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28/02/2018 | FRANCE | N°16-12754

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 février 2018, 16-12754


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 19, point 2, sous a), du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

Attendu que, par arrêt du 14 septembre 2017, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, Crewlink et Ryanair, C-168/16 et C-169/16), a jugé que, pour l'interprétation de l'article 19, point 2, sous a), du règlement (CE) n° 44/2001, les juridictions national

es doivent notamment établir dans quel État membre se situe le lieu à partir du...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 19, point 2, sous a), du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

Attendu que, par arrêt du 14 septembre 2017, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, Crewlink et Ryanair, C-168/16 et C-169/16), a jugé que, pour l'interprétation de l'article 19, point 2, sous a), du règlement (CE) n° 44/2001, les juridictions nationales doivent notamment établir dans quel État membre se situe le lieu à partir duquel le travailleur effectue ses missions de transport, celui où il rentre après ses missions, reçoit les instructions sur ses missions et organise son travail, ainsi que le lieu où se trouvent les outils de travail, qu'à cet égard, la notion de « base d'affectation » constitue un élément susceptible de jouer un rôle significatif dans l'identification des indices permettant de déterminer le lieu à partir duquel des travailleurs accomplissent habituellement leur travail et, partant, la compétence d'une juridiction susceptible d'avoir à connaître d'un recours formé par eux, au sens de l'article 19, point 2, sous a), du règlement (CE) n° 44/2001, que ce ne serait que dans l'hypothèse où, compte tenu des éléments de fait de chaque cas d'espèce, des demandes présenteraient des liens de rattachement plus étroits avec un endroit autre que celui de la « base d'affectation » que se trouverait mise en échec la pertinence de cette dernière pour identifier le "lieu à partir duquel des travailleurs accomplissent habituellement leur travail" ;

Attendu que M. Z..., engagé à compter du 12 mars 2006 en qualité de pilote par la société Netjets Staff Management Limited par contrat transféré à la société Netjets Management Limited le 1er mai 2007, a été licencié pour motif économique par lettre du 12 février 2013 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en contestation de son licenciement le 21 novembre 2013 et que la société Netjets a conclu, in limine litis, à l'incompétence des juridictions françaises ;

Attendu que pour juger fondée l'exception d'incompétence, l'arrêt retient que les éléments propres à l'espèce faisaient ressortir que le salarié, qui n'effectuait que 29,7 % de ses vols au-dessus du territoire français, ne fournissant pas d'éléments suffisamment précis sur les autres temps passés à la disposition de son employeur pour augmenter significativement celui-ci et qui n'effectuait aucune tâche administrative dans l'aéroport de Roissy, désigné comme base d'affectation pour l'exécution de son contrat de travail, n'accomplissait pas habituellement son travail en France au sens de l'article susvisé ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le contrat de travail du salarié lui imposait de choisir un aéroport en tant que "base d'affectation" à partir duquel il commençait ou terminait ses prestations de travail et à partir duquel il rejoignait le cas échéant les aéronefs gérés par l'employeur, que cette base d'affectation était l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle où le salarié recevait ses instructions, que, selon les plannings communiqués par l'employeur, 21,30 % des vols étaient effectués à partir ou à destination de la France, peu important que les formations n'aient pas lieu en France et que les plannings de vols soient établis par la société à Lisbonne, ce dont elle aurait dû déduire que l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle était le lieu à partir duquel le travailleur accomplissait habituellement son travail, au sens de l'article 19, point 2, sous a), du règlement (CE) n° 44/2001, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société Netjets Management Limited aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Netjets Management Limited à payer à M. Z...-A... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. Z... -A...         

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que les éléments propres à l'espèce faisaient ressortir que M. Z... n'accomplissait pas habituellement son travail en France et que ses conditions effectives d'exercice du contrat de travail ne permettaient pas de dire que le territoire français constituait le lieu habituel d'exercice de ce contrat de travail, d'AVOIR jugé que la demande d'exception d'incompétence était bien fondée, d'AVOIR condamné M. Z... aux dépens du contredit,

