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11/04/2018 | FRANCE | N°17PA02028

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 11 avril 2018, 17PA02028


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision en date du 23 décembre 2015 par laquelle le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel a mis fin à son contrat à compter du 5 janvier 2016, ensemble la décision en date du

18 mars 2016 par laquelle son recours gracieux a été rejeté, d'autre part, de condamner le Conseil supérieur de l'audiovisuel au versement de la somme de 153 348,77 euros à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compt

er du 5 février 2016, en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de son l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision en date du 23 décembre 2015 par laquelle le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel a mis fin à son contrat à compter du 5 janvier 2016, ensemble la décision en date du

18 mars 2016 par laquelle son recours gracieux a été rejeté, d'autre part, de condamner le Conseil supérieur de l'audiovisuel au versement de la somme de 153 348,77 euros à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2016, en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de son licenciement.

Par un jugement n° 1605406/5-3 du 19 avril 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 16 juin, 18 octobre et 26 décembre 2017, Mme B..., représentée par Me Catherine Taurand, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1605406/5-3 du 19 avril 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision en date du 23 décembre 2015 par laquelle le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel a mis fin à son contrat à compter du 5 janvier 2016 ensemble la décision en date du 18 mars 2016 par laquelle son recours gracieux a été rejeté ;

3°) de condamner le Conseil supérieur de l'audiovisuel à lui verser, au titre des préjudices qu'elle a subis, la somme de 135 043,63 euros à parfaire, augmentée des intérêts légaux à compter du 3 février 2016 et capitalisés à compter du 3 février 2017 ainsi qu'à chaque échéance annuelle ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le Conseil supérieur de l'audiovisuel avait pu légalement prévoir une période d'essai dans le contrat de recrutement du 2 octobre 2015, alors que les fonctions exercées dans le cadre de ce contrat s'inscrivaient dans la continuité de celles exercées précédemment;

- son licenciement est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été mise à même de connaître l'objet de l'entretien qui s'est déroulé le 18 décembre 2015 et que cet entretien ne s'est donc pas déroulé dans des conditions permettant de le considérer comme constituant valablement un entretien préalable au licenciement ;

- la décision de licenciement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision est entachée de détournement de pouvoir ;

- elle est en droit d'obtenir réparation du préjudice financier qui résulte de ce licenciement illégal et qui représente l'ensemble des traitements qu'elle aurait dû percevoir pendant la durée du contrat, ainsi qu'une indemnité de préavis représentant un mois de salaire et une indemnité de licenciement ;

- elle aurait d'ailleurs dû être recrutée en qualité de chargé de mission du 1er groupe ;

- elle a également subi un préjudice moral qu'elle évalue à 20 000 euros et dont elle est en droit d'obtenir réparation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2017, le Conseil supérieur de l'audiovisuel conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- le caractère fautif du licenciement litigieux n'est pas établi et les conclusions aux fins d'annulation et d'indemnisation doivent être rejetées ;

- à supposer le licenciement illégal, le calcul du préjudice financier indemnisable allégué est erroné.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983,

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984,

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986,

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986,

- la décision du 24 décembre 2007 portant règlement de gestion des personnels contractuels du Conseil supérieur de l'audiovisuel,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- les observations de Me Catherine Taurand, avocat de Mme B...,

- et les observations de Me Baraduc, avocat du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

1. Considérant que Mme A...B...a demandé en vain au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision en date du 23 décembre 2015 par laquelle le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a mis fin à son contrat à compter du 5 janvier 2016 ensemble la décision en date du 18 mars 2016 par laquelle son recours gracieux a été rejeté, d'autre part, de condamner le CSA au versement de la somme de 153 348,77 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2016, en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de son licenciement ; qu'elle relève appel du jugement de ce tribunal rejetant sa demande ;

