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06/02/2018 | FRANCE | N°16BX01151

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 06 février 2018, 16BX01151


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Groupe hospitalier (GH) de la Rochelle-Ré-Aunis a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le titre exécutoire émis le 3 mai 2013 par le directeur du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux, de prononcer la décharge de l'obligation qui lui a été faite de payer la somme de 352 896 euros et de mettre à la charge du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique une somme d

e 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Groupe hospitalier (GH) de la Rochelle-Ré-Aunis a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le titre exécutoire émis le 3 mai 2013 par le directeur du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux, de prononcer la décharge de l'obligation qui lui a été faite de payer la somme de 352 896 euros et de mettre à la charge du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1301680 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande du GH de la Rochelle-Ré-Aunis.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 avril 2016 et un mémoire complémentaire du 2 février 2017, le Groupe hospitalier (GH) de la Rochelle-Ré-Aunis représenté par Me H... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 février 2016 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler le titre exécutoire émis le 3 mai 2013 par le directeur du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées (FIPHFP) et de prononcer la décharge de l'obligation qui lui a été faite de payer la somme de 352 896 euros ;

3°) de mettre à la charge du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en ce qui concerne la régularité du jugement, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une omission à statuer dès lors qu'il n'a pas répondu à son moyen invoqué sur le fondement de l'article 1er du décret 89-376 du 8 juin 1989 relatif à la possibilité d'affectation dans un poste de travail correspondant à son grade ;

- le tribunal a rejeté à tort comme inopérants les moyens relatifs à l'absence de respect des droits de la défense, au motif que la contribution demandée ne pouvait être regardée comme constituant une sanction alors que la contribution, dès lors qu'elle entend réprimer des inexactitudes ou des omissions, constitue une sanction, même si elle n'est pas accompagnée d'une pénalité et d'une majoration ;

- les droits de la défense et le principe de la proportionnalité et de la nécessité des peines n'ont pas été respectés ;

- le groupe hospitalier n'a pas été mis à même de présenter ses observations avant l'intervention de la décision contrairement à ce qu'impose l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- compte tenu des mentions figurant sur le courrier du 18 mars 2013, il n'est pas établi que le contrôle aurait été réalisé par la caisse des dépôts et consignations et non par un agent du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, et dans ces conditions, la procédure de contrôle a été irrégulière ;

- contrairement à ce que le tribunal administratif a jugé , les bases de la liquidation n'ont pas été indiquées contrairement à ce qu'impose l'article 24 du décret 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique dès lors que le courrier du 18 mars 2013, par lequel le FIPHFP informe le GH du montant des sommes mises à sa charge, avant émission d'un titre exécutoire n'a pas été annexé au titre exécutoire du 3 mai 2013 et qu'en tout état de cause, l'annexe au courrier du 18 mars 2013, ne donnait pas d'indications précises quant aux modalités de calcul de la somme réclamée, notamment quant aux causes de rejet de certaines situations relatives à des agents reclassés ;

- en ce qui concerne les agents à prendre en compte pour le calcul du nombre de bénéficiaires de l'obligation d'emploi, le jugement indique de façon erronée que seuls devraient être pris en compte les agents inaptes reclassés dans les emplois d'un autre corps sur le fondement de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 alors qu'il convient de se fonder sur le décret 89-376 du 8 juin 1989 pris pour l'application de la loi du 9 janvier 1986 ; si le FIPHFP indique que les dossiers présentés par le GH ne concernent que des agents dont le poste a fait l'objet seulement d'un aménagement et non d'un reclassement, cette affirmation est erronée dès lors que comme l'indique le tableau 19 qui est produit en annexe, en l'espèce, les agents ont été reclassés sur un poste compatible avec leurs nouvelles aptitudes physiques soit dans le même poste soit dans le même service ou dans un autre service ; ces changements et reclassements ont été effectués sur la base d'un avis médical et d'une décision prise par l'autorité investie du pouvoir de nomination ; si les textes prévoient la possibilité de reclassement dans un emploi d'un autre grade du corps, ou dans un emploi relevant d'un autre corps, en l'espèce, le reclassement est intervenu dans l'emploi et dans le grade ;

