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06/11/2018 | FRANCE | N°17LY03182

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 06 novembre 2018, 17LY03182


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) Le Saint'é a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 et des pénalités correspondantes, et d'autre part, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2

012.

Par un jugement n° 1504362-1504359 du 15 juin 2017, le tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) Le Saint'é a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 et des pénalités correspondantes, et d'autre part, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012.

Par un jugement n° 1504362-1504359 du 15 juin 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 août 2017, la SARL Le Saint'é, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 juin 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- du fait du dégrèvement prononcé en phase contentieuse, les impositions en litige diffèrent de celles sur lesquelles s'était prononcée la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, en sorte que la charge de la preuve ne lui incombe plus ;

- la reconstitution du chiffre d'affaires est erronée, le procès verbal de constatation de ses conditions de fonctionnement ne mentionne que des verres de 14 cl et non de 12 cl ;

- devenue EURL elle a changé de régime fiscal et n'est plus imposable à l'impôt sur les sociétés ;

- les pénalités ne sont pas justifiées, la preuve de la mauvaise foi du contribuable n'est pas apportée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 février 2018, le 27 juillet 2018 et le 3 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société requérante n'est fondé.

Par des mémoires en réplique enregistrés le 2 mai 2018, et le 11 septembre 2018 ; la SARL Le Saint'é conclut aux mêmes fins que sa requête initiale par les mêmes moyens.

Elle soutient, en outre, que :

- étant devenue une société unipersonnelle en 2009 par réunion des parts en une seule main, elle n'est pas assujettie à l'impôt sur les sociétés en l'absence d'option explicite par l'unique associé à l'impôt sur les sociétés dans les conditions posées par les articles 239 du code général des impôts et 22 de l'annexe IV au code général des impôts ; - la société dont M. B... est l'unique associé relève des règles de l'article 8 du code général des impôts ; seul l'associé unique est personnellement imposable sur la totalité des bénéfices sociaux dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et non dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers à raison des distributions provenant de la société ;

- lorsque la situation du contribuable ressort d'actes régulièrement publiés, comme c'est le cas en l'espèce, la théorie de l'apparence ne joue pas ; l'administration fiscale ne peut lui opposer l'apparence entretenue que si deux conditions sont remplies : la situation réelle est occulte pour les tiers et elle n'a pas été portée à la connaissance de l'administration fiscale ;

- les formalités afférentes à la transformation de la SARL en EURL ont été effectuées et les actes régulièrement publiés au greffe qui fait office de centre de formalités des entreprises, en sorte que l'administration fiscale était régulièrement avisé de la transformation sociale ;

- la motivation des pénalités repose exclusivement sur le montant des rectifications supposées fondées sur un calcul approximatif qui ne suffit pas à apporter la preuve de la mauvaise foi du contribuable au sens de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales.

La société Le Saint'é a produit un mémoire en réplique le 4 octobre 2018 qui n'a pas été communiqué.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 octobre 2018, présentée par la société Le Saint'é ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Le Saint'é exerce une activité de bar-restaurant et a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012, à l'issue de laquelle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des trois exercices vérifiés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur toute la période vérifiée ont été mis à sa charge assortis de la majoration de 40 % pour manquement délibéré. La SARL Le Saint'é a contesté ces impositions devant l'administration fiscale qui a partiellement admis sa réclamation par deux décisions du 13 mai 2015 aux termes desquelles des corrections ont été apportées à la reconstitution de son chiffre d'affaires en substituant une contenance de 12 cl aux verres à vin utilisés pour servir les boissons, au lieu de 7 cl initialement retenue. La société a, par suite, bénéficié d'un dégrèvement en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée. Par la présente requête, elle relève appel du jugement du 15 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à la décharge des impositions et des pénalités correspondantes restées à sa charge.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

2. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69. ". L'administration doit, le cas échéant, dans le cadre de la procédure contentieuse, justifier devant le juge du bien-fondé des calculs auxquels elle a procédé pour se conformer à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

3. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale, après avoir écarté la comptabilité présentée par la société en raison des graves irrégularités qu'elle comportait, résultant notamment du défaut de présentation des justificatifs du détail des recettes journalières, comptabilisées globalement en fin de journée, a tenu compte des corrections préconisées par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, et établi les redressements notifiés à la SARL Le Saint'é conformément à l'avis de cette commission. La circonstance que la société appelante a, suite à sa réclamation, bénéficié de dégrèvements partiels des impositions litigieuses est sans incidence sur les règles de dévolution de la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions laissées à sa charge qui lui incombe en application des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ d'application de l'impôt ou d'un régime d'imposition résultant, le cas échéant d'une option.

