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28/12/2000 | FRANCE | N°2000-441

France | France, Conseil constitutionnel, 28 décembre 2000, 2000-441


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 décembre 2000, par MM. Jean-François MATTEI, Jean-Louis DEBRÉ, Philippe DOUSTE-BLAZY, MM. Jean-Claude ABRIOUX, Bernard ACCOYER, Mme Michèle ALLIOT-MARIE, MM. René ANDRÉ, André ANGOT, Philippe AUBERGER, Pierre AUBRY, Jean AUCLAIR, Gautier AUDINOT, Mme Roselyne BACHELOT-NARQUIN, MM. Edouard BALLADUR, François BAROIN, André BERTHOL, Jean BESSON, Michel BOUVARD, Philippe BRIAND, Gilles CARREZ, Mme Nicole CATALA, MM. Richard CAZENAVE, Philippe CHAULET, Jean-Marc CHAVANNE, Olivier de CHAZEAUX, Alain COUSIN, Jean-Michel COUVE, Charles COVA, Hen

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Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 décembre 2000, par MM. Jean-François MATTEI, Jean-Louis DEBRÉ, Philippe DOUSTE-BLAZY, MM. Jean-Claude ABRIOUX, Bernard ACCOYER, Mme Michèle ALLIOT-MARIE, MM. René ANDRÉ, André ANGOT, Philippe AUBERGER, Pierre AUBRY, Jean AUCLAIR, Gautier AUDINOT, Mme Roselyne BACHELOT-NARQUIN, MM. Edouard BALLADUR, François BAROIN, André BERTHOL, Jean BESSON, Michel BOUVARD, Philippe BRIAND, Gilles CARREZ, Mme Nicole CATALA, MM. Richard CAZENAVE, Philippe CHAULET, Jean-Marc CHAVANNE, Olivier de CHAZEAUX, Alain COUSIN, Jean-Michel COUVE, Charles COVA, Henri CUQ, Lucien DEGAUCHY, Arthur DEHAINE, Jean-Pierre DELALANDE, Patrick DELNATTE, Jean-Marie DEMANGE, Yves DENIAUD, Patrick DEVEDJIAN, Eric DOLIGÉ, Guy DRUT, Jean-Michel DUBERNARD, Jean-Pierre DUPONT, Christian ESTROSI, Jean FALALA, Jean-Michel FERRAND, François FILLON, Yves FROMION, Robert GALLEY, Henri de GASTINES, Jean de GAULLE, Michel GIRAUD, Louis GUÉDON, Jean-Claude GUIBAL, François GUILLAUME, Gérard HAMEL, Michel INCHAUSPÉ, Christian JACOB, Didier JULIA, Alain JUPPÉ, Jacques KOSSOWSKI, Robert LAMY, Pierre LASBORDES, Thierry LAZARO, Pierre LELLOUCHE, Jean-Claude LEMOINE, Lionnel LUCA, Thierry MARIANI, Alain MARLEIX, Franck MARLIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Jacques MASDEU-ARUS, Mme Jacqueline MATHIEU-OBADIA, MM. Gilbert MEYER, Jean-Claude MIGNON, Charles MIOSSEC, Pierre MORANGE, Renaud MUSELIER, Jacques MYARD, Jean-Marc NUDANT, Patrick OLLIER, Robert PANDRAUD, Jacques PELISSARD, Dominique PERBEN, Serge POIGNANT, Bernard PONS, Robert POUJADE, Didier QUENTIN, Jean-Bernard RAIMOND, Jean-Luc REITZER, Nicolas SARKOZY, André SCHNEIDER, Bernard SCHREINER, Frantz TAITTINGER, Michel TERROT, Jean-Claude THOMAS, Georges TRON, Jean UEBERSCHLAG, Léon VACHET, Jean VALLEIX, François VANNSON, Roland VUILLAUME, Jean-Luc WARSMANN, Mmes Marie-Jo ZIMMERMANN, Nicole AMELINE, M. François d'AUBERT, Mme Sylvia BASSOT, MM. Jacques BLANC, Pascal CLÉMENT, Bernard DEFLESSELLES, Franck DHERSIN, Laurent DOMINATI, Charles EHRMANN, Nicolas FORISSIER, Gilbert GANTIER, Claude GATIGNOL, Claude GOASGUEN, François GOULARD, Pierre HELLIER, Marc LAFFINEUR, Jean-Claude LENOIR, Michel MEYLAN, Yves NICOLIN, Pierre ALBERTINI, Pierre-Christophe BAGUET, Jacques BARROT, Claude BIRRAUX, Emile BLESSIG, Mme Christine BOUTIN, MM. Loïc BOUVARD, Yves BUR, René COUANAU, Charles de COURSON, Marc-Philippe DAUBRESSE, Francis DELATTRE, Léonce DEPREZ, Renaud DUTREIL, Jean-Pierre FOUCHER, Alain FERRY, Claude GAILLARD, Hubert GRIMAULT, Pierre HÉRIAUD, Patrick HERR, Mmes Anne-Marie IDRAC, Bernadette ISAAC-SIBILLE, MM. Henry JEAN-BAPTISTE, Jean-Jacques JÉGOU, Edouard LANDRAIN, Maurice LEROY, Roger LESTAS, Maurice LIGOT, Christian MARTIN, Pierre MÉHAIGNERIE, Pierre MENJUCQ, Arthur PAECHT, Dominique PAILLÉ, Jean-Luc PRÉEL, Marc REYMANN, François ROCHEBLOINE et François SAUVADET, députés, et par MM. Jean ARTHUIS, Alain LAMBERT, Philippe MARINI, Nicolas ABOUT, Louis ALTHAPÉ, Denis BADRÉ, José BALARELLO, Jacques BAUDOT, Michel BÉCOT, Georges BERCHET, Jean BERNARD, Roger BESSE, Paul BLANC, Maurice BLIN, André BOHL, Christian BONNET, James BORDAS, Joël BOURDIN, Jean BOYER, Louis BOYER, Gérard BRAUN, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Louis de BROISSIA, Michel CALDAGUÈS, Robert CALMÉJANE, Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Claude CARLE, Auguste CAZALET, Charles CECCALDI-RAYNAUD, Gérard CÉSAR, Jean CHÉRIOUX, Marcel-Pierre CLEACH, Jean CLOUET, Gérard CORNU, Charles-Henri de COSSE-BRISSAC, Charles de CUTTOLI, Jean-Paul DELEVOYE, Robert Del PICCHIA, Fernand DEMILLY, Marcel DENEUX, Gérard DÉRIOT, Charles DESCOURS, Jacques DOMINATI, Paul DUBRULE, Alain DUFAUT, Ambroise DUPONT, Jean-Léonce DUPONT, Jean-Paul ÉMIN, Jean-Paul ÉMORINE, Michel ESNEU, Hubert FALCO, André FERRAN, Hilaire FLANDRE, Jean-Pierre FOURCADE, Bernard FOURNIER, Philippe FRANÇOIS, Serge FRANCHIS, Yves FRÉVILLE, Philippe de GAULLE, Patrice GÉLARD, Alain GÉRARD, François GERBAUD, Paul GIROD, Daniel GOULET, Alain GOURNAC, Francis GRIGNON, Louis GRILLOT, Georges GRUILLOT, Hubert HAENEL, Mme Anne HEINIS, MM. Pierre HÉRISSON, Alain HETHENER, Daniel HOEFFEL, Jean-Paul HUGOT, Jean-Jacques HYEST, André JOURDAIN, Roger KAROUTCHI, Jean-Philippe LACHENAUD, Gérard LARCHER, Patrick LASSOURD, René-Georges LAURIN, Dominique LECLERC, Guy LEMAIRE, Roland du LUART, Jacques MACHET, André MAMAN, René MARQUES, Pierre MARTIN, Serge MATHIEU, Jean-Luc MIRAUX, Bernard MURAT, Philippe NACHBAR, Paul NATALI, Mme Nelly OLIN, MM. Joseph OSTERMANN, Jacques OUDIN, Jean PÉPIN, Guy POIRIEUX, Ladislas PONIATOWSKI, André POURNY, Jean PUECH, Jean-Pierre RAFFARIN, Henri de RAINCOURT, Charles REVET, Henri REVOL, Louis-Ferdinand de ROCCA SERRA, Josselin de ROHAN, Raymond SOUCARET, Louis SOUVET, Martial TAUGOURDEAU, Henri TORRE, René TRÉGOUET, François TRUCY, Alain VASSELLE, Jean-Pierre VIAL, Xavier de VILLEPIN et Serge VINÇON, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la deuxième loi de finances rectificative pour 2000 ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu la directive 92/5/CEE du Conseil, du 10 février 1992, portant modification et mise à jour de la directive 77/99/CEE relative à des problèmes sanitaires en matière d'échanges intracommunautaires de produits à base de viande et modifiant la directive 64/433/CEE ;

