La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/12/2017 | FRANCE | N°16PA02792

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 29 décembre 2017, 16PA02792


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Society of Architects and Developers (S.A.D.E.) a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'État à lui verser la somme de 10 millions d'euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2014 et avec capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice résultant de son éviction du projet de construction d'un centre spirituel et culturel orthodoxe russe dans le VIIème arrondissement de Paris.

Par un jugement n° 1504789 du 30 juin 2016, le tribun

al administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Society of Architects and Developers (S.A.D.E.) a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'État à lui verser la somme de 10 millions d'euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2014 et avec capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice résultant de son éviction du projet de construction d'un centre spirituel et culturel orthodoxe russe dans le VIIème arrondissement de Paris.

Par un jugement n° 1504789 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 août 2016, et des mémoires enregistrés le 25 novembre 2016 et le 29 octobre 2017, la société Society of Architects and Developers (S.A.D.E.), représentée par Me Fauquet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1504789 du 30 juin 2016 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 10 millions d'euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2014 et de leur capitalisation, en réparation du préjudice résultant de son éviction du projet de construction d'un centre spirituel et culturel orthodoxe russe dans le VIIe arrondissement de Paris ;

3°) de décider, le cas échéant, les mesures d'instruction suivantes :

- afin de compléter son information, enjoindre au ministre de la culture de produire la copie des deux dossiers d'instruction, par les services des architectes des bâtiments de France et de la direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France, des demandes de permis de construire déposées par la Fédération de Russie, et le dossier intégral de la réunion organisée avec l'UNESCO le 27 avril 2012 ;

- ordonner une enquête sur les faits relatifs à l'instruction des demandes de permis de construire déposés par la Fédération de Russie, dont la constatation lui paraîtrait utile à l'instruction de l'affaire ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 100 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'État a méconnu son obligation de respecter le verdict du jury international ;

- il a également méconnu le principe d'égalité et celui d'exigence d'impartialité dans l'examen des demandes de permis de construire ;

- les avis du 28 septembre 2012 rendus par l'architecte des bâtiments de France et la direction régionale des affaires culturelles sont entachés de détournement de pouvoir ;

- les pressions exercées par le maire de Paris et le ministre de la culture sur l'architecte des bâtiments de France et sur la direction régionale des affaires culturelles les ont conduit à rendre un avis défavorable au projet ;

- elle justifie d'un préjudice moral résultant de son éviction d'un projet prestigieux, ainsi que d'un manque à gagner résultant de l'absence de paiement du solde de ses honoraires par la Fédération de Russie ;

- les passages de ses écritures supprimés par le tribunal administratif ne présentent pas un caractère injurieux ou diffamatoire.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2017, le ministre de la culture, représenté par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocats au Conseil d'État et la Cour de cassation, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la suppression, en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative et de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, des passages suivants des écritures de la requérante :

a) " La Fédération de Russie refusa le déni de démocratie que lui proposait le Maire de Paris " (requête, p. 7, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 7) ;

b) " A rapprocher des attendus (...) ce complot " (requête, p. 16, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 16) ;

c) " sur le chantage exercé par les autorités françaises (...) " (requête, p. 18, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 18) ;

d) " Il est ainsi démontré que Madame B...(...) code pénal " (requête, p. 20, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 19) ;

e) " L'objet du chantage exercé par les autorités françaises (...) La Fédération de Russie s'est pliée au chantage français et elle en est récompensée " (requête, p. 23, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 23) ;

f) " Prenant en otage la cathédrale (...) permis de construire le 24 décembre 2013 " (requête, pp. 23-24, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 24) ;

g) " Aujourd'hui, le caporalisme mâtiné de copinage est toujours d'actualité à la mairie de Paris " (requête, p. 25 et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 25) ;

h) " de tels comportements n'étant susceptibles de survenir que dans certaines républiques bananières où des procédures d'indemnisation ne sont pas imaginables " (requête, p. 29, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 30) ;

i) " Les bavardages maladroits (...) commis par le pouvoir exécutif socialiste " (requête, p. 30, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 31) ;

j) " (...) leçon de morale dispensée par un État délinquant (...) tentative de censure " (requête, p. 32, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 31) ;

3°) à la mise à la charge de la requérante du versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- aucune faute ne peut-être reprochée à l'État ;

- il n'existe pas de lien de causalité directe entre la prétendue faute reprochée et le préjudice allégué ;

- les passages des écritures de la requérante dont la suppression est demandée présentent un caractère injurieux ou diffamatoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- les observations de Me Fauquet, avocat de la société Society of Architects and Developers (S.A.D.E.), et de Me Thiriez, avocat du ministre de la culture.