Sur la légalité du licenciement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret du 17 janvier 1986 susvisé dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le contrat ou l'engagement peut comporter une période d'essai qui permet à l'administration d'évaluer les compétences de l'agent dans son travail et à ce dernier d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. / Toutefois, aucune période d'essai ne peut être prévue lorsqu'un nouveau contrat est conclu ou renouvelé par une même autorité administrative avec un même agent pour exercer les mêmes fonctions que celles prévues par le précédent contrat, ou pour occuper le même emploi que celui précédemment occupé. (...) - Le licenciement en cours ou au terme de la période d'essai ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La décision de licenciement est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. /-Aucune durée de préavis n'est requise lorsque la décision de mettre fin au contrat intervient en cours ou à l'expiration d'une période d'essai. /Le licenciement au cours d'une période d'essai doit être motivé. /-Le licenciement au cours ou à l'expiration d'une période d'essai ne donne pas lieu au versement de l'indemnité prévue au titre XII. " ;

3. Considérant que Mme B...a été recrutée par le CSA, à compter du 5 janvier 2015, en qualité de chargée de mission de 2ème groupe, par un premier contrat à durée déterminée de six mois ; que ce contrat a été renouvelé pour la période du 5 juillet au 4 octobre 2015 ; que par un nouveau contrat en date du 2 octobre 2015, elle a été recrutée pour une durée de trois ans à compter du 5 octobre 2015 sur un poste de chargée de mission de 2ème groupe au sein du département "relations de la direction des médias télévisuels" ; que les trois contrats susmentionnés se sont succédés sans aucune interruption ; que si les deux premiers précisaient que le recrutement de Mme B... répondait à un besoin ponctuel résultant de l'accroissement de l'activité du CSA alors que le dernier visait à pourvoir un poste créé pour répondre à un besoin du service désormais permanent, il ne résulte pas de l'instruction que les fonctions pour lesquelles Mme B... a été recrutée par ce dernier contrat auraient différé de celles pour lesquelles elle avait antérieurement été employée ; qu'en effet, si les contrats eux-mêmes ne comportent aucune description des fonctions confiées à l'intéressée, la fiche de poste établie le 15 juin 2015, diffusée au sein du CSA et concernant un poste de chargé de mission au sein du département " relations avec les opérateurs " de la direction des médias télévisuels, décrit des fonctions qui correspondent à celles précédemment confiées à Mme B... ; que ce descriptif de poste est repris, à l'identique, dans la fiche versée au dossier portant le nom de Mme B... et établie en octobre 2015, soit au moment de la signature du contrat susmentionné d'une durée de trois ans ; que, de plus, le compte rendu d'évaluation annuelle de Mme B..., établi le 9 décembre 2015 pour la période 2014/2015, ne fait aucune distinction entre les missions dévolues à l'intéressée avant ou après le premier contrat arrivé à terme le 4 juillet 2015 et le second conclu à compter du 5 juillet 2015 ; que s'il y est fait mention de ce que Mme B..., recrutée en renfort, d'abord au sein du département " télévisions locales " de l'ancienne direction des opérateurs audiovisuels puis au sein du département " relation avec les opérateurs " de la DMT (direction des médias télévisuels ), a été recrutée en contrat à durée déterminée à compter du mois de septembre 2015, à aucun moment cette évaluation ne fait état d'un changement ou d'un élargissement des missions ou du champ d'intervention de Mme B..., qui aurait été opéré au dernier trimestre de l'année 2015, à la suite de la signature, intervenue en octobre 2015, du contrat de trois ans susmentionné ; qu'au contraire, la manière de servir de Mme B... est appréciée globalement sur la période, et les objectifs qui lui sont fixés pour l'année suivante ne mentionnent pas de modification sensible de ses fonctions ; que la circonstance que ce compte-rendu d'évaluation rappelle la réorganisation intervenue au sein du CSA à compter d'avril 2015 et indique que " le département " relations avec les opérateurs " est une nouvelle structure, dont l'effectif pérenne ne s'est stabilisé qu'au mois de septembre 2015 et qui centralise des missions qui étaient réparties au sein de plusieurs entités de l'ancienne organisation des services (suivi de l'activité de l'ensemble des services de télévisions, instruction des modifications conventionnelles, rédaction des bilans) ", et que " dans ce contexte, le département doit finaliser la mise en place de ses méthodes de travail, en lien avec les autres départements de la DMT et des autres directions du Conseil (...) ", ne saurait démontrer que les fonctions pour lesquelles Mme B... a été recrutée à compter

d'octobre 2015 étaient nouvelles et différentes de celles exercées par elle antérieurement ; qu'en effet, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la réorganisation du CSA, en avril 2015,

