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11/10/2012 | FRANCE | N°11LY02029

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 11 octobre 2012, 11LY02029


Vu la requête enregistrée le 10 août 2011, présentée pour la Société dauphinoise de charpente et couverture (SDCC), dont le siège est ZI Saint-Ange, BP 106 à Varces Cedex (38761) ;

La SDCC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0504652 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 10 juin 2011, en ce qu'il l'a condamnée à verser à la compagnie Ace Insurance Sa Nv, subrogée dans les droits de la commune de Saint-Égrève, d'une part, les sommes de 86 096 euros, 11 179,75 euros et 2 109,72 euros, d'autre part, solidairement avec M. B, Mme A et la socié

té Betrec, les sommes de 148 181,50 euros, 19 241,70 euros et 3 631,10 euros e...

Vu la requête enregistrée le 10 août 2011, présentée pour la Société dauphinoise de charpente et couverture (SDCC), dont le siège est ZI Saint-Ange, BP 106 à Varces Cedex (38761) ;

La SDCC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0504652 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 10 juin 2011, en ce qu'il l'a condamnée à verser à la compagnie Ace Insurance Sa Nv, subrogée dans les droits de la commune de Saint-Égrève, d'une part, les sommes de 86 096 euros, 11 179,75 euros et 2 109,72 euros, d'autre part, solidairement avec M. B, Mme A et la société Betrec, les sommes de 148 181,50 euros, 19 241,70 euros et 3 631,10 euros en indemnisation des désordres affectant les bureaux et la partie nord-est des combles de la mairie, enfin, les sommes de 299 euros et de 7 821,84 euros en indemnisation des désordres affectant la couverture de la seconde tranche de travaux et la galerie de liaison ;

2°) de rejeter la demande présentée contre elle par la compagnie Ace Insurance Sa Nv ;

3°) de condamner M. B, Mme A, la société Betrec et la société Socotec à la garantir de toute condamnation prononcée contre elle ;

4°) de mettre à la charge de la compagnie Ace Insurance Sa Nv, ou de qui mieux le devra, une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SDCC soutient que seuls les désordres désignés dans l'assignation en référé de la commune de Saint-Égrève délivrée le 22 mai 2003 et qui n'ont pas été réparés, ont pu bénéficier de l'interruption du cours de la garantie décennale ; que tel n'est pas le cas des désordres indemnisés par le Tribunal ; qu'en conséquence, la condamnation globale de 255 166 euros correspond à une créance prescrite ; qu'en outre, elle tend au financement d'une reprise totale de la couverture excédant l'ampleur des désordres, alors que les perforations de la couverture ont été réparées antérieurement et n'ont pas à être indemnisées une seconde fois ; que les désordres litigieux ne proviennent pas d'une insuffisance de pente de la toiture, le même phénomène affectant les parties de toiture présentant une pente différente ; que, l'insuffisance de pente étant apparente à la réception et n'ayant donné lieu à aucune réserve, les désordres qui en découlent ne relèvent pas de la garantie décennale ; que ce problème ne pouvait être ignoré du maître de l'ouvrage dont l'attention a été attirée par le contrôleur technique au cours de l'exécution des travaux ; que les désordres affectant la couverture de la passerelle ne lui sont pas imputables dès lors qu'elle n'est pas intervenue sur cet ouvrage ; que le paiement des honoraires de maîtrise d'oeuvre sur les travaux de reprise n'est pas justifié ; que la capitalisation des intérêts n'est pas due ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 9 février 2012, le mémoire en défense présenté pour la société Socotec, qui conclut au rejet de toutes conclusions qui pourraient être dirigées contre elle et demande à la Cour :

1°) de condamner M. B, Mme A, la société Orama et la SDCC à la garantir de toute condamnation ;

