La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/12/2020 | FRANCE | N°18VE03698

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 08 décembre 2020, 18VE03698


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Areva a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008.

Par un jugement n° 1701452 du 5 juillet 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la SA Areva des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des contributions sociales afférentes mises à sa charge au titre de l'exercice clos

2008, correspondant à une réduction de la base imposable de 523 628 698 euros.

Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Areva a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008.

Par un jugement n° 1701452 du 5 juillet 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la SA Areva des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des contributions sociales afférentes mises à sa charge au titre de l'exercice clos 2008, correspondant à une réduction de la base imposable de 523 628 698 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2018, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de rétablir les impositions dont la décharge a été prononcée par les premiers juges ;

3° d'annuler le rétablissement du déficit de l'exercice 2008 prononcé à hauteur de 25 461 756 euros.

Le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS soutient que les titres du groupe Suez détenus par la SA Areva ne peuvent être qualifiés de titres de participation dès lors que l'intention de la SA Areva lors du rachat des titres du groupe Suez à la société Cogema en 2005 était de réduire l'exposition du portefeuille de couverture de cette société aux variations d'une seule ligne de titres, que la participation de la SA Areva au capital de Suez ne lui permettait pas d'exercer son influence et que la ligne de titres Suez ne présentait pas par elle-même d'intérêt stratégique et n'était pas nécessaire au développement des relations commerciales entre la SA Areva et le groupe Suez.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n°2020-1404 du 18 novembre 2020 ;

- le décret n°2020-1405 du 18 novembre 2020 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... ;

- les observations de Me Quentin, avocat de la SA Areva ;

- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SA Areva a acquis en septembre 2005, auprès de la société Cogema, sa filiale à 100 %, des titres de la société Suez pour un montant global de 646 302 925 euros qu'elle a classés au mois de décembre 2005 en titres de participation. A la suite de la filialisation de l'activité environnementale de la société Suez puis de la fusion des sociétés Suez et EDF le 2 juillet 2008, la SA Areva a inscrit à l'actif les titres GDF-Suez pour une valeur de 1 136 000 142 euros en contrepartie de la sortie du bilan des titres Suez pour une valeur de 585 412 049 euros. La SA Areva a soumis la plus-value réalisée au régime des plus-values à long terme en application des dispositions du a) quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts prévoyant une imposition au taux de 0 % et l'imposition au taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés d'une quote-part de frais et charges de 5 % de la plus-value. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause la qualification de titres de participation des titres Suez détenus par la SA Areva et a soumis l'intégralité de la plus-value au taux de droit commun. La SA Areva a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la réduction du supplément de base imposable mis à sa charge résultant de ces rectifications. Le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS relève appel du jugement de ce tribunal en date du 5 juillet 2018 faisant droit à cette demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

2. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 (...) est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. ". Aux termes de l'article L. 59 du même livre : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 H du [code général des impôts] (...) ".

3. La commission nationale des impôts ayant été saisie, il revient au MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS, en application des dispositions précitées, d'établir le bien-fondé des impositions en litige.

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

4. En vertu des dispositions du a) quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés, le taux d'imposition du montant net des plus-values à long terme afférentes à des titres de participation est fixé, sous réserve de la prise en compte d'une quote-part de frais et charges dans le résultat imposable, à 0 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007. Les mêmes dispositions énoncent que : " Les titres de participation mentionnés au premier alinéa sont les titres de participation revêtant ce caractère sur le plan comptable (...) ". Le plan comptable général précise que les titres de participation sont ceux dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d'en assurer le contrôle. Une telle utilité, qui ne saurait se réduire à l'influence ou au contrôle de la société émettrice des titres, peut également être caractérisée si les conditions d'achat des titres en cause révèlent, au moment de l'acquisition, l'intention de l'acquéreur de créer un lien durable avec la société émettrice et que cette acquisition, notamment par les prérogatives juridiques qu'elle confère à l'acquéreur, contribue de façon significative à l'exercice de son activité.

