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21/12/2017 | FRANCE | N°13VE02661

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 21 décembre 2017, 13VE02661


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Transports Rapides Automobiles a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner le département de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 825 853,91 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2010 et la capitalisation des intérêts à compter du 29 novembre 2011.

Par un jugement n° 1107600 du 4 juin 2013, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2

août 2013, la société Transports Rapides Automobiles, représentée par Me Neveu, avocat, demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Transports Rapides Automobiles a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner le département de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 825 853,91 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2010 et la capitalisation des intérêts à compter du 29 novembre 2011.

Par un jugement n° 1107600 du 4 juin 2013, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2013, la société Transports Rapides Automobiles, représentée par Me Neveu, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement ;

2° de condamner le département de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 825 853,91 euros, assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 29 novembre 2010 et la capitalisation des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2011 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens exposés, tant en première instance qu'en appel, au titre de la contribution pour l'aide juridique mentionnée à

l'article 1635 bis Q du code général des impôts.

Elle soutient que :

- l'annulation de la décision du président du conseil régional d'Ile-de-France du 17 juin 2004 refusant d'abroger les délibérations n° CR 34-94 du 20 octobre 1994, CR 44-98 du 1er octobre 1998 et CR 47-01 du 1er octobre 2001 instituant des aides contraires au droit communautaire de la concurrence n'a pas eu pour effet d'entacher d'illégalité les avenants n° 13 et 14 ; ils n'avaient pas pour objet le versement de subventions et leur illégalité ne pouvait se déduire de la seule censure du dispositif régional ; au jour de la signature des avenants, les aides n'avaient pas disparu de l'ordre juridique ; par suite le vice n'existait pas à la date de leur signature ; l'engagement du département de couverture des risques en cas d'absence de versement d'une subvention qui a une nature contractuelle, ne peut être assimilé à une aide illégale ; le marché en cause d'exploitation du réseau de transport public francilien étant fermé à la concurrence, le mécanisme contractuel indemnitaire institué par les avenants n° 13 et 14 ne peut être regardé comme organisant le versement d'aides d'Etat illégales ;

- le département entendait financer les investissements, que ce soit par le biais de subventions régionales ou non, l'article 15.3 de l'avenant n° 14 applicable car divisible de l'éventuelle nullité des clauses relatives au reversement des subventions régionales et le principe de loyauté des relations contractuelles commandent de compenser les subventions aux investissements non versées ;

- la responsabilité du département est engagée au titre de l'article 15.3 de l'avenant n° 14 applicable aux investissements prévus par le marché initial ou par des avenants antérieurs ; la caducité de la subvention régionale et son absence de versement au département ne sont pas imputables à la société T.R.A ; en tout état de cause, la responsabilité du département est engagée du fait de ses carences fautives dans l'exécution de ses obligations contractuelles ;

- le département s'est indument enrichi au détriment de la société T.R.A à hauteur des régularisations prévues et non opérées portant sur des investissements dont la réalisation est incontestable ; à supposer même que l'obligation de notification à la commission européenne doive être retenue, sa seule méconnaissance n'emporterait obligation de restitution que pour autant que la commission considère in fine les aides incompatibles avec le marché commun.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Geffroy,

- les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant Me Neveu, pour la société Transports Rapides Automobiles et de Me A...pour le département de la Seine-Saint-Denis.

1. Considérant que la société Transports Rapides Automobiles a conclu un contrat d'exploitation de lignes régulières d'autobus ou d'autocars avec le département de la

Seine-Saint-Denis, signé le 8 février 1994 et venu à expiration le 30 juin 2007 ; que, par avenant à ce contrat n° 13 du 16 janvier 2006, il a été décidé la mise en place d'équipements télébilletiques sur 147 véhicules en vue de la généralisation de la carte sans contact Navigo et que l'avenant n° 14, signé le 29 mai 2006, prévoit l'acquisition de plusieurs véhicules neufs ; que le département de la Seine-Saint-Denis n'ayant pas reçu le financement de la région Ile-de-France correspondant à ces dépenses d'investissement exposées par la société Transports Rapides Automobiles en matière de véhicules et de matériel embarqué a, par courrier du 1er février 2011 et à l'issue d'une commission de conciliation, réunie le 12 juillet 2011 en vertu du contrat signé le 8 février 1994, refusé de reverser les subventions prévues par ces avenants n° 13 et 14 ; que la société Transports Rapides Automobiles relève régulièrement appel du jugement du 4 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à condamner le département de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 825 853,91 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2010 et la capitalisation des intérêts à compter du 29 novembre 2011 au titre de la responsabilité contractuelle engagée sur le fondement de l'article 15.3 de l'avenant n° 14, ou, à titre subsidiaire, du fait des carences fautives du département dans l'exécution de ses obligations contractuelles ;