Vu la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des douanes ;

Vu le code des postes et télécommunications ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 26 décembre 2000 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les députés auteurs de la première saisine défèrent au Conseil constitutionnel la deuxième loi de finances rectificative pour 2000 en mettant en cause sa sincérité ; qu'ils contestent plus particulièrement ses articles 6, 37 et 48 ; que, pour leur part, les sénateurs auteurs de la seconde saisine critiquent, en tout ou partie, ses articles 2, 3, 4, 8, 16, 35, 37, 48 et 64 ;

- SUR LA SINCERITE DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE :

2. Considérant que la sincérité des recettes et du déficit figurant dans la loi déférée est contestée par les députés requérants ; qu'ils dénoncent à cet égard une sous-évaluation de recettes fiscales ;

3. Considérant que les ressources de l'Etat retracées dans les lois de finances présentent un caractère prévisionnel et sont prises en compte sous forme d'évaluations ; qu'il ne ressort pas des éléments fournis au Conseil constitutionnel que les évaluations prises en compte dans l'article d'équilibre soient, eu égard au montant de la sous-estimation alléguée rapporté aux masses budgétaires, entachées d'une erreur manifeste ; que, par suite, le grief doit être écarté ;

- SUR L'ARTICLE 2 :

4. Considérant qu'en exécution d'un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes en date du 12 septembre 2000, l'article 2 modifie le régime de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux exploitants d'ouvrages de circulation routière à péages pour le rendre compatible avec la directive susvisée du 17 mai 1977 ; qu'en application des nouvelles dispositions, les opérations des exploitants seront assujetties au nouveau régime à compter du 1er janvier 2001 ;

5. Considérant qu'aux termes du VII de l'article 2, seul contesté par les requérants : " Les exploitants d'ouvrages de circulation routière dont les péages sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée peuvent formuler des réclamations contentieuses tendant à l'exercice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant, le cas échéant, grevé à titre définitif les travaux de construction et de grosses réparations qu'ils ont réalisés à compter du 1er janvier 1996 au titre d'ouvrages mis en service avant le 12 septembre 2000.
" Le montant restitué est égal à l'excédent de la taxe sur la valeur ajoutée qui a ainsi grevé les travaux sur la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux péages qui n'a pas été acquittée du 1er janvier 1996 au 11 septembre 2000 " ;

6. Considérant que les sénateurs requérants soutiennent qu'" en disposant que les exploitants d'ouvrages de circulation routière peuvent formuler des réclamations contentieuses dans les seules conditions fixées par la loi, et en déterminant par avance dans la loi le résultat de ces contentieux ", l'article 2 méconnaîtrait le droit au recours qui découle de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que serait également méconnue l'autorité qui s'attache à la chose jugée par la Cour de justice des communautés européennes, le contribuable ayant droit " à la pleine application d'une décision de justice " ; que la compensation opérée par le législateur entre la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur les péages et la taxe sur la valeur ajoutée déductible constituerait une validation législative et un dispositif fiscal rétroactif que ne justifierait aucun motif d'intérêt général ; qu'enfin, une rupture de l'égalité devant les charges publiques résulterait du fait que " seuls les ouvrages construits après le 1er janvier 1996 ouvriront droit à déduction ", alors que " tous les péages perçus... seront soumis à la TVA dès le 1er janvier 2001 " et que des sociétés ont construit l'essentiel de leurs ouvrages avant 1996 ;

