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27/11/2017 | FRANCE | N°15BX02872

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 27 novembre 2017, 15BX02872


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Kohler France a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler la décision du 2 novembre 2011 par laquelle la directrice du travail de la préfecture de la Corrèze a refusé de participer au financement d'une cellule de reclassement ainsi que la décision implicite née le 3 mars 2012 par laquelle le préfet de la Corrèze a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision du 2 novembre 2011 et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 378 226,12 euros

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Kohler France a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler la décision du 2 novembre 2011 par laquelle la directrice du travail de la préfecture de la Corrèze a refusé de participer au financement d'une cellule de reclassement ainsi que la décision implicite née le 3 mars 2012 par laquelle le préfet de la Corrèze a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision du 2 novembre 2011 et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 378 226,12 euros, somme correspondant à la prise en charge à hauteur de 50% des frais de fonctionnement de la cellule de reclassement qu'elle a mise en place.

Par un jugement n° 1200728 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Limoges a, d'une part, annulé la décision du 2 novembre 2011 et la décision implicite de rejet du recours gracieux présenté par la société Kohler et, d'autre part, rejeté les conclusions indemnitaires présentées par la société.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 25 août 2015 et le 19 juillet 2017, la société Kohler France, représentée par MeG..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 25 juin 2015, en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 378 226,12 euros correspondant à la prise en charge à hauteur de 50 % des frais de fonctionnement de la cellule de reclassement qu'elle avait mise en place, somme à assortir des intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2011 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les entiers dépens, la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, dès lors que le tribunal administratif, qui, pour rejeter sa demande indemnitaire, a considéré que l'engagement de l'Etat était nécessairement subordonné à la conclusion d'une convention préalablement à la mise en oeuvre d'une cellule de reclassement, a cependant omis de statuer, en violation de l'article L. 9 du code de justice administrative, sur le moyen tiré de l'absence d'obligation légale ou réglementaire de signer la convention FNE-cellule de reclassement avant sa mise en place ;

- le tribunal a dénaturé les faits de l'espèce, dès lors que, d'une part, il ne se réfère à aucune disposition légale ou réglementaire qui imposerait que les conventions FNE soient signées avant la mise en place de la cellule de reclassement et que, d'autre part, les conditions suspensives à un engagement financier de l'Etat doivent nécessairement être expressément prévues par l'engagement lui-même, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; en effet, le courrier électronique du 5 juillet 2010 de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi n'a posé aucune condition au versement de la participation de l'Etat ; la circonstance que cet engagement ait indiqué qu'il serait mis en oeuvre dans le cadre d'une " convention FNE-cellule de reclassement " est sans incidence sur le caractère ferme et définitif de l'engagement de participation de l'Etat ; en se référant à la signature d'une telle convention, l'Etat n'a fait qu'indiquer les modalités du versement de sa participation et s'est engagé à signer une telle convention pour verser à la société Kohler la participation financière sur laquelle il s'était engagé ;

- en effet, ni l'article R. 322-1 du code du travail alors en vigueur, ni les articles 1er et 3 de l'arrêté du 25 avril 2007 pris pour l'application de cet article, n'imposent une saisine préalable des services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ou un quelconque formalisme pour obtenir la participation de l'Etat au financement d'une cellule de reclassement ; aucune disposition légale ou réglementaire n'impose un conventionnement préalablement au démarrage de la cellule ;

- en tout état de cause, la société Kohler a bien engagé des démarches auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi afin d'obtenir son accord préalablement à la mise en place de la cellule de reclassement ; elle a toujours travaillé en étroite collaboration avec les services de l'Etat ; l'Etat a pris à son égard des engagements exprès ; jamais il ne lui a été précisé que la participation de l'Etat ne serait effective qu'à la condition que la convention de coopération soit signée préalablement à la mise en place de la cellule ;

- l'Etat ne peut invoquer le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, dès lors qu'il n'est entré en vigueur que le 11 novembre 2012, soit postérieurement au refus opposé par l'Etat ; de toutes façons, aucune de ses dispositions ne fait obstacle à une prise en charge partielle par l'Etat des frais de fonctionnement de la cellule ;

