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15/11/2013 | FRANCE | N°11NT03046

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 15 novembre 2013, 11NT03046


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 novembre 2011 et 7 février 2012, présentés pour Mme D...A..., demeurant..., par Me Renda, avocat au barreau de Chartres ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001059 du 2 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant d'une part, à l'annulation de la décision du 23 octobre 2009 du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle, ensemble la décision implicite de rejet de s

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Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 novembre 2011 et 7 février 2012, présentés pour Mme D...A..., demeurant..., par Me Renda, avocat au barreau de Chartres ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001059 du 2 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant d'une part, à l'annulation de la décision du 23 octobre 2009 du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 18 décembre 2009 et, d'autre part, à la réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de son licenciement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser les traitements dont elle a été indûment privée ;

4°) d'enjoindre au ministre de la réintégrer dans ses fonctions au lycée professionnel agricole privé d'Anet ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- seul un manquement à une obligation prévue par un texte législatif ou réglementaire peut constituer une insuffisance professionnelle et non pas également le fait de ne pas avoir les diplômes requis ou de ne pas avoir suivi des formations professionnelles ;

- il appartenait à l'administration de la faire bénéficier des formations que nécessitait le changement de la discipline principale qu'elle enseignait ;

- en se référant, dans sa demande d'inspection, au problème d'équivalence de son diplôme belge avec les diplômes français, le chef du service des ressources humaines du ministère de l'agriculture et de la pêche a méconnu le principe d'impartialité ;

- le bénéfice d'une formation organisée à Angers du 12 au 16 décembre 2005 lui a été refusé ; elle a suivi une formation à Paris du 30 mars au 3 avril 2009 ; à la date du 6 mai 2009 à laquelle l'inspection a eu lieu, elle n'avait pas encore assimilé et mis en pratique les acquis de cette formation ;

- le courrier l'informant de l'engagement d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle ne mentionnant pas seulement les résultats de l'inspection du 6 mai 2009 mais aussi le niveau de son diplôme, autrement dit de fausses informations données lors de son recrutement, l'administration devait engager une procédure disciplinaire ;

- l'avis émis par la commission mixte paritaire le 13 octobre 2009 ne lui a pas été communiqué ;

- le dossier d'inspection pédagogique et la procédure de licenciement méconnaissent les principes d'indépendance et d'impartialité ainsi que le droit à un procès équitable garanti par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ayant pour but la sanction d'une faute, la décision de licenciement pour insuffisance professionnelle est entachée de détournement de procédure ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; l'administration ne peut pas modifier son appréciation sur la valeur du diplôme présenté ; la requérante était très appréciée par ses élèves et ses collègues ; de nombreuses attestations démontrent son sérieux et sa motivation quant à l'élaboration et au suivi de ses enseignements ;

- en 2005, le bénéfice de deux formations en adéquation avec le contenu de ses enseignements lui a été refusé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 17 janvier 2012 au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu l'ordonnance du 25 mars 2013 fixant la clôture de l'instruction au 22 avril 2013 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2013, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant

s'agissant d'un licenciement pour insuffisance professionnelle ;

- Mme A... ayant été informée de la possibilité de consulter son dossier administratif, de se faire assister par un défenseur de son choix et de présenter des observations devant la commission consultative mixte paritaire, les droits de la défense ont été respectés ;

- le licenciement n'est pas fondé sur des motifs disciplinaires et, notamment, sur la falsification de documents, mais sur l'insuffisance professionnelle de l'intéressée ;

- l'inspection du 6 mai 2009 n'est pas entachée de partialité ; les rapports d'inspection du 2 juillet 2008 et du 6 mai 2009 mettent en exergue l'insuffisance de l'enseignement dispensé par la requérante, laquelle n'a pas significativement amélioré son service au cours des quatre années d'exercice de ses fonctions ; l'insuffisance professionnelle résulte également de son niveau d'études qui ne correspond pas au niveau requis pour être recruté en qualité d'enseignant contractuel des établissements d'enseignement agricole privés appelé à enseigner dans des classes de baccalauréat ;

- l'avis émis le 13 octobre 2009 par la commission consultative mixte est fondé sur l'insuffisance professionnelle de l'intéressée ;

Vu l'ordonnance du 2 mai 2013 portant réouverture de l'instruction ;

