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11/10/2013 | FRANCE | N°12NT01207

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 11 octobre 2013, 12NT01207


Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2012, présentée pour la société Eco Delta, dont le siège est situé ZI Atelia I, Bâtiment C, rue des Mattes à La Ciotat Cedex (13705), par Me Marais, avocat au barreau de Paris ; la société Eco Delta demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1001965, 1001966, 1001967, 1001968, 1001969, 1001970 du 6 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, des six décisions du 2 décembre 2009 par lesquelles le préfet d'Eure-et-Loir a rejeté ses demandes de permis de co

nstruire un parc éolien sur le territoire des communes de la Bourdinière S...

Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2012, présentée pour la société Eco Delta, dont le siège est situé ZI Atelia I, Bâtiment C, rue des Mattes à La Ciotat Cedex (13705), par Me Marais, avocat au barreau de Paris ; la société Eco Delta demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1001965, 1001966, 1001967, 1001968, 1001969, 1001970 du 6 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, des six décisions du 2 décembre 2009 par lesquelles le préfet d'Eure-et-Loir a rejeté ses demandes de permis de construire un parc éolien sur le territoire des communes de la Bourdinière Saint Loup, d'Ermenonville, La Grande et de Luplanté et, d'autre part, de la décision du préfet d'Eure-et-Loir du 8 avril 2010 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- en se bornant à énoncer les risques de covisibilité et de ruptures de vue en approche de l'agglomération chartraine, d'une part, et des covisibilités avec la cathédrale de Chartres, d'autre part, sans préciser davantage le risque réel d'atteinte à la cathédrale de Chartres, le préfet d'Eure-et-Loir n'a pas suffisamment motivé ses décisions, les premiers juges ont rejeté à tort ce moyen ;

- l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, qui a fondé les décisions de refus du préfet d'Eure-et-Loir, ne permet de refuser un permis de construire que si le projet est de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels et urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ; lorsque les covisibilités des éoliennes avec la cathédrale de Chartres sont fugitives, indirectes et ponctuelles, le refus de permis de construire est annulé ; le tribunal administratif d'Orléans, après avoir relevé que les éoliennes se situent à 13 kms environ de la cathédrale et que les points de vue ne sont que ponctuels et visibles en l'absence totale de brume, a entaché son jugement d'une erreur d'appréciation et d'une contradiction ; la bonne intégration du parc éolien dans son environnement a fait l'objet d'une démarche paysagère ; le projet est situé en zone de sensibilité modéré du schéma éolien départemental et en respecte les préconisations ; le projet se trouve en dehors de la zone de protection de la cathédrale de Chartres ; seules deux portions de routes sont concernées par la covisibilité ; la covisibilité est en tout état de cause indirecte ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 26 octobre 2012 au ministre de l'égalité, des territoires et du logement, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu l'ordonnance en date du 15 janvier 2013 fixant la clôture d'instruction au 15 février 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 février 2013, présenté par le ministre de l'égalité des territoires et du logement qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- les décisions du 2 décembre 2009 sont motivées en fait et en droit ;

- en relevant que les éoliennes sont en covisibilité avec la cathédrale de Chartres sur une portion des routes départementales 127-3 et 12-4, le tribunal a bien apprécié l'atteinte à la cathédrale de Chartes et n'a pas entaché son jugement d'une contradiction de motifs ;

- le projet d'éoliennes se situe dans un secteur paysager sensible du fait de la perception visuelle de la cathédrale de Chartres dans le paysage ouvert de la Beauce chartraine ; il se situe dans la zone de sensibilité forte du schéma départemental éolien en ce qui concerne les enjeux de protection de la cathédrale, qui prévoit un rayon de 23 kilomètres autour de l'édifice ; les huit éoliennes, d'une hauteur de 150 m pales comprises, ne sont distantes que de 13 kms de la cathédrale ; l'étude d'impact aborde la problématique liée à la perception de la cathédrale en minimisant la visibilité du monument depuis le périmètre d'étude ; le service départemental de l'architecture et du patrimoine, ainsi que la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, ont émis des avis négatifs ;

Vu l'ordonnance en date du 15 février 2013 portant réouverture de l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 avril 2013, présenté pour la société Eco Delta qui conclut par les mêmes moyens aux mêmes fins que la requête ;