- de même, les dispositions de l'article R. 5123-3 du code du travail, reprenant celles de l'article R. 322-1 du même code, ne suffisent à fonder le refus de l'Etat ; seule la durée de prise en charge des bénéficiaires est réglementée par l'article 2 de l'arrêté du 25 avril 2007, que la société a respecté ;

- l'Etat a donc commis une faute en ne respectant pas son engagement de prendre en charge à hauteur de 50 % les frais de fonctionnement de la cellule de reclassement ; il s'agissait bien d'un engagement formel et précis, ferme et définitif ; cela engage la responsabilité de l'Etat ; en outre, à la date du 5 juillet 2010, l'Etat avait parfaitement connaissance de la mise en place de la cellule, mais à ce stade, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi n'a aucunement alerté la société Kohler sur une prétendue condition tenant à la signature de la convention de coopération avant toute mise en oeuvre de la cellule ; bien au contraire, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi l'a poussée à tout mettre en oeuvre pour la préfinancer, arguant de la menace d'un constat de carence ; le rapporteur public avait quant à lui souligné l'absence de caractère impératif d'une éventuelle condition suspensive de l'engagement de l'Etat ; en effet, aucune condition suspensive n'avait été posée par les services de l'Etat ; jamais la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi n'a, comme le prétend l'administration, relancé la société, que ce soit à l'écrit ou à l'oral, pour qu'elle dépose une demande de conventionnement ; contrairement à ce que prétende l'Etat, la société a bien, de son côté, entrepris des démarches pour la signature de la convention ;

- la société Kohler doit donc être indemnisée ; le fait qu'elle ait assuré le préfinancement des frais de fonctionnement en attendant l'exécution de son engagement par l'Etat n'a absolument aucune incidence sur le caractère direct et certain de son préjudice, qui n'est pas lié à sa capacité financière, mais à l'existence d'une promesse formelle de l'Etat ;

- son préjudice repose sur des dépenses effectivement engagées pour la mis en place de la cellule de reclassement, au titre de laquelle elle justifie avoir réglé la somme totale de 756 452,24 euros ; elle est donc fondée à réclamer à l'Etat d'être indemnisée de la moitié, soit la somme de 378 226,12 euros ;

- l'Etat n'est pas fondé, même à titre subsidiaire, à invoquer la déduction de l'économie d'impôt réalisée par la société, une telle demande, qui ne repose sur aucun fondement juridique est en contradiction avec le sens des engagements pris par l'Etat, dès lors que lorsque l'Etat s'est engagé à verser un montant déterminé, il le verse sans déduction de l'éventuelle économie d'impôt réalisée par le bénéficiaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête de la société Kohler.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la société Kohler n'est fondé ; le jugement n'est pas insuffisamment motivé ; l'Etat n'a commis aucune faute dès lors que le financement par l'Etat des actions de reclassement est nécessairement subordonnée à la conclusion d'une convention de coopération, laquelle doit, aux termes des dispositions combinées de l'article R. 5123-3 du code du travail et de l'arrêté du 25 avril 2007, intervenir avant la mise en oeuvre par la cellule de reclassement des actions que cette convention prévoit ; au surplus, le décret du 7 novembre 2012, qui pose les règles en matière d'engagement, de liquidation, d'ordonnancement et de paiement de la dépense, fait obstacle à ce que les services de l'Etat puissent engager des dépenses alors même qu'ils ne sont pas en mesure de vérifier la réalité de l'obligation et que cette dernière respecte l'objet et les limites de l'autorisation budgétaire ; en tout état de cause en l'espèce, il y a absence d'une promesse non tenue, qui serait de nature à engager la responsabilité de l'Etat, celui-ci ayant simplement accepté le principe d'une participation au financement de la cellule de reclassement, en précisant le caractère impératif d'un conventionnement ; à titre subsidiaire, à supposer que la responsabilité de l'Etat puisse être engagée, le comportement de la société est de nature à l'exonérer de toute responsabilité ; en effet, les informations nécessaires à l'élaboration d'une convention n'ont été transmises aux services de l'Etat qu'en mars 2012 ; l'Etat ne peut cofinancer de façon rétroactive et postérieurement à la durée maximale de fonctionnement de la cellule prévue par l'article R. 5123-3 du code du travail et l'arrêté du 25 février 2007 ; à titre infiniment subsidiaire, seule une part du coût net de la cellule de reclassement serait indemnisable, dès lors que la société Kohler a réalisé une importante économie d'impôt sur les sociétés, puisque le financement de la cellule constitue une charge déductible du bénéfice imposable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- l'arrêté du 25 avril 2007 pris pour l'application de l'article R. 322-1 du code du travail ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Kohler France.