1. Considérant que la Fédération de Russie, qui a acquis en 2010 un terrain d'une superficie de 4 245 m² à l'angle du quai Branly et de l'avenue Rapp dans le VIIème arrondissement de Paris, a, après l'organisation d'un concours, confié à la société Society of Architects and Developers la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un centre culturel et religieux comprenant une église orthodoxe, un séminaire, une bibliothèque, des salles polyvalentes, des logements et un jardin ; qu'après le classement sans suite d'une première demande de permis de construire, la Fédération de Russie a déposé le 29 mai 2012 auprès des services de l'État une deuxième demande de permis ; que l'architecte des bâtiments de France a émis sur cette demande un avis défavorable le 28 septembre 2012, au motif que, par sa volumétrie et son expression architecturale, le projet était de nature à porter atteinte au site inscrit de Paris ; que, le même jour, le préfet de la région d'Île-de-France a également émis un avis défavorable, au motif que le projet n'apportait pas les garanties techniques suffisantes pour permettre d'assurer la bonne conservation du Palais de l'Alma, immeuble classé au titre des monuments historiques et adossé au projet, et était de nature, en raison de sa volumétrie et de son expression architecturale, à porter atteinte à la perception de ce monument historique ; que, le 20 novembre 2012, la Fédération de Russie a retiré sa demande de permis de construire ; qu'elle a, en mai 2013, résilié le contrat de maitrise d'oeuvre de conception signé le 1er juin 2011 avec la société S.A.D.E. ; qu'une nouvelle demande de permis de construire a été déposée par la Fédération de Russie le 16 septembre 2013, sur la base d'un projet de la société d'architecture Wilmotte et Associés ; que ce permis de construire a été accordé par les service de l'État le 24 décembre 2013 ; que par un courrier reçu le 16 décembre 2014 par le ministre de la culture et resté sans réponse, la société S.A.D.E. a demandé à l'Etat de lui verser une indemnité de dix millions d'euros en réparation du préjudice qu'elle impute à des agissements fautifs de responsables administratifs et politiques français et qui auraient conduit à la décision de la Fédération de Russie de résilier le contrat de maîtrise d'oeuvre qui les liait ; que cette société relève régulièrement appel du jugement du 30 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la même somme ;

Sur la responsabilité de l'État :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le préjudice que dit avoir subi la société S.A.D.E. du fait de l'abandon du projet par elle proposé et dont elle entend obtenir réparation par l'Etat français résulte directement et immédiatement du choix de la Fédération de Russie, d'une part, de retirer, le 20 novembre 2012, sa demande de permis de construire et, d'autre part, de résilier, en mai 2013, sans même tenter de présenter un nouveau projet dans ce cadre, le contrat de maitrise d'oeuvre de conception qu'elle avait signé le 1er juin 2011 ; que, par suite, ce préjudice ne présente aucun lien de causalité suffisant avec les agissements reprochés à l'État dans l'instruction de la demande de permis de construire déposée en mai 2012 ou les suites données au concours de 2011, dont il n'était pas l'organisateur ; qu'à supposer même établi que, comme le soutient la société S.A.D.E., l'attitude de la Fédération de Russie à son égard ait été la conséquence d'une opposition des autorités de la République française au projet qu'elle avait présenté, ce fait n'est, en tout état de cause, pas détachable de l'action diplomatique de la France ; qu'ainsi, la question de savoir s'il est susceptible d'engager la responsabilité de la puissance publique implique nécessairement l'examen des rapports entre l'État français et un gouvernement étranger et échappe dès lors à la compétence de la juridiction administrative ; qu'il s'ensuit que la société S.A.D.E. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'État à indemniser le préjudice qu'elle invoque ;