5. Il résulte de l'instruction que, à la suite de l'opération de rachat de titres, la SA Areva, bien que cinquième, puis quatrième actionnaire de référence du groupe Suez à compter de 2008, ne détenait que 2,2 % du capital de celui-ci, représentant 2 % des droits de vote, ces droits de vote ne devant s'élever à 3,7 % qu'à l'issue d'une période de deux ans de détention, et ce, au demeurant, alors que les actions étaient déjà détenues précédemment à cette opération, certes au niveau du groupe, et que le doublement des droits de vote lui était déjà acquis. En outre, le représentant de l'Etat, lors de la séance du conseil de surveillance de la SA Areva du 19 septembre 2005, est intervenu en vue de ce qu'il soit précisé que le rachat des titres Suez par la société Areva à sa filiale ne supposait pas d'engagement de leur conservation et que le classement comptable retenu dans les comptes consolidés ne puisse obérer la capacité de les céder. Enfin, si la SA Areva se prévalait de la présence de Mme A... C... au conseil d'administration du groupe Suez, celle-ci, qui était à la fois la présidente de la société Cogema et la présidente du directoire de la SA Areva, y siégeait, en qualité d'administrateur indépendant, avant comme après le rachat des titres litigieux. Le ministre établit ainsi que l'acquisition de ces titres ne conférait pas à la société Areva les moyens d'exercer un contrôle effectif sur le groupe Suez.

6. Il résulte également de l'instruction que les deux groupes Suez et Areva entretenaient déjà des relations d'affaires avant l'opération de rachat et que leur rapprochement était inévitable sur un marché tel que celui du nucléaire, lequel ne compte qu'un nombre d'acteurs restreint. Il n'apparaît pas que la prise de participation ait contribué de façon significative, au cours de la période de détention des titres Suez par la SA Areva, à l'activité de cette dernière, laquelle ne fait pas état de l'accès à de nouveaux marchés, y compris à l'étranger, en lien avec cette prise de participation. Ainsi, si le chiffre d'affaires réalisé avec le groupe Suez est passé, entre 2005 et 2009 soit au cours de la période pendant laquelle elle détenait une participation dans le capital de ce groupe, de 43 millions d'euros à 138 millions d'euros, cette progression doit être mise en rapport avec le chiffre d'affaires de la SA Areva, supérieur à 10 milliards d'euros au cours de la même période, et avec l'évolution de la valeur des titres, dont le montant total est passé de 585 412 049 euros lors de l'achat en 2005 à 1 136 600 142 d'euros lors de la fusion de la société Suez et de la société Gaz de France, le 22 juillet 2008. Si la société, qui n'étaye que très peu son propos sur l'intérêt commercial qu'aurait représenté sa prise de participation dans le groupe Suez, se prévaut de la réalisation d'un réacteur européen à eau pressurisée (EPR) au Tricastin, il est constant que ce projet était en discussion entre les deux groupes dès 2004 soit avant le rachat des titres. Enfin, il est constant que la prise de participation de la société Areva dans le groupe Suez ne lui a conféré aucune prérogative juridique. Ainsi, le ministre établit que l'acquisition des titres du groupe Suez par la SA Areva ne révèle pas par elle-même l'intention de la SA Areva de créer un lien durable avec le groupe Suez, nécessaire pour le développement des relations entre les deux groupes.

7. Il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est, sur le terrain de la loi fiscale, fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a retenu que les titres litigieux constituaient des titres de participation.

En ce qui concerne l'application de la doctrine :

8. La société AREVA doit être regardée comme se prévalant des énonciations de la doctrine administrative référencée 4 B 2243 § 53 reprise au BOI-BIC-PVMV-30-10 § 130, laquelle énonce que : " La qualification des parts ou actions en titres de participation repose pour une large part sur les motifs qui ont conduit l'entreprise à les acquérir. L'affectation opérée par l'entreprise au compte " titres de participation " ou à un autre compte du bilan constitue, sur le plan fiscal, une présomption simple de leur exacte qualification au regard de la définition des titres de participation. Cependant, la rectification par l'administration de la position retenue par l'entreprise ne doit intervenir que si des indices permettent d'établir que l'affectation comptable des titres ne correspond manifestement pas à leur qualification réelle (sous réserve du cas où les titres ouvrent droit au régime des sociétés mères et représentent au moins 5 % des droits de vote de la filiale) ".

9. Toutefois ces énonciations qui, par ailleurs, ne posent pas une règle d'interprétation de la loi fiscale à portée générale, se bornent à donner des recommandations destinées aux agents de l'administration fiscale, pour les besoins de leurs opérations de contrôle. Dès lors, elles ne constituent pas une interprétation formelle de la loi fiscale, susceptible d'être opposée à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de l'invocation de la doctrine doit être écarté comme inopérant.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il y a lieu, par suite, d'en prononcer l'annulation, et de rejeter la demande de première instance de la société Areva, ainsi que ses conclusions d'appel tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 1701452 en date du 5 juillet 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SA Areva devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée, ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

2

N° 18VE03698


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03698
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Plus-values de cession de droits sociaux, boni de liquidation.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Manon HAMEAU
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : SELARL HOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-08;18ve03698 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award