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04/12/2014 | FRANCE | N°13-24870

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 04 décembre 2014, 13-24870


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que, sur des poursuites de saisie immobilière engagées par le Crédit foncier de France (la banque), M. et Mme X..., débiteurs, ont été autorisés par un jugement d'orientation du juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance à vendre le bien saisi à l'amiable ; que la vente ayant été conclue devant un notaire et le prix de vente consigné à la Caisse des dépôts et consignations, l'affaire a été rappelée à l'audience pour que

soit constatée cette vente ; que la Caisse des dépôts et consignations est i...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que, sur des poursuites de saisie immobilière engagées par le Crédit foncier de France (la banque), M. et Mme X..., débiteurs, ont été autorisés par un jugement d'orientation du juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance à vendre le bien saisi à l'amiable ; que la vente ayant été conclue devant un notaire et le prix de vente consigné à la Caisse des dépôts et consignations, l'affaire a été rappelée à l'audience pour que soit constatée cette vente ; que la Caisse des dépôts et consignations est intervenue volontairement à l'instance, en vue de voir écarter l'application de stipulations du cahier des conditions de vente établi par la banque, dont celle-ci et les débiteurs saisis sollicitaient l'application, puis s'est pourvue en cassation contre le jugement du juge de l'exécution qui a déclaré irrecevable son intervention volontaire, constaté la réalisation de la vente amiable, ordonné la radiation des inscriptions et ordonné, conformément aux articles 13 et 14 du cahier des conditions de vente, la séquestration, entre les mains du service séquestre de l'ordre des avocats du barreau de Grenoble, du prix de vente ;

