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27/04/2017 | FRANCE | N°15LY00778

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 27 avril 2017, 15LY00778


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Compagnie nationale du Rhône (CNR) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la société Electricité de France (EDF) à lui verser une indemnité de 3 643 806,52 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal, à lui rembourser la somme de 20 311,42 euros au titre des frais d'expertise et à lui verser une somme de 15 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par un jugement n° 1105006 du 31 décembre 2014, le tribunal

administratif de Grenoble a condamné la société Electricité de France (EDF) à verser une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Compagnie nationale du Rhône (CNR) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la société Electricité de France (EDF) à lui verser une indemnité de 3 643 806,52 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal, à lui rembourser la somme de 20 311,42 euros au titre des frais d'expertise et à lui verser une somme de 15 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par un jugement n° 1105006 du 31 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la société Electricité de France (EDF) à verser une indemnité de 744 379,15 euros à la société Compagnie nationale du Rhône (CNR), outre intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2011, a mis à la charge de la société EDF les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 20 311,42 euros, et l'a condamnée à verser à la CNR une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2015, présentée pour la société Electricité de France (EDF), dont le siège social est 22-30, avenue de Wagram à Paris (75008), représentée par son président directeur général en exercice, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1105006 du 31 décembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter les demandes de la société Compagnie nationale du Rhône (CNR) ;

3°) de mettre à la charge de la société Compagnie nationale du Rhône (CNR) la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté les règles convenues par la CNR et EDF dans un protocole opérationnel signé le 30 septembre 2005, qui excluaient la mise en cause de la responsabilité d'EDF, au motif que ces stipulations contractuelles ne régiraient les rapports entre la CNR et EDF qu'en ce qu'ils concernent "les eaux d'Arve ", alors que ces stipulations traitent notamment des chasses menées sur les installations hydroélectriques situées dans l'ensemble du bassin du Rhône en ce inclus l'Isère ;

- en application des stipulations de l'article 56.4 alinéa 3 du chapitre III du CGE la demande de la CNR doit être rejetée dès lors que, EDF ayant respecté scrupuleusement la consigne de chasse, la CNR avait contractuellement renoncé à venir rechercher la responsabilité de l'appelante de ce fait ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'engagement de sa responsabilité sans faute n'était pas subordonné à la démonstration du caractère anormal des dommages allégués par la CNR, alors qu'en matière de responsabilité sans faute le caractère anormal d'un dommage doit toujours être démontré par le demandeur, même si, lorsque le dommage a une origine accidentelle, son caractère anormal est supposé ; le tribunal a improprement qualifié le dommage allégué par la CNR d'accidentel et non permanent, alors que la CNR mettait en cause le fonctionnement normal des ouvrages publics exploités par EDF, en dehors de tout accident, la CNR n'ayant elle-même jamais soutenu devant les premiers juges qu'elle aurait été victime d'un dommage accidentel de travaux publics ;

- le préjudice prétendument subi par la CNR ne présente aucun caractère anormal, dès lors qu'en sa qualité de concessionnaire hydroélectrique du Rhône, la CNR tire des avantages et un profit significatif de cette exploitation et que, par ailleurs, les chasses de retenues d'ouvrages hydroélectriques font incontestablement partie des opérations exécutées conformément aux prescriptions administratives et sous le contrôle de l'État dans l'intérêt de la police des eaux et de la bonne exploitation des usines hydroélectriques ; le préjudice allégué ne présente, en outre, aucun caractère d'anormalité du fait des volumes de sédiments en cause ni de par son quantum ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la CNR n'était pas elle-même à l'origine du préjudice allégué, alors que la CNR avait concouru de manière déterminante à l'envasement de ses propres aménagements en cessant de curer la confluence Rhône-Isère pendant près de dix ans, pour accroître sa rentabilité ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'EDF était responsable de 40 % des dommages allégués par la CNR alors que, à supposer même qu'une part de responsabilité puisse être retenue à l'encontre d'EDF, elle aurait dû être tout au plus de 25 %.