Sur les conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité contractuelle du département de la Seine-Saint-Denis :

En ce qui concerne l'application du contrat :

2. Considérant que l'article premier de l'avenant n° 14 a pour objet notamment de préciser les modalités de versement des subventions au maitre d'ouvrage et de reversement à l'exploitant ainsi que l'incidence sur le bilan d'exploitation des aides régionales à l'investissement et la durée de prise en compte de cette incidence ; que l'article 15.3 de ce même avenant stipule que : " Si pour un motif non imputable à l'entreprise de transport, une subvention régionale ne pouvait être versée au maitre d'ouvrage puis reversée à l'exploitant, les incidences appliquées par anticipation et correspondant à cette subvention, seront alors annulées et feront l'objet d'une régularisation. / L'exploitant établira alors un mémoire avec indication des sommes à la charge du maitre d'ouvrage. " ; que, par courrier du 26 mai 2009, la région Ile-de-France a refusé, sur le fondement de son règlement budgétaire et financier du 31 janvier 2005, d'accorder les subventions afférentes à ces deux avenants, au motif que les demandes d'acompte pour les subventions en cause avaient été présentées par le département postérieurement au délai de 2 ans à compter de la date de délibération d'attribution de subvention ; que la société Transports Rapides Automobiles soutient que le motif de refus du versement au département des subventions régionales ne lui étant pas imputable, les sommes qu'elle a exposées au titre des avenants n° 13 et n° 14 sont à la charge du département en sa qualité de maitre d'ouvrage au sens de l'article 15.3 précité ;

3. Considérant, d'une part, que si le département de la Seine-Saint-Denis fait valoir que les stipulations en cause n'ont pas d'autre objet que de permettre à son co-contractant de demander une régularisation, il résulte des stipulations qui viennent d'être rappelées et de la commune intention des parties que le département a pris l'engagement de prendre à sa charge cette régularisation hormis dans le cas où serait imputée à l'entreprise de transport l'absence de versement de la subvention régionale ;

4. Considérant, d'autre part, que par une décision du 2 février 2017, la Commission européenne a déclaré que les subventions à l'investissement qui ont été octroyées par la Région

Ile-de-France aux collectivités publiques, telles que le département de la Seine-Saint-Denis, en contrepartie de la signature d'un avenant aux conventions d'exploitation déjà formées entre une entreprise de transport et cette collectivité publique dans le cadre des délibérations successives de 1994, 1998 et 2001 au titre de la période 1994-2008, constituent des aides d'Etat mises à exécution illégalement, en violation de l'article 108, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ; que, cependant, au regard de leur conformité à l'article 107, paragraphe 3, du TFUE, la Commission a déclaré ces aides compatibles avec le marché intérieur ;

5. Considérant que la juridiction administrative, juge de droit commun du droit de l'Union, doit veiller à ce que toutes les conséquences d'une violation de l'article 108, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne soient tirées ; que lorsque le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé un acte réglementaire instituant une aide en méconnaissance de l'obligation de notification préalable à la Commission européenne, il incombe à l'Etat de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le recouvrement auprès des bénéficiaires de l'aide, selon le cas, des aides versées sur le fondement de ce régime illégal ou des intérêts calculés sur la période d'illégalité ; qu'au regard de la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur, la sanction de cette illégalité n'implique pas la récupération de l'aide mise à exécution mais les juridictions nationales sont tenues de veiller, dans cette hypothèse, à ce que soit mis à la charge des bénéficiaires de l'aide le paiement d'intérêts au titre de la période d'illégalité ;

