La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2020 | FRANCE | N°18NT03922

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 02 avril 2020, 18NT03922


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL de Lauture a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du préfet de la Mayenne du 16 décembre 2015 en tant qu'il fixe, en son article 9, la répartition des débits des deux microcentrales installées sur le seuil de la Richardière exploitées, l'une par elle-même, l'autre par la société hydraulique d'études et de missions d'assistance (SHEMA).

Par un jugement n° 1601746 du 17 août 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure deva

nt la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 octobre 2018, 6 novembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL de Lauture a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du préfet de la Mayenne du 16 décembre 2015 en tant qu'il fixe, en son article 9, la répartition des débits des deux microcentrales installées sur le seuil de la Richardière exploitées, l'une par elle-même, l'autre par la société hydraulique d'études et de missions d'assistance (SHEMA).

Par un jugement n° 1601746 du 17 août 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 octobre 2018, 6 novembre 2019 et 13 décembre 2019, la SARL de Lauture, représentée par Me Rémy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 août 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Mayenne du 16 décembre 2015 tant qu'il fixe, en son article 9, la répartition des débits des deux microcentrales installées sur le seuil de la Richardière ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

­ à titre principal, il est sollicité un sursis à statuer dans l'attente du jugement que le tribunal administratif est appelé à rendre dans une instance n°1909538 dans laquelle elle a sollicité l'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2010 par lequel le préfet de la Mayenne a accordé à la SHEMA l'autorisation d'exploiter dix-sept petites centrales hydroélectriques de La Mayenne, dont la seconde centrale de La Richardière ;

­ le préfet ne pouvait se fonder sur le jugement du tribunal de grande instance de Laval du 14 février 1966, qu'il n'a au demeurant pas produit, dès lors qu'il ne prévoit aucun ordre de priorité au profit de la SHEMA ;

­ le droit de priorité au bénéfice de la SHEMA qu'instituent les dispositions en litige porte atteinte au principe de gestion équilibrée de la ressource en eau visé à l'article L. 211-1 du code de l'environnement ;

­ il porte également atteinte au respect du droit des tiers visé à l'article L. 215-7 du code de l'environnement dès lors qu'elle bénéficie d'une antériorité d'exploitation ;

­ le jugement contesté a été pris en contradiction avec celui que le même tribunal a rendu le 7 décembre 2010 dans une autre affaire.

Par un mémoire, enregistré le 12 mars 2019, la société hydraulique d'études et de missions d'assistance (SHEMA), représentée par Me Lépée, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SARL de Lauture, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société de Lauture ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 7 novembre 2019, le ministre de la Transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient, en se rapportant notamment aux écritures du préfet de la Mayenne présentées en première instance, que :

­ la requête est irrecevable dès lors qu'en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-du code de justice administrative, elle ne contient aucun moyen d'appel ;

­ aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'énergie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. L'hirondel,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de Me Brunner, substituant Me Rémy, représentant la SARL de Lauture, et de Boyer, substituant Me Lépée, représentant la société hydraulique d'études et de missions d'assistance (SCHEMA).