Par un mémoire, enregistré le 7 août 2015, présenté pour la société Compagnie nationale du Rhône (CNR), elle conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à l'annulation du jugement du 31 décembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a limité le montant de la condamnation de la société Electricité de France (EDF) à la somme de 744 379,15 euros ;

3°) à la condamnation de la société Electricité de France (EDF) à lui verser une indemnité de 3 643 806,52 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de sa demande le 15 septembre 2011 et à lui rembourser les frais d'expertise, pour un montant de 20 311,42 euros ;

4°) à ce que soit mise à la charge de la société Electricité de France (EDF) la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- EDF n'est pas fondée à invoquer l'avenant au protocole opérationnel du 4 septembre 2001, et en particulier son article 56 applicable à la gestion du stock d'eau disponible dans le lac Léman, en considération du protocole opérationnel du 30 septembre 2005 par lequel EDF et la CNR ont convenu de mettre un terme à ce précédent protocole qui ne figure pas dans la liste des conventions maintenues en vigueur et alors, de plus, que ledit article 56 n'est pas applicable à l'Isère ;

- le jugement, en ce qu'il a considéré que l'engagement de la responsabilité sans faute d'EDF n'était pas subordonné à la démonstration du caractère anormal des dommages, est conforme à la jurisprudence spécifique applicable aux usiniers victimes de dommages liés à l'entretien du cours d'eau dont ils sont riverains, outre le fait que la CNR justifie avoir subi un préjudice anormal et spécial ;

- le lien de causalité entre la décision d'EDF de déclencher la chasse de ses retenues des cinq aménagements de la basse-Isère et l'envasement des installations de la CNR à l'aval de la confluence du Rhône, est établi par le constat que les chasses de Saint-Egrève et des cinq aménagements aval de l'Isère déclenchés par EDF fin mai/début juin 2008 ont rejeté dans le Rhône 2,45 millions de tonnes de sédiments qui étaient stockés dans leurs retenues, et ce lien a été confirmé par l'expert ;

- ayant la qualité de tiers à l'égard des 5 ouvrages hydroélectriques d'EDF sur la basse-Isère dont le fonctionnement est la cause de ses préjudices, la CNR est fondée à rechercher la responsabilité d'EDF pour obtenir la réparation des préjudices anormaux qu'elle a subis du fait des chasses pratiquées sur ces aménagements pendant la période en cause ;

- c'est à tort que les premiers juges ont limité à 40 % la part de responsabilité d'EDF, en méconnaissant le lien de causalité entre la quantité de sédiments accumulés dans les 6 retenues des ouvrages concédés à EDF et les dommages subis par les aménagements de la CNR qui sont exclusivement dus aux 2,45 millions de tonnes évacués par EDF de ces retenues, alors que c'est bien l'intégralité des coûts des opérations de retrait de ces sédiments qui ont encombré ses ouvrages dont la CNR est fondée à demander l'indemnisation par EDF ; EDF a commis une faute pour ne pas avoir respecté la consigne de chasse des aménagements de la basse-Isère, tenant au maintien d'un débit du Rhône de 1 800 m3/s pendant toute la durée de l'opération de chasse ;

- contrairement à ce que soutient EDF la CNR n'a nullement participé à la survenance des dommages subis par ses aménagements du Rhône situés à l'aval de la confluence de l'Isère pour avoir interrompu le curage de la confluence Rhône-Isère et prétendument diminué les dragages à l'aval de cette confluence alors que le dragage de cette confluence est inutile en raison du fonctionnement naturel du fleuve et de son affluent ;

- l'indemnisation réclamée correspond aux coûts des opérations de dragage, de dévasage, de batardage, de nettoyage, de rapinage et de remplacement de joints d'étanchéité de pompes que la CNR a dû engager en 2008 et 2009 sur ses ouvrages de Bourg les Valence pour un montant de 1 321 918,26 € HT ainsi que les frais de grapinage engagés au cours de la même période pour d'autres ouvrages situés en aval s'élevant à la somme de 539 029,63 € HT.

Par un mémoire, enregistré le 12 octobre 2015, présenté pour la société Electricité de France (EDF), elle maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens et conclut, en outre, au rejet des conclusions incidentes de la CNR.

Elle soutient, en outre, que :

- les stipulations de l'article 56 de l'avenant aux protocoles portant révision des relations contractuelles entre EDF et la CNR, signé le 4 septembre 2001, ont été maintenues en vigueur par la volonté expresse et claire des parties qui ont signé le protocole opérationnel du 30 septembre 2005 ;

- si la cour décidait de rejeter la requête d'EDF, elle ne pourrait pas faire droit à la demande de réformation du jugement présentée par la CNR qui n'est pas motivée dès lors que la CNR se borne à reprendre sa demande initialement présentée devant le tribunal administratif de Grenoble sans préciser les erreurs que la juridiction de première instance aurait commises.

Par un mémoire, enregistré le 27 janvier 2016, présenté pour la société Compagnie nationale du Rhône (CNR), elle maintient ses conclusions pour les mêmes motifs tout en chiffrant à 3 759 464,42 euros l'indemnité réclamée.

