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30/05/2000 | FRANCE | N°2000-429

France | France, Conseil constitutionnel, 30 mai 2000, 2000-429


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 5 mai 2000, par MM. Josselin de ROHAN, Nicolas ABOUT, Louis ALTHAPÉ, Jean-Paul AMOUDRY, Pierre ANDRÉ, Philippe ARNAUD, Jean ARTHUIS, Denis BADRÉ, José BALARELLO, Jacques BAUDOT, Jean BERNARD, Roger BESSE, Jean BIZET, Paul BLANC, Maurice BLIN, Mme Annick BOCANDÉ, MM. André BOHL, Christian BONNET, James BORDAS, Jean BOYER, Louis BOYER, Jean-Guy BRANGER, Gérard BRAUN, Dominique BRAYE, Michel CALDAGUÈS, Robert CALMÉJANE, Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Claude CARLE, Auguste CAZALET, Gérard CÉSAR, Jean CHÉRIOUX, Jean CLOUET, Gérard CORNU, Charle

s-Henri de COSSE-BRISSAC, Jean-Patrick COURTOIS, Xavier DARCOS...

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 5 mai 2000, par MM. Josselin de ROHAN, Nicolas ABOUT, Louis ALTHAPÉ, Jean-Paul AMOUDRY, Pierre ANDRÉ, Philippe ARNAUD, Jean ARTHUIS, Denis BADRÉ, José BALARELLO, Jacques BAUDOT, Jean BERNARD, Roger BESSE, Jean BIZET, Paul BLANC, Maurice BLIN, Mme Annick BOCANDÉ, MM. André BOHL, Christian BONNET, James BORDAS, Jean BOYER, Louis BOYER, Jean-Guy BRANGER, Gérard BRAUN, Dominique BRAYE, Michel CALDAGUÈS, Robert CALMÉJANE, Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Claude CARLE, Auguste CAZALET, Gérard CÉSAR, Jean CHÉRIOUX, Jean CLOUET, Gérard CORNU, Charles-Henri de COSSE-BRISSAC, Jean-Patrick COURTOIS, Xavier DARCOS, Luc DEJOIE, Jean DELANEAU, Jean-Paul DELEVOYE, Jacques DELONG, Robert Del PICCHIA, Fernand DEMILLY, Christian DEMUYNCK, Marcel DENEUX, Gérard DÉRIOT, Charles DESCOURS, Paul DUBRULE, Alain DUFAUT, André DULAIT, Jean-Léonce DUPONT, Jean-Paul ÉMIN, Jean-Paul ÉMORINE, Hubert FALCO, André FERRAND, Hilaire FLANDRE, Bernard FOURNIER, Serge FRANCHIS, Philippe FRANÇOIS, Yves FRÉVILLE, René GARREC, Jean-Claude GAUDIN, Philippe de GAULLE, Patrice GÉLARD, François GERBAUD, Charles GINÉSY, Francis GIRAUD, Daniel GOULET, Alain GOURNAC, Francis GRIGNON, Louis GRILLOT, Georges GRUILLOT, Hubert HAENEL, Mme Anne HEINIS, MM. Pierre HÉRISSON, Rémi HERMENT, Daniel HOEFFEL, Jean HUCHON, Jean-François HUMBERT, Claude HURIET, Charles JOLIBOIS, André JOURDAIN, Lucien LANIER, Gérard LARCHER, Patrick LASSOURD, Robert LAUFOAULU, Edmond LAURET, René-Georges LAURIN, Henri LE BRETON, Dominique LECLERC, Jacques LEGENDRE, Guy LEMAIRE, Simon LOUECKHOTE, Roland du LUART, Kléber MALÉCOT, André MAMAN, Philippe MARINI, Serge MATHIEU, René MARQUÈS, Pierre MARTIN, Paul MASSON, Jean-Luc MIRAUX, Philippe NACHBAR, Philippe NOGRIX, Jacques OUDIN, Jacques PELLETIER, Bernard PLASAIT, Guy POIRIEUX, Ladislas PONIATOWSKI, André POURNY, Henri de RAINCOURT, Charles REVET, Henri REVOL, Henri de RICHEMONT, Louis-Ferdinand de ROCCA SERRA, Michel RUFIN, Jean-Pierre SCHOESTECK, Raymond SOUCARET, Michel SOUPLET, Martial TAUGOURDEAU, Henri TORRE, René TRÉGOUËT, François TRUCY, Jacques VALADE, André VALLET, Alain VASSELLE, Xavier de VILLEPIN, Serge VINÇON et Paul GIROD, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution et notamment les articles 3 et 4 résultant de la loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 relative à l'égalité entre les femmes et les hommes ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu la loi organique n° 2000-294 du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux ;

Vu la loi n° 83-27 du 19 janvier 1983 modifiant diverses dispositions relatives à l'élection des conseils municipaux dans les territoires de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française ;

Vu la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique ;

Vu le code électoral ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2000-427 DC du 30 mars 2000 ;

Vu les observations du Gouvernement enregistrées le 16 mai 2000 ;

Vu les observations en réplique présentées par les auteurs de la saisine, enregistrées le 17 mai 2000 ;

Vu les nouvelles observations du Gouvernement enregistrées le 19 mai 2000 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les sénateurs auteurs de la saisine défèrent au Conseil constitutionnel la loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives en arguant d'inconstitutionnalité les articles 1er à 10, 15 et 18 à 20 de la loi ; que les articles 2, 3, 5, 6, 7 et 8 seraient selon eux contraires à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et à l'ensemble de l'article 3 de la Constitution ; que l'article 15 instituerait une sanction non conforme au principe de nécessité des peines ; qu'enfin, les articles 1er, 4, 10, 18, 19 et 20 seraient issus d'amendements adoptés selon une procédure irrégulière ;

- SUR LES ARTICLES 2, 3 ET 5 À 8 :

2. Considérant que les articles 2, 3 et 5 à 8 de la loi déférée modifient des dispositions du code électoral relatives aux élections municipales dans les communes visées au chapitre III du titre IV du livre Ier du code électoral, aux élections sénatoriales dans les départements où le mode de scrutin est la représentation proportionnelle, aux élections régionales, à l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse, à celle des représentants au Parlement européen et aux élections cantonales dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon ; que pour l'ensemble des élections en cause, il résulte des modifications opérées que, " sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un " ;