2°) de mettre à la charge de la SDCC une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Socotec soutient qu'en sa qualité de contrôleur technique, sa responsabilité ne saurait excéder les limites définies aux articles L. 111-23 à L. 111-25 du code de la construction et de l'habitation ; que les désordres affectant les menuiseries extérieures ont fait l'objet de mise en garde répétées de sa part ; que les plans d'exécution de la galerie de liaison ne lui ont jamais été soumis ; que l'expertise a révélé les manquements imputables aux maîtres d'oeuvre et aux entreprises de couverture ou de menuiserie qui doivent la garantir de toute condamnation ;

Vu l'ordonnance du 13 juin 2012 portant clôture de l'instruction au 2 juillet 2012 ;

Vu, enregistré le 28 juin 2012, le nouveau mémoire présenté pour la SDCC, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, qu'il résulte du décompte des marchés passés pour les travaux de reprise que la commune a fait réaliser des travaux excédant la réparation des désordres ; que le coût de ce qui est strictement nécessaire à leur reprise n'excède pas 129 936,21 euros HT pour les bâtiments nord-est et nord-ouest et 4 322,28 euros HT pour la couverture de la galerie ;

Vu, enregistré le 28 juin 2012, le mémoire en défense présenté pour M. Roland B et Mme Sophie A, architectes ;

M. B et Mme A concluent au rejet de la requête et demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0504652 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 10 juin 2011, en ce qu'il les a condamnés à verser à la compagnie Ace Insurance Sa Nv, subrogée dans les droits de la commune de Saint-Égrève, d'une part, solidairement avec la SDCC et la société Betrec, les sommes de 148 181,50 euros, 19 241,70 euros et 3 631,10 euros en indemnisation des désordres affectant les bureaux et la partie nord-est des combles de la mairie, d'autre part, solidairement avec la société Betrec et la société Orama, la somme de 1 375,40 euros en indemnisation des désordres affectant le hall d'accueil, en second lieu, de rejeter la demande indemnitaire présentée contre elle par la compagnie Ace Insurance Sa Nv ;

2°) d'annuler ledit jugement en ce qu'il a limité à 90 % de la condamnation mise à leur charge en indemnisation des désordres affectant les bureaux et la partie nord-est des combles de la mairie, la part que la SDCC a été tenue de garantir et au 2/3 de la condamnation mise à leur charge en indemnisation des désordres affectant le hall d'accueil, la part que la société Orama a été tenue de garantir, d'autre part, de porter à 100 % la garantie de ces condamnations et d'en faire supporter la charge à la SDCC et à la société Betrec ;

3°) de mettre à la charge de la SDCC, ou de qui mieux le devra, une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. B et Mme A soutiennent que l'instruction a permis d'établir que les désordres de la partie nord-est et de la partie centrale ne leur sont pas imputables ; que les toitures de la partie nord-ouest ont été conçues avec une pente minimale de 5 % ; que la malfaçon imputable à la seule SDCC n'était pas apparente à la réception ; que, dans ces conditions, leur responsabilité ne peut être recherchée au titre d'un défaut de conseil lors de la réception ; qu'une telle cause juridique serait, en outre, nouvelle en appel ; que les fautes d'exécution de la requérante justifient la mise hors de cause des maîtres d'oeuvre ou, qu'ils soient garantis de la totalité des condamnation mise à leur charge ; que le dispositif du jugement intervertit les condamnations respectivement prononcées pour les parties nord-est, centrale et nord-ouest ; que les désordres affectant la galerie de liaison, dont l'impact doit être apprécié sur la totalité de l'ouvrage, ne rendent pas ce dernier impropre à sa destination ; qu'au surplus, il ne sont pas imputables à la maîtrise d'oeuvre ;

Vu, enregistré le 28 juin 2012, le mémoire en défense présenté pour la compagnie Ace Insurance Sa Nv, qui conclut à titre principal au rejet de la requête et à la condamnation solidaire de M. B, Mme A, la société Betrec et la SDCC à lui payer les sommes de 234 777 euros et 32 953 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2008 et capitalisation de ces intérêts et, à titre subsidiaire, au cas où la Cour estimerait que les désordres liés à l'absence de pente de la toiture étaient apparents, à la condamnation avec intérêts et capitalisation,

