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24/12/2020 | FRANCE | N°18MA04420

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 24 décembre 2020, 18MA04420


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Voies navigables de France (VNF) a déféré au tribunal administratif de Marseille, comme prévenus d'une contravention de grande voirie, par une première requête enregistrée sous le n° 1603061, M. I... et Mme A... et, par une seconde requête enregistrée sous le n° 1603062, Mme D... C... et M. G... B..., et a demandé à ce que le tribunal les condamne à la peine d'amende de 1 000 euros au titre de l'action publique, leur enjoigne de libérer le domaine public fluvial dans un délai d'un mois à compter de

la notification du jugement, sous peine, passé ce délai, de paiement d'une ast...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Voies navigables de France (VNF) a déféré au tribunal administratif de Marseille, comme prévenus d'une contravention de grande voirie, par une première requête enregistrée sous le n° 1603061, M. I... et Mme A... et, par une seconde requête enregistrée sous le n° 1603062, Mme D... C... et M. G... B..., et a demandé à ce que le tribunal les condamne à la peine d'amende de 1 000 euros au titre de l'action publique, leur enjoigne de libérer le domaine public fluvial dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous peine, passé ce délai, de paiement d'une astreinte de 75 euros par jour de retard et mette à leur charge la somme de 400 euros correspondant aux frais d'établissement du procès-verbal et de sa notification, au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1603061, 1603062 du 7 août 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille, après avoir joint ces deux demandes, a, à l'article 1er, condamné Mme C... et M. B... à payer une amende de 1 000 euros, à l'article 2, leur a enjoint, s'ils ne l'ont déjà fait, d'évacuer dans un délai d'un mois, le bateau portant devise " Forez ", du domaine public fluvial de la commune d'Arles, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration du délai d'un mois à compter de la notification du jugement, à l'article 3, mis à leur charge la somme de 50 euros au titre des frais d'établissement du procès-verbal et à l'article 4, rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 octobre 2018 et 25 mars 2019, sous le n° 18MA04420, Mme C... et M. B..., représentés par Me J..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 août 2018 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de les relaxer des poursuites engagées à leur encontre ;

3°) de mettre à la charge de Voies navigables de France la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- à titre principal, ils ne pouvaient être regardés comme étant les propriétaires du bateau à la date d'établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie ;

- à titre subsidiaire, ils n'avaient plus la qualité de gardien du bateau à cette même date ;

- le jugement attaqué est ainsi dépourvu d'effet utile.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 21 février et 12 juin 2019, Voies navigables de France (VNF) conclut au rejet de la requête de Mme C... et de M. B... et demande à la Cour de mettre à leur charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... et M. B... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de Mme C... et de M. B... dirigées contre l'article 4 du jugement attaqué qui a rejeté le surplus des conclusions de l'établissement Voies navigables de France tendant à ce qu'il soit infligé à M. I... et Mme A..., acheteurs de leur bateau, une contravention de grande voirie.

Vu :

- le procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 26 février 2016 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code pénal ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... et M. B... étaient propriétaires d'un bateau portant devise " Forez ", qu'ils ont vendu, le 23 septembre 2015, à M. I... et Mme A.... Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 26 février 2016 à leur encontre, au motif tiré de ce que ce bateau stationnait sans autorisation en rive gauche du Rhône au poste d'attente " Barriol " du chantier naval d'Arles. Un autre procès-verbal de contravention de grande voirie a été émis, le même jour, à l'encontre de M. I... et de Mme A.... Par deux requêtes distinctes, VNF a déféré au tribunal administratif de Marseille comme prévenus d'une contravention de grande voirie, d'une part, M. I... et Mme A... et, d'autre part, Mme C... et M. B.... Ces derniers relèvent appel du jugement du 7 août 2018 du tribunal administratif de Marseille qui, après avoir joint les deux requêtes, a, à l'article 1er, condamné Mme C... et M. B... à la peine d'amende de 1 000 euros résultant de cette infraction, leur a enjoint, à l'article 2, d'évacuer, dans un délai d'un mois, le bateau portant devise " Forez ", du domaine public fluvial de la commune d'Arles, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration du délai d'un mois à compter de la notification du jugement, à l'article 3, a mis à leur charge la somme de 50 euros au titre des frais d'établissement du procès-verbal et, à l'article 4, a rejeté le surplus des conclusions des requêtes.

