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28/06/2019 | FRANCE | N°16BX00572

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 28 juin 2019, 16BX00572


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La Mutuelle des Architectes Français et M. H...B...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de fixer définitivement le montant de la dette de ce dernier à l'égard de la communauté de communes Axe Sud et de condamner celle-ci à leur rembourser les sommes respectives de 28 350,29 euros à la Mutuelle des Architectes Français et de 907,79 euros à M. B..., assorties des intérêts légaux capitalisés. La société Ingénierie Studio a demandé pour sa part la condamnation de la communauté de communes Axe Sud à

lui rembourser un trop-versé de 13 358 euros et la société Dekra Inspection a égal...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La Mutuelle des Architectes Français et M. H...B...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de fixer définitivement le montant de la dette de ce dernier à l'égard de la communauté de communes Axe Sud et de condamner celle-ci à leur rembourser les sommes respectives de 28 350,29 euros à la Mutuelle des Architectes Français et de 907,79 euros à M. B..., assorties des intérêts légaux capitalisés. La société Ingénierie Studio a demandé pour sa part la condamnation de la communauté de communes Axe Sud à lui rembourser un trop-versé de 13 358 euros et la société Dekra Inspection a également demandé la condamnation de la même collectivité locale à lui rembourser les sommes versées à titre de provision. M. M...et la société Allianz Iard ont demandé la mise hors de cause de M. M...et la condamnation de la communauté de communes à rembourser à la compagnie Allianz la somme de 29 008,08 euros. La communauté de communes, par des conclusions reconventionnelles, a demandé au tribunal la condamnation solidaire des autres parties en première instance à lui payer, en sus des travaux de reprise des fissurations évalués à 159 007,94 euros et déduction faite de la provision de 158 000 euros versée à ce titre, une somme de 878 390 euros au titre de travaux de reprise de sous-oeuvre.

Par un jugement n° 1100971 du 10 décembre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a fixé le montant définitif des dettes respectives de M. B...et de la société Ingénierie Studio à l'égard de la communauté de communes Axe Sud à la somme de 7 950 euros TTC chacun, et a rejeté le surplus des demandes des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 février 2016, et des pièces et mémoires enregistrés les 23 mai 2017, 30 octobre 2018, 21 novembre 2018 et le 29 avril 2019, la communauté de communes Axes Sud, devenue la communauté d'agglomération du Muretain, représentée par Me J..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 décembre 2015 ;

2°) de condamner solidairement M.B..., M.M..., la société Ingénierie Studios, la société Norisko Construction devenue Dekra Inspection, la société Pailhé Frères, et la société Sesen au paiement de la somme globale de 988 748,94 euros à actualiser à la date de l'arrêt à intervenir à raison d'une indemnité de 100 euros par jours à compter du 30 octobre 2018, outre la somme de 159 007,94 euros au titre des travaux de reprise des fissurations, déduction faite de la provision de 158 000 euros déjà versée ;

3°) de mettre à la charge solidaire des mêmes les frais d'expertises, taxés et liquidés à la somme de 42 260,40 euros ;

4°) de mettre à la charge des défendeurs la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dans la mesure où la communauté de communes a produit par son mémoire du 12 octobre 2015 des éléments nouveaux relatifs aux travaux de reprise nécessaires, dont elle ne pouvait avoir connaissance précédemment et qui étaient de nature à modifier ses demandes reconventionnelles ; le tribunal ne pouvait, sans commettre d'irrégularité, s'abstenir de rouvrir l'instruction et de prendre en compte ces éléments après les avoir soumis au contradictoire ;

- ses demandes reconventionnelles ne sont pas irrecevables ;

- aucune irrecevabilité ne peut être opposée par les défendeurs au titre d'un défaut d'habilitation à ester en justice ; en effet, elle a justifié dans le cadre de la procédure devant le juge des référés de la délégation donnée à son président ainsi que de l'autorisation d'ester en justice de ce dernier ; cette procédure est à l'origine de l'instance au fond et de l'appel ;

- les fissures du bâtiment de la cuisine centrale ne se sont pas stabilisées dans le temps mais se sont aggravées ; plusieurs expertises ou études ont été menées, qui démontrent l'existence de vices et de malfaçons affectant les structures, dont l'expert judiciaire n'avait pas connaissance ; la stabilité des bâtiments et le caractère évolutif des fissures est déterminant pour savoir si un épinglage des fissures peut suffire ou si des reprises en sous-oeuvre sont nécessaires ;

