La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/03/2015 | FRANCE | N°13-26175

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 mars 2015, 13-26175


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., agent de la société EDF-GDF du 11 septembre 1967 au 1er février 2002, exerçait les fonctions de plombier ; qu'affecté à Marseille, du mois de février 1970 au mois d'avril 1979, au poste de plombier chef-ouvrier, en charge de la découpe des joints de gaz et estimant avoir été exposé à l'amiante, il a saisi la juridiction p

rud'homale afin d'obtenir des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., agent de la société EDF-GDF du 11 septembre 1967 au 1er février 2002, exerçait les fonctions de plombier ; qu'affecté à Marseille, du mois de février 1970 au mois d'avril 1979, au poste de plombier chef-ouvrier, en charge de la découpe des joints de gaz et estimant avoir été exposé à l'amiante, il a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié une certaine somme en réparation de son préjudice d'anxiété, l'arrêt retient que peu importe que les deux sociétés en cause ne soient pas mentionnées à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, dès lors que le salarié a été directement exposé à l'amiante du mois de février 1970 au mois d'avril 1979, sans que la preuve ne soit rapportée, par l'employeur, que toutes les mesures nécessaires ont été prises pour protéger de manière collective et individuelle, le personnel exposé aux poussières d'amiante, dans le respect des dispositions de l'article 4 du décret du 17 août 1977 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la réparation du préjudice d'anxiété n'est admise, pour les salariés exposés à l'amiante, qu'au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. X... de sa demande en paiement de la somme de 15 000 euros au titre du bouleversement dans les conditions d'existence, l'arrêt rendu le 12 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Roger, Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour les sociétés Electricité réseau distribution France et Gaz réseau distribution France.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné les sociétés ERDF et GrDF à verser la somme de 7.000 euros à Monsieur X... en réparation de son préjudice d'anxiété, et celle de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
Aux motifs propres que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs doit en assurer l'effectivité; que les sociétés appelantes reconnaissent, par l'attestation qu'elles ont délivrée le 10 mars 2005, que Monsieur X..., agent statutaire d'EDF et GDF du 11 septembre 1967 au 1er février 2002, date de sa mise en inactivité, a été directement exposé à l'amiante de manière occasionnelle du mois de février 1970 au mois d'avril 1979 sans qu'aucune mesure ni aucune appréciation de l'évolution de cette exposition n'ait été réalisées ; qu'or elles ne rapportent pas la preuve qui leur incombe qu' elles avaient au cours de cette période mis en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour protéger, de manière collective et individualisée, leur personnel directement exposé aux poussières d'amiante et plus particulièrement qu'elles ont respecté les dispositions du décret du 17 août 1977 qui prévoit, notamment, en son article 4, qu'en cas de travaux occasionnels et de courte durée des équipements de protection individuelle répondant aux prescriptions de 1 'article L.233-5 du code du travail alors applicable doivent être mis à la disposition du personnel, notamment des appareils respiratoires anti-poussières, l'employeur étant tenu, par cet article, de prendre toute mesure pour que ces équipements soient effectivement utilisés ; qu'il n'importe que ces deux sociétés ne figurent pas dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 qui crée un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie qui peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante; qu'en effet, tout salarié qui a été exposé directement à l'amiante, même de manière occasionnelle, dans quelque établissement que ce soit, a droit à la réparation de son préjudice, notamment du préjudice d'anxiété résultant nécessairement de cette exposition, lorsque l'employeur ne peut justifier avoir mis en oeuvre toutes les mesures collectives et individuelles destinées à protéger ses salariés des dangers liés à cette exposition; qu'ainsi, il n'est pas sérieusement contestable que Monsieur X... se trouve par le fait de ses employeurs dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, inquiétude renforcée par le fait que l'intéressé présente aujourd'hui un épaississement pleural, peu important que cette affection n'ait pas été prise en charge dans le cadre des maladies professionnelles ; que le premier juge a fait une exacte appréciation des dommages et intérêts qu' il convient d'allouer au salarié pour réparer son préjudice d'anxiété;
