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13/03/2020 | FRANCE | N°19NT00081

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 13 mars 2020, 19NT00081


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement foncier agricole (GFA) des Rouges Terres de la Forêt a demandé au tribunal administratif de Nantes de le décharger de l'obligation de payer la somme de 30 086 euros mise à sa charge par l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) au titre du recouvrement d'un indu d'aide aux investissements vitivinicoles.

Par un jugement n° 1602981 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement foncier agricole (GFA) des Rouges Terres de la Forêt a demandé au tribunal administratif de Nantes de le décharger de l'obligation de payer la somme de 30 086 euros mise à sa charge par l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) au titre du recouvrement d'un indu d'aide aux investissements vitivinicoles.

Par un jugement n° 1602981 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 janvier et 1er août 2019 et le 6 janvier 2020 le GFA des Rouges Terres de la Forêt, représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 décembre 2018 ;

2°) de le décharger de l'obligation de payer la somme de 30 086 euros mise à sa charge par FranceAgriMer ;

3°) de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les contrôleurs n'ayant pas reçu son accord pour pénétrer sur son exploitation, la décision du 15 mars 2016 par laquelle le directeur général de FranceAgriMer lui a réclamé le remboursement de la somme en litige est fondée sur une procédure irrégulière, en méconnaissance notamment de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ce moyen de procédure est recevable en vertu du droit européen ;

- FranceAgriMer a méconnu les dispositions du 4 de l'article 73 du règlement (CE) n°796/2004 du 21 avril 2004 qui prévoient que l'obligation de remboursement ne s'applique pas lorsque le paiement a été effectué à la suite d'une erreur de l'autorité compétente qu'il ne pouvait raisonnablement déceler ;

- c'est à tort que FranceAgriMer a écarté de l'assiette de l'aide européenne les dépenses qu'il a engagées au titre du poste " voiries réseaux ".

Par des mémoires en défense enregistrés les 16 juillet et 24 décembre 2019 FranceAgriMer, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge du GFA des Rouges Terres de la Forêt la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen soulevé en appel et tiré du vice de procédure est irrecevable ;

- les autres moyens soulevés par le GFA des Rouges Terres de la Forêt ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 796/2004 de la Commission du 21 avril 2004 portant modalités d'application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et portant modalités d'application de la conditionnalité prévue par le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil ;

- le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole ;

- le règlement (CE) 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 fixant les modalités d'application du règlement (CE) 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 2009-178 du 16 février 2009 ;

- l'arrêté interministériel du 17 avril 2009 définissant les conditions de mise en oeuvre de la mesure de soutien aux investissements éligibles au financement par les enveloppes nationales en application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole ;

- la décision du directeur général de FranceAgriMer du 17 février 2010 relative à la mise en place par FranceAgriMer d'une aide aux programmes d'investissements des entreprises en application des règlements (CE) n° 479/2008 du 29 avril 2008 et n° 555/2008 du 27 juin 2008 ;

- l'arrêt C-59/17 du 7 août 2018 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- les observations de Me B..., représentant le GFA des Rouges Terres de la Forêt et de Me C..., représentant FranceAgriMer.

Considérant ce qui suit :

1. Le GFA des Rouges Terres de la Forêt, qui exploite des vignes en Loire-Atlantique, a sollicité, le 10 décembre 2009, une subvention du Fonds Européen Agricole de Garantie (FEAGA) pour l'aider à financer la construction d'un hall logistique. Par une première décision du 16 août 2010, FranceAgriMer lui a accordé une subvention de 263 475,94 euros correspondant à une assiette de dépenses éligibles de 658 689,84 euros. Sur une réclamation du groupement du 9 janvier 2013, FranceAgriMer, par une décision modificative du 26 mars 2013, a porté l'aide maximale allouée à la somme de 313 586,94 euros, après avoir accepté de prendre en compte le poste de dépenses " voiries-réseaux divers ", initialement écarté, pour un montant estimé de 125 525 euros. Mais, à la suite d'un contrôle sur place réalisé les 9 et 10 décembre 2014, une partie de ces dernières dépenses, pour un montant total de 75 215 euros, a été regardée comme inéligible à l'aide concernée. Le 15 mars 2016, le directeur général de FranceAgriMer a donc émis un titre de recette d'un montant de 30 086 euros à l'encontre du GFA des Rouges Terres de la Forêt, correspondant à la somme indûment allouée à ce groupement. Celui-ci a demandé au tribunal administratif de Nantes de le décharger de l'obligation de payer cette somme. Par un jugement du 20 décembre 2018, le tribunal a rejeté sa demande. Le GFA des Rouges Terres de la Forêt relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 30 086 euros :

2. En premier lieu, l'article 76 du règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 impose aux Etats membres de réaliser des contrôles administratifs et des contrôles sur place, notamment pour recouvrer les paiements indus et l'article 78 du même règlement prévoit que " 1. Les contrôles sur place sont effectués de manière inopinée. Un préavis limité au strict nécessaire peut toutefois être donné, pour autant que cela ne nuise pas à l'objectif du contrôle. Le préavis ne dépasse pas 48 heures, sauf dans des cas dûment justifiés ou dans le cas des mesures pour lesquelles des contrôles sur place systématiques sont prévus. ". Dans un arrêt C-59/17 du 7 août 2018 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que ces dispositions du règlement du 27 juin 2008 doivent être interprétées en ce sens qu'elles n'autorisent pas les agents qui procèdent à un contrôle sur place à pénétrer sur une exploitation agricole sans avoir obtenu l'accord de l'exploitant.