7. Considérant que la disposition contestée, qui ne constitue ni une mesure de validation ni une disposition fiscale rétroactive, a pour seul objet et pour seul effet de permettre aux exploitants d'obtenir, s'ils y trouvent un intérêt financier, la reconstitution de leur situation au regard du nouveau régime de la taxe sur la valeur ajoutée pour la période comprise entre le 1er janvier 1996 et le 12 septembre 2000 ; que, s'il en résulte que seule la taxe sur la valeur ajoutée grevant les travaux réalisés à compter du 1er janvier 1996 sur des ouvrages mis en service avant le 12 septembre 2000 ouvre droit à cette déduction, cette limitation dans le temps des droits à réclamation, au demeurant conforme au droit commun des réclamations tel qu'il résulte de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, ne porte pas au droit au recours une atteinte contraire à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, par ailleurs, ces dispositions n'entraînent aucune rupture d'égalité dès lors qu'elles s'appliquent dans les mêmes conditions à tous les exploitants se trouvant dans la même situation ; que la circonstance que certaines entreprises, ayant réalisé l'essentiel de leurs travaux avant le 1er janvier 1996, ne bénéficient pas des droits à déduction afférents aux travaux réalisés avant cette date n'entraîne aucune rupture d'égalité, dès lors qu'elles se trouvent dans une situation différente ; que, par suite, l'article 2 n'est contraire à aucun principe ni à aucune règle de valeur constitutionnelle ;

- SUR L'ARTICLE 3 :

8. Considérant que l'article 3 de la loi déférée affecte au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale le reliquat du droit de consommation sur les tabacs manufacturés perçu par l'Etat au titre de l'année 2000 ;

9. Considérant que, selon les sénateurs requérants, l'article 3 ne respecterait pas les dispositions de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale dans la mesure où il méconnaîtrait le champ respectif des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, " une loi de finances ne pouvant modifier une mesure contenue dans une loi de financement de la sécurité sociale " ;

10. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa du II de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale : " Seules les lois de financement peuvent modifier les dispositions prises en vertu des 1° à 5° du I " ; que cette dernière disposition a pour objet de faire obstacle à ce que les conditions générales de l'équilibre financier, telles qu'elles résultent de la loi de financement de la sécurité sociale de l'année, modifiée le cas échéant, par des lois de financement rectificatives, ne soient affectées par l'application de textes législatifs ou réglementaires dont les incidences sur les conditions de cet équilibre, dans le cadre de l'année, n'auraient pu au préalable, être appréciées et prises en compte par une des lois de financement susmentionnées ;

11. Considérant que le transfert du reliquat du produit du droit de consommation sur les tabacs du budget de l'Etat vers le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale est évalué à trois milliards de francs ; que ce transfert affecterait les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale pour l'année 2000, alors qu'aucune loi de financement de la sécurité sociale n'a pris en compte cette incidence et qu'aucune ne pourra plus le faire d'ici à la fin de l'exercice ; qu'il convient à cet égard de relever que le IX de l'article 16 de la loi susvisée du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 rend seulement applicable, dès le 1er janvier 2000, l'affectation des droits sur les boissons au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale ;

12. Considérant, en conséquence, que l'article 3 de la loi déférée doit être déclaré non conforme à la Constitution comme contraire aux dispositions de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ;

- SUR L'ARTICLE 4 :

13. Considérant que l'article 4 de la loi déférée majore de 350 millions de francs le prélèvement opéré sur le produit de la contribution sociale des sociétés au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles pour 2000 ; que cette disposition a pour effet de diminuer du même montant les ressources affectées au fonds de solidarité vieillesse ;

14. Considérant que les sénateurs auteurs de la requête soutiennent que " cette disposition aurait dû être adoptée en loi de financement " et qu'" en modifiant les prévisions de recettes de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 ", le législateur n'aurait pas respecté l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ;

15. Considérant que la mesure prévue par l'article critiqué, qui trouve sa place dans une loi de finances, n'a pas sur les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale pour l'année 2000 une incidence telle qu'elle aurait dû, au préalable, être prise en compte par une loi de financement de la sécurité sociale ; que le grief tiré du non respect de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale doit donc être rejeté ;

- SUR L'ARTICLE 6 :

16. Considérant que le I de l'article 6 a pour objet de procéder, à hauteur de 13 millions de francs, à un abandon de créances détenues par l'Etat sur la Société nouvelle du journal l'Humanité, au titre des prêts participatifs accordés en 1990 et 1993, imputés sur le compte spécial du Trésor intitulé " Prêts du Fonds de développement économique et social " ; que sont également abandonnés les intérêts contractuels courus et échus des échéances de 1999 et de 2000 ;

17. Considérant que les députés requérants soutiennent que le " sort particulier " réservé au quotidien l'Humanité, " qui favorise un journal de la presse d'opinion par rapport aux autres ", porte atteinte au principe d'égalité ;

18. Considérant que la disposition contestée accorde une remise partielle de dettes à une entreprise en difficulté ; qu'une telle aide n'est pas inhabituelle s'agissant d'entreprises ayant bénéficié de prêts du fonds de développement économique et social ; qu'elle participe au surplus de la volonté de préserver le pluralisme des quotidiens d'information politique et générale, qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle ; que, par suite, le grief tiré d'une rupture d'égalité doit être rejeté ;

- SUR L'ARTICLE 8 :

19. Considérant que cet article a pour objet de créer un compte de commerce destiné à retracer les opérations de " gestion active " de la dette et de la trésorerie de l'Etat effectuées au moyen d'instruments financiers à terme ;

20. Considérant que manque en fait le grief, présenté par les sénateurs requérants, selon lequel cet article ne comporterait pas d'évaluation des recettes et des dépenses du compte nouvellement créé ; qu'en tout état de cause, en vertu de l'article 26 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée, seules l'évaluation des dépenses et la fixation du découvert autorisé doivent figurer, comme c'est le cas en l'espèce, dans la loi de finances ;

- SUR L'ARTICLE 16 :

21. Considérant que l'article 16 ouvre un " crédit de paiement de dépenses de fonctionnement " sur le compte de " Prêts du Trésor à des Etats étrangers et à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social " ; que, selon les sénateurs requérants, cette ouverture de crédits, dont le rattachement ne serait pas conforme à la nomenclature budgétaire, aurait dû être imputée sur le " Compte d'affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés " ;

22. Considérant qu'il résulte de l'article critiqué que les crédits qu'il ouvre s'imputent sur le chapitre intitulé " Prêts à l'Agence française de développement pour des opérations de développement économique et social dans des Etats étrangers " ; qu'ils sont dès lors destinés à une opération de prêt et non à une dotation en capital ; qu'ainsi, le grief manque en fait ;

- SUR L'ARTICLE 35 :

23. Considérant que le I de l'article 35 de la loi déférée modifie l'article 302 bis ZD du code général des impôts ; qu'il relève les limites de taux de la taxe sur les achats de viande et son seuil d'exonération ; qu'il étend cette taxe aux achats d'" autres produits à base de viande " ; que le II affecte le produit de la taxe au budget général à compter du 1er janvier 2001 ;