Vu l'ordonnance du 3 mai 2013 fixant la clôture de l'instruction au 3 juin 2013 ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 mai 2013, présenté pour Mme A..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

elle ajoute que :

- l'insuffisance professionnelle mentionnée dans la décision de licenciement ne constitue pas le motif de la procédure de licenciement engagée à son encontre, laquelle était fondée sur la production d'une reconnaissance d'équivalence de diplôme falsifiée ;

- elle a tenu compte des observations formulées dans les rapports d'inspection du 26 mai 2005 et du 24 avril 2008 ;

- le motif réel du licenciement est la production d'une reconnaissance d'équivalence de diplôme falsifiée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code rural ;

Vu le décret n° 89-406 du 20 juin 1989 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Aubert, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme A..., recrutée à compter du 1er septembre 2003 en qualité d'enseignante contractuelle de 3e catégorie, pour l'enseignement de la discipline " éducation socioculturelle en technique de communication " et affectée au lycée professionnel agricole privé d'Anet, relève appel du jugement du 2 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche du 23 octobre 2009 prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle, implicitement confirmée sur recours gracieux et, d'autre part, au paiement de ses traitements à compter du 1er janvier 2010 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision de licenciement pour insuffisance professionnelle prise à l'encontre de Mme A... est fondée sur l'absence de diplôme du niveau requis pour l'exercice des fonctions d'enseignant classé dans la 3e catégorie et sur les appréciations critiques portées par l'inspection pédagogique sur sa manière de servir ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret n° 89-406 du 20 juin 1989 dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque l'application des dispositions des articles 49, 49-1 et 49-2 n'a pas permis de pourvoir les emplois vacants pour la rentrée scolaire, peuvent être recrutés et classés dans la 3e catégorie des enseignants justifiant de la possession de l'un des titres, diplômes ou qualités énumérés au 1° de l'annexe IV du livre VIII du code rural susmentionnée. " ; qu'il résulte de la liste figurant au 1° de cette annexe que le candidat doit justifier d'un titre ou d'un diplôme au moins équivalent à la licence ou de titres, diplômes ou qualifications français ou étrangers jugés équivalents et dont la liste est arrêtée après avis d'une commission dont la composition est fixée par arrêté ;

4. Considérant que la circonstance que l'administration ignorait, au moment de la conclusion du contrat d'enseignant, le véritable niveau d'équivalence en droit français du certificat de qualification obtenu par Mme A... en Belgique ne faisait pas obstacle à ce qu'elle apprécie ultérieurement la situation de l'intéressée en se fondant sur un niveau d'équivalence différent de celui admis au moment du recrutement résultant de nouvelles informations portées à sa connaissance ; qu'il n'est pas contesté que le certificat de qualification de sixième année de l'enseignement secondaire professionnel, subdivision arts graphiques, que Mme A... a obtenu en 1990 à l'institut Saint-Luc, en Belgique, n'est pas d'un niveau équivalent à la licence professionnelle de la même spécialité, contrairement à ce qu'attestait le document établi en 2003 dont une copie a été produite par la requérante, mais d'un niveau comparable au baccalauréat professionnel de la même spécialité, qualification retenue en 2008 par le ministère de l'éducation nationale au terme de ses propres investigations ; qu'ainsi, la requérante ne remplissant pas les conditions de diplôme exigées par les dispositions précitées de l'article 9 du décret du 20 juin 1989 pour l'exercice des fonctions d'enseignant contractuel de 3e catégorie, le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche était tenu de mettre un terme à son contrat en prenant une mesure de licenciement ; que la situation de compétence liée dans laquelle il se trouvait rend inopérants les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure de licenciement, de la méconnaissance de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur de droit, de l'erreur manifeste d'appréciation et du détournement de pouvoir ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de Mme A..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de la requérante tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de la réintégrer dans ses fonctions d'enseignante au sein du lycée professionnel agricole privé d'Anet doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions à fin de paiement :

7. Considérant qu'en l'absence de service fait, Mme A... n'a pas droit au versement des traitements qu'elle a cessé de percevoir à compter de la date d'effet de son licenciement fixée au 1er janvier 2010 ; que ses conclusions à fin de paiement doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à Mme A... la somme qu'elle demande sur ce fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M.C..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2013.

Le rapporteur,

S. AUBERT

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 11NT03046


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT03046
Date de la décision : 15/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : RENDA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-11-15;11nt03046 ?
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