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19/03/2019 | FRANCE | N°17LY04048

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 19 mars 2019, 17LY04048


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1501449 du 17 octobre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 novembre 2017 et le 25 octobre 2018, Mme B...,

représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1501449 du 17 octobre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 novembre 2017 et le 25 octobre 2018, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 17 octobre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas bénéficié d'un dialogue contradictoire au titre de l'année 2007 ;

- l'administration aurait dû lui adresser la mise en demeure prévue par l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle avait répondu aux demandes de justifications qui lui avaient été adressés, par une réponse qui ne pouvait être assimilée à un défaut de réponse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 17 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente-assesseure,

- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009. Durant ce contrôle, le vérificateur a comparé les crédits figurant sur les comptes bancaires ou courants de l'intéressée en 2007 au montant brut de ses revenus déclarés, et a constaté que les premiers étaient supérieurs au double des seconds. Il a aussi comparé la somme de ses revenus connus et déclarés des années 2008 et 2009 à l'ensemble de ses dépenses connues, et a constaté que le montant de ces dernières excédait les premiers. Y voyant des indices permettant de penser que la contribuable pouvait avoir des revenus plus importants que ceux qu'elle avait déclarés, il lui a demandé, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, de justifier, pour chacune des années vérifiées, de ces discordances. Après avoir tenu partiellement compte des éléments de réponse apportées par la contribuable en diminuant le montant des discordances inexpliquées, le vérificateur, estimant que le surplus des réponses équivalait, par son imprécision, à un défaut de réponse, a imposé les discordances demeurées inexpliquées, regardées comme des revenus d'origine indéterminée, par voie de taxation d'office en se fondant sur les dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales. Mme B... relève appel du jugement du 17 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie en conséquence, au titre des années 2007, 2008 et 2009.

Sur l'existence d'un débat contradictoire au titre de l'année 2007 :

2. Le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la proposition de rectification qui, selon l'article L. 48, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". Dans sa version applicable à la date des opérations de contrôle, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié prévoyait les dispositions suivantes : " Dans le cadre de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, le dialogue joue également un rôle très important tout au long de la procédure. Il vous permet de présenter vos explications sur les discordances relevées par le vérificateur à partir des informations dont il dispose ". Il ne résulte pas de ces dispositions que le vérificateur était tenu, avant d'avoir recours à la procédure de demande de justifications prévue par les dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, d'engager avec la contribuable un dialogue sur les discordances relevées par lui.

3. Il résulte de l'instruction qu'un premier rendez-vous a eu lieu entre la contribuable et le vérificateur le 25 août 2010. Au cours de cet entretien, Mme B... a notamment déclaré au vérificateur être propriétaire de biens immobiliers, disposer de revenus fonciers, lui a remis divers documents et a produit une partie des relevés bancaires qui lui avaient été demandés. Un deuxième entretien s'est déroulé le 5 octobre 2010, au cours duquel ont été produits d'autres relevés bancaires et ont été évoquées les modalités d'acquisition d'un bien à Meudon et de divers véhicules ainsi que des dons consentis à l'intéressée par M. A..., le vérificateur ayant remis à la contribuable des formulaires de dons manuels référencés 2735. Une demande d'éclaircissements ou de justification a été adressée par le vérificateur à Mme B... le 11 octobre 2010. Enfin, une réunion de synthèse a été proposée à Mme B... le 15 décembre 2010, précédant l'envoi d'une proposition de rectification, le 20 décembre 2010. Il résulte de cette chronologie des faits que les conditions d'un véritable dialogue contradictoire ont été offertes à l'appelante, par le vérificateur, qui n'était pas tenu d'engager avec la contribuable, avant l'envoi d'une demande de renseignements ou de justifications, un dialogue sur les discordances relevées par lui. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'administration l'aurait privée de cette garantie.

Sur l'envoi d'une mise en demeure :

4. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. (...) ". Aux termes de l'article L. 16 A du même livre : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".

5. Lorsque l'administration a demandé des justifications à un contribuable, elle est fondée à l'imposer d'office, sans mise en demeure préalable, à raison des sommes au sujet desquelles il s'est abstenu de répondre dans le délai requis. En revanche, les dispositions précitées font obstacle à ce que, en dehors des cas où le contribuable refuse de répondre ou apporte une réponse qui, par son indigence, équivaut à un refus de réponse, l'administration s'exonère de la mise en demeure préalable à la taxation d'office. L'administration ne saurait ainsi, au seul motif que la réponse apportée par le contribuable n'est pas assortie d'éléments de justification vérifiables procéder à la taxation d'office d'un contribuable sans lui adresser une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse. Toutefois, une irrégularité tenant au défaut d'envoi d'une mise en demeure reste sans conséquence sur la légalité de l'imposition s'il est établi que, n'ayant privé le contribuable d'aucune garantie, elle n'a pas pu avoir d'influence sur la décision de redressement.