Considérant ce qui suit :

1. La société Kohler France, filiale du groupe américain Kohler, a décidé, en 2010, de fermer son site situé à Brive-la-Gaillarde, qui comprenait alors 136 salariés, en raison de la réduction de son activité commerciale au titre de l'année 2009 et du résultat négatif caractérisant les cinq années précédentes de la société ainsi que du groupe Kohler Europe. Pour mettre un terme au violent conflit social qui a éclaté en juillet 2010 à l'annonce de cette fermeture d'usine, qui a notamment conduit à l'occupation du site et à la rétention du directeur de l'usine, M.D..., le sous-préfet de la Corrèze, M.F..., et le directeur adjoint du travail, M.B..., se sont rendus sur le site de Brive-la-Gaillarde le 1er juillet afin de proposer une aide financière de l'Etat. Par un courrier électronique du 5 juillet 2010 envoyé à 16 h 22 à MmeE..., directrice du travail, responsable de l'unité territoriale de la Corrèze, MmeH..., directrice des relations sociales de la société Kohler France, a transmis aux services de l'Etat un projet de protocole d'accord de fin de conflit et a sollicité, par ailleurs, de ces services, qu'ils lui transmettent en retour " les engagements pris le 1er juillet (2010) entre M.F..., M. B...et M.D... ". Par un courrier électronique du même jour, Mme E...informait Mme H...qu' " afin de faciliter la conclusion du protocole d'accord de fin de conflit, elle était en mesure de lui confirmer les engagements suivants formulés par M. B...en pleine concertation avec Monsieur le sous-préfet de Brive et elle-même : / - la participation de l'Etat à hauteur de 50 % du coût du point information conseil emploi et d'une antenne emploi dans le cadre d'une convention FNE - cellule de reclassement, / - dans le cadre de la revitalisation du bassin de Brive, la fixation de la contribution de Kohler au taux de 3 SMIC par emploi supprimé (...) ". Le 6 juillet 2010, la société Kohler France, les membres de la commission de négociation du comité central d'entreprise de la société Kohler France et les organisations syndicales représentatives au sein de la société ont conclu un protocole d'accord de fin de conflit. Il est constant que la société requérante a mis en place la cellule de reclassement dès le 6 septembre 2010 et que les premiers licenciements ont été signifiés le 21 septembre 2010. Il résulte de l'instruction que, par un courrier électronique du 19 avril 2011, MmeC..., inspectrice du travail, a transmis à Mme H... un dossier type " à compléter pour la demande de financement de la cellule de reclassement ". Ce courrier électronique mentionnait par ailleurs que " compte tenu du nombre de personnes susceptibles d'être accompagnées (un potentiel de 100) et du coût prévisionnel pouvant excéder les 100 000 euros, un avis préalable de la [délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle] est nécessaire ". Par courrier électronique du 5 mai 2011, et en réponse au courrier électronique du 19 avril 2011, Mme H...informait les services de l'Etat de ce que l'antenne emploi mise en place par la société Kohler France fonctionnait depuis septembre 2010 et que 101 adhésions de salariés avaient été contractualisées. Le 3 octobre 2011, la société a présenté au préfet de la Corrèze un dossier de demande de financement d'une cellule de reclassement, relative au licenciement des 136 salariés de son établissement de Brive-la-Gaillarde. Cependant, par une décision du 2 novembre 2011, le préfet de la Corrèze a rejeté cette demande de financement. Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 2 janvier 2012, notifiée au préfet de la Corrèze le 3 janvier suivant, la société a présenté un recours gracieux dirigé contre la décision du 2 novembre 2011. Une décision implicite de rejet dudit recours gracieux est née en raison du silence gardé par l'administration. La société Kohler France fait appel du jugement du tribunal administratif de Limoges du 25 juin 2015, en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 378 226,12 euros, représentative de la prise en charge à hauteur de 50% des frais de fonctionnement de la cellule de reclassement qu'elle a mise en place.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Pour écarter les conclusions indemnitaires de la société Kohler France, le tribunal administratif, qui s'est fondé sur les textes applicables dont il a rappelé la teneur, à savoir les articles L. 5111-1 et R. 5111-1 du code du travail, la lecture combinée du 5° de l'article R. 5111-2 et de l'article R. 5123-3 du même code, dispositions qui reprennent celles prévues au 7° de l'ancien article R. 322-1 dudit code, ainsi que les articles 1er et 2 de l'arrêté du 25 avril 2007 pris pour l'application de l'article R. 322-1, a considéré qu'il résultait des termes mêmes du courrier électronique du 5 juillet 2010 évoqué au point 1 du présent arrêt, ainsi que des dispositions précitées, que l'engagement de l'Etat à participer au financement de la cellule de reclassement à mettre en oeuvre était nécessairement subordonné à ce que la cellule de reclassement soit réalisée dans le cadre d'une convention de coopération prévue par les dispositions des articles R. 5111-2 et R. 5123-3 du code du travail. Il a ensuite considéré qu'au cas d'espèce, la société Kohler France avait mis en place une cellule de reclassement préalablement à toute demande de conventionnement de sa part auprès de l'Etat.