3. Il résulte de l'instruction que le contrôle dont a fait l'objet le GFA des Rouges Terres de la Forêt les 9 et 10 décembre 2014, et dont il avait d'ailleurs été avisé par un courrier du

4 décembre 2014, a porté sur des installations fermées au public auxquelles les agents en charge du contrôle n'ont pu avoir accès qu'après y avoir été autorisés, le gérant du groupement étant d'ailleurs présent lors du contrôle. Il ne résulte en outre ni du rapport de contrôle ni d'aucun des autres éléments de l'instruction que le GFA aurait manifesté une quelconque opposition à ce contrôle. Par suite, le moyen tiré de ce que le titre de recette contesté serait fondé sur des éléments matériels constatés à l'occasion d'un contrôle irrégulier doit, en tout état de cause, être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 : " 1. Un soutien peut être accordé pour des investissements matériels ou immatériels dans les installations de transformation, l'infrastructure de vinification, la commercialisation du vin qui améliorent les performances globales de l'entreprise et concernent un ou plusieurs des points suivants : a) la production ou la commercialisation des produits (...) ". L'article 17 du règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 dispose : " (...) Sont admissibles les dépenses relatives : a) à la construction, à l'acquisition, y compris par voie de crédit-bail, et à la rénovation de biens immeubles ; ". Ces dispositions sont mises en oeuvre en droit interne par le décret du 16 février 2009 modifié par le décret n° 2013-148 du 19 février 2013, qui dispose à son article 2 : " Des arrêtés conjoints des ministres chargés de l'agriculture et du budget précisent les conditions et les modalités d'attribution des aides mentionnées aux articles (...) 15 (...) du règlement (CE) n° 479/2008 du 29 avril 2008 (...) ". En application de ce texte, l'arrêté interministériel du 17 avril 2009 prévoit à son article 4 que : " Peuvent faire l'objet d'une aide les dépenses admissibles visées aux articles 17 et 18 du règlement (CE) n° 555/2008 et correspondant à des dépenses relatives : / - aux étapes dites "amont" de la production, destinées au conditionnement et au stockage de petits contenants ; / - à la construction de bâtiments correspondant à la fois aux étapes "amont" et "aval" / La liste des investissements éligibles est fixée par la circulaire du directeur de l'établissement désigné à l'article 2 ", à savoir FranceAgriMer.

5. En application de ces dispositions, la décision du directeur général de FranceAgriMer du 17 février 2010 a fixé la liste des investissements matériels des entreprises vitivinicoles éligibles à une subvention du FEAGA. Ce texte prévoit notamment la possibilité de financer la construction, l'acquisition ou la rénovation de bâtiments et les aménagements intérieurs de ces bâtiments. Il ne retient pas, en revanche, au titre des investissements éligibles, les travaux de voirie extérieure permettant l'accès au bâtiment, à l'exception des quais de réception. Par suite, le GFA des Rouges Terres de la Forêt n'est pas fondé à soutenir qu'en décidant, à la suite du contrôle effectué en décembre 2014, d'exclure les travaux de cette nature réalisés par lui pour un montant de 75 215 euros FranceAgriMer aurait méconnu les dispositions rappelées au point 4.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 73 du règlement (CE) n° 796/2004 de la Commission du 21 avril 2004, rendu applicable par l'article 97 du règlement (CE) n°555/2008 du 27 juin 2008, " 4. L'obligation de remboursement visée au paragraphe 1 ne s'applique pas si le paiement a été effectué à la suite d'une erreur de l'autorité compétente ou d'une autre autorité, et si l'erreur ne pouvait raisonnablement être décelée par l'agriculteur ".

7. Il résulte de l'instruction que la réclamation présentée par le GFA des Rouges Terres de la Forêt le 9 janvier 2013 tendait à ce que soit réintégré dans l'assiette de subvention le poste " voirie camion " et que FranceAgriMer, dans un courrier du 26 mars 2013, a admis que " la partie accès au bâtiment qui avait été exclue est apparue éligible pour un montant de 125 525 euros ". Le paiement de la subvention afférente résulte donc d'une erreur de l'autorité compétente au sens des dispositions précitées, alors même que celle-ci avait pris soin dans la même décision d'écarter de l'assiette éligible des investissements relatifs à la voirie d'accès et à l'aménagement d'un parking extérieur pour un montant de 10 390 euros. Toutefois, dès lors que, comme il a été indiqué au point 5, la réglementation en vigueur excluait de manière claire l'éligibilité à l'aide des travaux de voirie extérieure, le groupement requérant ne peut prétendre qu'il ne pouvait raisonnablement déceler cette inéligibilité pour toutes les surfaces de voirie excédant celle de 468 m² réalisée à l'intérieur du bâtiment et dont l'éligibilité a été maintenue à l'issue du contrôle. Par suite, l'erreur commise par FranceAgriMer qui, contrairement à ce que soutient le groupement, ne saurait être regardée comme résultant d'une pratique administrative généralisée, n'est pas de nature à exonérer le GFA requérant de son obligation de remboursement en application des dispositions précitées de l'article 73 du règlement (CE) n° 796/2004 de la Commission du 21 avril 2004.

8. Il résulte de ce qui précède que le GFA des Rouges Terres de la Forêt n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que FranceAgriMer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse au GFA des Rouges Terres de la Forêt la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter la demande présentée par FranceAgriMer au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du GFA des Rouges Terres de la Forêt est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de FranceAgriMer tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GFA des Rouges Terres de la Forêt et à FranceAgriMer

Délibéré après l'audience du 20 février 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme D..., présidente assesseure,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 mars 2020.

Le rapporteur

E. A...Le président

I. PerrotLe greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 19NT00081


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00081
Date de la décision : 13/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL PUBLI-JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-03-13;19nt00081 ?
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