Une note en délibéré présentée par la SARL de Lauture a été enregistrée le 11 mars 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL de Lauture exploite, sur le territoire de la commune d'Andouillé, au lieu-dit la Blinière, une microcentrale hydroélectrique sur la rive droite de la Mayenne, au droit du barrage de La Richardière. En rive gauche du même cours d'eau, et au droit de ce barrage, la société hydraulique d'études et de missions d'assistance (SHEMA) exploite une autre microcentrale hydroélectrique située sur le territoire de la commune de Montflours. Le 20 avril 2015, la SARL de Lauture a déposé un dossier de demande complet en vue d'obtenir le renouvellement de son autorisation. Par un arrêté du 16 décembre 2015, le préfet de la Mayenne a accordé le renouvellement sollicité en fixant, notamment, en son article 9, la répartition des débits entre les deux microcentrales exploitées par l'intéressée et la SHEMA. La SARL de Lauture relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 août 2018 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 9 de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 214-17 du code de l'environnement : " I. - Après avis des conseils départementaux intéressés, des établissements publics territoriaux de bassin concernés, des comités de bassins et, en Corse, de l'Assemblée de Corse, l'autorité administrative établit, pour chaque bassin ou sous-bassin : / (...) 2° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant. (...) ". Selon l'article L. 214-18 du même code : " I. - Tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d'amenée et de fuite. / Ce débit minimal ne doit pas être inférieur au dixième du module du cours d'eau en aval immédiat ou au droit de l'ouvrage correspondant au débit moyen interannuel, évalué à partir des informations disponibles portant sur une période minimale de cinq années, ou au débit à l'amont immédiat de l'ouvrage, si celui-ci est inférieur. (...). / II. - Les actes d'autorisation ou de concession peuvent fixer des valeurs de débit minimal différentes selon les périodes de l'année, sous réserve que la moyenne annuelle de ces valeurs ne soit pas inférieure aux débits minimaux fixés en application du I. En outre, le débit le plus bas doit rester supérieur à la moitié des débits minimaux précités. / Lorsqu'un cours d'eau ou une section de cours d'eau est soumis à un étiage naturel exceptionnel, l'autorité administrative peut fixer, pour cette période d'étiage, des débits minimaux temporaires inférieurs aux débits minimaux prévus au I. / III. - L'exploitant de l'ouvrage est tenu d'assurer le fonctionnement et l'entretien des dispositifs garantissant dans le lit du cours d'eau les débits minimaux définis aux alinéas précédents. / IV. - Pour les ouvrages existant à la date de promulgation de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, les obligations qu'elle institue sont substituées, dès le renouvellement de leur concession ou autorisation et au plus tard le 1er janvier 2014, aux obligations qui leur étaient précédemment faites. Cette substitution ne donne lieu à indemnité que dans les conditions prévues au III de l'article L. 214-17. (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que la rivière La Mayenne a été notamment portée sur la liste 2 des cours d'eau, tronçons de cours d'eau ou canaux classés au titre de l'article L. 214-17 du code de l'environnement. Par ailleurs, l'arrêté contesté, en son article 7, autorise la SARL de Lauture à faire usage des eaux de la rivière La Mayenne dans la limite d'un débit maximal dérivé de 10,6 mètres cubes par seconde (m3/s). Par un précédent arrêté du 7 décembre 2010, le préfet de la Mayenne a également autorisé la SHEMA à utiliser les mêmes eaux pour l'ouvrage hydraulique qu'elle exploite sur le site de la Richardière pour un débit maximal dérivé de 9 m3/s, puis de 13 m3/s à compter du 13 août 2015.

4. Pour fixer les prescriptions relatives aux débits et aux niveaux d'eau, le préfet de la Mayenne s'est fondé, ainsi qu'il résulte des motifs de la décision contestée, sur la nécessité " de réglementer la répartition des débits turbinés entre d'une part, la société SHEMA implantée en rive gauche de la rivière la Mayenne, et d'autre part, la société de Lauture implantée en rive droite de la Mayenne afin de maintenir un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces aquatiques dans le cours d'eau, à l'aval des ouvrages en application de l'article L. 214-18 du code de l'environnement ". En particulier, il a souhaité garantir la libre circulation de l'anguille à la montaison et à la dévalaison en application des dispositions de l'article L. 214-17 du code de l'environnement. A cette fin, l'article 9 contesté a pour objet de procéder à cette répartition en fixant quatre ordres de priorité. Il prévoit ainsi, lorsque le débit de la rivière est très faible, c'est-à-dire inférieur ou égal à 2,5 m3/s, de réserver ce débit en application de l'article L. 214-18 du code de l'environnement. Lorsque le débit est compris entre 2,5 m3 et 11,5 m3/s, 2,5 m3 sont consacrés au débit minimum réservé, le solde pouvant être utilisé par la SHEMA à hauteur de 9 m3. Lorsque le débit est compris entre 11,5 m3 et 22,1 m3/s, 2,5 m3 sont consacrés au débit minimum réservé, 9 m3 destinés à la SHEMA, le solde pouvant être utilisé par la SARL de Lauture à hauteur de 10,6 m3. Enfin lorsque le débit est compris entre 22,1 à 26,1 m3, 2,5 m3 sont consacrés au débit réservé, 10,6 m3 affectés à la SARL de Lauture et 9 m3 à la SHEMA qui peut, en plus, utiliser le solde jusqu'à 4 m3. Au-delà d'un débit de 26 m3, l'intégralité du débit est évacuée par surverse par le barrage.