Sur la recevabilité du pourvoi, examinée d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu qu'en constatant la vente amiable et en se bornant, après avoir déclaré irrecevable l'intervention volontaire de la Caisse des dépôts et consignations tendant à écarter les clauses du cahier des conditions de vente stipulant la séquestration du prix de vente, à ordonner cette séquestration, le jugement est, pour le tout, susceptible de pourvoi, en application de l'article R. 322-25 du code des procédures civiles d'exécution ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution et 14 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la Caisse des dépôts et consignations, le juge de l'exécution, après avoir rappelé les termes de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, retient que ce texte ne distingue pas selon que la contestation émane d'une partie ou d'un tiers, étant en outre précisé que les tiers intervenants ne sauraient avoir plus de droit que les parties initiales au procès, qu'on ne saurait enfin écarter la fin de non recevoir pour des motifs tirés du fond du droit, à savoir le caractère contra legem, selon l'intervenante, des articles 13 et 14 du cahier des conditions de ventes litigieux ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'obligation pour les parties à la procédure de saisie immobilière de soulever, à peine d'irrecevabilité, à l'audience d'orientation l'ensemble des contestations et demandes incidentes ne s'applique pas aux tiers à l'instance, le juge de l'exécution a violé les textes susvisés ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 625 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation du chef du jugement déclarant irrecevable l'intervention volontaire de la Caisse des dépôts et consignations entraîne par voie de conséquence celle du chef du jugement ordonnant, conformément aux articles 13 et 14 du cahier des conditions de vente et à l'accord des parties, la séquestration du prix de vente entre les mains du service séquestre de l'ordre des avocats de Grenoble pour la suite de la procédure ;
Et attendu que la cassation n'implique pas qu'il soit à nouveau statué, il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 1er, du code de procédure civile, l'intervention volontaire de la Caisse des dépôts et consignations étant recevable et fondée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'intervention volontaire de la Caisse des dépôts et consignations et a ordonné conformément aux articles 13 et 14 du cahier des conditions de vente et à l'accord des parties, la séquestration du prix de vente entre les mains du service séquestre de l'ordre des avocats de Grenoble pour la suite de la procédure (distribution), le jugement rendu le 9 juillet 2013, entre les parties, par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grenoble ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT recevable l'intervention volontaire de la Caisse des dépôts et consignations ;
REJETTE la demande tendant à ce que le prix de vente soit séquestré entre les mains du service séquestre de l'ordre des avocats de Grenoble ;
Condamne le Crédit foncier de France aux dépens exposés devant la Cour de cassation ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande présentée par le Crédit foncier de France et le condamne à payer à la Caisse des dépôts et consignations la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la Caisse des dépôts et consignations
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'intervention volontaire de la CAISSE DES DEPÔTS ET CONSIGNATIONS ;
Aux motifs que « l'affaire a été renvoyée à l'audience du 2 juillet 2013 au cours de laquelle nous avons invité les parties et l'intervenante volontaire à s'expliquer sur la fin de non recevoir prévue par l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution » (jugement p. 3, point 6) ;
Et aux motifs que « la CAISSE DES DEPÔTS ET CONSIGNATIONS intervient pour demander « d'écarter l'application des articles 13 et 14 du cahier des conditions de la vente » ; que l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution dispose « qu'à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni demande incidente ne peut être formée après l'audience d'orientation à moins qu'elle ne porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci » ; que ce texte ne distingue pas selon que la contestation émane d'une partie ou d'un tiers (« ubi lex non distinguit nec nos distinguere potest »), étant en outre précisé que les tiers intervenants ne sauraient avoir plus de droit que les parties initiales au procès ; qu'on ne saurait enfin écarter la fin de non recevoir pour des motifs tirés du fond du droit (caractère contra legem, selon l'intervenante, des articles 13 et 14 litigieux) ; qu'il convient donc de déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la CAISSE DES DEPÔTS ET CONSIGNATIONS à ce stade de la procédure » (jugement p. 4, points 1 à 5) ;
1° Alors que dans les procédures écrites, le juge qui entend soulever d'office une fin de non recevoir non invoquée par les parties doit inviter celles-ci à se prononcer sur ledit moyen par écrit, sans pouvoir se contenter de solliciter des observations orales à l'audience ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations du jugement attaqué que le juge de l'exécution s'est saisi d'office du moyen tiré de ce que la CAISSE DES DEPÔTS ET CONSIGNATIONS n'aurait pas été recevable, après l'audience d'orientation, à critiquer le séquestre prévu en lieu et place de la consignation exigée par la loi ; que le juge de l'exécution s'est contenté, pour respecter le contradictoire, de recueillir des observations à la barre, sans appeler les parties à déposer une note en délibéré, ni rouvrir les débats, ni d'ailleurs relater, dans sa décision, les observations qui avaient pu être formulées à la barre ; qu'en statuant ainsi, le juge de l'exécution a méconnu le caractère écrit de la procédure, violant ainsi les articles 16, 442, 444 et 445 du code de procédure civile, ensemble les articles R. 311-4 et R. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution ;
2° Alors que l'interdiction de former une contestation ou une demande incidente après l'audience d'orientation ne s'applique pas à un tiers qui, telle la CAISSE DES DEPÔTS ET CONSIGNATIONS, entend faire respecter, après l'audience d'orientation, la règle de la consignation du produit de la vente amiable ; qu'en considérant au contraire que cette fin de non recevoir s'appliquerait y compris à ce type de tiers, qui n'est pourtant pas spécialement tenu informé du déroulement de la procédure de saisie immobilière et de la tenue de l'audience d'orientation, le juge de l'exécution a violé l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 6-1 de la CEDH.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief au jugement attaqué, après avoir déclaré irrecevable l'intervention volontaire de la CAISSE DES DEPÔTS ET CONSIGNATIONS, d'avoir ordonné conformément aux articles 13 et 14 du cahier des conditions de vente et à l'accord des parties, la séquestration du prix de vente entre les mains du service séquestre de l'ordre des avocats de Grenoble pour la suite de la procédure (distribution) ;
Aux motifs que « sur la demande de constatation de la vente amiable : que l'acte de vente susvisé est conforme à la seule condition que nous avions fixée (prix minimal net vendeur de 77.000 €) ; que le prix a été consigné, étant précisé qu'à ce stade de la procédure, les parties ne se prévalent pas du non respect des articles 13 et 14 litigieux ; que les deux conditions prévues par l'article R. 322-25 du code des procédures civiles d'exécution sont donc réunies ; qu'il convient en conséquence de constater la vente amiable et d'ordonner les radiations prévues par ledit article ; sur la séquestration des prix de vente après le présent jugement, pendant la procédure de distribution : que les deux parties à la procédure demandent l'application des articles 13 et 14 du cahier des conditions de vente ; qu'en l'absence de contestation, il échet de faire droit à leur demande » (jugement p. 4 et 5) ;
1° Alors que la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen, critiquant le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'intervention volontaire de la CAISSE DES DEPÔTS ET CONSIGNATIONS, entraînera la cassation par voie de conséquence, et par application de l'article 625 du code de procédure civile, sur le fondement du second moyen, le juge de l'exécution ayant relevé qu'il s'autorisait à ordonner une déconsignation suivie d'un séquestre dès lors que, selon lui, « les deux parties à la procédure » (excluant ainsi la Caisse exposante, v. jugement § 1, p. 5) formuleraient une même demande en ce sens ;
2° Alors que le produit de la vente amiable doit être consigné à la CAISSE DES DEPÔTS ET CONSIGNATIONS ; qu'il ne peut être consigné uniquement au moment de la vente amiable, afin que le notaire instrumentaire puisse dresser l'acte, avant d'être déconsigné puis séquestré ailleurs pour la phase de distribution du prix ; qu'au cas présent, en considérant au contraire qu'il serait possible de faire le départ entre l'étape de la vente elle-même qui, seule, requerrait une consignation, et celle de la distribution, qui autoriserait le juge à ordonner un simple séquestre, le juge de l'exécution, qui a perdu de vue qu'il est toujours interdit de consigner judiciairement ailleurs que sous forme de consignation à la CAISSE DES DEPÔTS ET CONSIGNATIONS et que la consignation prévue par la procédure de saisie immobilière, en cas de vente amiable, s'appliquait y compris à la phase de distribution, a violé les articles 2-14° de l'ordonnance du 3 juillet 1816, L. 518-19 du code monétaire et financier, ensemble l'article L. 322-4 du code des procédures civiles d'exécution (ex-art. 2203 du code civil) et l'article R. 334-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
3° Alors que les stipulations du cahier des conditions de vente ne s'appliquent qu'à la vente forcée, et non à la vente amiable ; qu'au cas présent, le juge de l'exécution a indiqué ordonner la déconsignation du prix de la vente amiable, puis son séquestre, par « application des articles 13 et 14 du cahier des conditions de vente » ; qu'en se référant à ce cahier inapplicable, le juge de l'exécution a violé de plus fort les articles 2-14° de l'ordonnance du 3 juillet 1816, L. 518-19 du code monétaire et financier, L. 322-4 du code des procédures civiles d'exécution (ex-art. 2203 du code civil), ensemble l'article R. 322-10 du code des procédures civiles d'exécution.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 13-24870
Date de la décision : 04/12/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