AUX MOTIFS PROPRES QU'il est constant que la société Netjets est une société de droit anglais qui met à la disposition de ses clients (en leur permettant d'être copropriétaire, locataire ou détenteur d'une carte donnant accès à des heures de vol) les services d'une flotte d'avions en amenant ses avions et ses pilotes sur le lieu départ choisi, assurant ainsi non pas des vols réguliers mais des vols à la demande du client à partir de n'importe quel aéroport où l'avion peut décoller et vers n'importe quel aéroport où il peut atterrir, que les activités de maintenance, de plannings, d'approvisionnement sont gérées par un centre opérationnel situé à Lisbonne, qu'elle recrute des membres d'équipage de toutes nationalités exerçant leur activité dans toute l'Europe ; qu'il est encore constant que le contrat de travail de M. Z..., rédigé en anglais, stipulait qu'il était régi par la loi anglaise et que les parties se soumettaient aux juridictions anglaises ; que les parties s'accordent à considérer que la clause d'attribution de compétence aux juridictions anglaises contenues dans ce contrat ne peut être opposée à M. Z..., les conditions posées par l'article 21 du règlement CE n° 44/2001 n'étant pas remplies et que ce dernier est recevable à porter son action soit devant la juridiction du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail, soit lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans le même pays dans le lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur ; que la question qui oppose les parties est en conséquence celle de savoir si M. Z... accomplissait habituellement son travail en France, ce lieu s'entendant de celui où le travailleur a établi le centre effectif de ses activités professionnelles ou de l'endroit où, ou à partir duquel, compte tenu des circonstances du cas d'espèce, il s'acquitte de fait de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur ; que pour conclure que tel était le cas, ce dernier soutient qu'il commençait et terminait sa prestation de travail à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle qui était sa base d'affectation et effectuait la majorité de ses vols au départ et à destination de la France ; qu'il est constant que le règlement CE n° 1899/2006 dispose que l'exploitant désigne une base d'affectation pour chaque membre d'équipage ; que le contrat quant à lui stipulait que "Le membre d'équipage de conduite n'aura pas de lieu de travail normal. L'adresse du bureau auquel il signalera toute question relative à son emploi est le n° [...]" et "Il sera tenu de choisir un aéroport duquel il sera transporté à son avion pour le début de l'accomplissement des tâches (la base d'affectation). Afin d'éviter toute confusion la base d'affectation n'est pas et ne devra pas être considérée comme la base ou le lieu de travail du membre d'équipage de conduire, étant reconnu par le présent contrat et par les deux parties que le lieu où le membre d'équipage de conduite exécute l'intégralité de ses tâches dépend complètement de où se trouve l'avion et du trajet entrepris" ; qu'il est admis que la base d'affectation choisie par M. Z... au sens du contrat était l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle, étant également admis que ce choix pouvait être modifié à tout moment ; que la société Netjets n'est pas contestée quand elle explique que le planning des avions est effectué en fonction des demandes des clients et des lieux où se trouvent les avions afin d'éviter de faire voler des avions à vide, que régulièrement les personnels navigants voyagent sur des lignes commerciales pour rejoindre un avion du groupe, qu'au cours d'une mission qui les amène à effectuer successivement des vols Netjets ils ne rejoignent pas leurs villes passerelles, qu'elle-même ne dispose pas de base, d'espace ou d'établissement à l'aéroport de Roissy dans lequel aucune tâche administrative n'est à effectuer, qu'elle ne dispose pas davantage d'infrastructure, de locaux ou de base de travail en France ; que s'agissant des vols effectués par M. Z... et de leurs provenance et destination, ce dernier produit aux débats un listing présenté comme le listing de ses vols sur la période 2006-2013 et qu'il soutient avoir analysé pour en tirer la conséquence que 29,7 % de son activité aérienne est passée partiellement ou entièrement en France, 22,1 % des journées de travail est passée entièrement en France, 23,4 % des journées partiellement en France et 42,8 % des nuitées en France ; que cependant, il n'explicite en rien son mode d'analyse et surtout ne fournit aucune explication ni aucun commentaire permettant à la cour de le vérifier en examinant les mentions du listing qui use, sous les mentions "From" et "to" et pour désigner des aéroports, d'abréviations dont la signification n'est pas donnée par lui ; que la société Netjets fournit quant à elle un certain nombre d'explications sur les abréviations désignant des aéroports français, fournit un décompte détaillé de son analyse qui n'est pas critiqué en indiquant que sur 1 020 vols sur toute la période 61 vols ont été effectués entièrement en France et 313 vols en provenance ou à destination de la France, c'est à dire corrélativement en provenance ou à destination, ce qui conduit à retenir un pourcentage de 21,30 de vols effectués en France ; qu'en toute hypothèse, à supposer que soit retenu le pourcentage de 29,7 allégué, il ne s'agirait pour autant pas d'une proportion de vols permettant de retenir que M. Z... accomplissait majoritairement son travail en France ; que s'agissant des autres temps (temps de mise en place, temps de nuitée à l'hôtel, temps d'astreinte à domicile, temps d'astreinte au sein des aéroports français, temps de formation) sur lesquels M. Z... ne fournit pas d'éléments quantitatifs de preuve précis, il sera relevé que si les temps de transport d'un lieu à un autre sur instruction de l'exploitant (en l'espèce temps de transport sur des vols commerciaux entre Roissy et l'aéroport de départ ou l'aéroport d'arrivée du vol Netjets) sont considérés comme des temps de service ils ne sont pas nécessairement des temps effectués en France dès lors que l'aéroport en question se situe à l'étranger, que les nuitées sur lesquelles aucune explication factuelle n'est fournie ne sont pas nécessairement des temps de travail et qu'il n'est pas justifié de formations suivies en France, de sorte que la démonstration n'est pas faite que l'intégration de temps de service aurait pour effet de modifier la situation susvisée au regard de la proportion d'exercice en France du travail ; qu'en conséquence, les premiers juges ont exactement considéré que M. Z... n'accomplissait pas habituellement son travail sur le territoire français de sorte que la juridiction française n'était pas compétente ; qu'ils ne devaient en revanche pas désigner la juridiction compétente mais simplement renvoyer les parties à mieux se pourvoir, ni déclarer irrecevables les demandes (aucune exception d'irrecevabilité n'ayant été soulevée) et en même temps en débouter M. Z... (puisque le fond de l'affaire n'était pas examiné) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le contrat de travail de M. Z... Emmanuel est établi au sein de la société Netjets Management Limited (NJML) société de droit anglais ; qu'il est à noter que le pourcentage en France de M. Z... est de l'ordre de 19,8 % sur l'ensemble de sa période d'emploi ; qu'au vu des pièces et explications dans ce dossier, en application des règles posées par le règlement n° 44/2001 du 22/12/2000 et l'article 19 du règlement Bruxelles I, le conseil de prud'hommes se déclare incompétent et invite M. Z... à se pourvoir auprès de juridictions anglais ;