MmeB..., initialement rattachée au département des télévisions locales, a été intégrée à la nouvelle direction des médias télévisuels, qui sera celle de son futur poste, et y a fourni des analyses financières concernant des télévisions nationales et des modifications dans la composition du capital des sociétés audiovisuelles, analyses ayant trait à des dossiers sensibles tels que notamment le projet de cession de la chaîne n°23 ou l'OPA du groupe Vivendi sur Canal Plus ; que l'intéressée a également participé à la rédaction de fiches d'instruction concernant les télévisions nationales ; que les fonctions confiées à partir d'octobre 2015 à Mme B... s'inscrivent dans la continuité de celles qu'elle avait exercées sous les mêmes autorités hiérarchiques dans le cadre de son précédent contrat ; qu'il suit de là que Mme B... se trouvait dans une situation où les dispositions susénoncées s'opposaient à ce qu'une période d'essai pût être prévue dans son contrat ; qu'en conséquence, le licenciement litigieux ne peut, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, être considéré comme intervenu à l'issue de la période d'essai ; que ce licenciement, décidé en cours de contrat et prenant effet avant le terme de celui-ci, était soumis aux formalités prévues notamment aux articles 45-2 et suivants du décret susvisé du 17 janvier 1986 ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 45-2 dudit décret: " L'agent contractuel peut être licencié pour un motif d'insuffisance professionnelle. L'agent doit préalablement être mis à même de demander la communication de l'intégralité de toute pièce figurant dans son dossier individuel, dans un délai suffisant permettant à l'intéressé d'en prendre connaissance. Le droit à communication concerne également toute pièce sur laquelle l'administration entend fonder sa décision, même si elle ne figure pas au dossier individuel. " ; qu'aux termes de l'article 47 de ce décret : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La convocation à l'entretien préalable est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. /-L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. /-L'agent peut se faire accompagner par la ou les personnes de son choix. /-Au cours de l'entretien préalable, l'administration indique à l'agent les motifs du licenciement et le cas échéant le délai pendant lequel l'agent doit présenter sa demande écrite de reclassement ainsi que les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont présentées. " ;

5. Considérant qu'il est constant que Mme B... n'a pas été convoquée dans les conditions exigées par les dispositions surappelées à un entretien préalable à son licenciement ; qu'en effet, l'intéressée n'a été destinataire que d'un courriel se bornant à mentionner en objet " situation administrative ", qui lui a été adressé dans la journée du 14 décembre 2015 et l'invitait à un entretien prévu le 18 décembre 2015 soit moins de cinq jours ouvrables plus tard ; que ce courriel ne l'informait ni de l'objet exact de l'entretien, ni de la possibilité de prendre connaissance de son dossier, ni encore de celle de se faire accompagner par la personne de son choix ; qu'ainsi, la décision litigieuse est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ayant porté atteinte aux garanties que Mme B... tenait des dispositions rappelées ci-dessus ;