24. Considérant que les sénateurs requérants soutiennent que cet article méconnaîtrait à plusieurs titres le principe d'égalité devant l'impôt ; qu'en taxant " essentiellement les moyennes et grandes surfaces de distribution ", il créerait une discrimination injustifiée au regard de la destination de cette taxe ; qu'en outre, le taux de celle-ci serait confiscatoire en raison du niveau de marge des redevables ; que le critère d'assujettissement en fonction du chiffre d'affaire global serait non pertinent et " étranger à la capacité contributive " des intéressés ;

25. Considérant, par ailleurs, que, selon les requérants, les produits " à base de viande " n'étant pas définis avec précision, l'article serait entaché d'incompétence négative ;

26. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;

27. Considérant, en premier lieu, qu'à compter du 1er janvier 2001, le produit de la taxe sur les achats de viande ne sera plus affecté au financement du service public de l'équarrissage, mais constituera une recette du budget général de l'Etat ; que sont dès lors inopérants les griefs tirés de ce que l'affectation de la taxe sur les achats de viande commanderait d'y soumettre les distributeurs de viande à raison des quantités vendues ;

28. Considérant, en deuxième lieu, que les limites supérieures des taux d'imposition déterminées par le législateur n'ont pas un caractère confiscatoire ;

29. Considérant, en troisième lieu, que la taxe en cause restera assise non sur le chiffre d'affaires des distributeurs, mais sur le montant de leurs achats ; que le législateur a entendu, en fixant le nouveau seuil d'exonération, simplifier les démarches et obligations des entreprises ; que la loi a pu, sans méconnaître le principe d'égalité, prévoir de n'assujettir au paiement de la taxe que les personnes réalisant un chiffre d'affaires supérieur au seuil qu'elle a fixé ;

30. Considérant, en dernier lieu, que les " autres produits à base de viande " sont précisément définis par la directive susvisée du 10 février 1992, définition à laquelle le législateur s'est référé ; qu'ainsi, manque en fait le grief tiré de ce que le législateur serait resté en-deçà de sa compétence en ne définissant pas ces produits avec une précision suffisante ;

31. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que doivent être rejetés les griefs soulevés à l'encontre de l'article 35 ;

- SUR L'ARTICLE 37 :

32. Considérant que le I de l'article 37 de la loi déférée étend la taxe générale sur les activités polluantes instituée à l'article 266 sexies du code des douanes à l'électricité et aux produits énergétiques fossiles ; qu'il fixe l'assiette, le barème, les cas d'exonération et les modalités de recouvrement de cette taxe ;

33. Considérant que les deux saisines font notamment grief à ces dispositions de porter atteinte à divers titres au principe d'égalité devant l'impôt ;

34. Considérant que, conformément à l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être assujettis les contribuables ; que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que soient établies des impositions spécifiques ayant pour objet d'inciter les redevables à adopter des comportements conformes à des objectifs d'intérêt général, pourvu que les règles qu'il fixe à cet effet soient justifiées au regard desdits objectifs ;

35. Considérant qu'il ressort tant de l'exposé des motifs de la loi déférée que des débats parlementaires à l'issue desquels a été adopté l'article 37 que l'objectif de la mesure est, dans le cadre des engagements internationaux de la France, de renforcer la lutte contre l'" effet de serre " en incitant les entreprises à maîtriser leur consommation de produits énergétiques ; que c'est en fonction de l'adéquation des dispositions critiquées à cet objectif d'intérêt général qu'il convient de répondre aux griefs tirés de la rupture de l'égalité devant l'impôt ;

36. Considérant, d'une part, que les modalités de calcul de la taxe arrêtées par l'article 37 pourraient conduire à ce qu'une entreprise soit taxée plus fortement qu'une entreprise analogue, alors même qu'elle aurait contribué de façon moindre au rejet de gaz carbonique dans l'atmosphère ;

37. Considérant, d'autre part, qu'il est prévu de soumettre l'électricité à la taxe, alors pourtant qu'en raison de la nature des sources de production de l'électricité en France, la consommation d'électricité contribue très faiblement au rejet de gaz carbonique et permet, par substitution à celle des produits énergétiques fossiles, de lutter contre l'" effet de serre " ;

38. Considérant, dans ces conditions, que les différences de traitement qui résulteraient de l'application de la loi ne sont pas en rapport avec l'objectif que s'est assigné le législateur ; que les dispositions en cause sont dès lors contraires au principe d'égalité devant l'impôt ; que les autres dispositions du I en sont inséparables ; qu'il y a lieu, par suite, de déclarer le I de l'article 37 contraire à la Constitution et, par voie de conséquence, ses II et III ;

- SUR L'ARTICLE 48 :

39. Considérant que l'article 48 prévoit que les opérateurs autorisés en application des articles L. 33-1 et L. 34-1 du code des postes et télécommunications " mettent en place et assurent la mise en oeuvre des moyens nécessaires aux interceptions justifiées par les nécessités de la sécurité publique. Les investissements réalisés à cette fin sont à leur charge " ; qu'il dispose en outre que " L'Etat participe au financement des charges d'exploitation supportées par les opérateurs pour la mise en oeuvre des moyens nécessaires dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat " ;

40. Considérant qu'il est fait grief à cet article par les deux saisines de mettre à la charge des opérateurs la totalité du coût des investissements nécessaires à la pratique des interceptions , ainsi qu'une partie des charges d'exploitation correspondantes ; que, selon les requérants, ces dispositions rompent l'égalité devant les charges publiques ;

41. Considérant que, s'il est loisible au législateur, dans le respect des libertés constitutionnellement garanties, d'imposer aux opérateurs de réseaux de télécommunications de mettre en place et de faire fonctionner les dispositifs techniques permettant les interceptions justifiées par les nécessités de la sécurité publique, le concours ainsi apporté à la sauvegarde de l'ordre public, dans l'intérêt général de la population, est étranger à l'exploitation des réseaux de télécommunications ; que les dépenses en résultant ne sauraient dès lors, en raison de leur nature, incomber directement aux opérateurs ;

42. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de déclarer contraire à la Constitution la deuxième phrase du deuxième alinéa et le troisième alinéa du I de l'article 48, ainsi que le II du même article ; que demeurent en conséquence applicables les dispositions de l'article L. 35-6 du code des postes et télécommunications aux termes desquelles : " Les prescriptions exigées par la défense et la sécurité publique et les garanties d'une juste rémunération des prestations assurées à ce titre, à la demande de l'Etat, par les opérateurs autorisés en application des articles L. 33-1 et L. 34-1 sont déterminées par leur cahier des charges " ;