- il existe des incohérences dans le traitement des situations par le FIPHFP dès lors que pour les agents ayant à la suite d'avis du service de santé au travail (SST) imposant des restrictions médicales, changé de service avec reclassement sur un poste aménagé alors que le SST ne prévoyait que de simples restrictions physiques, le FIPHFP, pour des situations identiques, comme il en est par exemple de la situation de Mme C...G...par rapport à celle de Mme J...B..., en a accepté certaines et refusé d'autres, 14 dossiers ayant ainsi été acceptés et 11 ayant été refusés ;

- la notion de reclassement doit être largement entendue et doit inclure l'aménagement de poste.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2016 , le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), représenté par Me E...conclut au rejet de la requête du Groupe hospitalier (GH) de la Rochelle-Ré-Aunis et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce que soutient le GH, la contribution financière n'est pas une sanction ;

- en effet, cette contribution calculée au regard du nombre d'unités manquantes par rapport au nombre d'agents handicapés ou reclassés devant s'élever à 6 % du montant total des agents ne s'accompagne, contrairement à ce qu'il en est pour les entreprises privées, pour lesquelles conformément à l'article L 5212-12 du code du travail s'appliquent une pénalité et une majoration de 25 %, d'aucune pénalité ni majoration, faute de renvoi de l'article L 5212-12 du code du travail, à la situation des personnes publiques, et notamment des établissements hospitaliers ; dans ces conditions, la contribution de l'article L. 323-8-6-1 du code du travail, ne peut être considérée comme une sanction ;

- pour ce qui est du moyen tiré de l'absence d'indication des bases de la liquidation par le titre exécutoire émis le 3 mai 2013 par le directeur du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées pour paiement de la somme de 352 896 euros, ces indications ont été données, dans le courrier du 18 mars 2013 par lequel le GH a été informé de ce que la contribution avait été portée à la somme de 352 896 euros, courrier auquel était annexé un tableau récapitulatif indiquant agent par agent, les causes du refus de la prise en compte de ces personnes au titre de l'obligation d'emploi de personnes handicapées ;

- en vertu du décret 2006-501 du 3 mai 2006, la gestion administrative du FIPHFP est assurée par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), l'article 26 de ce décret, chargeant la CDC du contrôle des déclarations, et selon l'article 7 du même décret, le gestionnaire, donc la CDC, peut demander à l'employeur tous les éléments justificatifs ;

- le courrier du 19 octobre 2012 de notification du résultat des opérations porte bien le logo de la CDC et les adresses de messagerie des agents de la CDC chargés du contrôle, et ce courrier est signé de Mme I...D..., directrice de l'établissement de Paris de la CDC ;

- sur le fond, comme l'indique le jugement, seuls doivent être pris en compte au titre des bénéficiaires des emplois, les agents inaptes reclassés dans les emplois d'un autre corps en vertu de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 ;

- en effet, en vertu de l'article L. 323-5 du code du travail, maintenu en vigueur par l'ordonnance du 12 mars 2007, les employeurs peuvent comptabiliser seulement les agents ayant fait l'objet d'une procédure de reclassement et non d'un simple aménagement de poste ;

- en vertu des articles 71 à 75 de la loi 86-33 du 9 janvier 1986, seuls les agents physiquement inaptes peuvent faire l'objet d'un reclassement, qui intervient dans un autre corps ; cette situation est différente de la situation dont se prévaut le GH, des agents pour lesquels le poste doit être aménagé, sans qu'il y ait lieu de parler d'un reclassement ;

- tous les cas au sujet desquels le GH s'est prévalu de l'emploi de salariés bénéficiaires de l'obligation d'emploi, ne concernent que des agents ayant fait l'objet d'un aménagement de leur poste, et non d'un reclassement ;

- la situation des bénéficiaires de l'obligation d'emploi devait être effective au 1er janvier 2011 et donc le reclassement dont se prévaut le GH devait être effectif à cette date ;

- or, en l'espèce, 22 agents sont en situation de reclassement postérieurement au 1er janvier 2011 alors que par ailleurs si 9 agents sont attributaires d'une allocation temporaire d'invalidité, elle ne prendra effet qu'après le 1er janvier 2018 et dans ces conditions, ces agents ne peuvent être retenus comme bénéficiaires de l'obligation d'emploi.