- c'est à tort que les premiers juges ont vu dans les reprises en sous-oeuvre une alternative aux travaux de reprise des fissures et ont estimé que la surveillance de celles-ci pouvait être une solution ; les travaux de reprise en sous-oeuvre par micro-pieux sont indispensables en raison du défaut de stabilité des bâtiments ;

- le caractère insuffisant des réparations préconisées par le premier expert ne fait aucun doute au vu des expertises suivantes ; le second expert n'a pas dépassé le cadre de la mission qui lui était confiée ;

- il peut être admis cependant, au vu desdites expertises que les travaux réalisés en 2014 étaient surévalués par rapport à la solution préconisée par l'expert ; il y a donc lieu de retenir le chiffrage proposé par M.L..., soit 594 471 euros TTC, qui correspond à la stricte remise à niveau des ouvrages défectueux ; ce montant vient toutefois s'ajouter au montant de la provision déjà versée ;

- elle est également fondée à demander réparation de divers préjudices annexes, tels que la déperdition énergétique des bâtiments en raison de l'absence de revêtement, pour 60 000 euros sur 10 ans, l'acompte versé à perte aux entreprises Krikorian pour la commande et la pose de stores qui n'ont jamais pu être posés, pour respectivement 23 898,15 euros et 1 769 euros, des frais de gardiennage pour 42 851 euros, un préjudice esthétique et de jouissance pour 393 000 euros à la date du jugement, à actualiser selon une indemnité de 100 euros par jour ; il est justifié de la réalité de chacun de ces préjudices.

Par des mémoires et pièces enregistrés le 18 avril 2016, le 23 juin 2016 et le 23 août 2016, la société Ingénierie Studio conclut au rejet de la requête, demande que la communauté de communes Axe Sud soit condamnée à lui rembourser un trop-perçu de 19 882,94 euros et qu'une somme de 2 000 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été radiée du registre du commerce et des sociétés et aucune condamnation ne peut donc être prononcée à son encontre ;

- la maîtrise d'oeuvre n'avait pas la charge des études techniques et notamment des plans d'exécution, qui incombait aux entreprises ; MM. B...et M...étaient chargés de la rédaction de comptes-rendus de chantier ;

- il ne peut lui être reproché des absences aux réunions de chantier alors qu'elle a participé à 24 d'entre elles ; il n'est rapporté par l'expert aucune faute de sa part pouvant avoir un lien de causalité avec les désordres constatés ;

- en exécution de l'ordonnance du juge des référés du 5 janvier 2011, elle a versé 29 258,07 euros à la communauté de communes ; or, si on retient la répartition des responsabilités arrêtée par le tribunal, elle n'était tenue de régler que 7 950,39 euros ; elle est donc fondée à réclamer le remboursement d'un trop-versé de 19 882,94 euros ; au titre des frais d'expertise, la communauté de communes sera également tenue de lui restituer la somme de 1 873,33 euros ;

- les travaux envisagés par la communauté de communes sont totalement différents des prestations convenues aux termes des marchés initiaux ; les reprises en sous-oeuvre n'avaient pas été envisagées ; leur nécessité n'est toujours pas démontrée.

Par des mémoires enregistrés le 15 juillet 2016 et le 19 février 2019, la société Dekra Industrial, anciennement dénommée Dekra Inspection et venant aux droits de la société Norsko Construction, conclut au rejet de la requête et à sa mise hors de cause, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a jugé tardive ses conclusions tendant à ce que le tribunal fixe définitivement le montant de sa dette, elle demande subsidiairement à être garantie par les autres intervenants des condamnations prononcées à son encontre qui excéderaient un taux de responsabilité de 10 %, et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la communauté de communes au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- les conclusions reconventionnelles présentées par la communauté de communes devant le tribunal étaient irrecevables faute pour la collectivité de justifier de la qualité de son président pour ester en justice ; la communauté de communes ne pouvait s'abstenir de produire dans le cadre de la procédure engagée devant le tribunal administratif de Toulouse la délégation donnée par son conseil à son président, ainsi qu'une autorisation d'ester en justice ; ce défaut d'habilitation n'est pas régularisable en appel et il emporte la recevabilité de la demande de première instance ;