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions de Mme C... et M. B... tendant à l'annulation de l'article 4 du jugement attaqué :

2. Mme C... et M. B... ne justifient pas d'un intérêt à faire appel de l'article 4 du jugement attaqué en tant que le tribunal a rejeté le surplus des conclusions de VNF tendant à ce qu'il soit infligé à M. I... et Mme A..., acheteurs de leur bateau, une contravention de grande voirie. Par suite, leurs conclusions tendant à l'annulation de cet article sont irrecevables et doivent, dès lors, être rejetées.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes des dispositions de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ".

4. La personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention.

5. Aux termes de l'article L. 4121-2 du code des transports : " Tout acte ou jugement translatif, constitutif ou déclaratif de propriété ou de droits réels sur un bateau mentionné à l'article L. 4111-1 est rendu public par une inscription faite à la requête de l'acquéreur ou du créancier, sur un registre tenu au greffe du tribunal de commerce du lieu de l'immatriculation. Il n'a d'effet à l'égard des tiers qu'à compter de cette inscription. ".

6. Il résulte de l'instruction que Mme C... et M. B... ont vendu leur bateau portant devise " Forez " à M. I... et Mme A..., par un acte du 23 septembre 2015 avant l'établissement du procès-verbal du 26 février 2016. Si cette vente n'a pas été inscrite sur le registre du greffe du tribunal de commerce compétent prévue par les dispositions de l'article L. 4121-2 du code des transports, les appelants établissent avoir tout mis en oeuvre pour que la mutation de propriété soit actée et opposable. Ainsi, M. B... a demandé l'enregistrement de la vente mais le service compétent lui a indiqué, par courrier du 1er décembre 2015, que cette démarche incombait à l'acquéreur conformément aux dispositions de l'article L. 4121-2 du code des transports. Il résulte d'autres courriels que les documents originaux nécessaires ont ensuite été transmis aux acquéreurs, toujours avant le 26 février 2016, lesquels avaient pris l'engagement d'effectuer les formalités. VNF avait, du reste, connaissance de la vente du bateau à M. I... et Mme A... dès lors que deux procès-verbaux d'infraction ont été dressés simultanément à l'encontre des vendeurs et des acquéreurs. Au surplus, il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'établissement de ces procès-verbaux d'infraction, M. I... et Mme A... n'avaient toujours pas procédé à cette inscription, en dépit de l'ordonnance rendue en ce sens par le juge des référés du tribunal de grande instance d'Amiens le 21 novembre 2018, sur assignation de Mme C... et M. B.... Par suite, dans les circonstances de l'espèce, à la date du 26 février 2016 à laquelle le procès-verbal de contravention de grande voirie a été établi, Mme C... et M. B... ne pouvaient plus être regardés par VNF comme les personnes qui avaient commis l'infraction de stationnement sans autorisation, ni comme les personnes pour le compte desquelles cette infraction avait été commise, ni comme les personnes ayant la garde du bateau, cause de la contravention, alors même que l'acte de vente n'avait pas fait l'objet par les acquéreurs des formalités d'enregistrement prévues à l'article L. 4121-2 du code des transports permettant de rendre la vente opposable aux tiers.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... et M. B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er à 3 du jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille les a condamnés à la peine d'amende de 1 000 euros et leur a enjoint d'évacuer, dans un délai d'un mois, le bateau portant devise " Forez " du domaine public fluvial de la commune d'Arles, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration du délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à leur charge la somme de 50 euros au titre des frais d'établissement du procès-verbal.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C... et M. B..., qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme demandée par Voies navigables de France, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Voies navigables de France la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme C... et de M. B... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 1er à 3 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 août 2018 sont annulés.