3. Considérant qu'il résulte des articles 3 et 7 de la loi que, pour celles de ces élections ayant lieu au scrutin de liste à un seul tour, " chaque liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe " ; qu'en application des articles 2, 5, 6 et 8, s'agissant des élections ayant lieu au scrutin de liste à deux tours, " au sein de chaque groupe entier de six candidats dans l'ordre de présentation de la liste doit figurer un nombre égal de candidats de chaque sexe " ;

4. Considérant que les auteurs de la requête font valoir que les dispositions constitutionnelles nouvelles résultant de la loi constitutionnelle susvisée " n'ont pas abrogé d'autres dispositions de la Constitution notamment l'ensemble de l'article 3 de la Constitution et l'article 4 avant modification " ; que les dispositions issues de la réforme constitutionnelle de 1999 " ne sont pas normatives mais objectives " ; que, dans la mesure où elles ne fixent qu'un objectif, elles ne sauraient justifier de mesures contraignantes ou pénalisantes ; qu'en conséquence, en imposant pour les élections se déroulant au scrutin proportionnel à deux tours un " quota proche de 50 % pour chaque sexe " et en conduisant " à l'instauration d'une véritable obligation de quotas " pour les élections au scrutin proportionnel à un tour, le législateur aurait instauré un dispositif contraire aux articles 3 et 4 de la Constitution, ainsi qu'à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'il aurait par ailleurs méconnu les décisions du Conseil constitutionnel n° 82-146 DC du 18 novembre 1982 et n° 98-407 DC du 14 janvier 1999 ;

5. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 3 de la Constitution : " La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives " ; qu'il résulte du second alinéa de l'article 4 de la Constitution que les partis et groupements politiques " contribuent à la mise en oeuvre du principe énoncé au dernier alinéa de l'article 3 dans les conditions déterminées par la loi " ;

6. Considérant, en premier lieu, que rien ne s'oppose, sous réserve des prescriptions des articles 7, 16 et 89 de la Constitution, à ce que le pouvoir constituant introduise dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui, dans les cas qu'elles visent, dérogent à des règles ou principes de valeur constitutionnelle ; qu'il en est ainsi des dispositions précitées qui ont pour objet et pour effet de lever les obstacles d'ordre constitutionnel relevés par le Conseil constitutionnel dans les décisions susmentionnées ; qu'en conséquence, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir de l'autorité de chose jugée attachée auxdites décisions ;

7. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des dispositions du cinquième alinéa de l'article 3 de la Constitution, éclairées par les travaux préparatoires de la loi constitutionnelle susvisée du 8 juillet 1999, que le constituant a entendu permettre au législateur d'instaurer tout dispositif tendant à rendre effectif l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ; qu'à cette fin, il est désormais loisible au législateur d'adopter des dispositions revêtant soit un caractère incitatif, soit un caractère contraignant ; qu'il lui appartient toutefois d'assurer la conciliation entre les nouvelles dispositions constitutionnelles et les autres règles et principes de valeur constitutionnelle auxquels le pouvoir constituant n'a pas entendu déroger ;

8. Considérant que les dispositions critiquées de la loi déférée fixant des règles obligatoires relatives à la présence de candidats de chaque sexe dans la composition des listes de candidats aux élections se déroulant au scrutin proportionnel entrent dans le champ des mesures que le législateur peut désormais adopter en application des dispositions nouvelles de l'article 3 de la Constitution ; qu'elles ne méconnaissent aucune des règles ni aucun des principes de valeur constitutionnelle auxquels la loi constitutionnelle susvisée n'a pas entendu déroger ;

- SUR L'ARTICLE 15 :

9. Considérant que l'article 15 modifie l'article 9-1 de la loi susvisée du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, afin de déterminer de nouvelles règles de calcul de la première fraction de l'aide allouée aux partis politiques ;

10. Considérant qu'en application des articles 8 et 9 de la loi précitée, cette fraction, réservée aux partis et groupements ayant présenté des candidats dans au moins cinquante circonscriptions lors du plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale, est répartie entre les bénéficiaires proportionnellement au nombre de suffrages recueillis au premier tour de ces élections par chacun des partis et groupements en cause ; qu'en vue d'effectuer cette répartition, les candidats à l'élection des députés indiquent, dans leur déclaration de candidature, le parti ou groupement auquel ils se rattachent ;

11. Considérant qu'il résulte de l'article 9-1 nouveau que, lorsque, pour un parti ou groupement politique, l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ayant déclaré se rattacher à ce parti ou groupement dépasse 2 % du nombre total desdits candidats, le montant de cette fraction " est diminué d'un pourcentage égal à la moitié de cet écart rapporté au nombre total de ces candidats " ;

12. Considérant que les sénateurs requérants font grief à cet article de méconnaître le principe de la nécessité des peines énoncé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'ils font valoir à cet égard que " la sanction financière prévue... peut revêtir un caractère manifestement disproportionné au regard de l'objectif fixé par les articles 3 et 4 de la Constitution " ;

13. Considérant que le dispositif ainsi instauré ne revêt pas le caractère d'une sanction mais celui d'une modulation de l'aide publique allouée aux partis et aux groupements politiques en application des articles 8 et 9 de la loi du 11 mars 1988 ; qu'il est destiné à inciter ces partis et groupements à mettre en oeuvre le principe d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux, conformément aux dispositions des articles 3 et 4 de la Constitution ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance du principe de la nécessité des peines est inopérant ;

14. Considérant en revanche que le même article dispose dans son avant-dernier alinéa : " Les crédits issus de cette diminution reçoivent une nouvelle affectation dans la loi de finances", et en son dernier alinéa : " Un rapport est présenté chaque année au Parlement sur l'utilisation des crédits issus de cette diminution... " ; que ces dispositions combinées constituent une injonction adressée soit au Gouvernement, soit au Parlement, de procéder à l'affectation et à l'utilisation des crédits correspondants ; que, s'agissant de l'affectation en loi de finances, une loi ordinaire ne pouvait contenir une telle injonction sans méconnaître le droit d'initiative réservé au Gouvernement, en matière de lois de finances, par les dispositions des articles 39, 40 et 47 de la Constitution ; que le législateur ne pouvait davantage faire obstacle aux prérogatives du Gouvernement en matière d'exécution de la loi de finances, tant pour procéder à l'annulation de tout crédit devenant sans objet en cours d'année que pour modifier par virement la répartition des dotations entre les chapitres budgétaires, dans les conditions et limites prévues respectivement par les articles 13 et 14 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée ;