Sur la suppression de passages injurieux et diffamatoires dans les écritures de la requérante :

3. Considérant que, en vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel peuvent, dans les causes dont ils sont saisis, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires ;

4. Considérant, d'une part que les mentions contenues dans les écritures de première instance de la société S.A.D.E., mentionnées au point 8 du jugement attaqué et dont la suppression a été décidée en son article 4 présentent effectivement un caractère diffamatoire ou injurieux ; que la société S.A.D.E. n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont décidé leur suppression ;

5. Considérant, d'autre part, que les passages suivants de la requête et du mémoire enregistré le 25 novembre 2016 présentent un caractère injurieux ou diffamatoire et qu'il y a donc lieu d'en ordonner la suppression : " La Fédération de Russie refusa le déni de démocratie que lui proposait le Maire de Paris " (requête, p. 7, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 7), " A rapprocher des attendus (...) ce complot " (requête, p. 16, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 16), " Sur le chantage exercé par les autorités françaises " (requête, p. 18, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 18), " Il est ainsi démontré que Madame B...(...) code pénal " (requête, p. 20, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 19), " L'objet du chantage exercé par les autorités françaises (...) La Fédération de Russie s'est pliée au chantage français et elle en est récompensée " (requête, p. 23, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 23), " Prenant en otage la cathédrale (...) permis de construire le 24 décembre 2013 " (requête, pp. 23-24, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 24), " Aujourd'hui, le caporalisme mâtiné de copinage est toujours d'actualité à la mairie de Paris " (requête, p. 25 et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 25), " De tels comportements n'étant susceptibles de survenir que dans certaines républiques bananières où des procédures d'indemnisation ne sont pas imaginables " (requête, p. 29, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 30), " Les bavardages maladroits (...) commis par le pouvoir exécutif socialiste " (requête, p. 30, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 31), " Leçon de morale dispensée par un État délinquant (...) tentative de censure " (requête, p. 32, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 31) ;

Sur les frais de procédure :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société S.A.D.E., qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge, sur le fondement des mêmes dispositions, le versement à l'État (ministère de la culture) d'une somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Society of Architects and Developers (S.A.D.E.) est rejetée.

Article 2 : Sont supprimés, en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les passages mentionnés ci-après des écritures de la société Society of Architects and Developers (S.A.D.E.) :

- " La Fédération de Russie refusa le déni de démocratie que lui proposait le Maire de Paris " (requête, p. 7, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 7).

- " À rapprocher des attendus (...) ce complot " (requête, p. 16, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 16) ;

- " Sur le chantage exercé par les autorités françaises " (requête, p. 18, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 18) ;

- " Il est ainsi démontré que Madame B...(...) code pénal " (requête, p. 20, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 19) ;

- " L'objet du chantage exercé par les autorités françaises (...) La Fédération de Russie s'est pliée au chantage français et elle en est récompensée " (requête, p. 23, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 23) ;

- " Prenant en otage la cathédrale (...) permis de construire le 24 décembre 2013 " (requête, pp. 23-24, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 24) ;

- " Aujourd'hui, le caporalisme mâtiné de copinage est toujours d'actualité à la mairie de Paris " (requête, p. 25 et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 25) ;

- " De tels comportements n'étant susceptibles de survenir que dans certaines républiques bananières où des procédures d'indemnisation ne sont pas imaginables " (requête, p. 29, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 30) ;

- " Les bavardages maladroits (...) commis par le pouvoir exécutif socialiste " (requête, p. 30, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 31) ;

- " Leçon de morale dispensée par un État délinquant (...) tentative de censure " (requête, p. 32, et mémoire enregistré le 25 novembre 2016, p. 31).

Article 3 : La société Society of Architects and Developers (S.A.D.E.) versera à l'État (ministère de la culture) une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Society of Architects and Developers (S.A.D.E.) et au ministre de la culture.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Nguyên-Duy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 décembre 2017.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIER

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02792


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02792
Date de la décision : 29/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Faits n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique - Actes de gouvernement.

Responsabilité de la puissance publique - Problèmes d'imputabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : FAUQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-12-29;16pa02792 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award