Article 2 : Mme C... et M. B... sont relaxés des fins de toute poursuite engagée contre eux par le procès-verbal de contravention de grande voirie du 26 février 2016.

Article 3 : Voies navigables de France versera à Mme C... et M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., à M. G... B... et à Voies navigables de France.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2020, où siégeaient :

- Mme E..., présidente de la Cour,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme H..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 décembre 2020.

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N° 18MA04420

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

24-01-03-01-03 DOMAINE. DOMAINE PUBLIC. PROTECTION DU DOMAINE. CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE. PERSONNE RESPONSABLE. - PRINCIPE - PERSONNE AYANT COMMIS OU POUR LE COMPTE DE LAQUELLE A ÉTÉ COMMISE L'ACTION À L'ORIGINE DE L'INFRACTION, OU PERSONNE SOUS LA GARDE DE LAQUELLE SE TROUVAIT L'OBJET CAUSE DE LA CONTRAVENTION - CAS DE VENDEURS D'UN BATEAU ÉTABLISSANT AVOIR ACCOMPLI DE NOMBREUSES DÉMARCHES AFIN D'OBLIGER LES ACQUÉREURS À PROCÉDER À L'INSCRIPTION PRÉVUE PAR L'ARTICLE L. 4121-2 DU CODE DES TRANSPORTS - PERSONNES RESPONSABLES - ABSENCE (1) [RJ1].

24-01-03-01-03 En vertu de l'article L. 4121-2 du code des transports, tout acte ou jugement translatif, constitutif ou déclaratif de propriété ou de droits réels sur un bateau est rendu public par une inscription faite à la requête de l'acquéreur ou du créancier, sur un registre tenu au greffe du tribunal de commerce du lieu de l'immatriculation. Il n'a d'effet à l'égard des tiers qu'à compter de cette inscription.,,,Mme Fournier et M. Quissac ont vendu leur bateau, par un acte du 23 septembre 2015 avant l'établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie. Si cette vente n'a pas fait l'objet par les acquéreurs de l'inscription sur le registre du greffe du tribunal de commerce compétent prévue par les dispositions de l'article L. 4121-2 du code des transports, les appelants établissent avoir tout mis en oeuvre pour que la mutation de propriété soit actée et opposable. VNF avait, du reste, connaissance de la vente du bateau dès lors que deux procès-verbaux d'infraction ont été dressés simultanément à l'encontre des vendeurs et des acquéreurs.... ,,Par suite, dans les circonstances de l'espèce, à la date à laquelle le procès-verbal de contravention de grande voirie a été établi, Mme Fournier et M. Quissac ne pouvaient plus être regardés par VNF comme les personnes qui avaient commis l'infraction de stationnement sans autorisation, ni comme les personnes pour le compte desquelles cette infraction avait été commise, ni comme les personnes ayant la garde du bateau, cause de la contravention, alors même que l'acte de vente n'avait pas fait l'objet par les acquéreurs des formalités d'enregistrement prévues à l'article L. 4121-2 du code des transports permettant de rendre la vente opposable aux tiers.


Références :

[RJ1]

Comp. CE, 27 février 1998, Ministre de l'équipement, des transports et du logement c/ Société Sogeba, n° 169259, p. 66, et CE du 22 avril 1988, S.A. Entreprise Dodin, n° 59512,,,,Cf. Cour Cass., 2 décembre 1942, Franck c/ Connot (JCP 1942 II 1766).


Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : CABINET CORNET-VINCENT-SEGUREL CVS AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 24/12/2020
Date de l'import : 27/01/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18MA04420
Numéro NOR : CETATEXT000042885580 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-24;18ma04420 ?
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