15. Considérant, en conséquence, qu'il y a lieu pour le Conseil constitutionnel de déclarer non conformes à la Constitution l'avant-dernier alinéa de l'article 15 de la loi déférée et, dans son dernier alinéa, les mots : " sur l'utilisation des crédits issus de cette diminution et " ; que la diminution de l'aide aura nécessairement pour effet de rendre sans objet les crédits correspondants ;

- SUR LES ARTICLES 1er, 4, 9, 10, 18, 19 ET 20 :

. En ce qui concerne les articles 1er, 9 et 10 :

16. Considérant que l'article 1er de la loi abaisse de 3 500 à 2 500 habitants le seuil de population à partir duquel l'élection des conseillers municipaux relève du chapitre III du titre IV du livre Ier du code électoral ; qu'en particulier son II modifie l'article L. 252 dudit code ;

17. Considérant que, selon les sénateurs auteurs de la saisine, la modification du mode de scrutin municipal ainsi réalisée, qui résulte d'un amendement adopté lors de la première lecture par l'Assemblée nationale du projet de loi dont est issue la loi déférée, serait " sans relation directe " avec les dispositions de ce projet ; que, dans leurs observations en réplique, ils font valoir que cette modification serait en outre contraire à l'article L.O. 141 du code électoral dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux ;

18. Considérant que le projet de loi tendant à " favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ", déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 8 décembre 1999, comportait, outre des mesures transitoires figurant au titre III, deux séries de dispositions ; que les unes, regroupées dans le titre Ier, prévoyaient la mise en oeuvre du principe de parité pour les élections se déroulant au scrutin de liste ; que les autres, figurant au titre II, avaient trait aux modalités de calcul de l'aide financière attribuée aux partis et groupements politiques participant aux élections législatives ;

19. Considérant que l'article 1er de la loi déférée a principalement pour objet de modifier le seuil de population déterminant le changement du mode de scrutin pour les élections municipales ; que, toutefois, ses dispositions, combinées avec celles de l'article 2, ont pour effet d'étendre aux communes dont la population est comprise entre 2 500 et 3 499 habitants l'application du principe de parité ; qu'ainsi, l'amendement dont est issu l'article 1er peut être regardé comme n'étant pas dépourvu de tout lien avec le texte du projet de loi en discussion ;

20. Considérant en revanche que, par la décision susvisée du 30 mars 2000, le Conseil constitutionnel, saisi conformément aux dispositions des articles 46 et 61 de la Constitution, a déclaré conforme à celle-ci la loi organique relative aux incompatibilités entre mandats électoraux ; que le Conseil constitutionnel a considéré, à propos de l'article L.O. 141 du code électoral résultant de l'article 3 de la loi organique, qu'" il était loisible à la loi organique de ne faire figurer, dans le dispositif de limitation de cumul du mandat de parlementaire et de mandats électoraux locaux, le mandat de conseiller municipal qu'à partir d'un certain seuil de population, à condition que le seuil retenu ne soit pas arbitraire ; que cette condition est remplie en l'espèce, dès lors que le seuil de 3 500 habitants détermine, en vertu de l'article L. 252 du code électoral, un changement de mode de scrutin pour l'élection des membres des conseils municipaux " ; que ce motif est le soutien nécessaire du dispositif de cette décision ;

21. Considérant que la modification, par le législateur ordinaire, du seuil de population figurant à l'article L. 252 du code électoral, alors que n'est pas par ailleurs modifié, par le législateur organique, le seuil fixé par l'article L.O. 141 du même code, a pour effet de priver de son fondement constitutionnel l'article 3 de la loi organique susvisée du 5 avril 2000 ; qu'en conséquence, l'article 1er de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel doit être déclaré contraire à la Constitution ;

22. Considérant que sont inséparables de cette disposition déclarée non conforme à la Constitution l'article 9 de la loi déférée, qui rend applicables aux communes de la Polynésie française de 2 500 habitants et plus les articles L. 264 (premier alinéa), L. 265 et L. 267 du code électoral, ainsi que, à l'article 10 de la loi, la référence à l'article 1er ;

. En ce qui concerne les articles 4, 18, 19 et 20 :

23. Considérant que les requérants soutiennent que les dispositions des articles 4, 18, 19 et 20 sont sans lien avec la loi ;

24. Considérant que l'article 4, qui prévoit des listes paritaires pour l'élection des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger élus à la représentation proportionnelle, est issu d'un amendement adopté après échec de la commission mixte paritaire ; qu'il n'est en relation directe avec aucune des dispositions du texte en discussion ; que son adoption n'est pas davantage justifiée par la nécessité d'une coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement ; que l'article 4 doit par suite être déclaré contraire à la Constitution ;

25. Considérant que les articles 18 et 19 sont relatifs aux conséquences, prévues respectivement par les articles L. 205 et L. 210 du code électoral, de situations d'inéligibilité et d'incompatibilité concernant un conseiller général après son élection ; que l'article 20 complète l'article L. 2113-17 du code général des collectivités territoriales pour fixer, dans certaines communes issues d'une fusion, une condition d'éligibilité au conseil consultatif de chaque commune associée ;

26. Considérant que les articles 18 et 20 résultent d'amendements adoptés au cours de la première lecture du projet de loi par l'Assemblée nationale ; que les adjonctions ainsi apportées au projet en cours de discussion étaient dépourvues de tout lien avec son objet, consistant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux ; que les articles 18 et 20 doivent dès lors être déclarés contraires à la Constitution ; qu'il en va de même de l'article 19, d'autant que cet article a été inséré par amendement après l'échec de la commission mixte paritaire ;

27. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, d'examiner d'office aucune question de constitutionnalité ;

Décide :

Article premier :

Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives :

1° L'article 1er ;

2° L'article 4 ;

3° L'article 9 ;

4° A l'article 10, les mots : « 1er et » ;

5° L'avant-dernier alinéa de l'article 15 et, au dernier alinéa du même article, les mots : « sur l'utilisation des crédits issus de cette diminution et » ;

6° Les articles 18, 19 et 20.