1. ALORS QU'aux termes de l'article 19 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000, « l'employeur ayant son domicile sur le territoire d'un Etat membre » peut être attrait non seulement « 1) devant les tribunaux de l'État membre où il a son domicile » mais également « 2) dans un autre État membre : a) devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail, ou, b) lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans le même pays, devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur » ; que le critère du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail doit être interprété de façon large et être entendu comme se référant au lieu dans lequel ou à partir duquel le travailleur exerce effectivement ses activités professionnelles ; que dans l'hypothèse d'un contrat de travail en exécution duquel le salarié exerce ses activités dans plus d'un État contractant, le lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail, au sens de cette disposition, est celui où le travailleur a établi le centre effectif de ses activités professionnelles ; que la base d'affectation que l'employeur exploitant de tout avion civil à des fins de transport aérien commercial est tenu de désigner pour chaque membre d'équipage, et qui constitue « le lieu désigné par l'exploitant pour le membre d'équipage, où celui commence et termine normalement un temps de service ou une série de temps de services et où, dans des circonstances normales, l'exploitant n'est pas tenu de loger ce membre d'équipage », est donc le lieu où le membre d'équipage doit se présenter avant d'accomplir ses missions et celui où il rentre après ses missions ; qu'il s'agit du lieu à partir duquel il débute et où il finit son cycle de rotation et son temps de service, serait-ce par un temps de mise en place ; que cette base constitue donc le centre effectif de ses activités professionnelles et doit donc être considérée comme le lieu où le membre d'équipage accomplit habituellement son travail, au sens du texte susvisé ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt (p. 3, dernier §) que le contrat de travail de M. Z... lui imposait de « choisir un aéroport duquel il serait transporté pour le début de l'accomplissement de ses tâches (base d'affectation) » ; que cette base d'affectation était donc son lieu habituel d'exécution du contrat de travail au sens du texte susvisé, nonobstant toute clause contraire du contrat de travail et peu important que ce choix ait pu être modifié à tout moment ; que cet aéroport ayant été situé en France (arrêt, p. 4, § 1), les juridictions françaises étaient compétentes ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble les règlements de sécurité OPS 1.1090, OPS 1.1095 et OPS 1.1105 annexés au règlement CE n° 859/2008 du 20 août 2008 ;