Par ordonnance du 28 août 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 octobre 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n°89-376 du 8 juin 1989 ;

- le décret n°2006-501 du 3 mai 2006 ;

- le décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., représentant le Groupe hospitalier de la Rochelle-Ré-Aunis et de MeA..., représentant le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un contrôle sur pièces, le directeur du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) a, par courrier du 18 mars 2013 informé le Groupe hospitalier (GH) de la Rochelle-Ré-Aunis de ce que la déclaration établie en 2012 pour l'année 2011 au titre de l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés avait été partiellement rejetée, ce qui devait entrainer une majoration de la contribution à hauteur de 352 896 euros. Ce courrier a été suivi par un titre exécutoire émis le 3 mai 2013 par le directeur du FIPHFP mettant à la charge du GH de la Rochelle-Ré-Aunis la somme de 352 896 euros. Le Groupe hospitalier (GH) de la Rochelle-Ré-Aunis relève appel du jugement du 4 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre le titre exécutoire du 3 mai 2013 et demandant la décharge de la somme de 352 896 euros.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. En vertu de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation ". En vertu de ces dispositions, le FIPHFP se devait soit dans le titre exécutoire lui-même, soit par référence précise dans l'état exécutoire à un document joint à cet état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur d'indiquer les bases et les éléments de calcul sur lesquels il se fondait pour mettre les sommes en cause à la charge du groupe hospitalier de la Rochelle. Comme le fait valoir le groupe hospitalier de la Rochelle, le titre exécutoire du 3 mai 2013 mettant à sa charge une contribution de 352 896 euros, qui ne comporte pas d'annexe, ne fait en tout état de cause référence à aucun document dans lequel serait exposées les bases de liquidation de la somme et notamment pas au courrier du 18 mars 2013, par lequel le FIPHFP informait le GH de Rochelle-Ré-Aunis d'un montant des sommes à mettre à sa charge, courrier auquel étaient joints un " tableau récapitulatif des unités non retenues " ainsi qu'un document intitulé " calcul de l'incidence financière des signalements ".

3. Dans ces conditions, faute d'indication des bases de la liquidation, le Groupe hospitalier (GH) de la Rochelle-Ré-Aunis est fondé à demander l'annulation du jugement du 4 février 2016 du tribunal administratif de Poitiers ainsi que du titre exécutoire du 3 mai 2013 et la décharge de l'obligation qui lui a été faite de payer la somme de 352 896 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du Groupe hospitalier (GH) de la Rochelle-Ré-Aunis qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, la somme que le FIPHFP demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du FIPHFP au profit du Groupe hospitalier (GH) de la Rochelle-Ré-Aunis la somme de 1 500 euros de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1301680 du 4 février 2016 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : Le titre exécutoire émis le 3 mai 2013 par le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées (FIPHFP) mettant à la charge du Groupe hospitalier (GH) de la Rochelle-Ré-Aunis la somme de 352 896 euros est annulé et le GH de la Rochelle-Ré-Aunis est déchargé de l'obligation de paiement de cette somme.

Article 3 : Il est mis à la charge du FIPHFP le versement au GH de la Rochelle-Ré-Aunis de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le FIPHFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au Groupe hospitalier de la Rochelle-Ré-Aunis et au Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 février 2018

Le rapporteur,

Pierre Bentolila

Le président,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne à la ministre du travail, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 16BX01151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01151
Date de la décision : 06/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-03 Comptabilité publique et budget. Créances des collectivités publiques.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SCP DROUINEAU COSSET BACLE LE LAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-02-06;16bx01151 ?
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