La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2014 | FRANCE | N°13-16362

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juin 2014, 13-16362


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du code du travail ;
Attendu que M. X... a été engagé par la société Adecco, entreprise de travail temporaire, dans le cadre de vingt-deux contrats de mission successifs du 11 janvier au 13 novembre 2009, pour être mis à disposition de la société CSP en qualité de préparateur, aux motifs d'accroissement temporaire d'activité ou de remplacement de salariés absents ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de la

relation de travail, avec la société Adecco, en contrat à durée indét...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du code du travail ;
Attendu que M. X... a été engagé par la société Adecco, entreprise de travail temporaire, dans le cadre de vingt-deux contrats de mission successifs du 11 janvier au 13 novembre 2009, pour être mis à disposition de la société CSP en qualité de préparateur, aux motifs d'accroissement temporaire d'activité ou de remplacement de salariés absents ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de la relation de travail, avec la société Adecco, en contrat à durée indéterminée et le paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel de salaires et congés payés, de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
Attendu que pour rejeter ces demandes, l'arrêt énonce que l'action en requalification ne peut être dirigée qu'à l'encontre de l'entreprise utilisatrice et dans les cas limitativement énumérés par le code du travail ; qu'aucune disposition ne prévoit la possibilité d'une requalification à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire qui n'est possible que dans l'hypothèse du non respect par celle-ci des conditions d'ordre public à défaut desquelles toute opération de prêt de main d'oeuvre est interdite, ce qui entraîne requalification du contrat avec la société de travail temporaire en contrat de droit commun à durée indéterminée, notamment en cas d'absence de contrat de mission écrit ou signé ; qu'aucun texte ne sanctionne par la requalification la violation de l'interdiction de recourir à un nouveau contrat de mission pendant le délai de carence que ce soit par l'entreprise utilisatrice ou par l'entreprise de travail temporaire ; que le salarié ne rapporte nullement la preuve d'une interdiction faite à l'entreprise de travail temporaire de mettre un salarié à la disposition de la même entreprise pour des motifs différents dès lors que ces motifs font partie de ceux légalement admis pour recourir à un contrat temporaire ; que le changement de motif de recours à l'intérim n'entraîne pas requalification du contrat en contrat de travail à durée indéterminée dès lors qu'il était justifié par un changement des besoins de l'entreprise utilisatrice ;
Attendu cependant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail, qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35 du même code, n'excluent pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite n'ont pas été respectées, et d'autre part, qu'il résulte des articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du code du travail que l'entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié sur le même poste de travail, des contrats de missions successifs qu'à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l'un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l'accroissement temporaire d'activité ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il ressortait de ses propres constatations que les contrats de mission s'étaient succédé du 11 janvier au 13 novembre 2009, sans respect du délai de carence, au profit du même salarié pour pourvoir, au sein de l'entreprise utilisatrice, le même poste de préparateur afin d'assurer le remplacement de salariés absents ou pour faire face à un accroissement temporaire d'activité, ce dernier motif ne rentrant pas dans le champ d'application de l'article L. 1251-37 du code du travail, ce dont il en résultait que l'entreprise de travail temporaire avait failli aux obligations qui lui étaient propres, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Adecco aux dépens ; Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Adecco à payer la somme de 3 000 euros à Me Delamarre ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Delamarre, avocat aux Conseils, pour M. X.... Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et de condamnation de la société ADECCO au paiement de sommes dues à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel de salaires et congés payés, de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et à titre d'indemnité compensatrice de préavis ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « Les prétentions de M. X... découlent toutes de la requalification de ses contrats temporaires en un contrat à durée indéterminée qu'il demande à la Cour de prononcer pour deux motifs : . Le non respect du délai de carence institué par l'article L. 1281-6 (sic) du Code du travail Le changement de motif du recours à ce type de contrat les premières missions ayant pour objet de faire face à un surcroît temporaire d'activité et les dernières d'assurer le remplacement d'un salarié absent.