- SUR L'ARTICLE 64 :

43. Considérant qu'aux termes du premier paragraphe du I de l'article 64 : " Les exploitants agricoles installés en Corse et affiliés auprès de la caisse de mutualité sociale agricole de Corse au 1er janvier 2001, dont la viabilité économique de l'exploitation a été démontrée par un audit, qui sont à jour de leurs cotisations sociales se rapportant aux périodes d'activité postérieures au 31 décembre 1998 et qui ont renvoyé à la caisse de mutualité sociale agricole de Corse leur déclaration de revenus professionnels conformément aux dispositions en vigueur, peuvent demander, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, à la caisse de mutualité sociale agricole de Corse, à conclure un plan d'apurement de leurs dettes, antérieures au 1er janvier 1999, relatives aux cotisations patronales de sécurité sociale ainsi qu'aux pénalités et majorations de retard correspondantes. Cette demande entraîne de plein droit une suspension des poursuites engagées par la caisse afférentes auxdites dettes... " ; qu'il résulte du II du même article que le plan d'apurement peut comporter des mesures de report et de rééchelonnement des paiements des dettes de cotisations patronales de sécurité sociale, des mesures de remise de ces mêmes dettes, ainsi que des réductions ou suppressions des majorations et pénalités de retard afférentes aux cotisations, même si le principal n'a pas été réglé ;

44. Considérant que les sénateurs requérants font grief à ce dispositif de " créer une inégalité entre les exploitants agricoles installés en Corse et ceux du continent, ce qui est contraire au principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi " ; qu'ils font valoir que cette inégalité de traitement " ne peut être que difficilement justifiée par une différence fondamentale de situation " ;

45. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;

46. Considérant qu'il ne résulte ni des termes de la disposition contestée ni des travaux parlementaires qu'une situation particulière à la Corse justifierait que les exploitants agricoles qui y sont installés bénéficient, dans les conditions précisées ci-dessus, d'un plan d'apurement de leurs dettes sociales ; que la seule circonstance que les retards observés dans le paiement des cotisations sociales agricoles sont plus importants qu'ailleurs ne saurait justifier la différence de traitement entre les exploitants agricoles installés en Corse et ceux installés sur le continent qui seraient dans une situation analogue ; qu'en outre, ni la loi ni les travaux parlementaires n'évoquent un motif d'intérêt général de nature à fonder une telle différence de traitement ; que, dès lors, l'article 64 est contraire à la Constitution ;

47. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution,

Décide :

Article premier :

Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la deuxième loi de finances rectificative pour 2000 :
- l'article 3 ;

- les I, II et III de l'article 37 ;

- la deuxième phrase du deuxième alinéa et les deux derniers alinéas de l'article 48 ;

- l'article 64.

Article 2 :

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la

République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 décembre 2000, où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, Président, Georges ABADIE, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Alain LANCELOT, Mme Noëlle LENOIR, M. Pierre MAZEAUD et Mmes Monique PELLETIER et Simone VEIL.