Article 2 :

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 mai 2000, où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, Président, Georges ABADIE, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Alain LANCELOT, Mme Noëlle LENOIR, M. Pierre MAZEAUD et Mmes Monique PELLETIER et Simone VEIL.


Loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

Dans un nouveau mémoire adressé au Conseil constitutionnel à l'appui du recours dirigé contre la loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, les sénateurs requérants font valoir que l'article 1er de la loi déférée est en contradiction avec la loi organique sur le cumul des mandats, c'est-à-dire avec la loi organique n° 2000-294 du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux.

Dans ce texte, le Parlement a décidé, à l'initiative du Sénat, de n'appliquer qu'aux communes d'au moins 3 500 habitants l'incompatibilité entre, d'une part, un mandat parlementaire et, d'autre part, la fonction de maire et une autre fonction élective. Les requérants indiquent que, pour déclarer ce texte conforme à la Constitution, le Conseil constitutionnel avait relevé que ce seuil n'était pas arbitraire.

On observera d'abord que cette constatation est, par elle-même, sans incidence sur la valeur de l'argumentation dans laquelle elle s'insère, et qui consiste à soutenir que la modification apportée par l'article 1er au mode de scrutin municipal dépasse les limites du droit d'amendement.

Dans la mesure où les requérants entendent contester aussi le bien-fondé du choix opéré en l'espèce par le législateur, la contradiction dont ils font état n'est pas davantage de nature à affecter la constitutionnalité de l'article 1er.

A cet égard, on observera, en premier lieu, que le fait qu'un seuil soit choisi par le législateur organique pour déterminer à partir de quelle taille de commune le cumul entre la fonction de maire et un mandat parlementaire doit être interdit n'affecte pas l'exercice, par le législateur ordinaire, de la compétence que la Constitution lui réserve pour choisir le mode de scrutin qui lui paraît le plus approprié en fonction de la taille des communes. En d'autres termes, des seuils différents peuvent parfaitement coexister dans des législations différentes, dont l'objet n'est pas le même. Au cas particulier, les compétences sont en outre distinctes et la loi ordinaire, qui n'empiète en rien sur le domaine réservé au législateur organique par l'article 25 de la Constitution, ne saurait être placée dans un lien de subordination par rapport à une loi organique qui a un autre objet.

En second lieu, et si l'allusion faite par les requérants à la décision n° 2000-427 DC du 30 mars 2000 doit se comprendre comme visant la référence qui y est faite, dans les motifs, au seuil prévu par l'article L 252 du code électoral en matière de mode de scrutin municipal, la conformité de l'article 1er à la Constitution ne paraît pas s'en trouver pour autant affectée. Sans doute le législateur organique, qui est ainsi réputé s'être inspiré d'une disposition relevant de la loi ordinaire, doit-il y voir une incitation à reconsidérer le choix qu'il a fait en matière de cumul des mandats.

Mais il n'en demeure pas moins que l'étendue de la compétence que l'article 34 de la Constitution attribue à la loi ordinaire ne peut s'en trouver modifiée. Sa liberté de choix n'est encadrée que par la nécessité de retenir un seuil dépourvu d'arbitraire. Or celui de 2 500 habitants, qui existait déjà dans le code électoral, et qui est notamment celui à partir duquel les bulletins distribués aux électeurs doivent comporter autant de noms que de sièges à pourvoir, n'a rien d'arbitraire.

On relèvera enfin qu'en réduisant de trois à deux le nombre des modes de scrutins différents susceptibles de s'appliquer à l'élection des conseils municipaux, la réforme que le Parlement a décidé d'introduire répond à un souci de simplification et de clarification qui est conforme à l'objectif constitutionnel d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, dégagé par la décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999.

Les observations du gouvernement sur le recours formé par un certain nombre de sénateurs à l'encontre de la loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives appellent de la part des sénateurs requérant les observations suivantes :

A. Au fond

1. La révision constitutionnelle du 28 juin 1999 n'a pas abrogé les autres dispositions constitutionnelles sur lesquelles le Conseil constitutionnel avait basé ses décisions du 18 novembre 1982 et du 14 janvier 1999.

2. Les sénateurs requérant estiment que la révision constitutionnelle peut justifier la parité dans les listes au scrutin proportionnel mais ne peut pas imposer des contraintes qui conduiraient à établir des quotas dans la répartition des sièges.

3. Les travaux préparatoires ne correspondent pas à la vision qui se dégage des observations du gouvernement. Les douze orateurs qui se sont exprimés lors du Congrès n'ont jamais défendu l'instauration de quotas et même, quatre d'entre eux les ont directement (M. Baquet, Mme Heinis, M. Cornu) ou indirectement (M. Cabanel) condamnés. Lors du débat à l'Assemblée nationale et au Sénat, certains « paritaristes radicaux » ont seulement préconisé des quotas dans les listes sans pour autant défendre l'alternance obligatoire ou les groupes de six. Quant aux « paritaristes modérés » ils n'ont pas manqué de souligner leur totale opposition à toute forme de quotas (voir JO, débat, AN du 16 février et du 10 mars 1999, JO débat, Sénat, du 4 mars 1999 et, JO, débat, du Congrès, du 28 juin 1999.

4. L'intervention du Garde des Sceaux ne doit pas faire partie des travaux préparatoires puisque le gouvernement comme ses ministres n'ont pas, contrairement aux parlementaires, la qualité de constituant.

5. Dès lors les mesures adoptées, sous forme d'amendements, par l'Assemblée nationale en dernière lecture, ne correspondent pas à l'objectif de parité, voté lors de la révision constitutionnelle, mais conduisent à imposer des contraintes manifestement contraires aux objectifs du constituant. Les députés ont agi comme s'ils appliquaient le texte qu'ils avaient initialement voté selon lequel la loi détermine les conditions et non celui qui a été adopté selon lequel la loi favorise.