6. Considérant que l'absence de notification à la Commission européenne des délibérations du Conseil régional d'Ile-de-France des 20 octobre 1994, 1er octobre 1998 et 1er octobre 2001, qui implique la mise à la charge des bénéficiaires des aides du seul paiement d'intérêts au titre de la période d'illégalité, constitue un vice affectant la légalité desdites délibérations ; que, toutefois, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, ce seul vice entachant les délibérations du Conseil régional ne saurait être regardé comme d'une gravité telle que le juge doive écarter les stipulations des avenants au contrat d'exploitation ayant pour objet les sommes mises à la charge du département de la Seine-Saint-Denis dans le cas où les subventions régionales illégales n'ont pas été versées ; qu'en l'espèce les sommes en cause se substituant à des subventions régionales ayant été déclarées compatibles avec le marché intérieur, le litige qui oppose les parties au sujet des dépenses d'investissements prévues par l'avenant n° 14 dont les termes précités au point 2 le rendent applicable aux investissements de l'avenant n° 13, doit être tranché sur le terrain contractuel, sans qu'y fasse obstacle la seule circonstance que le contrat d'exploitation est venu à expiration le 30 juin 2007 ;

En ce qui concerne la responsabilité :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Transports Rapides Automobiles qui a adressé au département le 26 juin 2007 et le 26 octobre 2007 les justificatifs requis, soit plusieurs mois avant l'expiration du délai de 2 ans imparti par le règlement budgétaire de la région Ile-de-France, n'est pas à l'origine du retard qui a empêché le versement au département de la Seine-Saint-Denis des subventions régionales ; que, par suite, le département de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à se prévaloir d'un motif imputable à l'entreprise de transport au sens de l'article 15.3 de l'avenant n° 14 ;

En ce qui concerne les sommes à mettre à la charge du département :

8. Considérant que le département de la Seine-Saint-Denis ne conteste pas le calcul du montant des sommes qu'elle aurait dû reverser en exécution des avenants n° 13 et n° 14 et qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce montant procèderait d'une évaluation exagérée des dépenses exposées ; que le département de la Seine-Saint-Denis doit dès lors être condamné à lui verser une somme de 825 853,91 euros au titre de l'article 15.3 précité résultant de l'absence de versement de la subvention régionale prévue par les avenants n° 13 et n° 14 pour un motif non imputable à la société Transports Rapides Automobiles ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

9. Considérant que la société Transports Rapides Automobiles a droit aux intérêts au taux légal correspondant à la somme de 825 853,91 euros à compter du 29 novembre 2010, date de réception de sa demande par le département de la Seine-Saint-Denis ainsi qu'à la capitalisation des intérêts à compter du 29 novembre 2011, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les dépens :

10. Considérant que la contribution pour l'aide juridique alors prévue à

l'article 1635 bis Q du code général des impôts, en vigueur à la date d'enregistrement de la demande de première instance et de la requête d'appel, est au nombre des dépens mentionnés à l'article R. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Seine-Saint-Denis la somme de 70 euros acquittée par la société Transports Rapides Automobiles au titre de cette contribution ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Transports Rapides Automobiles, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Seine-Saint-Denis la somme de 3 000 euros à verser à la société Transports Rapides Automobiles au titre de ces dispositions tant en première instance qu'en appel ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1107600 du 4 juin 2013 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : Le département de la Seine-Saint-Denis est condamné à verser à la société Transports Rapides Automobiles la somme de 825 853,91 euros, avec intérêts au taux légal à compter du

29 novembre 2010. Les intérêts échus le 29 novembre 2011 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le département de la Seine-Saint-Denis versera à la société Transports Rapides Automobiles la somme de 70 euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du même code.

Article 4 : Les conclusions présentées par le département de la Seine-Saint-Denis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N°13VE02661 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE02661
Date de la décision : 21/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Dispositions économiques - Aides.

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Défense de la concurrence - Aides d'Etat.

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Nullité.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales - Pouvoirs et obligations du juge - Pouvoirs du juge du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme RIBEIRO-MENGOLI
Avocat(s) : SELARL CABANES NEVEU et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-12-21;13ve02661 ?
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