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22/06/2018 | FRANCE | N°16BX01601

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 22 juin 2018, 16BX01601


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. N...I...et M. C...I...ont demandé le 14 octobre 2013 au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Prades d'Aubrac a rejeté leur demande d'attribution de terres agricoles dans les sections de Treize vents et de Vernhes sur le fondement de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales et d'enjoindre à la commune de leur attribuer les terres sollicitées ou de procéder au réexamen de sa demande.

Par un jugement n

1304318 du 9 mars 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. N...I...et M. C...I...ont demandé le 14 octobre 2013 au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Prades d'Aubrac a rejeté leur demande d'attribution de terres agricoles dans les sections de Treize vents et de Vernhes sur le fondement de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales et d'enjoindre à la commune de leur attribuer les terres sollicitées ou de procéder au réexamen de sa demande.

Par un jugement n° 1304318 du 9 mars 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 mai 2016, le 17 novembre 2016,

le 21 février 2017 et le 21 avril 2017, MM.I..., représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 mars 2016 ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre à la commune de Prades d'Aubrac de procéder au réexamen de sa demande dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils sont ayants droit prioritaires de la section des Treize vents et de Vernhes dès lors qu'ils justifient d'un domicile sur le territoire de Belnom et de Vialaret, hameaux qui font partie intégrante de la section des Treize Vents et de Vernhes ; ils peuvent donc prétendre à l'attribution de terres agricoles sur le fondement de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales ;

- la section des Treize vents et de Vernhes comprend en effet d'autres hameaux que le village de Born et notamment le hameau du Vialaret et Belnom où se situe leur résidence principale et leur exploitation ; de nombreux documents retrouvés aux archives départementales le démontrent : un plan cadastral de la section de commune d'Aurelle, un acte du 6 janvier 1921 valant transaction entre le seigneur Dom d'Aubrac et les habitants du village de Born, un acte de vente consenti à M. G...H...du 20 mai 1591, des délibérations du conseil municipal du 12 septembre 1921 et du 22 avril 1849 et un arrêt du

5 août 1845 devenu définitif par lequel la cour d'appel de Montpellier a fait droit à la demande des habitants de Vialaret, de Belnom et de Fabrègues en les maintenant " dans l'exercice du droit de dépaissance sur la montagne de Tournecoupe et de Treize vents " ; de même, le rapport d'expertise de M. J...indique que l'arrêt de 1845 ayant déjà fixé les droits de dépaissance dans une partie de cette montagne, il s'applique également au pâturage formant l'autre partie ; au terme d'une réunion du 17 mars 1976 faisant suite à ce rapport d'expertise, les habitants des hameaux de Bru, de Belnom, de Frabègues et de Vialaret ont été reconnus comme ayant droit de la section ;

- ils n'avaient pas à justifier d'une autorisation d'exploiter quand bien même la surface exploitée dépassait le seuil de 50 hectares fixé par le schéma directeur départemental des structures au-delà duquel l'autorisation est nécessaire ; les dispositions de l'article

L. 2411-10 du général des collectivités territoriales sont formulées au futur, il en résulte que ce n'est qu'après la signature du bail rural ou de la convention d'exploitation que l'autorisation d'exploiter devra être demandée ; ils ne peuvent savoir à l'avance quelle surface leur sera attribuée ni connaitre les références cadastrales et la date de transfert des terres tels que demandés dans le formulaire de demande d'autorisation d'exploiter en vigueur à la date de leur demande ; en outre il résulte de l'article L. 331-6 du code rural et de la pêche maritime que la signature du bail n'est jamais subordonnée à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter ; d'autres habitants du village de Born ont obtenu l'attribution de terres sans produire au préalable d'autorisation d'exploiter ; une demande de communication des conventions d'exploitations signées avec les autres habitants de la commune ainsi que leur identité et la surface exploitée a reçu un avis favorable de la CADA, une instance est en cours devant le tribunal administratif de Toulouse afin d'obtenir la communication desdits documents ;

- les pièces produites en défense, incomplètes et d'origine incertaine, n'établissent pas que la section de Born serait limitée au village de Born.

Par des mémoires en défense et des pièces complémentaires, enregistrés le

20 octobre 2016, le 20 novembre 2016, le 16 mars 2017, le 21 mars 2017 et le 30 mai 2017, la commune de Prades d'Aubrac, représentée par MeO..., conclut au rejet de la requête, subsidiairement si nécessaire, à ce qu'il soit ordonné une expertise et en tout état de cause à la mise à la charge des requérants d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la section de Born comprend la partie haute dite montagne de Tournecoupe et Treize vents ou Place de Born soit les pâtures des sections cadastrales BO, BK et BM ; la commune de Prades d'Aubrac comprend d'autres sections telles la section du village de Vialaret, la section des villages de Vialaret, de Belnom et de Bru, et la section du village de Belnom ;

- un acte constitutif et fondateur de la section de Born du 19 octobre 1564, retranscrit par M. D...A..., chargé d'études au ministère de la culture et certifié conforme par

M. M...directeur départemental des archives de l'Aveyron, établit que les herbages de la montagne de Tournecoupe et Treize vents sont réservés aux habitants du village de Born ; ainsi les requérants n'ont pas la qualité d'ayant droit prioritaire au sens de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales ; ce constat est corroboré par de nombreuses autres pièces : le livre de M. E...K..., la délibération de la séance du 15 février 1948 du conseil municipal qui dresse la liste des ayants droit de la section de Born ayant leur domicile dans le village de Born, l'extrait du cadastre des Crouzets de 1690, de nombreuses attestations des anciens du village de Born, les délibérations du conseil municipal de 2012 et 2014, l'extrait du cadastre de Lunet de 1686, une délibération du conseil municipal de 1909 et la délibération de la section syndicale du conseil municipal du 1er juin 1982 ;