4. Les premiers juges ont ainsi ont ainsi parfaitement exposé les raisons, de droit comme de fait, qui les ont conduit à considérer, d'une part, que la conclusion d'une convention avec l'Etat devait intervenir préalablement à la mise en place d'une cellule de reclassement et, d'autre part, que tel n'avait pas été le cas en l'espèce. Ce faisant, ils ont implicitement mais nécessairement écarté le moyen de la société requérante, tiré de ce qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait que le dossier de demande de financement soit déposé avant la mise en place de la cellule et de ce que l'engagement de l'Etat, exprimé par la directrice du travail dans son courriel du 5 juillet 2010 n'était assorti d'aucune condition suspensive. Dans ces conditions, le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, n'est pas entaché d'omission à statuer.

Sur les conclusions indemnitaires :

5. La société Kohler France soutient qu'en refusant de participer financièrement aux coûts de la cellule de reclassement, l'Etat n'a pas respecté l'engagement formalisé par courrier électronique du 5 juillet 2010 tendant à ce qu'il participe à hauteur de 50 % du coût de fonctionnement de ladite cellule. Elle fait en effet valoir que le courriel de la directrice du travail en date du 5 juillet 2010 contenait un engagement ferme de l'Etat, dépourvu de toute condition suspensive et qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait que le dossier de demande de financement soit déposé avant la mise en place de la cellule de reclassement.

6. D'une part, aux termes de l'article L. 5111-1 du code du travail : " Les aides à l'emploi ont pour objet : / 1° De faciliter la continuité de l'activité des salariés face aux transformations consécutives aux mutations économiques et de favoriser, à cette fin, leur adaptation à de nouveaux emplois en cas de changements professionnels dus à l'évolution technique ou à la modification des conditions de la production ; (...) ". Aux termes de l'article R. 5111-1 de ce code : " Pour la mise en oeuvre de la politique de l'emploi définie à l'article L. 5111-1, le ministre chargé de l'emploi est habilité à conclure des conventions de coopération avec les organismes professionnels ou interprofessionnels, les organisations syndicales et avec des entreprises ". En vertu des dispositions combinées du 5° de l'article R. 5111-2 et de l'article R. 5123-3 du code du travail, dispositions qui reprennent celles prévues au 7° de l'article R. 322-1 du code du travail abrogé par décret n° 2008-244 du 7 mars 2008, les actions d'urgence conclues dans le cadre des conventions de coopération comportent, notamment, des actions de reclassement de salariés licenciés pour motif économique ou menacés de l'être, ces conventions déterminant le cas échéant la nature des actions de reclassement, leur champ d'application ainsi que le montant de la participation de l'Etat au financement des cellules chargées de les mettre en oeuvre. Aux termes de l'article 1 de l'arrêté du 25 avril 2007 pris pour l'application de l'article R. 322-1 du code du travail, alors applicable en l'espèce : " En application de l'article R. 322-1 (7°) du code du travail, l'Etat peut conclure des conventions de cellules de reclassement avec des entreprises comprises dans le champ d'application de l'article L. 321-2 du code du travail qui ne sont pas soumises à l'obligation de mettre en oeuvre un congé de reclassement tel que défini à l'article L. 321-4-3 du même code afin de favoriser le reclassement des salariés faisant l'objet d'une procédure de licenciement pour motif économique ". Les dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 25 avril 2007 prévoient que la convention de cellule de reclassement précise le programme d'intervention de la cellule et le plan d'ensemble dans lequel elle s'inscrit et notamment les actions envisagées, qu'elle détermine également le calendrier de la mise en oeuvre, la composition de la cellule ainsi que les conditions de suivi de ses interventions et, le cas échéant, les conditions d'association des représentants du personnel à ce suivi. Cet article dispose également que la convention de cellule de reclassement précise le budget prévisionnel de la cellule, son mode de financement et détermine les modalités de participation de l'Etat au financement du dispositif. En vertu du 3 de cet article, la convention de cellule de reclassement doit également préciser les modalités de coordination et de coopération entre la cellule et le service public de l'emploi.