- aucune habilitation spécifique n'est par ailleurs produite pour l'introduction de la requête d'appel, qui est par suite irrecevable ;

- les conclusions de la communauté de communes sont irrecevables car nouvelles en appel en ce qu'elles excèdent le montant de 878 390 euros réclamé en cours de première instance ;

- les conclusions reconventionnelles présentées par la communauté de communes sont étrangères au présent contentieux engagé sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, qui a pour seul objet de statuer au fond sur le montant des indemnités auxquels les débiteurs ont été condamnés ; ces conclusions reconventionnelles du bénéficiaire de la provision ne sauraient se substituer à l'action de fond qu'elle n'a pas introduite contre les débiteurs dans les conditions du droit commun ;

- le rapport versé aux débats le 10 mars 2014 par la communauté de communes n'a pas été contradictoire ;

- l'évolution des fissures résulte de l'inaction délibérée de la communauté de communes pour faire entreprendre les travaux préconisés par l'expert judiciaire, alors même que les entreprises condamnées avaient versé les sommes nécessaires à ces travaux ;

- en toute hypothèse, le contrôleur technique doit être mis hors de cause ; le défaut de suivi du chantier ne suffit pas à retenir sa responsabilité, à défaut de faute caractérisée, absente en l'espèce ; Dekra a au demeurant émis des avis, qui n'ont pas été suivis d'effets ; aucun manquement ne peut donc lui être reproché ;

- elle est dans tous les cas fondée à demander à être garantie par toute partie succombante à la relever de toute condamnation excédant une part de responsabilité de 10 % ;

- la requérante surévalue fortement ses préjudices immatériels, fixés à 107 100 euros TTC par l'expert ; en tout état de cause il s'agit de conclusions nouvelles ;

- ses conclusions devant les premiers juges n'étaient pas tardives et le jugement devrait à titre subsidiaire être réformé sur ce point.

Par des mémoires enregistrés les 29 août 2016 et 10 avril 2019, M. M...et la compagnie Allianz Iard concluent au rejet de la requête et demandent la réformation du jugement attaqué en ce qu'il ne prononce pas la mise hors de cause de M. M...ou, subsidiairement, en ce qu'il ne limite pas sa part de responsabilité à 1,66 %, soit 1 785,58 euros TTC. Ils sollicitent la condamnation de la communauté de communes à rembourser à la compagnie Allianz la somme de 29 008,08 euros ou à tout le moins la somme de 27 222,50 euros. Ils demandent à être garantis par les autres intervenants des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre. Ils demandent enfin qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de toute partie succombante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le juge du fond peut statuer sur les demandes qui lui sont présentées au titre du recours entre coobligés ;

- l'intervention de la compagnie Allianz est recevable ;

- les demandes de la communauté d'agglomérations sont irrecevables en ce qu'elles excèdent le périmètre dans lequel s'est prononcé le juge du référé provision ;

- le rapport d'expertise est très clair sur les parts de responsabilité des cocontractants et fournit des éléments précis à cet égard ;

- il n'a pas manqué à ses obligations dans le cadre de la mission de conception architecturale et de direction générale des travaux ; il n'a aucune part dans la responsabilité du dommage ; il ressort du rapport de l'expert que sa responsabilité n'est recherchée que pour des désordres affectant les bâtiments de l'administration et de l'école de musique, dans des proportions très minimes ; seul 1,66 % du montant des travaux de réparations de ces désordres doit être mis à sa charge, soit 1 785,58 euros TTC, étant entendu qu'il appartiendra au maître d'ouvrage de justifier qu'il n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- la compagnie Allianz, qui intervient volontairement, devra se voir rembourser la somme de 29 008,08 euros qu'elle a acquittée pour son assuré ou, à tout le moins, cette somme moins 1 785,58 euros ;

- la demande de provision présentée le 7 mars 2014 par la communauté de communes est étrangère à la procédure initiée par M.B... ; aucune action de fond n'a été initiée ; en tout état de cause la provision de 873 000 euros sollicitée n'a rien à voir avec la procédure antérieure et porte sur des travaux étrangers aux prestations convenues dans les marchés initiaux ;

- l'évolution des fissures est imputable à la communauté de communes, qui n'a pas entrepris les travaux préconisés par l'expert ;

- les observations faites par M.L..., qui mettent d'ailleurs en cause des entreprises qui ne sont pas dans la cause, devront faire l'objet d'un contentieux distinct permettant un double degré d'examen par le juge.

