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13/12/2012 | FRANCE | N°11NC01589

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 13 décembre 2012, 11NC01589


Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2011 au greffe de la Cour, présentée pour la communauté urbaine de Strasbourg, par M. Bourgun, avocat ;

La communauté urbaine de Strasbourg demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003516 du 21 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision en date du 9 mars 2010 par laquelle son vice-président, M. Egles, a préempté les biens immobiliers situés 26 rue Himmerich à Strasbourg et cadastrés section BP n° 104/89, n° 142/80 et n° 176/90 ;

2°) de rejeter la demande pr

sentée par la société DDM Patrimoine devant le Tribunal administratif de Strasbourg ; ...

Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2011 au greffe de la Cour, présentée pour la communauté urbaine de Strasbourg, par M. Bourgun, avocat ;

La communauté urbaine de Strasbourg demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003516 du 21 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision en date du 9 mars 2010 par laquelle son vice-président, M. Egles, a préempté les biens immobiliers situés 26 rue Himmerich à Strasbourg et cadastrés section BP n° 104/89, n° 142/80 et n° 176/90 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société DDM Patrimoine devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de la société DDM Patrimoine la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative ;

Elle soutient que :

- si, à la date à laquelle la déclaration d'intention d'aliéner a été transmise à la communauté urbaine de Strasbourg, cette dernière ne disposait pas d'un projet de nature à justifier l'exercice de son droit de préemption, ce projet existait, le 9 mars 2010, à la date où a été prise la décision querellée, après qu'aient été consultés les bailleurs sociaux ;

- l'opération poursuivie était déterminée à la date où a été exercé le droit de préemption même si ses caractéristiques précises n'avaient pas été définies ; il est indiqué, dans la motivation de la décision litigieuse, la construction de 16 à 18 logements répartis sur trois petits collectifs, le projet pouvant être décliné en construction de maisons en bandes ; de plus, la seule référence aux orientations du programme local de l'habitat suffisait ; or, comme le souligne la décision querellée, le programme local de l'habitat, " établi sur 6 ans, prévoit un objectif de 1500 logements en acquisition-améliorations sur le territoire de la communauté urbaine de Strasbourg et la production de 470 logements neufs aidés sur le secteur de Strasbourg-Robertsau " ;

- la décision du 9 mars 2010 a été transmise à la préfecture du Bas-Rhin et reçue le même jour ;

- M. Egles, vice-président de la communauté urbaine de Strasbourg, était compétent pour signer la décision du 9 mars 2010 ; rien dans le code général des collectivités territoriales n'interdisait au président de la communauté urbaine de Strasbourg de subdéléguer à un vice-président la délégation d'attribution reçue de l'assemblée délibérante dès lors que celle-ci avait autorisé le président à y procéder ; la délibération du 18 avril 2008 du conseil communautaire a prévu cette possibilité de subdélégation, les dispositions de l'article L. 2122-23 du code général des collectivités territoriales le permettant en l'espèce;

- la réalité du projet décrit dans la décision de préemption contestée peut être vérifiée ; le projet présenté par la société Nouveau Logis de l'Est a été validé par le vice-président M. Egles en réponse à la note qui lui a été adressée par ses services le 9 mars 2010 ; le 1er avril 2010, le conseil d'administration de la société Nouveau Logis de l'Est a validé la réalisation du projet ; le projet de construction est donc réel ; la circonstance que la localisation du projet n'appartienne pas aux zones identifiées dans le programme local de l'habitat est sans emport dès lors que le PLH prévoit aussi l'implantation de projets dans des zones non encore identifiées ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 23 avril 2012, le mémoire en défense présenté pour la SARL DDM Patrimoine, par Me Alexandre, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la communauté urbaine de Strasbourg au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative ;

Elle soutient que :

- le juge doit contrôler l'existence et la réalité d'un projet même si ses caractéristiques précises ne sont pas définies ; les intentions de la collectivité doivent être réelles ; la réalité du projet doit pouvoir être contrôlée soit directement si la décision mentionne son objet, soit en prenant connaissance de la décision à laquelle elle renvoie ;

- la décision du 9 mars 2010 ne prévoit aucun programme précis de logements dont la réalité serait démontrée ;