1°) de M. B et Mme A à lui verser les mêmes sommes ;

2°) à la condamnation solidaire de M. B, Mme A, la société Betrec, la SDCC et la société France Orama à lui payer la somme de 3 303 euros T.T.C. ;

3°) à la condamnation de la société France Orama à lui payer la somme de 1 674,40 euros ;

4°) à la condamnation solidaire de M. B, Mme A, la société Betrec et la SDCC à lui payer la somme de 323,90 euros ;

5°) à la condamnation solidaire de M. B, Mme A, la société Betrec et la société France Orama à lui payer la somme de 4 528,29 euros ;

6°) à la condamnation solidaire de M. B, Mme A, la société Betrec, la SDCC et la société France Orama à lui payer la somme de 14 859,67 euros ;

La compagnie Ace Insurance Sa Nv soutient que la commune de Saint-Égrève a régulièrement interrompu, par son assignation du 22 mai 2003, le délai de garantie décennale pour tous les désordres qui ont entraîné sa condamnation par le jugement en date du 15 novembre 2010 du Tribunal de grande instance de Grenoble ; que les désordres relatifs aux infiltrations dans les bureaux et combles, qui compromettent la destination de l'ouvrage, ont un caractère décennal et n'étaient pas apparents lors de la réception ; qu'aucun abattement pour vétusté ne serait justifié ; que les désordres sont imputables à M. B, à Mme A, à la société Betrec et à la SDCC, ce qui justifie leur condamnation solidaire ; qu'il en est de même pour les désordres consistant en des infiltrations dans le hall d'accueil et par le mur rideau nord, qui engagent également la responsabilité décennale de la société France Orama ; qu'il en est de même pour les désordres relatifs à la seconde tranche de travaux ; qu'elle a droit également aux sommes correspondant aux honoraires de maîtrise d'oeuvre et aux primes d'assurance dommages ouvrage relatifs aux travaux de réparation ; qu'elle doit être indemnisée aussi des condamnations annexes prononcées par le tribunal de grande instance au titre du préjudice de jouissance et des frais de déménagement et de dossier ; que le montant de ses préjudices correspond aux sommes qu'elle a dû verser à la commune de Saint-Égrève ; que la SDCC n'invoque aucune cause de nature à l'exonérer de sa responsabilité ;

Vu, enregistré le 28 juin 2012, le mémoire en défense présenté pour la S.A. Betrec Génie civil, qui conclut, à titre principal, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il la condamne, à titre subsidiaire à la condamnation solidaire de M. B, Mme A, la SDCC et la société France Orama à la relever et garantir de toute condamnation ; la S.A. Betrec Génie civil demande en outre à la Cour de condamner la SDCC ou qui mieux le devra à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'elle doit bénéficier de l'exception de prescription opposée par la SDCC ; que les désordres ne lui sont pas imputables, comme l'a admis l'expert, qui n'a pas retenu sa responsabilité ; que les missions d'avant-projet sommaire et d'avant-projet définitif étaient presque exclusivement dévolues au cabinet B/A ; que l'expert a stigmatisé les responsabilités du cabinet B/A , de la SDCC et de la société Orama ; que le montant des condamnations a été surévalué par les premiers juges ;

Vu l'ordonnance du 2 juillet 2012 portant réouverture de l'instruction et clôture au 24 août 2012 ;

Vu les lettres du 10 juillet 2012, adressées aux parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

Vu, enregistré le 19 juillet 2012, le nouveau mémoire présenté pour M. B et Mme A, qui, présentant leurs observations sur le moyen d'ordre public évoqué par les lettres du 10 juillet 2012, soutiennent que leur appel constitue un appel incident et non un appel provoqué et que leur situation serait aggravée au cas où il serait fait droit à la requête de la SDCC ; qu'il appartient à la cour de rectifier l'erreur matérielle affectant le jugement (interversion des sommes dans les articles 3 et 4) ;