5. Il résulte des écritures de première instance du préfet de la Mayenne que pour fixer ces rangs de priorité, le préfet a pris en compte les caractéristiques des ouvrages exploités respectivement par la SARL de Lauture et la SHEMA, au regard de leur performance, pour assurer la protection des intérêts visés aux articles L. 214-17 et L. 214-18 du code de l'environnement. Ainsi, il a pris en compte la circonstance que l'ouvrage exploité par la SHEMA était équipé de turbines ichtyophiles et d'une passe à anguilles, ce qui participe à la protection des milieux aquatiques, et répond à un des objectifs institués par le schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) en améliorant sensiblement la continuité écologique au passage des seuils de la Mayenne qui étaient jusqu'alors infranchissables. La société de Lauture n'avait, en revanche, mis en place aucun dispositif particulier pour répondre à cette obligation. Par suite, le préfet a pu, compte tenu de la situation particulière des deux ouvrages hydrauliques qui se situent au même niveau par rapport à la rivière La Mayenne, réglementer l'usage de l'eau afin de maintenir, lorsque le débit de la Mayenne est insuffisant pour permettre une exploitation simultanée des deux ouvrages hydrauliques, un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces aquatiques dans le cours d'eau, à l'aval des ouvrages. Il ne résulte pas, par ailleurs, de l'instruction que les installations de la société requérante seraient mieux à même, dans une telle circonstance, de garantir la continuité écologique, en particulier en ce qui concerne le passage des anguilles, que celles exploitées par la SHEMA. L'ordre de priorité n'étant pas ainsi institué au regard du décret de concession du 4 juillet 1959, ni au regard du jugement du tribunal de grande instance du 14 février 1996, la société requérante ne saurait utilement faire valoir que le préfet aurait illégalement accordé un droit de priorité à la SHEMA en se fondant sur ce texte ou sur ce jugement.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 215-7 du code de l'environnement : " L'autorité administrative est chargée de la conservation et de la police des cours d'eau non domaniaux. Elle prend toutes dispositions pour assurer le libre cours des eaux. / Dans tous les cas, les droits des tiers sont et demeurent réservés. ". Aux termes de l'article L. 215-8 de ce code : " Le régime général de ces cours d'eau est fixé, s'il y a lieu, de manière à concilier les intérêts des diverses catégories d'utilisateurs de leurs eaux avec le respect dû à la propriété et aux droits et usages antérieurement établis, après enquête d'utilité publique, par arrêté du ministre dont relève le cours d'eau ou la section du cours d'eau. ". Aux termes de l'article L. 215-10 du même code : " I.- Les autorisations ou permissions accordées pour l'établissement d'ouvrages ou d'usines sur les cours d'eaux non domaniaux peuvent être révoquées ou modifiées sans indemnité de la part de l'Etat exerçant ses pouvoirs de police dans les cas suivants : / (...) 3° Dans les cas de la réglementation générale prévue à l'article L. 215-8 ; / (...) / I bis.- A compter du 1er janvier 2014, en application des objectifs et des orientations du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, sur les cours d'eau classés au titre du I de l'article L. 214-17, les autorisations ou permissions accordées pour l'établissement d'ouvrages ou d'usines peuvent être modifiées, sans indemnité de la part de l'Etat exerçant ses pouvoirs de police, dès lors que leur fonctionnement ne permet pas la préservation des espèces migratrices vivant alternativement en eau douce et en eau salée. / II.- Les dispositions du I et du I bis sont applicables aux permissions ou autorisations accordées en vertu des articles L. 214-1 à L. 214-6, ou antérieurement à la mise en vigueur de ces dispositions, ainsi qu'aux établissements ayant une existence légale et aux entreprises concédées ou autorisées en application du titre Ier du livre V du code de l'énergie. Les modifications apportées en application du I bis du présent article aux concessions visées par le titre II du livre V du code de l'énergie n'ouvrent droit à indemnité que si elles entraînent un bouleversement de l'équilibre économique du contrat. ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'il revient à l'autorité administrative de prendre les mesures appropriées pour assurer le libre cours des eaux d'un cours d'eau non domanial, notamment en révoquant ou modifiant les autorisations ou permissions accordées pour l'établissement d'ouvrages ou d'usines sur les cours d'eau afin notamment de préserver les espèces migratrices vivant alternativement en eau douce et en eau salée. Elles n'ont pas, en revanche, pour objet, de réglementer l'usage de l'eau entre différents exploitants hydrauliques, en prévoyant notamment un ordre de priorité qui serait fixé sur une antériorité d'exploitation, mais seulement de concilier les intérêts des diverses catégories d'utilisateurs de cette eau. Par suite, compte tenu de ce qui a été dit précédemment aux points 4 et 5 tenant à la nécessité d'assurer la libre circulation de l'anguille à la montaison et à la dévalaison, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions en litige ont été prises en méconnaissance des dispositions de l'article L. 215-7 du code de l'environnement.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ; / 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu'il s'agisse des eaux superficielles, souterraines ou des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales ; / 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ; / 4° Le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau ; / 5° La valorisation de l'eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource ; / 5° bis La promotion d'une politique active de stockage de l'eau pour un usage partagé de l'eau permettant de garantir l'irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l'étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales ; / 6° La promotion d'une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau ; / 7° Le rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques. / Un décret en Conseil d'Etat précise les critères retenus pour l'application du 1°. / II. - La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : / 1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ; / 2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ; 3° De l'agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l'industrie, de la production d'énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées. / III. - La gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, en particulier des moulins hydrauliques et de leurs dépendances, ouvrages aménagés pour l'utilisation de la force hydraulique des cours d'eau (...). ".