- en l'espèce, la décision du 9 mai 2010 ne pouvait être motivée par référence au plan local de l'habitat ; en effet, à cette date, la communauté urbaine de Strasbourg ne justifie pas de l'existence d'un projet sur le terrain préempté ; d'ailleurs, la communauté urbaine de Strasbourg reconnaît elle-même qu'à la date du 11 janvier 2010, elle ne disposait pas de projet de nature à justifier l'exercice du droit de préemption ; la délibération du conseil de communauté du 27 novembre 2009 relative au programme local d'habitat, à laquelle renvoie la décision de préemption du 9 mars 2010, ne prévoit pas de projets dans ce secteur géographique ; l'objectif général de réaliser 470 logements neufs aidés sur le secteur de Strasbourg-Robertsau ne saurait suffire à justifier le projet pour lequel il a été fait usage de l'exercice du droit de préemption ; il est impossible de s'assurer que le bien préempté concourt de manière effective à la réalisation d'un projet ou d'une opération d'aménagement résultant du plan local d'habitat ;

- la décision du 9 mars 2010 est entachée d'incompétence de son auteur ; la subdélégation par le président d'un établissement public de coopération intercommunal à un vice-président de la délégation d'attributions reçue de l'organe délibérant est illégale ; une autorité administrative ne peut déléguer sa compétence qu'à la condition d'y avoir été expressément autorisée par une disposition explicite ; les règles fixées par le code général des collectivités territoriales en matière de délégation de compétences des conseils municipaux aux maires ne s'appliquent pas aux établissements publics de coopération intercommunale qui sont régis en la matière par des règles spéciales ; ne trouvent pas à s'appliquer les dispositions de l'article L. 5211-2 du code général des collectivités territoriales ; par suite, l'article L. 2122-23 du même code relatif aux subdélégations de pouvoir des maires aux adjoints est inapplicable aux établissements publics de coopération intercommunale ;

- la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement justifiant l'exercice du droit de préemption n'est pas démontrée ; au cas d'espèce, il s'agit d'une préemption d'opportunité ; la référence au programme local d'habitat (PLH) ne permet pas de justifier la réalité du projet ; il n'existait pas de projet de réaliser un programme immobilier par un bailleur social rue Himmerich ; cette rue n'est pas visée par le PLH qui définit les zones de livraison de logements envisageables entre 2010 et 2014 ; elle ne figure même pas dans les " zones futures à aménager " ; l'opération ne figure pas dans l'acte source que constitue le PLH ; l'appelante le reconnaît puisqu'elle indique expressément que le projet se situe dans des zones non encore identifiées au PLH ; l'appelante n'a réagi qu'à la réception de la déclaration d'intention d'aliéner ; elle a alors consulté les bailleurs sociaux ; il n'y pas de preuve de la formalisation d'un début de projet ; ses caractéristiques essentielles ne sont même pas présentées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2012 :

- le rapport de M. Vincent, président de chambre,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me N'Guyen, avocat de la société DDM Patrimoine ;

1. Considérant que, par décision en date du 9 mars 2010, le vice-président de la communauté urbaine de Strasbourg a préempté les biens immobiliers sis section BP n°104/_89,142/80 et 176/90 à Strasbourg ; que la communauté urbaine de Strasbourg relève appel du jugement du 21 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a ,à la demande de la société DDM Patrimoine, acquéreur évincé, annulé ladite décision ainsi que la décision du 14 juin 2010 portant rejet du recours gracieux contre cette décision au double motif que le projet justifiant l'exercice du droit de préemption n'avait été défini qu'après la réception de la déclaration d'intention d'aliéner et qu'aucun document ne permettait de déterminer la nature de l'opération ou de l'action d'aménagement que la collectivité publique entendait mener dans ce secteur et à laquelle doit concourir la décision litigieuse ;

Sur la légalité de la décision litigieuse :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat (...), la décision de préemption peut, sauf lorsqu' il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération (...) " ;

En ce qui concerne le premier moyen retenu par le tribunal :

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ;

