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08/11/2019 | FRANCE | N°17NT03809

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 08 novembre 2019, 17NT03809


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2016 du maire de la commune de Saint-Lubin-des-Joncherets (28) le mettant à la retraite pour invalidité.

Par un jugement n°1600989 du 17 octobre 2017, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à sa demande et annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 décembre 2017, 2 août 2019 et 24 septembre 2019 la commune de Saint-Lubin-d

es-Joncherets, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2016 du maire de la commune de Saint-Lubin-des-Joncherets (28) le mettant à la retraite pour invalidité.

Par un jugement n°1600989 du 17 octobre 2017, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à sa demande et annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 décembre 2017, 2 août 2019 et 24 septembre 2019 la commune de Saint-Lubin-des-Joncherets, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 17 octobre 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il ne vise pas précisément les articles des codes et lois auquel il se réfère et parce que ce ne sont pas les mêmes magistrats qui ont siégé lors de l'audience et lors du délibéré ;

- avant d'être placé à la retraite d'office par l'arrêté du 18 janvier 2016, M. B... a été placé depuis le 9 juin 2011 en congé de longue maladie, puis en disponibilité d'office à compter du 19 juin 2014 après qu'une expertise médicale réalisée le 15 mai 2014 eut mis en évidence une évolution chronique de l'état dépressif de l'agent et la persistance d'une fragilité ne permettant pas la reprise de l'activité professionnelle ;

- la CNRACL a conclu dans le même sens et expliqué par un rapport très motivé les raisons qui s'opposaient à toute reprise de cet agent ;

- les certificats médicaux fournis à la procédure par M. B... n'avaient pas été communiqués à la commune lorsqu'elle a pris la décision contestée ;

- la commune n'a pas, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, commis une erreur d'appréciation en prononçant la mise à la retraite pour inaptitude définitive et absolue de M. B....

Par des mémoires en défense enregistrés les 22 octobre 2018 et 4 septembre 2019 M. C... B..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Lubin-des-Joncherets au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Saint-Lubin-des-Joncherets ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2010-1357 du 9 novembre 2010 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., technicien territorial de 1ère classe employé depuis le 1er octobre 1996 par la commune de Saint-Lubin-des-Joncherets (Eure-et-Loir), a exercé les fonctions de responsable des services techniques municipaux de cette collectivité jusqu'au 1er juin 2010. A cette date, le maire a décidé de lui confier les fonctions d'agent de proximité au sein de la police municipale. Depuis le 9 juin 2011, M. B... a été placé à plusieurs reprises en congé de longue maladie, puis, par un arrêté du 19 août 2014, en disponibilité d'office à compter du 9 juin 2014. Enfin, par un arrêté du 18 janvier 2016, le maire de la commune de Saint-Lubin-des-Joncherets l'a placé à la retraite d'office.

2. L'intéressé a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation de l'avis rendu par la CNRACL le 15 janvier 2016 ainsi que de l'arrêté précité du maire du 18 janvier 2016 le plaçant à la retraite d'office. Par un jugement avant dire droit du 4 octobre 2016 le tribunal a, notamment, rejeté comme irrecevables les conclusions tendant à l'annulation de l'avis de la CNRACL et prescrit une nouvelle expertise médicale quant à l'aptitude de l'agent à reprendre ses fonctions en 2016. L'expert a rendu son rapport le 22 novembre 2016. Par un jugement du 17 octobre 2017, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé l'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2016 du maire de la commune de Saint-Lubin-des-Joncherets plaçant M. B... à la retraite d'office. La commune relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, le jugement attaqué mentionne, d'une part, après le visa des textes applicables et de la convocation à l'audience, le nom des deux magistrats - le rapporteur et le rapporteur public - entendus au cours de l'audience publique conformément aux dispositions de l'article R. 732-1 du code de justice administrative et, d'autre part, après l'énoncé du dispositif les noms des membres de la formation de jugement qui ont délibéré après l'audience publique du 3 octobre 2017. Contrairement à ce que soutient la commune sans apporter aucun élément de preuve, ces mentions n'établissent pas que la composition de la formation de jugement lors du délibéré aurait été différente de sa composition lors de l'audience.

4. En second lieu, les premiers juges, qui ont indiqué dans les visas du jugement attaqué les textes applicables à la situation de l'agent et, dans les motifs de ce jugement, ont rappelé les dispositions applicables au placement à la retraite d'office, ont suffisamment motivé leur décision. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué ne peut, par suite, qu'être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 18 janvier 2016 :

5. Aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. (...) La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. (...) ". Par ailleurs, selon l'article 36 du même texte : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes, peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 (...)".

6. Pour décider de placer M. B... à la retraite d'office par l'arrêté contesté du 18 janvier 2016 le maire de Saint-Lubin-des-Joncherets s'est fondé sur l'avis émis le 17 juin 2014 par le comité médical départemental, sur la base d'une expertise réalisée le 19 mai 2014 par un médecin psychiatre, ainsi que sur l'avis de la commission de réforme émis sur la base d'un examen médical réalisé le 11 août 2014 par le même spécialiste. Ce dernier avait estimé, le 17 juin 2014, que les expertises précédemment réalisées les 2 avril et 26 novembre 2012 et les 8 avril et 1er juillet 2013 avaient mis en évidence " l'évolution dans la chronicité d'un état dépressif de gravité fluctuante " et la persistance d'une fragilité psychopathologique avec " le risque de décompensation progressive ". Il concluait qu'il convenait de retenir à cette date " l'existence probable " d'un tableau dépressif identique à ceux retrouvés précédemment. Ce médecin a ensuite revu M. B... le 11 août 2014 et, après avoir évoqué à nouveau les trois épisodes dépressifs qui dataient de 1990, 1996 et 2009, a confirmé " la persistance de troubles dépressifs et psychologiques ".

7. Toutefois M. B... produit quant à lui plusieurs avis médicaux contemporains des avis émis en 2014 par le comité médical départemental et la commission de réforme et qui tous mentionnent qu'il ne présente aucune pathologie psychiatrique ni aucun trouble de la personnalité, pas plus que de contre-indication cliniquement décelable à une reprise de l'activité professionnelle. Cette aptitude à l'emploi et l'absence d'instabilité mentale ont été confirmées par l'expert missionné par le tribunal administratif d'Orléans qui a estimé, dans son rapport du 22 novembre 2016, que M. B... " a totalement récupéré d'épisodes dépressifs antérieurs et que son état mental ne s'est pas modifié depuis les expertises réalisées en dernier lieu en octobre 2014 ". Dans ces conditions et sur la base de ces constatations qui ne sont pas sérieusement remises en cause par la commune de Saint-Lubin-des-Joncherets, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'en décidant par l'arrêté du 18 janvier 2016 de placer M. B... à la retraite d'office pour inaptitude définitive et absolue, le maire de la commune de Saint-Lubin-des-Joncherets avait commis une erreur d'appréciation.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Lubin-des-Joncherets n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé l'annulation de l'arrêté 18 janvier 2016.

Sur les frais de l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Saint-Lubin-des-Joncherets demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette collectivité le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Saint-Lubin-des-Joncherets est rejetée.

Article 2 : La commune de Saint-Lubin-des-Joncherets versera la somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Lubin-des-Joncherets et à M. C... B....

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme F..., présidente-assesseure,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 novembre 2019.

La rapporteure

N. F...Le président

I. Perrot

Le greffier

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°17NT03809 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03809
Date de la décision : 08/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL CASADEI-JUNG et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-11-08;17nt03809 ?
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