Par des mémoires enregistrés les 27 octobre 2016 et 15 avril 2019, M. B...et la Mutuelle des Architectes Français concluent au rejet de la requête et sollicitent la condamnation de la communauté de communes Axe Sud à payer les sommes de 20 571,57 euros à la Mutuelle des Architectes Français et de 658,12 euros à M.B..., ces sommes portant intérêts à compter du 31 janvier 2011, avec capitalisation. Ils demandent encore qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la communauté de communes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'intervention de la Mutuelle des Architectes Français est recevable ;

- le rapport de M. L...excède le périmètre de la mission d'expertise judiciaire qui lui était confiée ; il a lui-même relevé qu'il n'existait aucun nouveau désordre et que les anciens désordres avaient été repris mais cela ne l'a pas empêché de se prononcer par rapport aux travaux de reprise réalisés par la communauté de communes ; l'estimation qu'il fait de nouveaux travaux nécessaires est fantaisiste ; les deux rapports se confondent et celui de M. L...ne saurait être privilégié ;

- les demandes de la communauté de communes concernant des préjudices immatériels sont des demandes nouvelles et irrecevables ; les préjudices allégués ne sont pas justifiés ;

- M. B...a parfaitement rempli sa mission de conception architecturale et de direction générale des travaux ; ayant acquitté une somme de 907,79 euros, il doit se voir rembourser 658,12 euros ;

- la Mutuelle des Architectes Français, qui intervient volontairement et a acquitté 29 258,08 euros, devra se voir rembourser la somme de 20 571,57 compte tenu de la fixation de la dette de M. B...à 7 950,39 euros.

Par une ordonnance du 30 avril 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 mai 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,

- les observations de MeA..., représentant la communauté de communes le Muretain Agglomération,

- les observations de MeK..., représentant M.B...,

- les observations de MeC..., représentant la société Ingénierie Studio,

- et les observations de MeF..., représentant la société Dekra Industrial.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes Axe Sud a entrepris en 2006 des travaux de construction d'une école de musique, de locaux administratifs et d'une cuisine centrale à Roques-sur-Garonne (Haute-Garonne). La maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement conjoint composé de MM. B...etM..., architectes, et de la société Ingénierie Studio, le lot n° 1 " terrassement-gros oeuvre " a été attribué à la société Pailhé Frères et les travaux de voiries et réseaux divers ont été attribués, dans le cadre d'un marché distinct, à la société Sesen. Le contrôle technique de l'opération a été confié à la société Norisko Construction, devenue Dekra Inspection, puis Dekra Industrial. Des fissures étant apparues sur les murs porteurs des trois bâtiments en juin 2007, la communauté de communes a saisi le 2 août 2007 le tribunal administratif de Toulouse aux fins de désignation d'un expert. La réception des travaux a été prononcée le 17 mars 2008 avec de nombreuses réserves. Après le dépôt, le 11 mars 2010, du rapport de l'expert, la communauté de communes Axe Sud a engagé devant le tribunal administratif une procédure de référé tendant à l'allocation d'une provision. Par une ordonnance du 5 janvier 2011, le juge des référés a condamné solidairement MM. B...et M...et les sociétés Ingénierie Studio, Pailhé Frères, Norisko et Sesen à lui verser une provision de 158 000 euros. Cette ordonnance a été confirmée par le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 8 juin 2011. En l'absence de présentation d'une demande au fond par la communauté de communes, M. B...et la Mutuelle des Architectes Français ont demandé au tribunal, sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, d'une part, de fixer le montant définitif de la dette de M.B..., d'autre part, de décharger celui-ci de la somme qu'il a été solidairement condamné à verser à la communauté de communes Axe Sud et, enfin, de condamner la communauté de communes à leur rembourser les sommes déjà versées, sous déduction de la part qui pourrait être laissée à leur charge dans le cadre de la répartition des responsabilités. M. M...et la compagnie Allianz, la société Ingénierie Studio et la société Dekra Inspection ont également demandé au tribunal de fixer le montant définitif de leurs dettes respectives et de les décharger, totalement ou partiellement, des sommes qu'ils ont été solidairement condamnés à verser à la communauté de communes Axe Sud. Celle-ci, à titre reconventionnel, a demandé au tribunal de condamner solidairement MM. B...et M...et les sociétés Ingénierie Studio, Pailhé Frères, Dekra Inspection et Sesen au paiement, outre la somme de 159 007,94 euros correspondant au coût des travaux de reprise des fissurations, d'une indemnité complémentaire de 878 390 euros correspondant au coût de travaux de reprise complète des bâtiments en sous-oeuvre, selon elle indispensables à la réparation intégrale des désordres. Par un jugement du 10 décembre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a fixé le montant définitif des dettes respectives de M. B...et de la société Ingénierie Studio à l'égard de la communauté de communes Axe Sud à la somme de 7 950 euros TTC chacun, et a rejeté le surplus des demandes des parties. La communauté de communes Axes Sud, devenue la communauté d'agglomération du Muretain, relève appel de ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande reconventionnelle, et porte sa demande de condamnation solidaire des architectes et entreprises, outre le coût des réparations initiales évaluées à 159 007,94 euros, à la somme totale de 988 748,94 euros à actualiser à la date de l'arrêt à intervenir à raison d'une indemnité de 100 euros par jours à compter du 30 octobre 2018, en sus de la provision déjà versée. Par la voie de l'appel incident, la société Ingénierie Studio demande que la communauté d'agglomération soit condamnée à lui rembourser un trop-versé de 19 882,94 euros, la société Dekra Industrial, demande que sa dette soit définitivement fixée et à être le cas échéant garantie par les autres intervenants des condamnations prononcées à son encontre qui excéderaient un taux de responsabilité de 10 %, M. M...et la compagnie Allianz Iard sollicitent la condamnation de la communauté d'agglomération à rembourser à la compagnie Allianz la somme de 29 008,08 euros, M. B...et la Mutuelle des Architectes Français sollicitent enfin la condamnation de la communauté d'agglomération à leur rembourser respectivement les sommes de 20 571,57 euros et de 658,12 euros, constitutives de trop-versés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient la communauté d'agglomération du Muretain, le tribunal administratif de Toulouse n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en s'abstenant de communiquer aux parties le mémoire présenté par la communauté de communes Axe Sud le 12 octobre 2015, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Sur les conclusions reconventionnelles de la communauté d'agglomération du Muretain et son appel principal :

