de l'accueil du jeune Sami en institution spécialisée, une somme de 88 248,67 euros dont elle est fondée à demander le remboursement ; que le centre hospitalier doit également rembourser à la caisse, sur justificatifs, toutes les sommes qu'elle a exposées depuis le 19 mai 2009, et exposera à l'avenir, au titre du placement de l'enfant en établissement spécialisé ; qu'en cas de refus du centre hospitalier, il appartiendra à la caisse de faire usage des voies de droit permettant d'obtenir l'exécution des décisions de la justice administrative ;

Considérant que les premiers juges ont fait une juste appréciation des frais afférents au maintien de Sami au domicile de ses parents, eu égard notamment à la nécessité de l'assistance d'une tierce personne, en attribuant à l'enfant, depuis le 12 mai 1999 et jusqu'à sa majorité, une rente calculée sur la base d'un taux quotidien dont le montant, fixé à 100 euros au 22 décembre 2008, date du jugement attaqué, sera revalorisé par la suite par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ; que cette rente, versée par trimestres échus, sera due au prorata du nombre de nuits que l'enfant aura passées au domicile familial ;

Considérant que si M. et Mme X demandent la prise en charge de frais d'aménagement de leur logement, ils n'établissent ni avoir exposé de tels frais, ni la nécessité d'un aménagement spécial ; que le préjudice invoqué ne présente pas, par conséquent, en l'état de l'instruction, le caractère certain lui conférant la qualité de préjudice réparable ; que le présent arrêt ne fait toutefois pas obstacle à ce que les requérants, s'il s'y croient fondés, saisissent le tribunal d'une nouvelle demande d'indemnité en cas d'aggravation de leur préjudice ;

Considérant que la nécessité d'un véhicule pour l'adapter au handicap de Sami est, en revanche, établie ; que, compte tenu du devis produit par les requérants, il en sera fait une juste appréciation du surcoût lié à l'acquisition d'un véhicule plus spacieux et du coût de son adaptation en les fixant à 15 000 euros ; que, les droits à réparation devant être réévalués lorsque l'enfant aura atteint l'âge de la majorité, il n'y a pas lieu d'y inclure le coût de renouvellement de cet équipement ;

Quant à l'incidence scolaire du dommage corporel :

Considérant que le jeune Sami est atteint depuis sa naissance d'un handicap tel qu'il ne peut être scolarisé ; que ce poste de préjudice ne se distingue pas, dans ces circonstances, des préjudices patrimoniaux dont il est fondé à demander réparation au titre des frais liés au handicap ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

Considérant qu'en attribuant au jeune Sami X, en réparation de l'ensemble des préjudices personnels qu'il subit en raison de son état de santé, une rente versée par trimestres échus, depuis sa naissance et jusqu'à sa majorité, dont le montant annuel, fixé à 10 000 euros à la date du jugement attaqué, sera revalorisé par la suite par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation des faits de l'espèce ;

Sur les intérêts :

Considérant que la CPAM d'Ille-et-Vilaine a droit aux intérêts au taux légal, à compter du 29 mai 2009, date d'enregistrement au greffe de la cour de son mémoire, sur la différence entre la somme de 594 243,32 euros au paiement de laquelle est condamné le centre hospitalier par le présent arrêt et les sommes déjà remboursées à la date du 29 mai 2009 ;

Sur l'indemnité forfaitaire due à la caisse de sécurité sociale :

Considérant que la CPAM d'Ille-et-Vilaine a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 966 euros auquel elle est fixée, à la date du présent arrêt, par l'arrêté interministériel du 1er décembre 2009 ; qu'il y a lieu de porter à ce montant l'indemnité allouée à ce titre en première instance ;

Sur les pertes de chance professionnelle subies par M. et Mme X :

Considérant que Mme X demande réparation des pertes de revenus qu'elle estime avoir subies du fait du handicap présenté par son fils ; que toutefois, il est constant qu'elle ne travaillait pas avant la naissance de celui-ci, de sorte qu'elle ne justifie d'aucune diminution de sa rémunération ; que, si elle doit être regardée comme invoquant une perte de chance professionnelle, elle ne justifie pas avoir perdu une chance sérieuse de réussir au concours du certificat d'aptitude au professorat du second degré (CAPES) d'histoire-géographie alors qu'elle a accouché de son premier enfant durant son année d'Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) ; que M. X, qui a obtenu son diplôme d'ingénieur en 1990 et ne précise ni l'emploi qu'il occupait avant la naissance de son fils Sami, ni la carrière à laquelle il se destinait, ne justifie pas davantage d'un préjudice professionnel ; que, dans ces circonstances, les requérants n'établissent pas avoir subi un préjudice distinct de celui déjà réparé par la condamnation du centre hospitalier à leur verser la somme de 30 000 euros à chacun au titre de leur préjudice moral ;

Sur les préjudices moraux des enfants Arem et Sofia X :

Considérant que la naissance des enfants Arem et Sofia est postérieure à l'apparition du dommage survenu à leur frère ; que les troubles dans leurs conditions d'existence invoqués pour leur compte ne présentent pas, par conséquent, un lien direct avec la faute commise par le CHRU de Rennes ; que les conclusions susmentionnées doivent, par conséquent, sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X sont seulement fondés à demander la condamnation du CHRU de Rennes à leur verser, ès qualités de représentants légaux de leur fils mineur Sami X, la somme supplémentaire de 35 000 euros ; que la CPAM d'Ille-et-Vilaine est fondée, quant à elle, à demander que le montant de ses débours et l'indemnité forfaitaire de gestion accordés par le jugement attaqué soient respectivement portés à 594 243,32 et 966 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du CHRU de Rennes une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la CPAM d'Ille-et-Vilaine et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le CHRU de Rennes est condamné à verser à M. et Mme X, ès qualités de représentants légaux de leur fils mineur Sami X, la somme de 35 000 euros (trente-cinq mille euros).

Article 2 : La somme de 524 671,01 euros (cinq cent vingt-quatre mille six cent soixante et onze euros et un centime) et l'indemnité de 926 euros (neuf cent vingt-six euros) que le CHRU de Rennes a été condamné à payer à la CPAM d'Ille-et-Vilaine par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Rennes du 22 décembre 2008 sont respectivement portées à 594 243,32 euros (cinq cent quatre-vingt-quatorze mille deux cent quarante-trois euros et trente-deux centimes) et 966 euros (neuf cent soixante-six euros). La somme de 594 243,32 euros portera intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2009 dans les conditions précisées ci-dessus.

Article 3 : Le jugement nos 02-538 et 07-4449 du Tribunal administratif de Rennes du 22 décembre 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X est rejeté.

Article 5 : Le CHRU de Rennes versera à la CPAM d'Ille-et-Vilaine la somme de 1 000 euros (mille euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Brahim X, au CHRU de Rennes et à la CPAM d'Ille-et-Vilaine.

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N° 09NT00497 2

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MILLET
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. GEFFRAY
Avocat(s) : CARTRON

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 15/04/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09NT00497
Numéro NOR : CETATEXT000022363974 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2010-04-15;09nt00497 ?
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