5. L'article 22 de l'annexe IV au code général des impôts (CGI), pris en application des dispositions du 1 de l'article 239 du même code, exige que la notification faite à l'administration de l'option d'une société civile pour le régime de l'impôt sur les sociétés soit signée par tous les associés.

6. Un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire.

7. La société soutient que du fait de sa transformation en société unipersonnelle en 2009 par réunion de toutes les parts en une seule main, elle n'est pas assujettie à l'impôt sur les sociétés n'ayant exercé aucune option explicite à cet impôt dans les conditions posées par les articles 239 du code général des impôts et 22 de l'annexe IV à ce code. Elle soutient que sa situation juridique ressort d'actes régulièrement publiés au greffe qui fait office de centre de formalités des entreprises, et sont opposables à l'administration fiscale, en sorte que la théorie de l'apparence ne joue pas. Désormais constituée en EURL, société unipersonnelle n'ayant pas expressément opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, elle soutient que seul son unique associé, personne physique, est imposable à l'impôt sur le revenu à raison de ses bénéfices.

8. Toutefois, il résulte de l'instruction que lors de sa transformation en société unipersonnelle, la requérante a expressément opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés dans ses statuts modifiés en juin 2009. Si l'administration fiscale n'est pas en mesure de produire un document par lequel la SARL Le Saint'é, après sa transformation, lui aurait notifié avoir opté pour son imposition à l'impôt sur les sociétés en application des dispositions de l'article 239 du code général des impôts dont les conditions d'application sont fixées par l'article 22 de l'annexe IV au même code, il n'est pas contesté que la contribuable a continué de déclarer ses résultats à l'impôt sur les sociétés ayant même opté pour la télé-souscription des déclarations à l'impôt sur les sociétés le 13 septembre 2011, et que son gérant, M. B..., après réunion de toutes les parts sociales entre ses mains, n'a déposé aucune déclaration à l'impôt sur le revenu au titre de son activité individuelle. Ces actes doivent s'interpréter comme valant et révélant une option regardée comme régulière en faveur d'un assujettissement à l'impôt sur les sociétés, que ni la société, ni son unique associé n'aurait été en mesure de contester puisqu'ils en sont les auteurs.

9. Il résulte de l'instruction et notamment des mentions figurant dans le procès verbal de constatations du fonctionnement de l'entreprise établi au cours du contrôle à partir des déclarations du gérant, qu'après avoir écarté la comptabilité présentée par l'entreprise au regard des graves irrégularités comptables constatées, l'administration fiscale, pour procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société Le Saint'é selon la méthode des liquides a retenu, après que la société a présenté ses observations, une contenance de 12 cl pour les boissons servies au verre telles que le vin, à l'exception des sodas. L'appelante soutient que la contenance des verres utilisés est de 14 cl. Toutefois, elle ne produit devant le juge de l'impôt aucun élément nouveau de nature à établir le bien-fondé de cette mesure. Par suite, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère excessivement sommaire et radicalement viciée de la méthode de reconstitution appliquée, ni de l'exagération de ses bases d'imposition au titre de la période vérifiée.

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

10. Au regard des moyens soulevés par la société requérante à l'encontre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, il convient de rejeter pour les mêmes motifs que ceux qui précèdent les conclusions de la SARL Le Saint'é tendant à la décharge des rappels litigieux.

Sur les pénalités :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ". Le caractère délibéré du manquement résulte d'éléments de fait permettant d'établir que le contribuable a eu connaissance et conscience des erreurs, des inexactitudes ou des omissions qu'il a commises et qu'il s'est livré à des agissements sous-tendus par une volonté délibérée de se soustraire à l'impôt. En d'autres termes, dès lors qu'il procède de l'accomplissement conscient d'une infraction, le manquement délibéré est caractérisé, chaque fois qu'il est démontré que l'intéressé a nécessairement eu connaissance des faits ou des situations qui motivent les rehaussements.

12. Pour justifier l'application de la pénalité prévue à l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale s'est fondée sur les graves irrégularités comptables constatées lors du contrôle de la SARL Le Saint'é à l'origine d'omissions de recettes déclarées importantes et répétées sur toute la période vérifiée. Par suite, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe de la volonté délibérée de la SARL Le Saint'é d'éluder l'impôt justifiant l'application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la SARL Le Saint'é une quelconque somme au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Le Saint'é est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Saint'é et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée au Directeur du contrôle fiscal de Rhône-Alpes-Bourgogne.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique le 6 novembre 2018.

2

N° 17LY03182


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Personnes morales et bénéfices imposables.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Établissement de l'impôt.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TERRADE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 06/11/2018
Date de l'import : 13/11/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17LY03182
Numéro NOR : CETATEXT000037596225 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-06;17ly03182 ?
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