Loi de finances rectificative pour 2000
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs, de recours dirigés contre la loi de finances rectificative pour 2000, adoptée le 21 décembre 2000. Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I. - Sur la sincérité des prévisions
de recettes et du déficit
A. - Le recours présenté par les députés adresse à la loi de finances rectificative pour 2000 un certain nombre de critiques tirées du principe de sincérité budgétaire.
Ils estiment que ce texte comporterait une prévision de recettes fiscales « manifestement sous-évaluée » et fixerait le niveau du déficit budgétaire de l'exercice 2000 à un niveau « manifestement erroné ».
B. - Cette critique est mal fondée, en droit comme en fait.
A titre liminaire, on rappellera d'abord qu'il convient de bien distinguer ce qui relève des débats d'experts ou de l'appréciation politique sur la gestion des finances publiques de ce qui peut mettre en cause la conformité à la Constitution de la loi de finances au regard du principe de sincérité du budget.
Ce principe, en effet, s'applique ici à un exercice de prévision marqué par des aléas importants. Il porte sur des masses telles qu'un faible écart par rapport à la prévision initiale déplace plusieurs milliards ou dizaines de milliards de francs. En outre, impôt par impôt, les effets de calendrier, les modes de recouvrement et les modifications de la législation compliquent encore l'exercice.
Dans ces conditions, les chiffres retenus par le Gouvernement peuvent évidemment faire l'objet de débats, et il s'avère au demeurant que les recettes finalement enregistrées font toujours apparaître des écarts avec les prévisions de la loi de finances initiale et même avec celles de la loi de finances rectificative de fin d'année. Mais, au plan juridique, seule une sous-évaluation manifeste, dénaturant la signification du contrôle parlementaire sur ces prévisions, pourrait donner prise à un contrôle de constitutionnalité.
C'est au demeurant ce que le Conseil constitutionnel a expressément jugé, en réponse à des griefs analogues à ceux qui sont soulevés en l'espèce, dans ses décisions relatives à la loi de finances rectificative pour 1999 (no 99-425 DC du 29 décembre 1999) et à la loi de finances pour 2000 (no 99-424 DC du 29 décembre 1999), qui se réfèrent à la notion « d'erreur manifeste » pour marquer les limites du contrôle de constitutionnalité dans ce domaine.
C'est compte tenu de ces considérations préalables que les précisions suivantes peuvent être apportées.
1. S'agissant des évaluations de recettes, et contrairement à ce qu'affirme le recours des députés, les chiffres définitifs d'encaissements de recettes fiscales à fin septembre ne remettent pas en cause les évaluations de recettes présentées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative de fin d'année.
a) En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, plusieurs éléments méritent d'être soulignés.
Compte tenu du niveau atteint à la fin septembre (186,2 MdsF), l'évaluation présentée (255,7 MdsF) suppose 69,5 MdsF d'encaissements nets au dernier trimestre, soit un niveau proche de celui de l'an dernier (70,5 MdsF). Cette prévision tient compte de la suppression de la contribution supplémentaire temporaire instituée en 1997, qui devrait se traduire par une perte de recettes en décembre de 10,5 MdsF, correspondant au flux de recettes constatées en décembre 1999 à ce titre. Elle intègre donc près de 10 MdsF de plus-values « tendancielles » par rapport à 1999.
Les plus-values constatées sur le flux d'encaissements de septembre ne s'élevant qu'à 5,2 MdsF (45,6 MdsF contre 40,4 MdsF), on voit que la prévision associée au projet de loi de finances rectificative n'est nullement pessimiste, puisqu'elle suppose un ressaut en décembre, supérieur de 5 MdsF au ressaut constaté en septembre sur le troisième acompte 2000. L'effet de la suppression de la contribution temporaire étant concentré sur le mois de décembre, il existe bien une raison objective pour que la progression des recettes d'impôt sur les sociétés constatée à fin septembre ne soit pas extrapolée au résultat d'exécution.
De fait, l'aléa inévitable, à ce stade de l'année, sur les recouvrements d'impôt sur les sociétés, est plutôt légèrement à la baisse, puisque le mois de décembre 1999 bénéficiait pleinement de l'effet accélérateur qu'induit le mode de recouvrement par acomptes et solde : les encaissements de décembre 1999 reflétaient la forte accélération de l'assiette, c'est-à-dire du bénéfice fiscal en 1998. Une telle accélération ne paraît pas devoir être observée sur le bénéfice fiscal 1999.
b) S'agissant en deuxième lieu de l'impôt sur le revenu, l'écart de 6 milliards de francs mentionné dans la saisine entre dans la marge d'incertitude affectant la prévision, puisque cet écart ne représente que 1,7 % du montant total d'encaissements attendu.
Par ailleurs, pas plus que pour l'impôt sur les sociétés, la progression observée à fin septembre n'est extrapolable à l'ensemble de l'année. En effet, la progression observée sur les premiers mois de l'année 2000 est liée au mécanisme de recouvrement par acomptes et solde : le dynamisme du revenu des ménages en 1998 s'est traduit par un montant élevé de versements au titre du solde 1999 et, par voie de conséquence, des acomptes 2000, qui s'inscrivent en forte progression par rapport aux acomptes 1999. Cette progression ne devrait pas se retrouver dans le solde 2000.
On peut d'ailleurs remarquer que selon les chiffres même cités dans le recours, les rentrées d'impôt sur le revenu ont fortement ralenti entre juillet et septembre, leur progression annuelle passant de 9 % à 6,7 %. Ce ralentissement s'est confirmé depuis lors, ce qui conforte la prudence de l'évaluation associée au projet de loi de finances rectificative.
De manière générale, il convient de souligner que les éventuelles plus-values qui pourraient être constatées en exécution sur certains impôts sont compensées par de probables moins-values sur d'autres impôts, notamment l'impôt sur les sociétés, pour les raisons mentionnées plus haut, et la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), compte tenu de la faiblesse des rentrées enregistrées à fin novembre (- 0,9 % par rapport à novembre 1999, contre + 1,3 % à fin septembre).
Au total, rien ne permet d'affirmer que l'évaluation des recettes fiscales présentée soit entachée d'un biais négatif.
c) Quant aux recettes non fiscales, il convient de souligner que le Gouvernement dispose d'un pouvoir d'appréciation pour le choix du moment de leur perception, laquelle nécessite généralement un acte juridique qui relève de son initiative. Les choix faits à cet égard ont été portés à la connaissance du Parlement, ainsi qu'il ressort notamment de l'exposé général des motifs du projet de loi de finances rectificative.
Ainsi le Gouvernement a proposé, en ce qui concerne le compte Etat à la COFACE et les fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations, de renoncer à prélever la totalité des sommes qui avaient été inscrites, à titre prévisionnel, dans la loi de finances rectificative votée en juillet. Cette proposition avait déjà été explicitée dans le fascicule voies et moyens associée au projet de loi de finances 2001.
2. Les recettes n'étant pas sous-évaluées, le solde du collectif de 209,7 milliards de francs ne peut être « ramené à 190 milliards de francs », comme le soutiennent les auteurs de la saisine.
L'exposé général des motifs du projet de loi de finances rectificative pour 2000 précise que le « solde du collectif devrait ensuite s'accompagner d'un déficit probable d'exécution inférieur à 200 milliards de francs ». Cette prévision d'exécution, qui figure pour la première fois dans un projet de loi de finances rectificative, est un gage de sincérité et de transparence vis-à-vis du Parlement. Elle intègre les économies qui seront constatées ex post sur un certain nombre de dépenses, non encore identifiables à ce stade mais statistiquement probables au vu de l'exécution des années passées.
Le solde constaté en exécution diffère en général du solde prévu par la loi de finances rectificative, pour plusieurs raisons :
La loi de finances ne fixe que des plafonds de dépenses. Par rapport à ces plafonds, des économies sont régulièrement constatées en fin d'année sur la consommation des crédits de certains chapitres, sans qu'il soit possible de les identifier à l'avance au stade du collectif budgétaire. Ces économies se traduisent par des annulations en loi de règlement ou par des reports de crédits sur l'exercice suivant.
Les reports de crédits ne sont pas retracés en loi de finances. Ainsi, 75,4 MdsF de crédits ont été reportés de 1999 à 2000 ; une partie sera consommée en exécution, tandis qu'une partie des crédits ouverts en 2000 sera reportée sur 2001. Ceci est vrai, en particulier, des dépenses en capital ouvertes par la loi de finances rectificative, compte tenu de sa date de publication.
Les fonds de concours influent également sur la comparaison entre loi de finances et exécution. Conformément à l'article 19 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, les recettes de fonds de concours donnent lieu, après constatation de la recette, à ouverture d'un même montant de crédits en cours de gestion, sur un chapitre d'affectation donné.
Or, certains crédits correspondant à des fonds de concours peuvent être rattachés tardivement sans qu'il soit possible de les dépenser, et se trouver ainsi reportés sur l'exercice suivant. Le rythme de versement des fonds de concours et sa modification éventuelle d'une année sur l'autre n'est pas neutre sur le solde d'exécution budgétaire d'un exercice donné.
Au vu de ces éléments, la prévision d'un solde d'exécution inférieur à 200 MdsF n'entraîne nullement l'insincérité du solde de 209,5 MdsF de la loi de finances rectificative. La communication de cette prévision au Parlement était au contraire destinée à lui permettre de disposer de tous les éléments utiles pour se prononcer.