Par un mémoire, enregistré le 4 mars 2016, présenté pour la société Electricité de France (EDF), elle maintient ses conclusions par les mêmes moyens tout en chiffrant à 10 000 euros la somme dont elle demande qu'elle soit mise à la charge de la CNR au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en outre, que la CNR, en ce qu'elle invoque une méconnaissance de la consigne de chasse applicable, se place irrégulièrement sur le terrain de la faute, dès lors que de telles conclusions sur ce fondement distinct de celui invoqué en première instance sont irrecevables en appel, et que les coûts dont la CNR demande le remboursement, au-delà de la condamnation de première instance, ne sauraient lui être imputés alors que le lien entre ces coûts et les opérations de chasse n'est pas justifié.

Par un mémoire, enregistré le 10 mai 2016, présenté pour la société Compagnie nationale du Rhône (CNR), elle maintient ses conclusions pour les mêmes motifs.

Par un mémoire, enregistré le 30 mai 2016, présenté pour la société Electricité de France (EDF), elle maintient ses conclusions par les mêmes moyens.

Par un mémoire, enregistré le 11 août 2016, présenté pour la société Compagnie nationale du Rhône (CNR), elle maintient ses conclusions pour les mêmes motifs.

Par un mémoire, enregistré le 22 septembre 2016, présenté pour la société Electricité de France (EDF), elle maintient ses conclusions par les mêmes moyens.

Par un mémoire, enregistré le 2 décembre 2016, présenté pour la société Compagnie nationale du Rhône (CNR), elle maintient ses conclusions pour les mêmes motifs.

Par un mémoire, enregistré le 20 janvier 2017, présenté pour la société Electricité de France (EDF), elle maintient ses conclusions par les mêmes moyens.

Par ordonnance du 1er mars 2017 la clôture de l'instruction a été fixée au 24 mars 2017.

Vu le mémoire enregistré le 21mars 2017 présenté pour pour la société CNR ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 6 avril 2017 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Pivois, avocat de la société EDF, et de Me Balique, avocat de la société CNR ;

Une note en délibéré présentée pour la Compagnie nationale du Rhône a été enregistrée le 7 avril 2017 ;

1. Considérant que, le 26 mai 2008, alors que débutait un épisode de crue de l'Isère, la société Electricité de France (EDF), qui, en qualité de concessionnaire, exploite des usines hydroélectriques établies sur cette rivière, a déclenché une première " chasse ", procédé consistant à envoyer vers l'aval des sédiments, en les remobilisant par une forte impulsion provoquée par un flux d'eau subitement lâché, " en montée de crue ", au niveau de l'aménagement de Saint-Egrève, opération qui s'est terminée le 31 mai suivant ; qu'elle a ensuite effectué, le 30 mai 2008, une opération de chasse sur les cinq aménagements hydroélectriques qu'elle exploite sur la Basse-Isère, de Beaumont-Monteux, Saint-Hilaire, Beauvoir, La Vanelle et Pizançon ; que la société Compagnie nationale du Rhône (CNR), laquelle, en qualité de concessionnaire, exploite des usines hydroélectriques et des écluses sur le Rhône dont elle entretient également le chenal de navigation, a, le 18 juin 2008, adressé une réclamation à EDF, au motif que la masse considérable de sédiments déversés dans le Rhône à la suite de ces opérations de chasse sur l'Isère avait provoqué l'envasement exceptionnel de ses aménagements de Bourg-lès-Valence, Beauchastel, Logis-neuf et Montélimar ; qu'après le rejet par EDF de cette réclamation, la CNR a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande d'expertise ; que l'expert désigné par une ordonnance du juge des référés du 5 août 2009, M. B..., a, le 30 juin 2011, remis un rapport selon lequel ces chasses avaient contribué aux désordres causés aux ouvrages exploités par la CNR en aggravant les conséquences de la crue de l'Isère ; qu'à la suite d'un nouveau rejet de sa réclamation, la CNR a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande de condamnation de la société EDF à lui verser une indemnité, chiffrée à 3 643 806,52 euros, au titre de la responsabilité sans faute du propriétaire d'un ouvrage public à l'égard des tiers par rapport à cet ouvrage ; que la société EDF fait appel du jugement du 31 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a retenu sa responsabilité, l'a condamnée à verser une indemnité de 744 379,15 euros à la société CNR, outre intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2011, et a mis à sa charge les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 20 311,42 euros ; que, la société CNR demande pour sa part à la cour, à titre incident, de réformer ledit jugement en tant qu'il a limité à la somme de 744 379,15 euros l'indemnité mise à la charge de la société EDF et de porter le montant de cette indemnité à une somme chiffrée, dans le dernier état de ses écritures d'appel, à 3 759 464,42 euros ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la société EDF aux conclusions incidentes de la société CNR ;