- l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 5 août 1845 ne porte pas sur les parcelles en litige mais sur la partie domaniale de la montagne de Tournecoupe et

Treize vents ; un arrêt de la même cour du 3 mars 1970 rappelle que le droit de pacage reconnu aux habitants de Vialaret, Belnom et Fabrègues ne concerne que la partie boisée de la montagne et n'a aucun rapport avec la place de Born appelée aussi montagne de Tournecoupe et Treize vents, propriété de la section de Born ; le rapport Seguret rédigé par un membre de la famille de M. L...sans contradictoire n'a aucune valeur ;

- l'ancien plan cadastral dont les requérants se prévalent est un document fiscal qui diffère de la section de commune et ne peut servir à établir les limites de section ; le document de 1521 concerne la forêt d'Aubrac et non la pâture de la montagne de Tournecoupe et

Treize vents ; l'acte de vente d'une parcelle à un habitant de Vialaret démontre à contrario qu'il n'était pas ayant droit prioritaire ;

- le conseil municipal est tenu de vérifier la condition relative au contrôle des structures lorsqu'il délibère en application de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales pour procéder à la répartition des terres agricoles ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

-le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Par ordonnance du 17 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 15 décembre 2017 à 12 heures.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard ;

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public ;

- et les observations de Me B...représentant les requérants et de Me F...représentant la commune de Prades d'Aubrac.

Une note en délibéré présentée par MM. I...a été enregistrée le 23 mai 2018.

Une note en délibéré, présentée par la commune de Prades d'Aubrac a été enregistrée le 11 juin 2018.

Considérant ce qui suit :

1. MM.I..., habitants de la commune de Prades d'Aubrac (Aveyron) ont demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de la décision par laquelle le maire de Prades d'Aubrac a implicitement rejeté leur demande en date du 3 mai 2012 d'attribution de terres agricoles relevant des sections des Treize vents et de Vernhes sur le fondement de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales. MM. I...relèvent appel du jugement du 9 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales, applicable aux faits du litige : " (...)Les terres à vocation agricole ou pastorale propriétés de la section sont attribuées par bail rural ou par convention pluriannuelle de pâturage conclue dans les conditions prévues à l'article L. 481-1 du code rural et de la pêche maritime ou par convention de mise à disposition d'une société d'aménagement foncier et d'établissement rural au profit des exploitants agricoles ayant un domicile réel et fixe, ainsi que le siège d'exploitation sur la section. L'autorité municipale peut attribuer, le cas échéant, le reliquat de ces biens au profit d'exploitants agricoles sur la section ayant un bâtiment d'exploitation hébergeant pendant la période hivernale leurs animaux sur la section, ou à défaut au profit de personnes exploitant des biens sur le territoire de la section et résidant sur le territoire de la commune ; à titre subsidiaire, elle peut attribuer ce reliquat au profit de personnes exploitant seulement des biens sur le territoire de la section ou, à défaut, au profit des exploitants ayant un bâtiment d'exploitation sur le territoire de la commune. / Pour toutes les catégories précitées, les exploitants devront remplir les conditions prévues par les articles

L. 331-2 à L. 331-5 du code rural et de la pêche maritime et celles prévues par le règlement d'attribution défini par l'autorité municipale. /Le fait de ne plus remplir les conditions énoncées ci-dessus entraîne de plein droit la résiliation des contrats. /(...) ". Le I de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime dispose : " Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures. (...) ".

3. Il résulte des dispositions précitées que l'attribution de terres à vocation agricole ou pastorale propriétés d'une section de commune, par bail rural ou par convention pluriannuelle de pâturage, est soumise, quelle que soit la catégorie dont relève l'exploitant qui sollicite une telle attribution, au respect des dispositions de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime et, en particulier, à l'obtention préalable à l'attribution des terres d'une autorisation d'exploiter, lorsque ladite attribution aurait pour effet un agrandissement de l'exploitation agricole et que la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures.

4. Il n'est pas contesté que l'attribution des terres à vocation agricole des sections des Treize vents et des Vernhes de la commune de Prades d'Aubrac, sollicitée par les requérants, aurait eu pour effet un agrandissement de leur exploitation agricole au-delà du seuil fixé par un arrêté du préfet de l'Aveyron établissant le schéma départemental des structures agricoles, à 50 hectares, correspondant à 1 fois l'unité de référence. Dès lors, une telle attribution était soumise à l'obtention d'une autorisation préalable. Par suite, à supposer même que les intéressés puissent être regardés comme ayants droit de la section, la commune de Prades d'Aubrac a pu, en l'absence d'une telle autorisation, légalement rejeter la demande d'attribution de terres de section en litige présentée par les requérants, qui n'allèguent pas ni a fortiori ne justifient avoir produit ni même sollicité l'autorisation préalable d'exploitation prévue par les dispositions de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. La commune de Prades d'Aubrac n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par les requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de MM. I...la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Prades d'Aubrac au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de MM. I...est rejetée.

Article 2 : MM. N...et C...I...verseront à la commune de Prades d'Aubrac la somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M.N... I..., à M. C...I...et à la commune de Prades d'Aubrac.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2018 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juin 2018.

Le rapporteur,

Caroline Gaillard

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 16BX01601


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01601
Date de la décision : 22/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : SCP AXIOJURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-22;16bx01601 ?
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