M. X... admet que le non respect du délai de carence n'entraîne pas requalification du contrat de mise à disposition en contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice mais soutient qu'une telle requalification interviendrait pour ce motif dans les rapports entre le salarié et l'entreprise de travail temporaire. La société ADECCO demande à la Cour de considérer qu'aucune disposition légale ne prévoit l'hypothèse d'une requalification à l'encontre d'une entreprise de travail temporaire a fortiori au motif tiré du non respect du délai de carence et que l'action de M. X... ne repose sur aucun fondement. L'article L. 125-40 du Code du travail dispose que « lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12 , L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir, auprès de l'entreprise utilisatrice, les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission ».Il résulte de ces éléments que l'action en requalification ne peut être dirigée qu'à l'encontre de l'entreprise utilisatrice et dans les cas limitativement énumérés ci-dessous :

. lorsqu'il est fait appel à un salarié temporaire pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de ladite entreprise (L. 1251-5) ; . lorsqu'il est fait appel à un salarié intérimaire pour une mission qui ne rentre pas dans l'un des cas de recours autorisé à ce type de contrat (L. 1251-6 et L. 1251-7) ;. lorsqu'il est fait appel à un salarié intérimaire pour remplacer un salarié gréviste ou pour effectuer des travaux particulièrement dangereux (L. 1251-10) ;

. lorsque les règles relatives au renouvellement des contrats de mission ou à leur durée maximale ont été violées (L. 1251-12 et L. 1251-35) ; . lorsque l'aménagement du terme a pour effet de réduire la durée de la mission initialement prévue de plus de 10 jours de travail ou de conduire à un dépassement de la durée de celle-ci (L. 1251-30).Aucune autre disposition ne prévoit la possibilité d'une requalification opérant à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire qui n'est possible que dans l'hypothèse du non respect par celle-ci des conditions d'ordre public à défaut desquelles toute opération de prêt de main d'oeuvre est interdite, ce qui entraîne requalification du contrat avec la société de travail temporaire en contrat de droit commun à durée indéterminée (notamment en l'absence de contrat de mission écrit ou signé).

Il convient de remarquer à titre surabondant : . que M. X... ne rapporte pas la preuve de ce qu'il se trouvait dans l'une des situations ci-dessus décrites. . qu'aucun texte ne sanctionne par la requalification la violation de l'interdiction de recourir à un nouveau contrat de mission pendant le délai de carence que ce soit par l'entreprise utilisatrice ou par l'entreprise de travail temporaire étant précisé au surplus que cette dernière ne saurait être la bénéficiaire d'une telle violation.. que M. X... ne rapporte nullement la preuve d'une interdiction faite à l'entreprise de travail temporaire de mettre un salarié à la disposition de la même entreprise pour des motifs différents dès lors que ces motifs font partie de ceux légalement admis pour recourir à un contrat temporaire. . que le changement de motif de recours à l'intérim n'entraîne pas requalification du contrat en contrat de travail à durée indéterminée dès lors qu'il était justifié par un changement des besoins de l'entreprise utilisatrice.La demande du salarié tendant à la requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée n'est pas fondée en droit et a été justement écartée par le Conseil de Prud'hommes.

C'est également à bon droit que le Conseil de Prud'hommes a rejeté les demandes tendant au paiement d'indemnités de préavis, de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de paiement salaires intermédiaires. C'est également à juste titre que la Conseil de Prud'hommes a fait droit à la demande de la société ADECCO sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile » ;ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE

« Sur la demande de requalification des contrats d'intérim en contrat à durée indéterminée et les dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail : Attendu que l'article L. 1251-39 du Code du Travail précise : « Lorsqu'une entreprise utilisatrice continue de faire travailler un salarié temporaire après la fin de sa mission sans avoir conclu avec lui un contrat de travail ou sans nouveau contrat de mise à disposition, ce salarié est réputé lié à l'entreprise utilisatrice par un contrat de travail à durée indéterminée.Dans ce cas, l'ancienneté du salarié est appréciée en tenant compte du premier jour de sa mission au sein de cette entreprise. Elle est déduite de la période d'essai éventuellement prévue » ;