Et, aux motifs adoptés, qu' il n'est nullement contesté par l'employeur que Monsieur X... a été salarié d'EDF du 11 septembre 1967 au 1er février 2002, date à laquelle lui a été accordée sa mise en inactivité; qu'une attestation de l'employeur en date du 13 mars 2005, versée aux débats, confirme que Monsieur X... a été, au cours de son activité professionnelle dans le cadre de ses fonctions de plombier chef ouvrier (découpe de joints gaz), exposé directement et occasionnellement à l'amiante; qu'il ressort des pièces produites que plus précisément, Monsieur X... a été exposé à l'amiante de 1967 à 1979 ; que Monsieur X... soutient qu'il subit un préjudice d'anxiété, en raison du risque de développer une maladie due à son exposition à l'amiante, qui peut se révéler trente ans après le dernier contact avec ce produit, et qui l'oblige à des contrôles médicaux réguliers ; que le danger de développer des pathologies lourdes suite à une exposition à l'amiante est aujourd'hui identifié et non contesté ; que le temps d'incubation des pathologies est très long et se compte en plusieurs décennies; qu'il est confirmé par les pièces versées aux débats que le salarié s'est trouvé, par le fait de l 'employeur dans des conditions de travail qui n'ont pas garant i sa sécurité, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et a été amené à subir des examens médicaux réguliers propres à réactiver son angoisse; que l'anxiété engendrée par la peur des conséquences de l'exposition à l'amiante cause un préjudice spécifique au salarié qui doit être réparé par l'employeur; qu'en conséquence la somme de 7.000,00 euros sera allouée à Monsieur X... ;
Alors, d'une part, que seuls les salariés, qui ont travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvent, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'ayant constaté que les sociétés appelantes ne figurent pas sur la liste «des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 qui crée u11 dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante » et que Monsieur X... a été «exposé à l'amiante de manière occasionnelle», la cour d 'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1147 et suivants du Code civil et L.4121-l et suivants du Code du travail ;
Alors, d'autre part et en toute hypothèse, que seul le préjudice certain est réparable; qu'en décidant que tout salarié qui a été exposé à l'amiante, même de manière occasionnelle, y compris dans les établissements qui ne sont pas mentionnés à l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998, a droit à la réparation de son préjudice d'anxiété résultant nécessairement de cette exposition, sans s'expliquer sur le caractère avéré du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante en présence d'une exposition simplement occasionnelle, la cour d'appel n'a pas établi le caractère certain du préjudice d'anxiété découlant de ce risque, privant ainsi sa décision de base légale au regard du principe susvisé, ensemble des articles 1147 et suivants du Code civil et L.4121-l et suivants du Code du travail ;
Alors, enfin, subsidiairement, que tout jugement doit être motivé, qu'en se bornant pour confirmer le jugement attaqué à affirmer que le préjudice d'anxiété invoqué par le salarié résultait «nécessairement» de l'exposition directe à l'amiante, sans s'expliquer au moins succinctement sur l'existence d'un lien de causalité direct entre l'exposition occasionnelle à l'amiante et l'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, la cour d'appel a violé l 'article 455 du Code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-26175
Date de la décision : 03/03/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Employeur - Obligations - Sécurité des salariés - Obligation de résultat - Manquement - Préjudice - Préjudice spécifique d'anxiété - Droit à réparation - Mise en oeuvre - Conditions - Salarié ayant travaillé dans un établissement figurant sur une liste établie par arrêté ministériel - Défaut - Portée

La réparation du préjudice d'anxiété n'est admise pour les salariés exposés à l'amiante qu'au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel. Viole l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, la cour d'appel qui, pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme en réparation de son préjudice d'anxiété, retient que peu importe que l'établissement ne soit pas mentionné à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 dès lors que l'intéressé a été directement exposé à l'amiante sans que la preuve ne soit rapportée par l'employeur que toutes les mesures nécessaires ont été prises pour protéger de manière collective et individuelle le personnel exposé aux poussières d'amiante


Références :

article L. 4121-1 du code du travail

article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 septembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 mar. 2015, pourvoi n°13-26175, Bull. civ. 2015, V, n° 41
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2015, V, n° 41

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat général : Mme Courcol-Bouchard
Rapporteur ?: Mme Wurtz
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Roger, Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.26175
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award