7. D'autre part, aux termes de l'article 19 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Le comptable public est tenu d'exercer le contrôle : (...) 2° S'agissant des ordres de payer : (...) b) De l'exacte imputation des dépenses au regard des règles relatives à la spécialité des crédits ; (...) d) De la validité de la dette dans les conditions prévues à l'article 20 ". Aux termes de l'article 20 du même décret : " Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur : (...) 4° La production des pièces justificatives ". Aux termes de l'article 30 dudit décret : " L'engagement est l'acte juridique par lequel une personne morale mentionnée à l'article 1er crée ou constate à son encontre une obligation de laquelle il résultera une dépense. L'engagement respecte l'objet et les limites de l'autorisation budgétaire ". Aux termes de l'article 31 de ce décret : " La liquidation consiste à vérifier la réalité de la dette et à arrêter le montant de la dépense. Elle comporte : 1° La certification du service fait, par laquelle l'ordonnateur atteste la conformité à l'engagement de la livraison ou de la prestation ; 2° La détermination du montant de la dépense au vu des titres ou décisions établissant les droits acquis par les créanciers ".

8. Il résulte de l'instruction, comme cela a été dit ci-dessus, que, par courrier électronique du 5 juillet 2010, la directrice du travail de l'unité territoriale de la Corrèze a informé la directrice des relations sociales de la société Kohler France qu'afin de faciliter la conclusion du protocole de fin de conflit, elle était en mesure de lui confirmer les engagements pris par le directeur adjoint du travail en pleine concertation avec le sous-préfet de Brive-la-Gaillarde et elle-même tendant, notamment, à la participation de l'Etat à hauteur de 50 % du coût du point d'information conseil emploi et d'une antenne emploi dans le cadre d'une " convention FNE - cellule de reclassement ".

9. Cependant, d'une part, ce courriel, qui n'émane pas de l'autorité compétente ayant pouvoir de signature en ce qui concerne le financement par l'Etat de la cellule de reclassement, ne constitue dès lors pas un engagement juridique ferme et définitif de celui-ci de contribuer, sans conditions, au financement du dispositif, mais doit être regardé comme constituant un accord de principe à une telle participation, soumise au respect de la réglementation applicable en la matière. Il précise d'ailleurs à cet égard le caractère impératif d'un conventionnement. Ainsi, en tout état de cause, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée à raison d'une promesse non tenue.

10. En outre, comme le fait valoir en défense le ministre du travail, à défaut de tout engagement juridique de la part de l'Etat au sens de l'article 30 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, les règles en matière d'engagement, de liquidation, d'ordonnancement et de paiement de la dépense publique qui y sont définies faisaient obstacle au financement par l'Etat d'une cellule de reclassement sans conclusion préalable d'une convention de coopération, signée par l'ordonnateur, en l'espèce, le préfet.