6. Considérant que l'auteur de la décision litigieuse, pour informer l'intéressée des motifs de son licenciement, se borne à indiquer : " Lors de cet entretien [du 18 décembre 2015], vous avez été informée qu'au regard des difficultés que vous rencontriez pour répondre aux objectifs fixés par vos supérieurs hiérarchiques concernant l'évolution de vos méthodes de travail et de votre manière de servir, vous ne sembliez pas démontrer les qualités requises pour assumer les missions complexes et sensibles qui vous ont été confiées au sein du Conseil supérieur de 1'audiovisuel. " ; que si le CSA, dans ses écritures produites en première instance et devant la Cour, relève que les travaux écrits de la requérante et le suivi des dossiers ne répondaient pas aux attentes, en termes de mesure et de pédagogie, qu'exigeaient les fonctions hautement stratégiques qu'elle exerçait, fait état des difficultés de positionnement de l'intéressée au sein de l'équipe dans laquelle elle travaillait ainsi que dans la mise en oeuvre des objectifs qui lui étaient assignés, et lui reproche de ne pas avoir suffisamment sollicité l'aval de ses supérieurs hiérarchiques sur les analyses qu'elle conduisait et les conclusions de celles-ci, ces griefs ne sont pas assortis de précisions ni de documents permettant de les ternir pour fondés ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, alors que Mme B... était employée par le CSA depuis près d'un an, à la suite de trois contrats successifs, que l'insuffisance professionnelle de l'intéressée aurait été décelée et aurait fait l'objet d'observations ; que si le CSA produit un courriel adressé à Mme B...par le directeur des médias le 3 décembre 2015, soit deux semaines avant la décision de licenciement, ce document ne saurait suffire à démontrer une insuffisance professionnelle de nature à justifier son licenciement ; que la décision de licenciement doit donc être regardée comme entachée d'une erreur d'appréciation ;

7. Considérant qu'il suit de là que Mme B... est fondée à soutenir que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision du 23 décembre 2015 du président du CSA mettant fin à son contrat à compter du 5 janvier 2016 était entachée d'illégalité fautive et à en obtenir l'annulation, ensemble celle de la décision du 8 mars 2016 rejetant son recours gracieux ;

Sur les conclusions indemnitaires :

8. Considérant que l'illégalité fautive dont est entachée la décision de licenciement est de nature à engager la responsabilité du CSA à l'égard de Mme B... ;

En ce qui concerne le préjudice financier :

9. Considérant qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ; que, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction ainsi que les éventuels revenus de remplacement perçus au cours de cette même période ;

10. Considérant qu'en conséquence de l'annulation de la décision de licenciement contestée, le CSA a l'obligation juridique de procéder à la réintégration de l'agent concerné à compter de la date de son licenciement, soit en l'espèce, le 5 janvier 2016 ; que la période d'indemnisation du préjudice subi par Mme B... s'étend de la date de son licenciement illégal à la date à laquelle l'intéressée aura effectivement repris ses fonctions et au plus tard à la date d'expiration du contrat ;

11. Considérant que l'indemnisation à laquelle a droit la requérante sur la période susmentionnée doit prendre en compte la rémunération nette à laquelle elle aurait pu prétendre en vertu de son contrat de recrutement en qualité de chargée de mission du 2ème groupe ; que l'intéressée ne peut utilement faire valoir qu'elle aurait dû, eu égard à ses diplômes et ses compétences, être recrutée en qualité de chargée de mission du 1er groupe et n'est pas fondée à demander une indemnisation sur la base d'une rémunération afférente à un poste ne correspondant pas à celui qu'elle occupait en vertu de son contrat ; qu'en revanche, la réparation du préjudice subi par un agent illégalement évincé implique nécessairement la régularisation de son affiliation à la caisse de retraite dont il aurait relevé en l'absence d'intervention de la décision illégale, et par suite, le versement par l'employeur des cotisations correspondantes y compris salariales, soit aux organismes responsables du régime de retraite, soit, à défaut, à l'agent lui-même ; qu'il conviendra de retrancher, de l'indemnité due au titre des pertes de rémunérations, les revenus de remplacement tels que l'allocation de retour à l'emploi ainsi que tout autre revenu d'activité perçus par l'intéressée durant ladite période ; qu'en l'état de l'instruction, alors que la période d'indemnisation à prendre en considération n'est pas arrivée à son terme, la Cour ne dispose pas au dossier des justificatifs permettant de déterminer l'indemnisation due à Mme B... en réparation de son préjudice financier ; qu'il y a donc lieu de renvoyer Mme B... devant son administration, à qui elle devra produire tous documents utiles notamment fiscaux, pour le calcul de ce montant, selon les modalités ci-dessus précisées, et la liquidation de la somme due ; que les indemnités dues au titre de la période d'éviction antérieure au 3 février 2016, date de la demande indemnitaire préalable de l'intéressée, porteront intérêt à compter de cette date ; que les indemnités dues au titre des mois d'éviction postérieurs à cette date porteront intérêts à compter de la fin de chacun des mois concernés ;