3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Et aux termes de l'article R. 541-4 du code de justice administrative : " Si le créancier n'a pas introduit de demande au fond dans les conditions de droit commun, la personne condamnée au paiement d'une provision peut saisir le juge du fond d'une requête tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, dans un délai de deux mois à partir de la notification de la décision de provision rendue en première instance ou en appel ". Il résulte de ces dispositions que si le juge du fond, saisi sur le fondement de ces dispositions, fixe définitivement le montant de la dette, il le fait dans les limites du litige qui avait donné lieu à la demande de versement d'une provision.

4. Le rapport remis le 3 mars 2010 par l'expert judiciaire a constaté l'existence de fissures évolutives affectant les murs des trois bâtiments qu'il imputait, d'une part, à une ossature mal étudiée, tenant notamment à l'absence de chainage et à des trumeaux non conformes, d'autre part à une profondeur de fondations insuffisante et à une trop grande proximité des réseaux d'évacuation des eaux pluviales et usées, enfin, dans le cas du bâtiment de la cuisine, à l'absence d'un joint de dilatation. L'expert indiquait que " bien que les fissures soient nombreuses, il ne paraît pas nécessaire d'intervenir sur la maçonnerie car elle devrait se stabiliser dans le temps " et il préconisait, à titre de travaux de réparation, l'obturation des fissures et la pose d'un revêtement imperméable de classe I4 permettant de résister à des fissures inférieures à 2mm, pour un coût total évalué à 159 007,94 euros TTC. C'est au vu des constatations et conclusions de ce rapport d'expertise que le juge des référés, par une ordonnance du 5 janvier 2011, a condamné solidairement les entrepreneurs et maîtres d'oeuvre à verser à la communauté de communes Axe Sud une provision de 158 000 euros. Si cette dernière a présenté devant le tribunal des conclusions reconventionnelles, qui font également l'objet de son appel devant la cour, tendant à la condamnation solidaire des entrepreneurs et maîtres d'oeuvre à lui verser une indemnité correspondant au coût de travaux de reprise en sous-oeuvre des murs porteurs des trois bâtiments, qu'elle estime indispensables compte tenu des désordres qui sont apparus postérieurement à l'expertise judiciaire du 3 mars 2010, se référant désormais à une nouvelle expertise ordonnée le 27 octobre 2016 par le juge des référés du tribunal administratif et remise le 24 septembre 2018, laquelle a relevé des vices de conception et d'exécution que le premier expert n'avait pas décelés, il est constant que cette demande n'avait pas été soumise au juge du référé-provision. Elle ne peut, dès lors, être accueillie dans le cadre de l'instance ouverte par l'un des débiteurs de la provision sur le fondement de l'article R. 541-4. Par suite, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres fins de non recevoir soulevées à leur encontre, les conclusions de la communauté de commune du Muretain tendant à la condamnation solidaires des entrepreneurs et maîtres d'oeuvre à réparer ces désordres, lesquelles étaient irrecevables devant les premiers juges, doivent être rejetées.