6. Dès lors, la révision constitutionnelle du 28 juin 1999, « vide de substance normative » selon les termes du doyen Vedel dans son article du journal « Le Monde » du 8 décembre 1998, ne remet pas fondamentalement en cause la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 1982 et de 1999. Elle ne permet pas la mise en place de quotas réels (l'alternance obligatoire) ou de fait (les groupes de six).

7. Il est étonnant de constater que l'argumentation du gouvernement, en ce qui concerne les sanctions financières des partis politiques, oublie que la loi de financement des partis politiques ne leur permet plus de disposer de ressources autres que publiques. Elle accepte l'hypocrisie qui permet aux partis de présenter des candidats ou des candidates dans des circonscriptions où ils n'ont aucune chance. Elle est stupéfiante en estimant que le libre choix des électeurs ne constitue en ce qui concerne la parité qu'un paramètres guère pertinent.

B. La régularité des « cavaliers ».

8. Contrairement à l'argumentation du gouvernement, l'article premier est loin d'avoir une portée limitée. Il modifie fondamentalement le scrutin municipal en fixant un seuil arbitraire et sans étude préalable d'impact.

9. Ce même article premier est dorénavant en totale contradiction avec la loi organique sur le cumul des mandats que le Conseil constitutionnel dans sa décision du 30 mars 2000 avait validé en considérant que le seuil de 3500 habitants, retenu dans la loi organique, n'était pas arbitraire.

10. L'absence d'étude d'impact n'a pas permis de rendre évidentes les difficultés considérables d'application du principe de parité - assorti de la stricte alternance - dans des communes qui n'ont jamais connu un tel système et où les réserves de candidatures potentielles sont limitées. Le risque de l'impossibilité de constituer de telles listes, notamment dans les DOM-TOM est plus que réel.

11. L'article premier constitue donc bien un cavalier qui est loin d'avoir une portée limitée et qui en modifiant le mode de scrutin municipal dépasse les limites du droit d'amendement.

12. L'argument selon lequel l'article 4 découlerait d'un amendement déposé au Sénat est totalement inopérant puisque cet amendement n'a pas été accepté par le Sénat.

13. Les articles 18 et 19 sont sans liens directs avec le texte en discussion et n'avaient pas été adoptés par le Sénat avant la réunion de la CMP. La loi sur la parité ne peut pas être considérée comme une loi de révision du code électoral dans son ensemble.

14. Le gouvernement reconnaît bien la qualité de cavalier de l'article 20.

Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante sénateurs, d'un recours dirigé contre la loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Les requérants adressent à la loi deux séries de critiques : en premier lieu, ils jugent excessivement contraignantes les dispositions adoptées en vue d'assurer la parité dans les élections au scrutin de liste et d'inciter les partis et groupements politiques à promouvoir les candidatures féminines aux élections législatives ; en second lieu, ils soutiennent que certaines dispositions ont été adoptées en méconnaissance des règles régissant l'exercice du droit d'amendement.

Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I - Sur la conformité à la Constitution des dispositions adoptées pour favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux

A) Les articles 2, 5, 6 et 8 de la loi font obligation aux listes présentées lors d'un scrutin proportionnel à deux tours de comporter un nombre égal de candidats de chaque sexe, cette égalité devant s'apprécier au sein de chaque groupe entier de six candidats, dans l'ordre de présentation de la liste. S'agissant des élections sénatoriales et européennes qui n'ont qu'un tour, les articles 3 et 7 de la loi imposent que chaque liste soit composée alternativement d'un candidat de chaque sexe.

Pour contester ces dispositions, les requérants font valoir qu'elles sont contraires aux articles 3 et 4 de la Constitution et à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il invoquent, à cet égard, la jurisprudence issue de la décision n° 82-146 DC du 18 novembre 1982, et rappelée par la décision n° 98-407 DC du 14 janvier 1999.

Pour les élections législatives qui ne peuvent, par définition, se voir appliquer les règles définies pour des scrutins de liste, l'article 15 de la loi déférée retient un mécanisme de modulation de l'aide publique aux partis et groupements politiques, afin de réduire le montant accordé à ceux qui s'écarteraient de la parité des candidatures à ces élections. Aux yeux des requérants, il s'agit d'un régime de sanction qui, faute de tenir compte des résultats en termes d'élus accédant effectivement au mandat, méconnaît les exigences de proportionnalité résultant de l'article 8 de la Déclaration de 1789.

B) Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation, qui est contraire à la volonté du constituant.

1) On rappellera en effet que le Conseil constitutionnel avait considéré, dans sa décision n° 82-146 DC du 18 novembre 1982, que des mesures procédant de la même inspiration que la loi déférée se heurtaient à la Constitution. C'est pourquoi la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 a ajouté, à l'article 3 de la Constitution, un nouvel alinéa aux termes duquel "la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives". Elle a également inséré, à l'article 4, une disposition précisant que les partis et les groupements politiques "contribuent à la mise en oeuvre du principe énoncé au dernier alinéa de l'article 3 dans les conditions déterminées par la loi ".

L'adoption de ces dispositions par le Congrès ayant précisément eu pour objet de donner à des dispositions législatives permettant de rendre effective la parité le fondement constitutionnel qui leur faisait défaut, on voit mal comment cette révision pourrait ne pas avoir cet effet. Sans doute est-il exact que, comme le soulignent les requérants, le principe de la liberté du suffrage et celui de la liberté des candidatures qui se déduisent des autres alinéas de l'article 3 conservent toute leur valeur. Mais il appartient désormais au législateur d'en opérer la conciliation avec les nouvelles dispositions constitutionnelles.

Il est donc vain de soutenir que la loi constitutionnelle se bornerait à énoncer un objectif, sans autoriser le législateur à soumettre les formations politiques à des obligations contraignantes : contrairement à ce que soutiennent les requérants, la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 a bien une portée normative. Mais naturellement, le texte constitutionnel n'avait pas lui-même vocation à détailler les dispositions permettant de réaliser les objectifs qu'il énonce. C'est pourquoi l'on ne saurait utilement, pour contester les mesures que la loi a prises afin d'y parvenir, faire valoir que la Constitution ne les a pas expressément prévues.

