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25/01/2011 | FRANCE | N°10LY01389

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 25 janvier 2011, 10LY01389


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 juin 2010, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001161, en date du 11 mai 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 9 décembre 2009 par lesquelles il a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mlle Soumia A, a obligé celle-ci à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays vers lequel elle pourrait être reconduite d'office à l'issue de ce délai, lui a enjoint de déli

vrer à Mlle A une autorisation provisoire de séjour pendant la durée du traitement...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 juin 2010, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001161, en date du 11 mai 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 9 décembre 2009 par lesquelles il a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mlle Soumia A, a obligé celle-ci à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays vers lequel elle pourrait être reconduite d'office à l'issue de ce délai, lui a enjoint de délivrer à Mlle A une autorisation provisoire de séjour pendant la durée du traitement, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à sa charge la somme de 800 euros, au profit du conseil de Mlle A, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mlle Soumia A devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

Il soutient que les premiers juges, d'une part, ont commis une erreur de droit en considérant que Mlle A, ressortissante algérienne, résidait habituellement en France, d'autre part, ont commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le pays d'origine de Mlle A ne dispose pas de structures médicales en mesure de traiter de manière appropriée la pathologie dont souffre cette personne ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 août 2010, présenté pour Mlle Soumia A, domiciliée ... ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'annuler les décisions du 9 décembre 2009, par lesquelles le PREFET DU RHONE a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays vers lequel elle pourrait être reconduite d'office à l'issue de ce délai ;

3°) d'enjoindre au PREFET DU RHONE de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant toute la durée de son traitement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que le PREFET DU RHONE, en lui refusant le droit au séjour, a commis une erreur d'appréciation quant à son état de santé et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle est dans l'incapacité de voyager seule ; que, dès lors qu'elle ne résidait pas habituellement en France et qu'elle était admise dans un établissement de soins français à la date de la décision attaquée, les premiers juges n'ont commis aucune erreur de droit en enjoignant au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée du traitement, sur le fondement du dernier alinéa du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien ;

Vu la note en délibéré produite pour Mlle A le 12 janvier 2011 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 janvier 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les observations de Me Esquerre, avocat de Mlle A,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau à Me Esquerre ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A, de nationalité algérienne, née le 12 octobre 1990, est entrée en France le 21 août 2009 sous couvert d'un visa de court séjour et a, le 27 août 2009, demandé au PREFET DU RHONE de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étrangère malade ; que, le 9 décembre 2009, le préfet a rejeté cette demande, fait obligation à Mlle A de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désigné le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ; que, pour annuler les décisions du PREFET DU RHONE du 9 décembre 2009, le Tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur le motif tiré de ce que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de Mlle A ;

Considérant que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour se fonde notamment sur l'avis du médecin inspecteur de santé publique, daté du 3 septembre 2009, selon lequel l'état de santé de Mlle HAMIDI nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressée peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, pays vers lequel elle peut voyager sans risque ; que Mlle HAMIDI allègue ne pas être en mesure de bénéficier en Algérie d'un traitement approprié à la maladie dégénérative dont elle souffre depuis l'âge de six ans ; que, toutefois, le certificat rédigé par le docteur Ollagnon-Roman, neurogénéticien à l'hôpital de la Croix Rousse à Lyon, daté du 7 janvier 2010, versé au dossier, qui présente le bilan de santé de Mlle A réalisé en Algérie comme incomplet et propose, en conséquence, de réaliser des investigations médicales complémentaires en France en vue d'établir un diagnostic et de mettre en place une prise en charge thérapeutique, neurologique, de rééducation fonctionnelle et kinésithérapique, ne permet pas de conclure que la prise en charge médicale de l'intéressée en Algérie aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; que les certificats rédigés en mars 2010 par les docteurs Diaz et Bouvard, médecins généralistes, affirmant que les soins à prévoir sont impossibles en Algérie, ne sont pas circonstanciés ; qu'enfin, les documents médicaux relatifs à l'état de santé de la soeur de Mlle A, née en 1983, produits par la requérante, n'apportent aucune information relative à l'état de santé de la requérante à la date du 9 décembre 2009 ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant la décision de refus de séjour en litige, le PREFET DU RHONE ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mlle A ; que, par suite, le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 9 décembre 2009 refusant de délivrer un titre de séjour à Mlle A au motif qu'elle était entachée d'erreur manifeste d'appréciation et, par voie de conséquence, ses décisions de la même date portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ;

Considérant, toutefois, qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mlle A, tant devant le Tribunal administratif de Lyon que devant la Cour ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié : Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ;

Considérant qu'en refusant de délivrer à Mlle A le titre qu'elle sollicitait au motif que, étant entrée en France le 21 août 2009 sous couvert d'un visa de court séjour, en provenance d'Algérie, et ayant demandé un titre de séjour en invoquant son état de santé quelques jours plus tard, le 27 août 2009, elle n'avait pas en France sa résidence habituelle, le PREFET DU RHONE a fait une exacte application des stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre modifié ;

Considérant, en second lieu, que si Mlle A soutient que l'avis du médecin inspecteur de la santé publique aurait dû lui être communiqué, aucune disposition n'imposait au préfet de communiquer un tel avis à l'intéressée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des mentions de l'arrêté contesté que le PREFET DU RHONE a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mlle A et a, en particulier, examiné sa situation au regard des dispositions du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet se serait estimé lié par l'avis du médecin inspecteur de santé publique pour refuser le titre de séjour sollicité et aurait, ainsi, commis une erreur de droit, n'est pas fondé ;

Considérant, en quatrième lieu, que le PREFET DU RHONE a indiqué dans la décision de refus de séjour en litige que Mlle A ne justifiait pas être démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que cette mention n'est pas en contradiction avec le fait que les parents, les soeurs et le frère de Mlle A étaient en France, dès lors que l'expression employée par le préfet ne se limite pas à la famille proche de l'intéressée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de fait doit être écarté ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que si Mlle A fait valoir que ses parents, ses deux soeurs et son frère sont en France avec elle et qu'ils ont tous demandé un titre de séjour le 27 août 2009, il ressort des pièces du dossier qu'ils sont arrivés en France en août 2009 et n'avaient, à la date de la décision attaquée, le 9 décembre 2009, acquis aucun droit au séjour en France ; que, dans ces conditions, la décision de refus de séjour contestée n'a pas porté au droit de Mlle A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes raisons, ladite décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la vie privée et familiale de l'intéressée ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant que l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mlle A, laquelle mentionne que l'intéressée peut voyager sans risque vers son pays d'origine, n'implique pas que Mlle A voyage sans l'assistance d'une tierce personne ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de fait n'est pas fondé ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour, les moyens tirés de ce que la décision faisant obligation à Mlle A de quitter le territoire français a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée, doivent être écartés ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de destination a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée, doivent être écartés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 9 décembre 2009, lui a enjoint de délivrer à Mlle A une autorisation provisoire de séjour pendant la durée du traitement, dans un délai de deux mois à compter de la notification dudit jugement, et a mis à sa charge la somme de 800 euros, au profit du conseil de Mlle A, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de Mlle A aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens, dans les conditions prévues par les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1001161 du Tribunal administratif de Lyon en date du 11 mai 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mlle A devant le Tribunal administratif de Lyon et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU RHONE, à Mlle Soumia A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2011 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

Mme Steck-Andrez, président assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 janvier 2011.

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N° 10LY01389


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY01389
Date de la décision : 25/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-01-25;10ly01389 ?
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