Sur les conclusions d'appel incident :

En ce qui concerne les conclusions de M.B..., de la Mutuelle des Architectes Français et de la société Ingénierie Studio :

5. M. B...et la Mutuelle des Architectes Français, d'une part, la société Ingénierie Studio, d'autre part, font valoir qu'en exécution de l'ordonnance du juge des référés du 5 janvier 2011, ils se sont acquittés auprès de la communauté de communes Axe Sud de sommes supérieures à celles résultant de la fixation du montant définitif de leurs dettes respectives par le tribunal administratif, et ils sollicitent en conséquence le remboursement des trop-versés. Cependant, d'une part, la fixation du montant définitif de leurs dettes par le tribunal n'a pas eu par elle-même pour effet de remettre en cause le principe de la condamnation in solidum des responsables des dommages sollicitée par la communauté de communes Axe Sud et prononcée par le juge des référés et, d'autre part, les intéressés ne contestent pas détenir effectivement une part de responsabilité dans la survenance des dommages en litige. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions de M.B..., de la Mutuelle des Architectes Français et de la société Ingénierie Studio tendant au remboursement des sommes versées au titre de la solidarité en excédent du montant définitif de leurs dettes.

En ce qui concerne les conclusions de la société Dekra Industrials, de M. M...et de la Compagnie Allianz Iard :

6. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 541-4 du code de justice administrative que, sauf dans le cas où l'ordonnance fixant la provision a fait l'objet d'un recours, le débiteur qui n'a pas saisi le juge du fond dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'ordonnance n'est plus recevable à demander la fixation définitive du montant de sa dette. En cas de pluralité de débiteurs, ce délai est applicable à chacun d'entre eux, contrairement à ce que soutient la société Dekra Industrials. Il s'en suit que, dès lors qu'il est constant que la société Dekra Industrials, M. M...et la compagnie Allianz Iard n'ont pas saisi le juge du fond dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement du 10 décembre 2015 d'une demande visant à la fixation définitive de leurs dettes, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté comme étant tardives et par suite irrecevables leurs conclusions en ce sens présentées devant eux.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté d'agglomération du Muretain n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions reconventionnelles, que M.B..., la Mutuelle des Architectes Français et la société Ingénierie Studio ne sont pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal a rejeté leurs conclusions aux fins de remboursement partiel des sommes versées à la communauté de communes, et que la société Dekra Industrials, M. M...et la compagnie Allianz Iard ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que ce jugement a rejeté leurs demandes.

Sur les frais d'expertise :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de maintenir les frais d'expertise à la charge des parties dans les proportions fixées par le jugement attaqué.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droits aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la communauté d'agglomération du Muretain est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par les autres parties sont rejetées.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du Muretain, à M.B..., à la Mutuelle des Architectes Français, à la société Dekra industrials, à la société Ingénierie Studio, à M. D...M..., à la liquidatrice Mme G...I...pour la SAS Pailhé Frères, à la compagnie Allianz Iard, et à la société Sesen.

Copie en sera adressée à M.E..., expert.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2019, à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 28 juin 2019.

Le rapporteur,

Laurent POUGETLe président,

Aymard de M...Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

9

N° 16BX00572


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale.

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé-provision.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SCP COURRECH et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 28/06/2019
Date de l'import : 04/07/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16BX00572
Numéro NOR : CETATEXT000038703667 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-28;16bx00572 ?
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