En l'espèce, les mesures adoptées par le Parlement sont bien au nombre de celles qui avaient été envisagées par le constituant, et elles n'excèdent pas ce qui est nécessaire à la mise en oeuvre de l'objectif de parité désormais inscrit dans notre texte fondamental. Si besoin est, l'examen de ses travaux préparatoires illustre clairement la volonté du constituant de rendre possibles aussi bien des mesures de contrainte que d'incitation, de la nature de celles que critique la saisine : on peut se référer à cet égard, par exemple, aux déclarations du garde des Sceaux à l'Assemblée nationale les 16 février et 10 mars 1999 (J.O. déb. A.N., p. 1448, 2225 et 2226) et à celles du rapporteur du projet de loi constitutionnelle devant le Sénat le 4 mars 1999 (J.O. déb. Sénat, p. 1287).

Il n'est d'ailleurs pas indifférent de relever que, dans la décision n° 98-407 DC du 14 janvier 1999 par laquelle il a repris la solution dégagée par la décision n° 82-146 DC, le Conseil constitutionnel - qui se prononçait alors que le projet de loi constitutionnelle était en cours de discussion - a pris soin de souligner que c'était " en l'état " que l'obligation d'assurer la parité entre candidatures masculines et féminines était contraire à la Constitution. Il est donc vain de se prévaloir de la jurisprudence antérieure à la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999, comme le font les requérants, pour contester des mesures dont cette révision entendait précisément permettre l'adoption.

2) Le Conseil constitutionnel ne pourra davantage faire siennes les critiques adressées, sur le fondement de l'article 8 de la Déclaration de 1789, au mécanisme de réduction de l'aide publique accordée aux formations politiques qui s'écarteraient de la parité dans la présentation des candidats aux élections législatives. Il s'agit en effet d'ajuster le montant d'une aide en fonction de certains critères, et plus particulièrement de l'objectif constitutionnel de parité dans les candidatures aux élections politiques. Un tel dispositif de modulation ne saurait s'assimiler à une peine, au sens de l'article 8 de la Déclaration.On ajoutera qu'en prenant en compte, pour calculer cette modulation, le nombre des candidats se réclamant des différentes formations politiques, le législateur s'est s'inscrit dans la logique du mécanisme issu de la loi du 11 mars 1988. Et dans la mesure où il s'agit d'inciter les partis à présenter autant de femmes que d'hommes aux élections législatives, il ne serait guère pertinent de tenir compte, comme le préconisent les sénateurs requérants, des résultats des élections, c'est-à-dire d'un paramètre qui ne dépend en définitive que du libre choix des électeurs.

II - Sur la régularité de la procédure d'adoption de certains amendements.

Selon la saisine, les articles 1er, 4, 18, 19 et 20, issus d'amendements parlementaires, auraient été adoptés en méconnaissance des règles régissant l'exercice du droit d'amendement. Mais si les requérants reprochent indifféremment à ces articles de constituer des "cavaliers", il convient, en réalité, compte tenu des règles que la jurisprudence a déduites des articles 39, 44 et 45 de la Constitution, de distinguer suivant la nature des dispositions en cause et le stade de la discussion auquel elles ont été introduites dans la loi déférée.

On relèvera d'abord que les articles contestés ont une portée limitée, de sorte qu'ils satisfont, en tout état de cause, à l'une des conditions posées par la jurisprudence issue de la décision n° 86-221 DC du 29 décembre 1986, suivant laquelle les adjonctions ou modifications apportées au texte en cours de discussion ne sauraient dépasser, par leur objet et leur portée, les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement.

La seule question est donc celle du respect des autres conditions : les articles issus d'amendements ne doivent pas être dépourvus de tout lien avec les autres dispositions de la loi (n° 85-191 DC du 10 juillet 1985) et, pour ceux qui interviennent après la réunion de la commission mixte paritaire, il est en outre nécessaire qu'ils soient en relation directe avec une disposition du texte en discussion ou qu'ils assurent la coordination avec un autre texte en cours d'examen au Parlement (n° 98-402 DC du 25 juin 1998).Sur le premier point, il ressort de la jurisprudence issue de la décision du 10 juillet 1985 que, pour que la condition qu'elle pose soit remplie, il suffit que les amendements en cause puissent se rattacher à l'une des matières ou à l'un des thèmes traités par le texte initialement déposé, sans qu'il s'agisse nécessairement d'une parenté proche avec des dispositions précises du projet.

C'est ainsi que, par exemple, l'existence d'un lien suffisant a été reconnue dans le cas d'un projet de loi dont le contenu concernait des aspects variés du droit de l'urbanisme, et dans lequel avait été inséré un amendement relatif à l'expropriation en vue de la réalisation de voies de chemin de fer (n° 89-256 DC du 25 juillet 1989). De même ont été jugés réguliers des amendements se rattachant à la fiscalité directe des collectivités locales, qui avaient été introduits dans un projet de loi relatif à la révision générale des évaluations cadastrales, qui comportait ainsi des dispositions relatives aux règles d'assiette des impositions directes locales (n° 90-277 DC du 25 juillet 1990).

Au regard de ces critères, il est clair que l'article 1er de la loi adoptée, qui abaisse de 3 500 habitants à 2 500 le seuil d'application du mode de scrutin municipal issu de la loi du 19 novembre 1982, n'est pas sans lien avec les dispositions du projet relatives à l'élection des conseillers municipaux.

S'agissant de l'article 4, qui tend à appliquer la parité dans les candidatures au Conseil supérieur des Français de l'étranger, il n'est pas non plus douteux qu'il présente un lien avec le projet déposé : d'une part, il porte également sur la parité dans les candidatures aux élections ; d'autre part, il concerne, tout comme l'article 3 qui figurait dans ce projet, l'élection des sénateurs, dans la mesure où ce Conseil constitue le collège qui élit les sénateurs représentant les Français de l'étranger. On relèvera que l'amendement qui est à l'origine de cet article 4 a été déposé en première lecture au Sénat, ce qui, à ce stade, était a priori régulier, au regard de la jurisprudence issue de la décision du 10 juillet 1985.