Vu, enregistré le 6 août 2012, le mémoire présenté pour la société MAAF Assurances, qui demande à être mise hors de cause ;

Vu, enregistré le 9 août 2012, le nouveau mémoire présenté pour la compagnie Ace Insurance Sa Nv, qui, présentant ses observations sur le moyen d'ordre public évoqué par les lettres du 10 juillet 2012, soutient que les conclusions de M. B et Mme A constituent bien un appel provoqué ; que l'erreur matérielle dont ils font état n'est pas démontrée ;

Vu, enregistré le 14 août 2012, le nouveau mémoire présenté pour la compagnie Ace Insurance Sa Nv, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 20 août 2012 portant réouverture de l'instruction et clôture au 7 septembre 2012 ;

Vu, enregistré le 6 septembre 2012, le nouveau mémoire présenté pour la SDCC, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et en outre par le moyen qu'il n'appartient pas aux constructeurs de régler des indemnités non affectées à la reprise des désordres, comme cela a été le cas en l'espèce ;

Vu, enregistré le 7 septembre 2012, le nouveau mémoire présenté pour la compagnie Ace Insurance Sa Nv qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et en outre par le moyen que les indemnités ont bien été affectées à la reprise des désordres ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des assurances, notamment l'article L. 121-12 ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2012 :

- le rapport de M. du Besset, président ;

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

- et les observations de Me Carret, représentant la Société dauphinoise de charpente et couverture, de Me Favet, représentant la compagnie Ace Insurance Sa Nv, de Me Robert, représentant M. B et Mme A, de Me Guidetti, représentant la société Betrec, et de Me Bovier, représentant la société Socotec ;

1. Considérant que la compagnie Ace Insurance Sa Nv, agissant en tant que subrogée dans les droits de la commune de Saint-Egrève son assurée au titre de l'article L. 121.12 du code des assurances, a demandé au Tribunal administratif de Grenoble de condamner solidairement, sur le fondement de leur responsabilité décennale, M. B et Mme A, architectes, la société Betrec, la Société dauphinoise de charpente et couverture (SDCC) et la société France Orama, constructeurs ayant participé aux travaux d'extension des bâtiments de la mairie de cette commune à lui payer diverses sommes pour un total de 310 477,21 euros en indemnisation du préjudice résultant des désordres ayant affecté ces bâtiments à la suite de ces travaux ; que, par jugement du 10 juin 2011, le Tribunal administratif a partiellement fait droit à cette demande ainsi qu'aux appels en garantie formés par les constructeurs ; que la SDCC, par la voie de l'appel principal, et la compagnie Ace Insurance Sa Nv, M. B et Mme A, la S.A. Betrec Génie civil et la société Socotec, par la voie d'appels incidents et provoqués, demandent sa réformation ;

Sur l'appel principal de la SDCC et l'appel incident de la compagnie Ace Insurance Sa Nv :

En ce qui concerne les travaux de la première tranche :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 2244 du code civil dans sa rédaction alors applicable : " Une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir. " ; qu'aux termes de l'article 2270 du même code " Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article. " ; qu'il résulte de ces dispositions, applicables à la responsabilité décennale des architectes et des entrepreneurs à l'égard des maîtres d'ouvrage publics, qu'une citation n'interrompt la prescription qu'à la double condition d'émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait ;

3. Considérant que la SDCC fait valoir que l'action en responsabilité décennale était prescrite lorsque la compagnie Ace Insurance Sa Nv a saisi le Tribunal administratif ; que cette compagnie soutient, quant à elle, que le délai de prescription a été interrompu du fait que la commune de Saint-Égrève l'a assignée aux fins d'expertise le 22 mai 2003 devant le Tribunal de grande instance de Grenoble et qu'elle-même a demandé, le 21 octobre 2003, que les constructeurs soient attraits à l'instance ;