II. - Sur l'article 2
A. - L'article 2 a pour objet de tirer les conséquences de l'arrêt du 12 septembre 2000 par lequel la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a jugé que les péages perçus par les exploitants d'ouvrages de circulation routière, autres que les personnes morales de droit public agissant en qualité d'autorités publiques, devaient être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
Jusque-là, une société concessionnaire exploitant une autoroute était considérée, en France comme dans plusieurs autres pays européens, comme le mandataire de l'Etat, dès lors que c'est pour le compte de ce dernier qu'elle a construit cet équipement public. Dans cette logique, les péages perçus à l'occasion de l'utilisation de cet équipement public n'étaient pas assujettis. En contrepartie, la société concessionnaire ne pouvait pas récupérer la TVA ayant grevé les travaux de construction.
Toujours selon la même logique, en sa qualité de mandataire de l'Etat, la société perçoit une rémunération pour la prestation qu'elle assure, et qui correspond aux charges d'exploitation. Le régime applicable jusqu'ici consistait donc à n'assujettir à la TVA que cette rémunération, qui correspond à une fraction du montant des péages perçus.
Le I de l'article 2 de la loi déférée abroge les dispositions actuelles. Les II à VI du même article précisent les modalités d'application aux sociétés concessionnaires des règles générales relatives aux « livraisons à soi-même ». Le VII précise la manière dont les principes qui régissent d'ores et déjà le règlement de ce genre de situation dans le passé trouvent à s'appliquer à ces sociétés, en remontant jusqu'au 1er janvier 1996.
Selon les sénateurs requérants, ces dispositions limitent le droit à un recours, en méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789, et portent atteinte à la chose jugée par la CJCE. Le législateur validerait ainsi une doctrine administrative censurée par le juge administratif, sans motif d'intérêt général suffisant. Les requérants estiment d'ailleurs que le mécanisme rétroactif de compensation entre TVA due et crédits de TVA déductible n'est pas non plus justifié par l'intérêt général.
Les requérants considèrent, enfin, que ce dispositif se traduit par une rupture de l'égalité des sociétés devant les charges publiques, selon la date de mise en service de leurs ouvrages.
B. - Ces moyens ne sont pas fondés.
1. En premier lieu, les dispositions contestées ne portent aucune atteinte à la chose jugée par la CJCE, non plus qu'au droit de chaque redevable d'exercer des voies de recours. Il ne s'agit pas davantage d'une validation législative.
Il s'agit seulement de tirer les conséquences d'une situation inédite : celle que constitue la condamnation, par la CJCE, d'une disposition nationale conduisant à ne pas soumettre à la TVA des opérations qui auraient dû être taxées.
a) Dans un souci de sécurité juridique, l'article 2 prévoit, pour l'essentiel, que ces opérations ne seront assujetties qu'à compter de 2001. Le VI du même article permet cependant d'appliquer le nouveau régime de livraison à soi-même, qui est avantageux pour les entreprises concernées, aux ouvrages mis en service à compter du 12 septembre 2000, la date ainsi retenue étant celle de l'arrêt de la CJCE qui a constaté le manquement.
Aucun montant de TVA n'est dû pour le passé, alors même qu'en théorie l'interprétation qui a ainsi été donnée de la directive du 16 mai 1977 signifie que les opérations en cause auraient dû être soumises à la taxe depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1979, du régime issu de la directive.
Toutefois, le régime de la TVA présente, pour les entreprises, l'avantage de réduire le coût effectif des différentes dépenses, y compris d'investissement, qui ont concouru à la réalisation de l'opération taxable : la TVA d' « amont » est récupérable, c'est-à-dire soit imputable sur la TVA due au titre des opérations que réalise l'entreprise, soit remboursable, s'il s'avère que le montant de la première est supérieur à celui de la seconde. Autrement dit, les entreprises qui, en aval, répercutent sur l'utilisateur du service - en l'espèce l'usager de l'autoroute - le montant de la TVA dont elles sont redevables à ce titre, ne supportent en amont, au titre des frais et charges liés à cette opération, qu'un coût ramené à un montant hors taxe.
C'est pourquoi les sociétés concessionnaires, désormais assujetties sur l'ensemble des péages perçus, auraient pu réclamer le remboursement de la TVA d'amont, au titre notamment d'investissements importants réalisés auparavant, le montant de cette TVA supportée sur les travaux pouvant être supérieur à celle due au titre des péages encaissés. Une telle demande aurait pu se réclamer des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, qui a entendu transposer les règles traditionnelles de la prescription quadriennale aux actions en restitution fondées sur la constatation, par une décision de justice, de la non-conformité de la règle de droit dont il avait été fait application à une règle supérieure, en particulier de droit communautaire.
On relèvera, à ce stade, que cette limitation, qui permet d'éviter des remises en cause remontant trop loin dans le passé, ne méconnaît aucun principe constitutionnel. Elle est d'ailleurs conforme au droit communautaire, ainsi que la CJCE vient de le rappeler dans un arrêt Roquette Frères SA du 28 novembre 2000, dès lors que la limitation de délai de l'action en restitution est raisonnable et s'applique dans les mêmes conditions, que le droit communautaire soit en cause ou non.
Mais conformément au droit commun de la compensation, tel qu'il est défini par l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale serait alors en droit d'objecter au demandeur que, sur la même période, il aurait dû verser la TVA au titre des mêmes opérations. Les sommes correspondant au droit à déduction éventuellement constaté au cours de la période considérée ne peuvent donc être remboursées que dans la mesure où elles sont supérieures au montant de taxe que l'entreprise en cause aurait en principe dû verser au titre de cette même période.
b) Si les dispositions contestées par les requérants ont été introduites au VII de l'article 2, c'est seulement pour préciser et clarifier la combinaison de ces différentes règles, dans le cas, inédit, où la décision de justice dont il s'agit de tirer les conséquences n'a pas constaté que des impositions ont été réclamées à tort - ce que le législateur avait essentiellement en vue lorsque la loi du 29 décembre 1989 a inséré les dispositions mentionnées plus haut dans l'article L. 190 - mais a, au contraire, jugé que des opérations avaient, à tort, échappé à l'impôt.
C'est ainsi que, pour le passé, le dispositif retenu consiste en principe à réputer que les sociétés sont assujetties, comme elles auraient normalement dû l'être si le droit communautaire avait été respecté, mais en ne remontant que jusqu'au 1er janvier 1996. En contrepartie, elles peuvent déduire la TVA ayant grevé leurs travaux réalisés depuis cette même date. Mais il faut alors distinguer deux hypothèses :
- dans le cas - qui est notamment celui des concessionnaires qui ont réalisé d'importants travaux au cours de la période considérée - où la taxe à déduire à ce titre sera supérieure à celle qui devait être acquittée, les sociétés concernées pourront alors obtenir le remboursement de l'excédent de TVA déductible ;
- si, au contraire, il s'avère que la TVA due sur les péages encaissés au cours de cette période est supérieure à celle qui aurait pu être récupérée, l'article 2 prévoit que la société concernée est dispensée de toute régularisation et n'a donc rien à verser au Trésor.
En résumé, plutôt que de replacer intégralement les sociétés concessionnaires dans la situation qui aurait dû être la leur, avec l'inconvénient de faire verser par certaines d'entre elles la TVA pour le passé, le législateur a pris acte de ce que les exploitants n'ont fait qu'appliquer les règles de TVA qu'il avait jusque-là fixées et, dans un souci de sécurité juridique, il a préféré laisser cette reconstitution de leur situation au regard de la TVA à la discrétion des seules sociétés qui y trouveront un intérêt financier.
Ce dispositif ne méconnaît donc pas la chose jugée par le CJCE, qui n'impliquait pas d'assujettir rétroactivement les entreprises concernées. Et en tant qu'il limite dans le temps la période sur laquelle elles peuvent éventuellement obtenir le remboursement d'un excédent de taxe déductible, ces dispositions ne portent - pas plus que les actuels articles L. 190 et L. 203 du livre des procédures fiscales - aucune atteinte au droit au recours des intéressées.
On précisera enfin que, contrairement à ce qui a été soutenu au cours des débats parlementaires, le mécanisme de régularisation prévu à l'article 226 de l'annexe II au code général des impôts n'aurait pu s'appliquer à l'hypothèse considérée. Ce mécanisme permet à une entreprise qui utilisait des investissements pour les besoins d'opérations légitimement exonérées de TVA de déduire une fraction de la TVA ayant grevé ces investissements lorsqu'elle décide finalement d'affecter ces derniers à la réalisation d'opérations taxées.
Or, dans le cas des exploitants d'ouvrages routiers, les investissements étaient affectés à la réalisation d'opérations considérées à tort comme non assujetties à la TVA alors qu'elles auraient dû, dès l'origine, être soumises à la taxe.
Cette distinction entre, d'une part, le régime applicable en cas de changement d'affectation d'une immobilisation d'une activité exonérée vers une activité imposée et, d'autre part, le régime applicable à une immobilisation initialement affectée à une activité située hors du champ d'application de la TVA et finalement affectée à une activité soumise à la taxe, s'impose à la France compte tenu de la position prise à ce sujet par la CJCE dans un arrêt Lennartz du 11 juillet 1991.
A la suite de cet arrêt, la Commission européenne a demandé en 1993 à la France de rapporter la mesure de tolérance administrative en vertu de laquelle les dispositions de l'article 226 de l'annexe II au CGI bénéficiaient à toutes les immobilisations initialement affectées à des activités non soumises à la TVA, que ces dernières aient été assujetties à la TVA et exonérées de cette taxe ou qu'elles n'aient pas été assujetties à la TVA. Il a été procédé à cette modification de la doctrine administrative par une instruction du 8 septembre 1994 (cf