Il se trouve cependant qu'il a alors été rejeté, et n'a finalement été adopté qu'en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, après l'échec de la commission mixte paritaire. Dans la mesure où le Conseil constitutionnel estimerait devoir appliquer à une telle hypothèse les exigences posées par la décision du 25 juin 1998, il lui appartiendrait alors d'apprécier si le lien qui existe incontestablement entre cet amendement et le projet de loi peut être regardé comme suffisamment direct, au sens de cette jurisprudence.

La régularité des articles 18 et 19, qui clarifient la procédure de démission d'office des conseillers généraux en l'harmonisant avec celle qui régit les conseillers municipaux et régionaux, doit être appréciée au regard de chacune des deux branches de la jurisprudence. En effet, le premier a été introduit avant la réunion de la commission mixte paritaire, alors que le second n'est intervenu qu'après. Au regard des conditions posées par la décision du 25 juin 1998, il est clair que l'article 19, qui concerne le cas où survient une cause d'incompatibilité, est en relation directe avec l'article 18, qui n'avait envisagé que l'inéligibilité. Quant à l'article 18, on peut considérer qu'il n'est pas dépourvu de tout lien avec le texte, si l'on tient compte de ce qu'il s'agit, dans les deux cas, de droit électoral.Enfin, il est vrai que l'on peut davantage s'interroger sur la régularité de l'introduction, par voie d'amendement, des dispositions de l'article 20 relatif aux conditions d'éligibilité des membres du conseil consultatif d'une commune associée.

Les sénateurs soussignés ont l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives sur la base de l'argumentation suivante :

A. Considérations générales sur la constitutionnalité de la loi.

1. La révision constitutionnelle du 28 juin 1999 ne comprend que deux dispositions :

- le dernier alinéa de l'article 3 de la Constitution « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».

- le dernier alinéa de l'article 4 de la Constitution « ils (les partis et les groupements politiques) contribuent à la mise en oeuvre du principe énoncé au dernier alinéa de l'article 3 dans les conditions déterminées par la loi ».

2. On doit tout d'abord rappeler que le projet de loi constitutionnelle soumis par le Président de la République et le Premier ministre au vote du Parlement avait pour effet de modifier l'article 3 de la Constitution pour inviter le législateur à favoriser par les mesures appropriées l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives.

3. Au cours de la première lecture de ce texte, l'Assemblé nationale a prévu que la loi déterminerait les conditions dans lesquelles cet égal accès serait organisé. Le Sénat, en deuxième lecture, est revenu à la formulation du texte gouvernemental qui a été voté au Congrès. Il est d'une particulière importance de noter la signification qui s'attache au terme « favoriser » finalement retenu. Il est clair que le constituant a entendu écarter toute mesure de contrainte au profit de mesure d'incitation exclusive de toute règle limitant de façon abusive la liberté de choix de l'électeur découlant de principes constitutionnels auxquels cette révision ne saurait déroger.

4. Ces dispositions constitutionnelles nouvelles n'ont pas abrogé d'autres dispositions de la Constitution notamment l'ensemble de l'article 3 de la Constitution et l'article 4 avant modification.

5. Ces dispositions constitutionnelles nouvelles ne sont pas normatives mais objectives. Elles fixent un objectif, qui découle des travaux préparatoires, selon lequel il faut favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions électives et les partis politiques doivent contribuer à la mise en oeuvre du principe. Elles n'imposent donc aucune contrainte nouvelle et ne justifient aucune mesure contraignante ou pénalisante et ne sont que des objectifs à caractère constitutionnel.

6. Dès lors, les dispositions de l'article 3 de la Constitution, conjuguées à celles de l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, conservent toute leur pertinence, et, la jurisprudence du Conseil constitutionnel issue de ses décision du 20 novembre 1982 (élections municipales) et du 14 janvier 1999 (élections régionales) demeure parfaitement actuelle.

7. La révision constitutionnelle n'a pas modifié le premier alinéa de l'article 4 de la Constitution selon lequel les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage et, qu'ils se forment et exercent leur activité librement sous la seule limitation du respect du principe de la souveraineté nationale de la démocratie. Imposer des sanctions financières aux partis et groupements politiques constitue donc une atteinte grave à la liberté de formation et de fonctionnement des partis politiques.

8. Les Sénateurs requérants acceptaient un certain nombre de contraintes pour permettre une meilleure représentation féminine au sein des assemblées, mais n'ont pas pu accepter le texte, amendé par les Députés, qui selon eux dénature la révision constitutionnelle et instaure de fait des quotas par des mesures contraignantes ou pénalisantes.

9. Il est de tradition constitutionnelle de ne pas modifier les modes de scrutin et à les règles électorales à moins d'un an d'une échéance électorale qui serait concernée par les nouvelles règles. La loi déférée au Conseil constitutionnel ne respecte pas cette tradition.

10. La loi va interdire à des élus sortants la possibilité d'être réélus à moins de constituer des listes dissidentes et donc de rompre avec leurs formations politiques d'origine. Elle porte donc atteinte au principe de la liberté de candidature reconnue par la Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

11. La loi va interdire la constitution de liste intégralement féminine ou masculine, ce qui porte là encore atteinte à la liberté des électeurs et des éligibles.

B. Les groupes de six candidats

12. Les dispositions des articles 2, 5, 6 et 8 de la loi qui imposent aux listes présentées lors d'un scrutin proportionnel à deux tours un nombre égal de candidats de chaque sexe au sein de chaque groupe entier de six candidats dans l'ordre de présentation de la liste, reviennent à imposer un quota proche de 50 % pour chaque sexe lors des élections municipales ou régionales. Ces dispositions sont contraires aux dispositions de l'article 3 de la Constitution et aux dispositions de l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

13. La jurisprudence du Conseil constitutionnel, malgré la révision de l'article 3, conserve toute sa pertinence. « Il résulte du rapprochement des textes ci-dessus mentionnés que la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l'inéligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n'en sont pas exclus par une raison d'âge, d'incapacité ou de nationalité ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l'électeur ou l'indépendance de l'élu ; que ces principes de valeur constitutionnelle s'opposent à toute division par catégories des électeurs ou des éligibles».