4. Considérant qu'en ce qui concerne les travaux de la première tranche, le délai d'action décennale de la commune de Saint-Égrève à l'égard des constructeurs a commencé à courir à la date à laquelle ces travaux ont été réceptionnés, soit le 6 avril 1995, et a donc expiré le 6 avril 2005 ; que la requête, en date du 28 août 2005, tendant à leur condamnation au titre de la responsabilité décennale des architectes et des entrepreneurs à l'égard des maîtres d'ouvrage, a été enregistrée au greffe du Tribunal administratif le 30 août 2005, postérieurement à l'expiration du délai décennal ; qu'à défaut de mise en cause des constructeurs dans la procédure initiée le 22 mai 2003 par la commune de Saint-Égrève et alors que, lorsqu'elle a demandé, le 21 octobre 2003, l'extension de l'expertise aux constructeurs, la compagnie Ace Insurance Sa Nv n'était pas encore subrogée dans les droits de son assurée, le délai de la prescription décennale relative à l'ouvrage en cause n'a pu être suspendu par la présentation de ces demandes d'expertise ; que, ce délai étant expiré lors de la saisine du Tribunal administratif de Grenoble, la SDCC est fondée à soutenir que c'est à tort que celui-ci a retenu sa responsabilité et à demander pour ce motif, l'annulation du jugement en tant qu'il la condamne à verser à la compagnie Ace Insurance Sa Nv les sommes de 86 096 euros, de 11 179,75 euros et de 2 109 euros, soit au total 99 385,47 euros, au titre des infiltrations dans les bureaux et les combles des parties Nord-Est et centrale du bâtiment, en tant qu'il la condamne, solidairement avec M. B, Mme A et la société Betrec, à lui verser les sommes de 148 181,50 euros, de 19 241,70 euros et de 3 631,10 euros, soit au total 171 054,30 euros, au titre des infiltrations dans les bureaux et dans les combles du reste du bâtiment, et en tant qu'il la condamne à garantir M. B, Mme A et la société Betrec de 90 % de cette condamnation solidaire ; que, pour le même motif, les conclusions d'appel incident présentées sur le fondement de la responsabilité décennale par la compagnie Ace Insurance Sa Nv doivent être rejetées ;

5. Considérant que, si la compagnie Ace Insurance Sa Nv fait valoir qu'au cas où les désordres seraient regardés comme ayant été apparents lors de la réception, la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre serait engagée au titre de leur devoir de conseil, il résulte de l'instruction que les désordres ne peuvent être regardés comme apparents ; qu'ainsi ce moyen doit être écarté ;

En ce qui concerne les travaux de la deuxième tranche :

6. Considérant que les travaux de la deuxième tranche ayant été réceptionnés le 22 février 1996, l'action en responsabilité décennale de la compagnie Ace Insurance Sa Nv n'était pas prescrite lorsque, le 30 août 2005, elle a saisi le Tribunal administratif ;

7. Considérant que les constructeurs tenus à la garantie décennale sont responsables de plein droit des dommages non apparents à la réception qui compromettent la destination de l'ouvrage à la construction duquel ils ont participé ; qu'ils ne peuvent s'exonérer de cette responsabilité qu'en prouvant que les désordres proviennent d'une cause étrangère à leur intervention ;

8. Considérant que, contrairement à ce que soutient la SDCC, l'article 3.2.3. du cahier des clauses techniques particulières annexé à son marché prévoit expressément l'exécution de la couverture de la passerelle de liaison ; que la circonstance qu'elle n'aurait pas réalisé elle-même cet ouvrage est, en tout état de cause, sans incidence sur la présomption d'imputabilité des désordres qui pèse sur elle ;

9. Considérant qu'en vertu de l'article 1154 du code civil, les intérêts courant sur le principal peuvent être capitalisés à chaque date anniversaire ; que les intérêts au taux légal ayant couru depuis le 16 décembre 2008 sur le montant de la condamnation de la SDCC, plus d'une année d'intérêts était échue au 18 mars 2010, date à laquelle la compagnie Ace Insurance Sa Nv a présenté sa demande de capitalisation ; que, par suite, la SDCC n'est pas fondée à soutenir que le jugement aurait prononcé à tort la capitalisation des intérêts échus au 18 mars 2010 ;