Sur la responsabilité de la société EDF :

2. Considérant que le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement ; qu'il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages, qui doivent revêtir un caractère anormal et spécial pour ouvrir droit à réparation, résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure ; que la société CNR, en sa qualité d'exploitant d'installations hydroélectriques, doit être regardée comme un tiers à l'égard des ouvrages publics exploités par la société EDF, dont elle recherche la responsabilité en sa qualité de maître d'ouvrage en raison des opérations de " chasse " pratiquées au titre du fonctionnement de ces ouvrages publics, à l'origine de l'envasement de ses propres aménagements ; que le dommage dont la société CNR demande réparation, correspondant aux dépenses relatives aux travaux qu'elle a dû engager et à une diminution de ses recettes consécutives à l'envasement de ses installations, trouve son origine dans le fonctionnement des installations hydro-électriques exploitées par EDF sur l'Isère, lequel implique qu'il soit procédé périodiquement à des opérations de "chasse " sur les retenues de ses ouvrages ; que, dès lors, ce dommage ne présente pas de caractère accidentel, ce qu'au demeurant la société CNR n'allègue pas ; que l'indemnisation d'un tel dommage suppose, par suite, qu'excédant les aléas que comporte nécessairement l'exploitation d'un aménagement hydroélectrique, il revête un caractère grave et spécial et ne puisse, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement à la société CNR ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et n'est au demeurant pas contesté par la société CNR, que les conséquences financières, telles qu'elle les évalue elle-même, de l'envasement de ses installations hydroélectriques, au nombre desquelles figure l'incidence sur son activité, doivent s'apprécier globalement ; qu'elles représentaient 0,36 % du chiffre d'affaires lié à ses ventes d'électricité qu'elle a réalisé au titre de l'exercice correspondant à l'année 2008, et 1,06 % de son résultat net au cours du même exercice ; qu'ainsi, le préjudice dont la société CNR demande réparation à raison des conséquences de l'envasement de ses installations, qui n'excède pas les aléas que comporte nécessairement l'exploitation de celles-ci en contrepartie des avantages résultant de la présence des ouvrages hydro-électriques exploités par EDF sur l'Isère, ne présente pas un caractère anormal de nature à lui ouvrir droit à indemnité, en dépit des circonstance qu'au cours des six mois ayant suivi l'épisode de la chasse litigieuse, le seul coût des travaux exceptionnels de remise en état des installations s'est élevé à 2 405 568,42 euros alors que le coût moyen des opérations d'entretien de ses équipements liés au dépôt des sédiments apportés naturellement par le Rhône et ses affluents est de 697 000 euros par an, et qu'au cours de l'année 2009 elle a dû procéder au dragage de 890 000 m3 de sédiments pour assurer le bon fonctionnement de ses aménagements du Rhône situés à l'aval de la confluence de l'Isère, soit un volume deux fois supérieur à la moyenne annuelle de dragage de 390 000 m3 ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société EDF est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser une indemnité de 744 379,15 euros à la société CNR, outre intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2011 ; qu'il en résulte également que la société CNR, qui indique fonder sa demande sur la responsabilité sans faute du fait de la présence ou du fonctionnement d'un ouvrage public et ne serait, au demeurant, pas recevable à rechercher pour la première fois en cause d'appel la responsabilité pour faute de la société EDF en raison d'un non-respect allégué d'une consigne de chasse, n'est pas fondée à demander un rehaussement de l'indemnité mise à la charge de la société EDF ;

Sur les frais d'expertise :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) " ;

6. Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 20 311,42 euros, mis initialement à la charge de la société EDF, doivent être mis à la charge de la société CNR ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société EDF, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société CNR et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société CNR une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société EDF ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1105006 du 31 décembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble est annulé. Les conclusions de la demande de la société CNR présentées devant le tribunal administratif de Grenoble sont rejetées.

Article 2 : Les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 20 311,42 euros, sont mis à la charge de la société CNR.

Article 3 : La société CNR versera la somme de 2 000 euros à la société EDF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la société CNR sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Electricité de France (EDF) et à la société Compagnie nationale du Rhône (CNR). Copie en sera adressée à M. A...B..., expert.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2017 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Beytout, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 avril 2017.

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N° 15LY00778


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00778
Date de la décision : 27/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-03 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SCP BAKER et MCKENZIE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-04-27;15ly00778 ?
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