14. La révision constitutionnelle de 1999 n'a pas remis en cause ces principes de valeur constitutionnelle, mais a simplement fixé un objectif que les partis politiques, ont d'ailleurs largement respecté lors des dernières élections européennes ou régionales.

15. Les contraintes imposées par ces groupes de six aboutissent à diviser les éligibles en catégories et sont également contraires à l'article 4, premier alinéa de la Constitution.

16. La révision constitutionnelle de 1999 avait pour ambition de permettre la réalisation progressive de la parité au sein des assemblées délibérantes, mais en excluant tous quotas et toutes mesures contraignantes ou discriminatoires, notamment celles qui auraient pour conséquence de catégoriser les électeurs et les éligibles.

C. L'alternance obligatoire

17. Les dispositions des articles 3 et 7 de la loi qui imposent aux élections sénatoriales et européennes, au scrutin proportionnel à un tour, que « chaque liste soit composée alternativement d'un candidat de chaque sexe » est une mesure encore plus contraignante qua la mesure précédente et est donc toute aussi contraire à la Constitution que les dispositions qui imposent la parité par groupe de six.

18. Le « mille feuilles », le « chabada bada » ou « tic-tac » conduisent à l'instauration d'une véritable obligation de quotas encore plus nettement que dans le cas du groupe de six. Ils comportent de surcroît des effets pervers comme l'interdiction de fait de la réélection de certains sortants à moins qu'ils ne constituent des listes dissidentes pour tenter d'être réélus.

19. Cette alternance obligatoire est également contraire au premier alinéa de l'article 4 de la Constitution en portant atteinte à la liberté des partis et groupements politiques.

20. L'alternance obligatoire est également contraire aux dispositions de l'article 3 de la Constitution et de l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à la jurisprudence de 1982 et 1999 du Conseil constitutionnel qui n'a pas été informée par la révision constitutionnelle de 1999.

D. Les sanction financières.

21. L'article 15 de la loi déférée impose des sanctions financières basées sur la seule parité des candidatures présentées aux élections législatives.

22. Ce faisant, il méconnaît l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, aux termes duquel : « la loi de doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Comme l'a décidé le Conseil constitutionnel (cf. notamment n° 87-237 DC du 30 décembre 1987) « le principe ainsi énoncé ne concerne pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives mais s'étend à toute sanction ayant le caractère d'une punition même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire".

23. Or, la sanction financière prévue à l'article 15 peut revêtir un caractère manifestement disproportionné au regard de l'objectif fixé par les articles 3 et 4 de la Constitution. En effet, en prétendant atteindre l'objectif de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électifs (article 3 de la Constitution), auxquels contribuent les partis politiques qui exercent leur activité librement (article 4 de la Constitution), le législateur sanctionne le non-respect d'une stricte parité de candidatures quel que soit le résultat en terme d'élus accédant effectivement au mandat.

24. Ce faisant, il prend le risque de sanctionner un parti ou groupement politique qui aurait autant de femmes que d'hommes élus à l'Assemblée nationale quand bien même il les aurait présentés dans des proportions inégales, sanction manifestement disproportionnée puisque ce parti remplirait au mieux l'objectif constitutionnel résultant des dispositions combinées des articles 3 et 4 de la Constitution.

25. Conscient de cet écueil, le Sénat avait voté un amendement susceptible de l'éviter que l'Assemblée nationale n'a pas retenu lors de la lecture définitive.

E. Les cavaliers

26. La modification du mode de scrutin municipal envisagé, à l'article 1er est contraire aux intentions proclamées par le Premier ministre lors de son intervention devant le congrès du Parlement : "cette révision n'est pas conçue comme un prétexte à une modification des modes de scrutin, tout particulièrement du mode législatif". (J.O., 29 juin 1999, p. 30, 7ème alinéa, débats parlementaires, congrès du Parlement).

27. Le fait d'abaisser le mode de scrutin des communes de plus de 3 500 habitants aux communes de plus de 2 500 habitants constitue un cavalier que le Conseil constitutionnel avait déjà sanctionné dans sa décision du 12 janvier 1989. Il convient donc de déclarer sans relation directe avec la loi, cette disposition.

28. Le mode de scrutin actuel dans les communes de moins de 3 500 habitants permet aux femmes comme aux hommes de se présenter devant les électeurs qui disposent d'une totale liberté de choix. Il est donc le seul mode de scrutin qui permette la réalisation totale de l'objectif constitutionnel de parité.

29. Les dispositions de l'article 4 concernant le Conseil Supérieur des Français de l'Etranger sont également un cavalier plaqué sur le texte. Le CSFE n'est pas une collectivité de la République et en modifier le mode de désignation, alors que rien de tel n'a été fait pour les grands électeurs sénatoriaux, constitueraient une rupture du principe d'égalité. De surcroît, les considérations ci-dessus développées sur l'obligation d'alternance, s'appliquent naturellement à l'article 4.

30. Les dispositions des articles 18, 19 et 20 n'on aucun rapport avec l'intitulé du texte et sont donc dépourvus de tout lien avec la loi.

Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel du 12 janvier 1989, du 21 janvier 1996, du 10 juillet 1985, du 13 décembre 1985 et du 7 novembre 1990, ainsi qu'aux décisions 98402 et 98403 ; le Conseil constitutionnel devra écarter ces cavaliers.

31. En conséquence, les Sénateurs soussignés, rappelant que la révision constitutionnelle a créé un objectif à valeur constitutionnelle qui ne peut pas imposer des contraintes ou des sanctions, demandent l'annulation, comme contraires à la Constitution, les articles 1er, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 15, 18, 19 et 20 de la loi, à l'exception des dispositions qui imposent la parité à l'unité près dans les listes.


Références :

DC du 30 mai 2000 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 30 mai 2000 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation: Cons. Const., décision n°2000-429 DC du 30 mai 2000

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Origine de la décision
Date de la décision : 30/05/2000
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro de décision : 2000-429
Numéro NOR : CONSTEXT000017664402 ?
Numéro NOR : CSCL0004150S ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.constitutionnel;dc;2000-05-30;2000.429 ?
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