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28/11/2013 | FRANCE | N°13NC00283

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 28 novembre 2013, 13NC00283


Vu la requête, enregistrée le 18 février 2013, présentée pour le département du Jura, représenté par son président, élisant domicile..., par MeA... ;

Le département du Jura demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100848 en date du 19 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Besançon l'a condamné à verser à la société Groupama Grand Est une somme de 20 000 euros (vingt mille euros), assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2010, en réparation des préjudices causés par le mineur dont il avait la garde ;

2°)

de rejeter la demande de la société Groupama Grand Est ;

3°) de mettre à la charge de la soci...

Vu la requête, enregistrée le 18 février 2013, présentée pour le département du Jura, représenté par son président, élisant domicile..., par MeA... ;

Le département du Jura demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100848 en date du 19 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Besançon l'a condamné à verser à la société Groupama Grand Est une somme de 20 000 euros (vingt mille euros), assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2010, en réparation des préjudices causés par le mineur dont il avait la garde ;

2°) de rejeter la demande de la société Groupama Grand Est ;

3°) de mettre à la charge de la société Groupama Grand Est une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la responsabilité du département ne peut être retenue dès lors que l'autorité de la chose jugée en matière pénale s'impose aux juridictions administratives en ce qui concerne les constatations de fait ; que la cour d'assises des mineurs du département du Jura a déclaré M. C... civilement responsable de son filsD..., mineur au moment des faits ;

- rien ne justifie d'étendre aux placements intervenus dans un cadre contractuel entre les parents du mineur et le département le régime de responsabilité sans faute applicable aux placements judiciaires qui interviennent en dehors de tout accord ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2013, présenté pour la société Groupama Grand Est, ayant son siège social 101 route de Hausbergen à Schiltigheim (67012 Strasbourg), par Me B...;

Elle conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du département du Jura la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le département, en admettant un mineur dans le service de l'aide sociale à l'enfance, se voit transférer sa garde et sa responsabilité peut être engagée sur le terrain de la responsabilité sans faute ;

- il n'appartenait pas à la cour d'assises de connaître de l'action récursoire que pouvait exercer le père de l'enfant à l'encontre du département ; la société Groupama Grand Est est fondée à exercer une action subrogatoire à l'encontre du département dont la responsabilité est engagée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public ;

1. Considérant que le jeune D...C..., né en septembre 1982, a été, en accord avec sa famille, pris en charge par le service d'aide sociale à l'enfance du département du Jura durant six années entre le 4 avril 1994 et le 31 juillet 2000 ; que, le 23 novembre 2004, il a été déclaré coupable par la Cour d'Assises du Jura d'un crime et de délits commis entre septembre 1998 et 1999 ; qu'il a été condamné par la même Cour, solidairement avec son père M. C... en sa qualité de civilement responsable de son fils alors mineur, à payer une indemnité de 15 000 euros à sa victime et de 5 000 euros à la mère de celle-ci ; que le fonds d'indemnisation des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions a réglé lesdites sommes ; que par jugement en date du 5 août 2009, le tribunal de grande instance de Dole a condamné in solidum M. C... et la société Groupama Grand Est, son assureur, à rembourser au fonds de garantie les sommes avancées, et a condamné la société Groupama Grand Est à garantir M. C... des condamnations prononcées à son encontre ; que par le jugement contesté par le département du Jura, le tribunal administratif de Besançon a fait droit aux conclusions indemnitaires présentées à son encontre par la société Groupama Grand Est à hauteur de 20 000 euros ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 46 du code de la famille et de l'aide sociale alors en vigueur, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil général : 1° Les mineurs qui ne peuvent provisoirement être maintenus dans leur milieu de vie habituel (...) " ; que la décision par laquelle le président du conseil général admet la prise en charge d'un mineur par le service de l'aide sociale à l'enfance du département a pour effet de transférer à ce dernier la responsabilité d'organiser, diriger et contrôler la vie du mineur pendant la durée de sa prise en charge ; qu'en raison des pouvoirs dont le département se trouve ainsi investi lorsque le mineur est placé dans un service ou établissement qui relève de son autorité, sa responsabilité est engagée, même sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur ; que toutefois, en cas d'accueil à temps partiel, cette responsabilité ne saurait s'étendre aux périodes durant lesquelles le mineur est placé sous la garde de ses parents ;

3. Considérant qu'D... C...a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du département du Jura à la demande de ses parents dans le cadre de contrats d'accueil provisoire successifs, pendant une durée continue de six ans ; que toutefois, le père d'D... conservait l'autorité parentale et continuait à l'accueillir les samedis et dimanches à son domicile ; qu'il résulte de l'instruction qu'à la date des faits délictueux, qui se sont produits à proximité du domicile parental, D...était accueilli dans un centre de formation de la Haute-Saône ; qu'en outre, en condamnant M. C...solidairement avec son fils à réparer les conséquences dommageables des faits délictueux, les juridictions civiles ont jugé qu'il en avait la garde au moment où ces infractions ont été commises ; que, dès lors, le département du Jura est fondé à soutenir que sa responsabilité sans faute ne pouvait être engagée pour les dommages causés aux tiers par ces mêmes faits ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département du Jura est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon l'a condamné à verser à la société Groupama Grand Est une somme de 20 000 euros (vingt mille euros), assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2010 ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le département du Jura, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la société Groupama Grand Est la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société Groupama Grand Est une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le département du Jura et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1100848 du 19 décembre 2012 du tribunal administratif de Besançon est annulé.

Article 2 : La demande de la société Groupama Grand Est présentée devant le tribunal administratif de Besançon est rejetée.

Article 3 : La société Groupama Grand Est versera au département du Jura une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département du Jura et à la société Groupama Grand Est.

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13NC00283


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00283
Date de la décision : 28/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-08-02-004-03-01 Procédure. Voies de recours. Cassation. Recevabilité. Recevabilité des moyens. Moyen d'ordre public.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : PHELIP ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-11-28;13nc00283 ?
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