11. D'autre part, comme l'ont déjà relevé à bon droit les premiers juges, il résulte des termes mêmes du courriel du 5 juillet 2010 sus-évoqué, ainsi que des dispositions applicables, à savoir les dispositions précitées de l'article R. 5123-3 du code du travail et de celles de l'arrêté du 25 avril 2007, que l'engagement de l'Etat à participer au financement de la cellule de reclassement à mettre en oeuvre était nécessairement subordonné à ce que la cellule de reclassement soit réalisée dans le cadre d'une convention de coopération prévue par les dispositions des articles R. 5111-2 et R. 5123-3 du code du travail.

12. Il résulte également des dispositions de l'article R. 5123-3 du code du travail et de celles de l'arrêté du 25 avril 2007, que cette convention, destinée à mettre en place une cellule d'accompagnement à la recherche d'emploi au bénéfice de salariés licenciés pour motif économique ou menacés de l'être, détermine la nature des actions de reclassement, leur champ d'application, le calendrier de mise en oeuvre de la cellule, les modalités de suivi de ses interventions ainsi que les modalités de coordination et de coopération entre la cellule et le service public de l'emploi. Dans ces conditions, la conclusion d'une telle convention doit nécessairement être préalable à la mise en place de la cellule de reclassement.

13. Or, il résulte de l'instruction qu'à compter du mois de septembre 2010, la société requérante a procédé, sans conclure de convention de coopération avec les services de l'Etat, à l'élaboration d'une cellule de reclassement en confiant à une société prestataire différentes missions concernant notamment le point information conseil et l'antenne emploi. Elle n'a sollicité le financement de l'Etat, toujours sans avoir conclu de convention, que le 3 octobre 2011, soit plus d'un an après le début du fonctionnement de la cellule, alors, en tout état de cause, qu'aux termes de l'article R. 5123-3 du code du travail, la convention est notamment destinée à fixer la durée de cette cellule et qu'aux termes de l'article 2 du décret du 25 avril 2007, la durée de prise en charge des bénéficiaires doit, en principe, être inférieure à un an.

14. Si la société Kohler France fait valoir que la cellule de reclassement devait être mise en oeuvre sans délai après la réception du courriel du 5 juillet 2010, afin de pouvoir bénéficier aux premières personnes licenciées le 21 septembre 2010, cette circonstance ne la privait toutefois pas de la possibilité de faire part aux services de l'Etat, dès la réception du courrier électronique en cause d'une demande de conventionnement afin d'assurer la réalisation de l'engagement pris par l'Etat ou, à tout le moins, d'avertir ces services de la réalisation des premières opérations de reclassement. Il ne résulte en effet pas de l'instruction que les délais d'instruction d'une demande de convention de coopération telle que définie par l'article R. 5123-3 du code du travail ne permettaient pas à la société Kohler de mettre en oeuvre, en coopération avec les services de l'Etat, des actions de reclassement effectives à compter de la notification des premiers licenciements. Si la société Kohler France fait également valoir que M. B...a toujours rassuré sa directrice des relations sociales quant à la possibilité de reporter les formalités administratives du dépôt de la demande de financement de la cellule de reclassement, elle n'établit pas ses dires. Par ailleurs, si elle a conclu avec l'Etat une convention de revitalisation des bassins d'emploi en application des articles L. 1233-84 et suivant du code du travail, ainsi qu'une convention de partenariat avec la chambre de commerce et de l'industrie de la Corrèze, la mise en place de ces procédures, indépendantes de celle ayant trait à la cellule de reclassement, ne saurait davantage établir que l'Etat ait, en l'espèce, effectué quelconques manoeuvres afin de la priver de la possibilité de solliciter le conventionnement de la cellule. Dans ces conditions, la condition liée à la conclusion préalable d'une convention de cellule de reclassement avec l'Etat n'a pas été remplie par la société Kohler, sans que celle-ci puisse utilement invoquer une quelconque circonstance exonératoire de son obligation d'engager le processus de conventionnement préalablement à la mise en place de la cellule.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Kohler France n'est pas fondée à souvenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Kohler France sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Kohler France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Kohler France et au ministre du travail.

Copie en sera faite au préfet de la Corrèze.

Délibéré après l'audience du 30 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 novembre 2017.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 15BX02872


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02872
Date de la décision : 27/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SEKRI VALENTIN ZERROUK

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-27;15bx02872 ?
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