2. ALORS en toute hypothèse QUE lorsque les prestations de travail sont exécutées dans plus d'un État membre, le critère du pays de l'accomplissement habituel du travail au sens de l'article 19 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 doit faire l'objet d'une interprétation large et être entendu comme se référant au lieu dans lequel ou à partir duquel le travailleur exerce effectivement ses activités professionnelles et, en l'absence de centre d'affaires, au lieu où celui-ci accomplit la majeure partie de ses activités ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté (p. 4, § 5) que M. Z... avait effectué 21,3 % de ses vols sur le territoire français ; qu'en jugeant cependant qu'il n'accomplissait pas habituellement son travail sur le territoire français, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée (conclusions d'appel, p. 11), si le pourcentage de vols effectués sur le territoire français n'était pas plus important que celui des vols effectués dans n'importe quel autre pays, et donc si elles ne représentaient pas la majeure partie de son activité de vol, peu important l'absence de majorité absolue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

3. ALORS à tout le moins QUE le point de savoir si un membre d'équipage dont la base d'affectation est fixée dans l'aéroport d'un Etat de l'Union européenne et effectuant une part prépondérante de son temps de vol en lien avec cet Etat, sans atteindre une majorité absolue, peut être considéré comme ayant son lieu de travail habituel dans cet Etat au sens de l'article 19 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 pose une question d'interprétation dudit règlement que la Cour de cassation est tenue de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du Traité UE.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-12754
Date de la décision : 28/02/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

UNION EUROPEENNE - Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 - Article 19, point 2 - Compétence en matière de contrats individuels de travail - Règles applicables - Détermination - Lieu d'exécution du travail

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Lieu d'exécution - Travail accompli dans plusieurs Etats membres - Lieu habituel d'exécution du travail - Caractérisation - Compétence judiciaire - Détermination CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 - Article 19, § 2 - Compétence en matière de contrats individuels de travail - Règles applicables - Détermination - Critère - Lieu habituel d'exécution du travail

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 14 septembre 2017, Nogueira e.a., C-168/16 et C-169/16), a jugé que, pour l'interprétation de l'article 19, point 2, sous a), du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, les juridictions nationales doivent notamment établir dans quel Etat membre se situe le lieu à partir duquel le travailleur effectue ses missions de transport, celui où il rentre après ses missions, reçoit les instructions sur ses missions et organise son travail, ainsi que le lieu où se trouvent les outils de travail, qu'à cet égard, la notion de « base d'affectation » constitue un élément susceptible de jouer un rôle significatif dans l'identification des indices permettant de déterminer le lieu à partir duquel des travailleurs accomplissent habituellement leur travail et, partant, la compétence d'une juridiction susceptible d'avoir à connaître d'un recours formé par eux, au sens de l'article 19, point 2, sous a), du règlement n° 44/2001, que ce ne serait que dans l'hypothèse où, compte tenu des éléments de fait de chaque cas d'espèce, des demandes présenteraient des liens de rattachement plus étroits avec un endroit autre que celui de la « base d'affectation » que se trouverait mise en échec la pertinence de cette dernière pour identifier le « lieu à partir duquel des travailleurs accomplissent habituellement leur travail ». Ayant constaté que le contrat de travail du salarié lui imposait de choisir un aéroport en tant que « base d'affectation » à partir duquel il commençait ou terminait ses prestations de travail et à partir duquel il rejoignait le cas échéant les aéronefs gérés par l'employeur, que cette base d'affectation était l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle où le salarié recevait ses instructions, que, selon les plannings communiqués par l'employeur, 21,30 % des vols étaient effectués à partir ou à destination de la France, peu important que les formations n'aient pas lieu en France et que les plannings de vols soient établis par la société à Lisbonne, ce dont elle aurait dû déduire que l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle était le lieu à partir duquel le travailleur accomplissait habituellement son travail, au sens de l'article 19, point 2, sous a), du règlement n° 44/2001, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé ce texte


Références :

article 19, point 2, sous a), du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 18 décembre 2015

Sur l'application de l'article 19 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 en matière de conflit de juridictions relatif au lieu d'exécution du travail, à rapprocher : CJUE, 14 septembre 2017, Nogueira e.a., C-168/16 et C-169/16


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 fév. 2018, pourvoi n°16-12754, Bull. civ.Bull. 2018, V, n° 38
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, V, n° 38

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.12754
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