6. Le 11 octobre 2010, le vérificateur a demandé à Mme B... de justifier de l'origine, de la nature et de l'objet des montants portés au crédit de ses comptes pour un montant de 105 861 euros. Mme B... a répondu le 9 décembre 2010, en indiquant, à hauteur de 645,56 euros que les recherches étaient en cours, à hauteur de 8 362,74 euros que ces sommes correspondaient à des loyers, à hauteur de 21 403,09 euros qu'elles correspondaient à des dons de proches, au versement d'un notaire et à un versement du Trésor public, et enfin, à hauteur de 75 450 euros, correspondant à deux remises de chèques émis par M. D... A...et à une trentaine de remises d'espèces, que les sommes en cause correspondaient à diverses sommes prêtées par M. D... A.... L'administration a considéré que les justifications apportées étaient suffisantes, à l'exception des crédits correspondant à des versements d'espèces et aux deux chèques émis par M. A..., sommes dont elle a évalué le montant à 75 550 euros, ramené à 75 450 euros au stade de la réponse aux observations du contribuable et qu'elle a considérées comme constituant des revenus d'origine indéterminée.

7. Le 25 mars 2011, le vérificateur a demandé à Mme B... de justifier de discordances entre les revenus qu'elle avait déclarés et les éléments résultant des balances de trésoreries établies pour l'année 2008 et l'année 2009. Mme B... était ainsi invitée à justifier de discordances s'élevant à 103 551,96 euros et 189 359,82 euros. Le 24 mai 2011, Mme B... a apporté des éléments de réponse portant sur 98 879 euros en 2008 et 93 630 euros en 2009. A hauteur de 93 850 euros en 2008 et pour la totalité de la somme en 2009, les explications avancées ont consisté à indiquer que les sommes en cause provenaient d'un prêt de M. A.... Par proposition de rectification du 20 juin 2011, l'administration a considéré que ces explications étaient insuffisantes et a imposé ces sommes, finalement ramenées à 96 680 et à 162 806 euros, comme constituant des revenus d'origine indéterminée.

8. Si les références à des prêts consentis par M. D... A... n'étaient assorties d'aucun élément de justification vérifiable, et constituaient de ce fait des réponses insuffisantes, qui appelaient des compléments en l'absence desquels l'administration aurait été fondée à imposer d'office la contribuable, ces réponses ne sauraient pour autant être regardées ni comme un refus de réponse ni comme des réponses qui, par leur indigence, équivalaient à un refus de réponse. L'administration était dès lors tenue, avant de procéder à la taxation d'office des sommes en cause, d'adresser à la contribuable la mise en demeure prévue par l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales.

9. Toutefois, l'obligation prévue par ces dispositions a pour objet de mettre le contribuable à même de compléter une réponse insuffisante en disposant, à cette fin, d'un délai supplémentaire pour poursuivre les investigations, tout en étant informé des raisons pour lesquelles sa réponse apparaît insuffisante et des compléments attendus par l'administration. La méconnaissance de ces dispositions par l'administration demeure sans conséquence sur la légalité de l'imposition s'il est établi que le contribuable n'a pas été privé, du seul fait de l'absence d'envoi d'une mise en demeure, de la garantie ainsi instituée. Or, il ressort de la lecture du courrier adressé le 25 mars 2011 à Mme B..., portant sur les années 2008 et 2009, que celui-ci comportait les précisions suivantes : " Dans l'hypothèse où vous expliqueriez certains de ces crédits soit par des remboursements de prêts que vous auriez consentis à des membres de votre famille, à des amis ou à des tiers, soit par des emprunts dont vous auriez bénéficié de ces mêmes personnes, vous voudrez bien produire les pièces suivantes : / - contrats de prêt dûment enregistrés permettant de donner date certaine aux actes en cause, / - échéanciers, pièces bancaires justifiant des débits initiaux aussi bien que des remboursements. ". Ces indications précises permettaient à Mme B... de mesurer en quoi les éléments de réponse qu'elle fournissait à l'administration étaient insuffisants au regard des attentes de l'administration et portaient à sa connaissance les compléments de réponse attendus, qui ne nécessitaient pas d'investigations particulières. Au vu de ces éléments, la contribuable n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, été privée, du seul fait de l'absence d'envoi d'une mise en demeure, qui n'a pu avoir d'influence sur la décision de redressement, de la garantie évoquée ci-dessus.

10. Il résulte de l'instruction que la demande d'éclaircissements ou de justifications adressée à Mme B... le 11 octobre 2010 comportait les mêmes indications. Pour les mêmes motifs, et dès lors que les compléments attendus à la réponse insuffisante apportée par Mme B... n'appelaient pas d'investigations particulière, le fait que l'envoi de la proposition de rectification du 20 décembre 2010 n'ait pas été précédé d'une mise en demeure n'a pas privé l'intéressée du bénéfice de la garantie prévue en sa faveur par l'article L. 16 A du livre des procédures fiscale et n'a pu avoir d'influence sur la décision de redressement.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 26 février 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente-assesseure,

Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 19 mars 2019.

N° 17LY04048


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