En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :

12. Considérant que Mme B... a subi, notamment en raison du caractère subit de sa perte d'emploi, un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence dont il sera fait une juste réparation en lui accordant à ce titre une somme de 5 000 euros ;

En ce qui concerne l'indemnité pour non respect du préavis et l'indemnité de licenciement :

13. Considérant que le licenciement de Mme B... étant annulé, l'intéressée ne saurait prétendre, en sus de la réparation du préjudice financier subi du fait de ce licenciement, au bénéfice de l'indemnité de licenciement prévue par les dispositions de l'article 51 du décret susvisé du

17 janvier 1986, non plus qu'à une indemnité de préavis ; que le préjudice résultant du caractère soudain de son éviction a, au demeurant, déjà été pris en compte ci-dessus au titre des troubles dans les conditions d'existence ;

En ce qui concerne les intérêts et leur capitalisation :

14. Considérant que Mme B...a droit aux intérêts au taux légal à compter

du 3 février 2016, date de réception de sa réclamation préalable, sur l'indemnité de 5 000 euros mentionnée ci-dessus au point 12 ainsi que sur l'indemnité due au titre des pertes de rémunérations subies antérieurement à cette date ; que les indemnités correspondant aux pertes mensuelles de rémunération subies postérieurement à cette date porteront intérêts à compter de la date à laquelle ces rémunérations auraient été exigibles, soit à la fin de chacun des mois concernés ; que Mme B... a demandé le 16 juin 2017 devant le Tribunal administratif de Paris la capitalisation des intérêts sur les sommes qui lui sont dues ; qu'elle a droit à la capitalisation des intérêts qui étaient dus à cette date depuis au moins une année et à la capitalisation des intérêts dus à compter de cette date dès lors qu'ils seront dus depuis au moins une année ainsi que, le cas échéant, à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et à obtenir, d'une part, l'annulation du jugement ainsi que de la décision en date du 23 décembre 2015 par laquelle le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel a mis fin à son contrat à compter

du 5 janvier 2016, ensemble la décision en date du 18 mars 2016 rejetant son recours gracieux, d'autre part, dans les conditions définies par le présent arrêt, et dans la limite du montant en principal de ses conclusions soit 135 043,63 euros, la réparation des préjudices subis par elle du fait de ces décisions ; qu'il y a lieu de mettre à la charge du CSA une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1605406/5-3 du 19 avril 2017, du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La décision en date du 23 décembre 2015 par laquelle le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel a mis fin au contrat de Mme B...à compter du 5 janvier 2016 et la décision en date du 18 mars 2016 rejetant le recours gracieux de Mme B...sont annulées.

Article 3 : Le Conseil supérieur de l'audiovisuel versera à MmeB..., dans la limite d'un montant en principal de 135 043,63 euros :

- une indemnité en réparation des pertes de rémunérations subies par elle, calculée selon les modalités définies au point 11 du présent arrêt, et qui sera assortie des intérêts et de la capitalisation de ceux-ci dans les conditions précisées aux points 11 et 14 du présent arrêt ;

- une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, assortie des intérêts et de la capitalisation de ceux-ci dans les conditions définies au point 14 du présent arrêt.

Article 4 : Le Conseil supérieur de l'audiovisuel versera à Mme B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus de la requête de Mme B...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller

Lu en audience publique, le 11 avril 2018.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA02028


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : TAURAND

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 11/04/2018
Date de l'import : 17/04/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17PA02028
Numéro NOR : CETATEXT000036795918 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-04-11;17pa02028 ?
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