SAISIE IMMOBILIERE - Procédure - Audience d'orientation - Contestations et demandes incidentes - Présentation à l'audience d'orientation - Obligation - Exclusion - Cas - Tiers à l'instance

SAISIE IMMOBILIERE - Procédure - Audience d'orientation - Contestations et demandes incidentes - Recevabilité - Conditions - Moment - Détermination - Portée

L'obligation, prescrite par l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, pour les parties à la procédure de saisie immobilière de soulever, à peine d'irrecevabilité, à l'audience d'orientation l'ensemble des contestations et demandes incidentes ne s'applique pas, en vertu de l'article 14 du code de procédure civile, aux tiers à l'instance. Encourt en conséquence la censure le jugement d'un juge de l'exécution qui déclare irrecevable, pour ce motif, l'intervention volontaire de la Caisse des dépôts et consignations à la procédure de saisie immobilière, en vue de contester l'application d'une stipulation du cahier des conditions de vente


Références :

article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution

article 14 du code de procédure civile

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Grenoble, 09 juillet 2013

Sur la recevabilité des contestations et demandes incidentes formées après l'audience d'orientation, à rapprocher : 2e Civ., 17 novembre 2011, pourvoi n° 10-26784, Bull. 2011, II, n° 214 (rejet), et les arrêts cités ;

2e Civ., 4 décembre 2014, pourvoi n° 13-25433, Bull. 2014, II, n° 245 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 04 déc. 2014, pourvoi n°13-24870, Bull. civ. 2014, II, n° 244
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, II, n° 244

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat général : M. Girard
Rapporteur ?: M. de Leiris
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 23/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.24870
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