9. Il résulte de ces dispositions que la valorisation de l'eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource constitue l'un des objectifs de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau dont les autorités administratives chargées de la police de l'eau doivent assurer le respect. Il appartient ainsi à l'autorité administrative compétente, lorsqu'elle autorise au titre de cette police de l'eau des installations ou ouvrages de production d'énergie hydraulique, de concilier ces différents objectifs dont la préservation du patrimoine hydraulique. Ainsi qu'il a été dit précédemment, l'ordre de priorité a été fixé pour permettre, compte tenu de la présence de deux ouvrages hydrauliques, de préserver la continuité écologique de la rivière La Mayenne, notamment en ce qui concerne l'anguille, lorsque le débit de la rivière est insuffisant pour permettre l'exploitation simultanée des deux microcentrales hydroélectriques sans remettre en cause la continuité écologique. Par suite, l'article 9 de l'arrêté contesté, en permettant en priorité à la SHEMA, d'utiliser 9 m3 sur les 13 m3 dont elle dispose, pour exploiter son ouvrage hydraulique au motif qu'elle possède les installations les mieux à même pour préserver les intérêts visés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement, n'a pas méconnu les dispositions de cet article.

10. En quatrième lieu, par un jugement du 7 décembre 2010, confirmé par un arrêt de la cour du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande présentée par la société Socardel tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2010 portant règlement d'eau par lequel le préfet de la Mayenne a autorisé la SHEMA à exploiter les seize installations hydroélectriques qu'elle exploite sur la rivière La Mayenne et, d'autre part, à ce qu'elle soit rétablie dans sa priorité de débit en ce qui concerne les ouvrages hydroélectriques qu'elle exploite au niveau des barrages de la Fourmondière Supérieure et de La Fourmondière Inférieure. La société requérante n'est pas, par suite, fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait méconnu l'autorité de chose jugée attachée à ce jugement dès lors qu'il n'est revêtu que d'une autorité relative de chose jugée et qu'il n'y a pas d'identité d'objet, de cause et de parties entre ce litige et le litige de la SARL de Lauture.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, ni de sursoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal administratif de Nantes sur la requête par laquelle la société requérante a demandé l'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2010 accordant à la société SHEMA l'autorisation d'exploiter 17 petites centrales hydroélectriques dont la seconde centrale de La Richardière, que la SARL de Lauture n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL de Lauture demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SARL de Lauture une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SHEMA et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL de Lauture est rejetée.

Article 2 : La SARL de Lauture versera à la SHEMA la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL de Lauture, au ministre de la Transition écologique et solidaire et à la Société hydraulique d'études et de missions d'assistance (SHEMA).

Délibéré après l'audience du 10 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président,

- M. L'hirondel, premier conseiller,

- M. Giraud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 2 avril 2020.

Le rapporteur,

M. L'HIRONDELLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°18NT03922


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03922
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : CABINET JEAN-FRANCOIS REMY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-04-02;18nt03922 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award