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20/06/2019 | FRANCE | N°18PA00724

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 juin 2019, 18PA00724


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 28 février 2018, un nouveau mémoire, enregistré le 22 mars 2019, et un mémoire en production de pièce enregistré le 25 avril 2019, le syndicat national de l'enseignement privé CFE.CGC (SYNEP CFE-CGC), le syndicat national de l'enseignement privé initial (SNEIP-CGT) et la fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture CGT (FERC-CGT), représentés par Me Bernard, demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2017 de la ministre du travail fixant la liste des organisations syndi

cales reconnues représentatives dans la convention collective nationale de l'ens...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 28 février 2018, un nouveau mémoire, enregistré le 22 mars 2019, et un mémoire en production de pièce enregistré le 25 avril 2019, le syndicat national de l'enseignement privé CFE.CGC (SYNEP CFE-CGC), le syndicat national de l'enseignement privé initial (SNEIP-CGT) et la fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture CGT (FERC-CGT), représentés par Me Bernard, demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2017 de la ministre du travail fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective nationale de l'enseignement agricole privé ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté contesté a été pris au visa de l'avis du Haut conseil du dialogue social en date des 19 juillet 2017 et 18 septembre 2017 ; or l'avis qui aurait été émis le 19 juillet 2017 n'a pas été communiqué aux organisations requérantes malgré leurs demandes ; par suite, faute pour la direction générale du travail de produire cet avis, celui-ci devra être regardé comme n'existant pas, et l'arrêté litigieux annulé comme fondé sur un avis qui n'existe pas ;

- l'arrêté litigieux du 22 décembre 2017 a été pris par la ministre du travail après avis préalable du Haut conseil du dialogue social émis dans sa séance du 18 septembre 2017 ; or la composition irrégulière de ce dernier lors de cette séance a eu pour conséquence de vicier son avis et, par voie de conséquence, d'entacher d'irrégularité l'arrêté contesté ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit, aucun texte législatif n'autorisant la ministre du travail, pour apprécier si le taux de 8 % mentionné à l'article L. 2122-5 du code du travail était atteint, à agréger les résultats des différentes conventions collectives fusionnées ensuite dans la convention collective nationale de l'enseignement privé à but non lucratif sans tenir compte de leurs poids respectifs ;

- le vote des enseignants agents de l'Etat ne pouvait être pris en compte dans la détermination de la représentativité des organisations syndicales au niveau de la branche ; l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui précisent que " Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises " ;

- pour apprécier le niveau de représentativité des organisations syndicales, il n'est pas possible de comptabiliser différemment les suffrages exprimés au sein des établissements, selon que ceux-ci ont ou non prévu un collège spécifique pour les enseignants agents de l'Etat, sauf à méconnaître les dispositions de l'article L. 2122-5 du code du travail.

Par un mémoire, enregistré le 11 avril 2018, le syndicat professionnel de l'enseignement libre catholique, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 1 500 euros soit mis à la charge de chacune des organisations syndicales requérantes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le syndicat national de l'enseignement privé CFE.CGC (SYNEP CFE-CGC), le syndicat national des personnels de l'enseignement et de la formation privés CGT (SNPEFP-CGT), le syndicat national de l'enseignement privé initial (SNEIP-CGT) et la fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture CGT (FERC-CGT) ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 19 avril 2018, et un nouveau mémoire, enregistré le 3 mai 2019, la confédération française des travailleurs chrétiens, représentée par la SCP de Nervo et Poupet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge du syndicat national de l'enseignement privé CFE.CGC, du syndicat national des personnels de l'enseignement et de la formation privés CGT, du syndicat national de l'enseignement privé initial et de la fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture CGT, le versement de la somme de 1 000 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle conclut, à titre subsidiaire, à ce qu'il plaise à la cour de différer l'annulation au plus tôt six mois après la lecture de sa décision.

Elle soutient que les moyens soulevés par le syndicat national de l'enseignement privé CFE.CGC (SYNEP CFE-CGC), le syndicat national des personnels de l'enseignement et de la formation privés CGT (SNPEFP-CGT), le syndicat national de l'enseignement privé initial (SNEIP-CGT) et la fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture CGT (FERC-CGT) ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 et 7 mai 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens présentés par les organisations syndicales requérantes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation, et notamment son article L. 442-5 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me Bernard, avocat du syndicat national de l'enseignement privé CFE.CGC (SYNEP CFE-CGC), du syndicat national de l'enseignement privé initial (SNEIP-CGT) et de la fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture CGT (FERC-CGT), et de Me Poupet, avocat de la confédération française des travailleurs chrétiens.

Une note en délibéré a été présentée le 13 mai 2019 pour la confédération française des travailleurs chrétiens.

Considérant ce qui suit :

Sur la légalité de l'arrêté contesté du 22 décembre 2017, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

1. Par l'arrêté litigieux du 22 décembre 2017 dont les organisations syndicales requérantes demandent l'annulation, la ministre du travail a reconnu représentatives dans la convention collective nationale de l'enseignement agricole privé (n° 7520) la confédération française démocratique du travail (CFDT), la confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) et le syndicat professionnel de l'enseignement libre catholique (SPELC), avec un " poids " respectif de 71,27 %, de 17,30 % et de 11,42 % pour la négociation, dans cette branche, des accords collectifs en application de l'article L. 2232-6 du code du travail.

2. Aux termes de l'article L. 2121-1 du code du travail : " La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : / 1° Le respect des valeurs républicaines ; / 2° L'indépendance ; / 3° La transparence financière ; / 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; / 5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 ; / 6° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; / 7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations. " et aux termes de l'article L. 2122-5 du même code : " Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations syndicales qui : / 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ; / 2° Disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ; / 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part, des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, et, d'autre part, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans. ".