En l'espèce, la société utilisatrice n'est pas la SASU ADECCO mais la société CSP. Vu les termes des articles L. 1251-42, L. 1251-43 et L. 1251-44 du Code du Travail qui précisent toutes les responsabilités de la rédaction du contrat de travail de la société d'intérim à l'encontre de son intérimaire et vis-à-vis de la société utilisatrice, en particulier la disposition selon laquelle toute clause tendant à interdire l'embauche par l'entreprise utilisatrice du salarié temporaire à l'issue de sa mission est réputée non écrite ;Attendu que Monsieur Ali X... a réalisé 22 missions d'intérim pour la société CSP sans soulever de problèmes particuliers ; Attendu que Monsieur Ali X..., après avoir mis fin à son dernier contrat d'intérim avec la SASU ADECCO le 13 novembre 2009, a immédiatement signé un nouveau contrat de travail avec la société CSP ; Attendu que Monsieur Ali X... a précisé à la barre que la SASU ADECCO n'aurait pas respecté le délai de carence entre les contrats d'intérim qu'elle lui avait proposés précédemment ; Attendu que le Conseil s'étonne que Monsieur Ali X... ait conclu directement un nouveau contrat de travail avec la société CSP et ait accepté un contrat à durée déterminée supplémentaire de la part de cette société, sachant qu'elle ne respectait pas le délai de carence légal avant de signer ce nouveau contrat de travail ; Vu les éléments versés aux débats, le Conseil dit que la fin de mission du contrat de travail intérimaire de Monsieur Ali X... avec la SASU ADECCO pour le compte de la société CSP ne peut être requalifié en contrat à durée indéterminée ; Il en résulte que la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ne peut être retenue et qu'il convient de la rejeter » ;ALORS QUE

La violation de l'interdiction de recourir à n nouveau contrat de mission pendant le délai de carence est sanctionné par la requalification du contrat liant le salarié et l'entreprise de travail temporaire en contrat à durée indéterminée ; qu'en jugeant que le non-respect par la société ADECCO des délais de carence n'était pas susceptible de donner lieu à une action en requalification du contrat liant cette société à Monsieur X..., la Cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1251-5, L. 1251-6, L. 1251-16, L. 1251-17 et L. 1251-36 du code de travail.


Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL TEMPORAIRE - Contrat de mission - Succession de contrats de mission - Requalification en contrat de travail à durée indéterminée - Demande - Action à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire - Fondement - Détermination - Portée

TRAVAIL TEMPORAIRE - Contrat de mission - Succession de contrats de mission - Succession ininterrompue - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Contrat conclu pour accroissement temporaire d'activité - Portée TRAVAIL TEMPORAIRE - Contrat de mission - Succession de contrats de mission - Succession ininterrompue - Licéité - Conditions - Inobservation - Effets - Requalification à l'égard de l'entreprise de travail temporaire - Détermination

Les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail, qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35 du même code, n'excluent pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite n'ont pas été respectées. Il résulte des articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du code du travail que l'entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié sur le même poste de travail, des contrats de missions successifs qu'à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l'un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l'accroissement temporaire d'activité. Doit en conséquence être cassé l'arrêt qui, après avoir constaté que les contrats de mission conclus par le salarié s'étaient succédé, sans respect du délai de carence, pour pourvoir, au sein de l'entreprise utilisatrice, le même poste de travail afin d'assurer le remplacement de salariés absents ou pour faire face à un accroissement temporaire d'activité, ce dernier motif ne rentrant pas dans le champ d'application de l'article L. 1251-37 du code du travail, rejette la demande de l'intéressé dirigée contre l'entreprise de travail temporaire au motif qu'aucun texte ne sanctionne par la requalification la violation de l'interdiction de recourir à un nouveau contrat de mission pendant le délai de carence que ce soit par l'entreprise utilisatrice ou par l'entreprise de travail temporaire, alors que l'employeur, en ne respectant pas le délai de carence prévu par l'article L. 1251-36 du code du travail, se place hors du champ d'application du travail temporaire et se trouve lié au salarié par un contrat de droit commun à durée indéterminée


Références :

articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 13 juin 2012

Sur le fondement de l'action en requalification dirigée contre l'entreprise utilisatrice, à rapprocher :Soc., 24 avril 2013, pourvois n° 12-11.793 et 12-11.954, Bull. 2013, V, n° 119 (1) (cassation partielle)

arrêt cité. Sur le fondement de l'action en requalification dirigée contre l'entreprise de travail temporaire, à rapprocher :Soc., 13 avril 2005, pourvoi n° 03-41967, Bull. 2005, V, n° 139 (2) (cassation partielle) ;Soc., 20 mai 2009, pourvoi n° 07-44755, Bull. 2009, V, n° 134 (rejet)


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 12 jui. 2014, pourvoi n°13-16362, Bull. civ.Bull. 2014, V, n° 145
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2014, V, n° 145
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Beau
Rapporteur ?: Mme Mariette
Avocat(s) : Me Delamarre, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 12/06/2014
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 13-16362
Numéro NOR : JURITEXT000029081178 ?
Numéro d'affaire : 13-16362
Numéro de décision : 51401170
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2014-06-12;13.16362 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award