4. Considérant que, comme il vient d'être dit, c'est à la date à laquelle le droit de préemption est exercé que doit être appréciée la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement mené par la collectivité publique ; que si la communauté urbaine de Strasbourg ne disconvient pas n'avoir pas encore disposé d'un projet de nature à justifier l'exercice du droit de préemption à la date du 11 janvier 2010 à laquelle a été reçue la déclaration d'intention d'aliéner concernant les biens immobiliers en cause, c'est à la date du 9 mars 2010 à laquelle elle a pris la décision litigieuse qu'il convenait de se placer pour porter cette appréciation ;que c'est ainsi à tort que, pour annuler la décision litigieuse, le Tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance qu'un tel projet n'était pas encore défini à la date du 11 janvier 2010 ;

En ce qui concerne le second moyen retenu par le tribunal :

5. Considérant que, lorsque la loi autorise la motivation par référence à un programme local de l'habitat, les exigences résultant de l'article L. 210-1 doivent être regardées comme remplies lorsque la décision de préemption se réfère à une délibération fixant le contenu ou les modalités de mise en oeuvre de ce programme, et qu'un tel renvoi permet de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la collectivité publique entend mener au moyen de cette préemption ; qu'à cette fin, la collectivité peut soit indiquer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement du programme local de l'habitat à laquelle la décision de préemption participe, soit se borner à renvoyer à la délibération si celle-ci permet d'identifier la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement poursuivie, eu égard notamment aux caractéristiques du bien préempté et au secteur géographique dans lequel il se situe ;

6. Considérant que la décision de préemption litigieuse précise qu'elle intervient " en vue de la mise en oeuvre d'une politique locale de l'habitat et plus précisément pour faire réaliser un programme immobilier par un logeur social, qui pourra comprendre 16 à 18 logements répartis sur 3 petits collectifs, ce projet pouvant être décliné en construction de maisons en bande. La maison existante pourra être réhabilitée avec possibilité de créer 2 logements " et que " cette réalisation a lieu dans le cadre du programme local de l'habitat de la communauté urbaine de Strasbourg, approuvé par le conseil de communauté dans sa séance du 27 novembre 2009. Ce programme, établi sur 6 ans, prévoit un objectif de 1500 logements en acquisitions-améliorations sur la totalité du territoire de la communauté urbaine de Strasbourg et la production de 470 logements neufs aidés sur le secteur de Strasbourg-Robertsau. " ; qu'au titre des moyens mis en oeuvre pour parvenir à cet objectif, la carte de localisation des zones précise dans quels secteurs les logements pourront être réalisés entre 2012 et 2014 ainsi qu'après 2015 ; que, toutefois, il est constant que la parcelle en cause ne se situe pas dans l'un de ces secteurs ; qu'au surplus, il ne ressort d'aucune des notes internes du service Habitat de la communauté urbaine de Strasbourg, versées au dossier, que la décision litigieuse aurait pour objet la réalisation d'un objectif du programme local de l'habitat, l'une d'entre elles évoquant simplement le fait que l'acquisition de la parcelle en cause constituerait une " réelle opportunité foncière " ; que l'existence d'un projet préexistant à cet endroit ou dans une zone englobant l'emplacement de la parcelle litigieuse n'étant ainsi pas établie ,la communauté urbaine de Strasbourg n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision litigieuse, le Tribunal administratif de Strasbourg a également retenu le motif tiré du défaut de justification de la réalité d'un projet d'action ou d'opération répondant aux objectifs définis par les articles L 210-1 et L 300-1 du code de l'urbanisme ;

7. Considérant qu'il s'ensuit que la communauté urbaine de Strasbourg n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement susvisé du Tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation " ;

9. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société DDM Patrimoine, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la communauté urbaine de Strasbourg au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

10. Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté urbaine de Strasbourg le paiement de la somme de 1 500 euros au bénéfice de la SARL DDM Patrimoine au titre des mêmes dispositions ;

DECIDE

Article 1er : La requête susvisée de la communauté urbaine de Strasbourg est rejetée.

Article 2 : La communauté urbaine de Strasbourg versera à la SARL DDM Patrimoine une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté urbaine de Strasbourg et à la SARL DDM Patrimoine

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11NC01589


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01589
Date de la décision : 13/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption. Droit de préemption urbain (loi du 18 juillet 1985).


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Pierre VINCENT
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : SCP BOURGUN DÖRR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-12-13;11nc01589 ?
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