3. Le 24 novembre 2016 a été signée la convention collective nationale de l'enseignement agricole privé (CNEAP- IDCC 7520), qui remplaçait en les fusionnant trois conventions collectives préexistantes (la convention collective nationale des personnels de formation du 4 novembre 1993 (IDCC 7505), la convention collective nationale des personnels de surveillance, d'encadrement, d'animation et d'éducation des établissements de l'enseignement agricole privé du 14 juin 1990 (IDCC 7506) et la convention collective nationale des personnels administratifs et techniques du 1er septembre 1996 (IDCC 7507).

4. Certaines organisations syndicales de l'enseignement agricole privé (la FERC-CGT, le SYNEP CFE-CGC et le SNFOEP) avaient fait valoir, par un courrier adressé le 6 décembre 2016 à la ministre du travail, que les personnels enseignants, fonctionnaires ou agents publics, exerçant dans un établissement d'enseignement agricole privé, avaient eu la possibilité de participer aux élections aux institutions représentatives dans les mêmes conditions que les autres salariés de ces établissements, alors que leurs votes, d'autant plus qu'ils forment un effectif très important, ne devraient pas être pris en compte dans la mesure de l'audience pour la détermination des organisations syndicales représentatives dès lors que, bien qu'ils participent à la communauté de travail, ils ne peuvent se prévaloir légalement des stipulations de la convention collective nationale de l'enseignement agricole privé (IDCC 7520) puisqu'ils relèvent d'un statut. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des déclarations d'un agent de la direction générale du travail lors de la séance du Haut conseil du dialogue social du 18 septembre 2017, confirmées par la ministre du travail dans son mémoire en défense enregistré les 6 et 7 mai 2019, que la ministre du travail, lors de la centralisation de l'ensemble des procès-verbaux des élections organisées dans les établissements d'enseignement couverts par la convention collective nationale de l'enseignement agricole privé, n'a pas pris en compte quatre procès-verbaux de votants qui étaient exclusivement composés des maîtres de l'enseignement, agents publics. Dès lors que l'organisation des élections ne prévoyait pas l'existence d'urnes distinctes, il appartenait à la ministre du travail de se fonder, ainsi que le prévoient les dispositions précitées de l'article L. 2122-5 du code du travail, sur les résultats des élections, sans qu'il lui soit permis d'opérer la distinction à laquelle elle a procédé, dans le décompte, selon qu'il existait ou non des urnes distinctes pour le vote des seuls maîtres de l'enseignement, agents publics. Par suite, l'arrêté litigieux du 22 décembre 2017 doit être annulé.

Sur les frais liés à l'instance :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement, au titre des frais liés à l'instance, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de la somme de 1 500 euros au syndicat national de l'enseignement privé CFE.CGC (SYNEP CFE-CGC), au syndicat national de l'enseignement privé initial (SNEIP-CGT) et à la fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture CGT (FERC-CGT), pris solidairement.

6. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance ; dès lors, les conclusions présentées à ce titre par la confédération française des travailleurs chrétiens et par le syndicat professionnel de l'enseignement libre catholique doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur l'application du présent arrêt dans le temps :

7. D'une part, eu égard à la circonstance que plusieurs accords ont été signés depuis l'édiction de l'arrêté attaqué, notamment en matière de conditions de couverture complémentaire santé, laquelle concerne un nombre très important de salariés, il y a lieu de limiter dans le temps les effets de l'annulation prononcée ci-dessus. D'autre part, il est loisible à la ministre du travail d'édicter sans délai un nouvel arrêté fondé sur un calcul exact des suffrages exprimés. L'arrêté contesté a produit effet de sa date de publication au Journal officiel le 30 décembre 2017 jusqu'à la lecture du présent arrêt. Par suite, il n'y a pas lieu de prévoir que l'annulation prendra effet à une date ultérieure à celle du présent arrêt la prononçant, soit le 20 juin 2019, mais seulement de disposer que, sous réserve des actions contentieuses engagées à cette dernière date contre les actes pris sur son fondement, les effets de l'arrêté litigieux doivent être regardés comme définitifs.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 22 décembre 2017 de la ministre du travail est annulé.

Article 2 : Sous réserve des actions contentieuses engagées à la date du 20 juin 2019 contre les actes pris sur son fondement, les effets de cet arrêté antérieurs à cette annulation doivent être réputés définitifs.

Article 3 : L'Etat versera, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros au syndicat national de l'enseignement privé CFE.CGC (SYNEP CFE-CGC), au syndicat national de l'enseignement privé initial (SNEIP-CGT) et à la fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture CGT (FERC-CGT), pris solidairement.

Article 4 : Les conclusions présentées par la confédération française des travailleurs chrétiens et par le syndicat professionnel de l'enseignement libre catholique, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat national de l'enseignement privé CFE.CGC (SYNEP CFE-CGC), au syndicat national de l'enseignement privé initial (SNEIP-CGT), à la fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture CGT (FERC-CGT), à la ministre du travail, à la confédération française des travailleurs chrétiens, à la confédération française démocratique du travail et au syndicat professionnel de l'enseignement libre catholique.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2019.

Le rapporteur,

I. LUBENLe président,

J. LAPOUZADELe greffier,

Y. HERBER

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 18PA00724


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00724
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-05-01 Travail et emploi. Syndicats. Représentativité.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BERNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-20;18pa00724 ?
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