Vu l'ordonnance en date du 16 mai 2013 fixant la clôture d'instruction au 13 juin 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2013 :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- les observations de MeA..., substituant Me Marais, avocat de la société Eco Delta ;

1. Considérant que la société Eco Delta a, le 15 décembre 2006, déposé six demandes de permis de construire, complétées le 7 février 2007, en vue de l'implantation de huit éoliennes, sur le territoire des communes de La Bourdinière Saint Loup, Ermenonville la Grande et Luplanté ; que par six arrêtés du 2 décembre 2009, le préfet d'Eure-et-Loir a refusé les permis de construire sollicités ; que la société Eco Delta relève appel du jugement du 6 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des six arrêtés du 2 décembre 2009 ainsi que celle de la décision du préfet d'Eure-et-Loir du 8 avril 2010 rejetant son recours gracieux ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ; qu'il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales ; que, pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces que le parc éolien dont la société Eco Delta a projeté l'implantation doit être réalisé sous une forme triangulaire, chaque sommet comprenant 3 éoliennes en ligne d'une hauteur de 150 m pales comprises ; que ce parc est situé dans la plaine chartraine, composée de compartiments paysagers successifs, délimités par des boisements et des villages, à treize kilomètres au sud-ouest de la cathédrale de Chartres, site inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO ; qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'étude d'impact et des photographies et photomontages joints au dossier, que les deux bouquets d'éoliennes situés les plus au sud ne sont pas situées dans le même champ visuel que la cathédrale ; qu'il n'existe, au demeurant, de covisibilité que sur un tronçon routier de moins d'un kilomètre, celle-ci étant en outre indirecte en l'absence d'alignement dans le même champ visuel ; que les 3 autres éoliennes, implantées à proximité de la Bourdinière Saint Loup, et la cathédrale seront en situation de covisibilité depuis les routes départementales 12-4 et 127-3, et au nord de Saint Loup ; qu'un seul tronçon routier de moins d'un kilomètre pourrait disposer par temps clair de visibilité sur la silhouette de la cathédrale et sur les éoliennes, offrant cependant une covisibilité indirecte, compte tenu des angles des champs de vision, et fugitive, eu égard à la longueur de l'axe routier ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les éoliennes seraient en situation de covisibilité avec la cathédrale depuis l'autoroute A11, qui sépare au demeurant les sites d'implantations, et de la route nationale 10 qui passe à proximité de la Bourdinière Saint Loup ; que, dans ces conditions, l'atteinte au site portée par le parc éolien, constitué de trois axes qui ne convergent pas vers la cathédrale, distant pour le point le plus proche de 13 kilomètres, sera minime ; que, par suite, ce projet, qui n'altère pas la perception lointaine de la silhouette de la cathédrale et de ses flèches qui, compte tenu de leur éloignement, sont difficilement visibles à cette distance, ne conduit ni à la dénaturation de ce site, ni à la transformation de ses caractéristiques ; qu'alors même que le projet de la société Eco Delta, situé en dehors des cônes de visibilité de la cathédrale, serait implanté dans la zone de 23 kilomètres de sensibilité forte de sa préservation, instituée à titre non réglementaire par le schéma éolien départemental, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'eu égard à son éloignement et à son implantation, il portera atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants ou aux perspectives offertes sur la cathédrale de Chartres ; que, par suite, en refusant les permis de construire sollicités au motif qu'il existait un risque réel de concurrence visuelle des éoliennes avec la cathédrale de Chartres, le préfet d'Eure-et-Loir a fait une inexacte application de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

4. Considérant que pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués par la société requérante n'est susceptible de fonder l'annulation des arrêtés du 2 décembre 2009 ainsi que celle de la décision du 8 avril 2010 ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Eco Delta est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Eco Delta de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 6 mars 2012, les arrêtés préfectoraux du 2 décembre 2009 et la décision du 8 avril 2010 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la société Eco Delta une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eco Delta et au ministre de l'égalité, des territoires et du logement.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 octobre 2013.

Le rapporteur,

M-P. ALLIO-ROUSSEAULe président,

B. ISELIN

Le greffier,

C. GOY

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N° 12NT01207


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT01207
Date de la décision : 11/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : MARAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-10-11;12nt01207 ?
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