10. Considérant que si la compagnie Ace Insurance Sa Nv demande que les indemnités que la SDCC a été condamnée à lui verser au titre des infiltrations par la couverture et par la galerie de liaison soient portées respectivement de 229 à 323,90 euros et de 7 826,84 à 14 859 euros, les seules circonstances que le jugement du tribunal de grande instance de Grenoble en date du 15 novembre 2010 a prévu une indexation pour les condamnations qu'il a prononcées et qu'elle-même, en exécution de ce jugement, a versé de telles sommes à la commune de Saint-Égrève, ne sont pas de nature à justifier ses prétentions sur ce point ;

11. Considérant que, si la compagnie Ace Insurance Sa Nv demande la condamnation de la SDCC à l'indemniser de préjudices " annexes " et notamment d'un préjudice de jouissance, il ne résulte pas de l'instruction et notamment pas du rapport d'expertise, que les désordres ayant affecté les travaux de la deuxième tranche aient pu causer de tels préjudices ;

12. Considérant que, si la compagnie Ace Insurance Sa Nv demande que les condamnations prononcées aux articles 5, 6 et 7 du jugement soient étendues solidairement à d'autres constructeurs, elle n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation du tribunal administratif quant à l'imputabilité des désordres visés par ces articles ; qu'ainsi ses conclusions sur ce point ne peuvent qu'être rejetées sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité ;

Sur les appels provoqués :

13. Considérant, en premier lieu, que l'admission partielle de l'appel principal de la SDCC aggrave la situation de M. B, de Mme A et de la société Betrec, qui se trouvent exposés, à raison de la solidarité, à devoir payer à la compagnie Ace Insurance Sa Nv la totalité de la somme de 171 054,30 euros et à n'être remboursés par la SGCC que sur la base des indemnités réduites, laissées à sa charge par le présent arrêt ; qu'ils sont, dès lors, recevables et fondés, au titre de la prescription de l'action décennale, à demander, par voie d'appel provoqué, l'annulation du jugement en tant qu'il les condamne solidairement avec la SDCC à payer cette somme de 171 054,30 euros ;

14. Considérant, en deuxième lieu, que ni M. B et Mme A, ni la société Betrec n'établissent que les désordres résultant d'infiltrations dans le hall d'accueil ne leur sont pas imputables alors que ce hall était compris dans leur mission de maîtrise d'oeuvre ;

15. Considérant, en troisième lieu, que les conclusions présentées contre la société France Orama sont relatives à un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel principal ; qu'elles sont dès lors irrecevables ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, la Société dauphinoise de charpente et couverture est seulement fondée à demander l'annulation des articles 3 et 9 du jugement attaqué et, en tant qu'il la concerne, de son article 4, que, d'autre part, M. B, Mme A et la société Betrec sont seulement fondés à demander l'annulation de l'article 4 du jugement en tant qu'il les concerne, qu'enfin le surplus des conclusions des parties doit être rejeté ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que, d'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la compagnie Ace Insurance Sa Nv doivent être rejetées ; que, d'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les autres parties ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 3, 4 et 9 du jugement n° 0504652 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 10 juin 2011 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions présentées par la compagnie Ace Insurance Sa Nv devant le Tribunal administratif de Grenoble au titre des désordres affectant les ouvrages livrés à l'issue de la première tranche des travaux sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Société dauphinoise de charpente et couverture, à la compagnie Ace Insurance Sa Nv, à M. B, à Mme A, à la société Betrec, à la société Socotec, à la société Orama et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2012, où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- M. Dursapt, premier conseiller,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 octobre 2012.

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N° 11LY02029

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02029
Date de la décision : 11/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Emmanuel du BESSET
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : SCP DUNNER CARRET ESCALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-10-11;11ly02029 ?
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