169 à 173 du BOI 3 CA-94).
2. En second lieu, la disposition incriminée n'introduit aucune rupture d'égalité entre les sociétés concessionnaires.
Elle s'applique en effet à une catégorie homogène de contribuables, constituée par toutes les entreprises dont l'activité de mise à disposition à titre onéreux d'ouvrages de circulation routière n'était précédemment pas assujettie à la TVA et sera soumise à cette taxe à compter du 1er janvier 2001.
La circonstance que son application puisse, en pratique, avoir pour effet que toutes les entreprises de cette catégorie ne bénéficieront pas, en définitive, d'une restitution de taxe ne traduit aucune atteinte au principe d'égalité, dans la mesure où cet état de fait résulte des différences objectives de situation de chacune de ces entreprises au regard du fonctionnement de la taxe sur la valeur ajoutée.

III. - Sur les articles 3 et 4
A. - L'article 3 de la loi déférée a pour objet d'affecter au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), au titre de l'année 2000, la part restée affectée à l'Etat de droit de consommation sur les tabacs manufacturés ; pour 2001 et les années postérieures, l'article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 procède à la même affectation. L'article 4 majore de 350 MF le prélèvement opéré sur le produit de la contribution sociale de solidarité des entreprises (C3S) au profit du BAPSA pour 2000.
A l'encontre de ces articles, les sénateurs auteurs de la seconde saisine invoquent les dispositions de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Ils estiment que, dès lors que cet article dispose que la loi de financement de la sécurité sociale « prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement », les mesures en cause ne peuvent être insérées dans une loi de finances.
Une même critique est d'ailleurs adressée à l'article 37, relatif à la taxe générale sur les activités polluantes, et à l'article 64, relatif à l'échelonnement de la dette sociale de certains agriculteurs, qui font par ailleurs l'objet d'observations plus loin.
B. - Cette argumentation ne pourra être qu'écartée, car elle repose sur une interprétation erronée des dispositions organiques relatives à la loi de financement de la sécurité sociale.
En effet, les dispositions citées du I de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale imposent seulement que, chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale comporte une prévision, par catégorie, des recettes de l'ensemble des organismes de sécurité sociale : il s'agit de permettre au Parlement de se prononcer sur des évaluations globales et de s'assurer ainsi, compte tenu des prévisions de dépenses, du financement d'ensemble de la sécurité sociale.
Ces dispositions ne sauraient, à l'évidence, être interprétées d'une manière telle qu'elles empêcheraient le Parlement ou le Gouvernement, dans le cadre de leurs compétences respectives, d'adopter, en dehors des lois de financement de la sécurité sociale, des mesures modifiant sur tel ou tel point le régime des impôts affectés aux organismes de sécurité sociale, des cotisations sociales, ou des autres recettes. Cette analyse est d'ailleurs confirmée par la décision no 2000-437 DC du 19 décembre 2000 relative à la loi de financement de la sécurité sociale, qui précise « que le législateur n'était pas tenu de déterminer dans la loi déférée elle-même le nouveau régime de la taxe générale sur les activités polluantes, nonobstant la circonstance que le produit de cette taxe alimente le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale ».
On peut ajouter à cela que les mesures prévues par les articles 3 et 4 sont très loin d'avoir, sur les recettes de l'année 2000, un effet d'une ampleur telle qu'il en résulterait un bouleversement des conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale pour 2000, tel que défini par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Elles ont, au contraire, et notamment en ce qui concerne l'article 3, pour objet de tirer les conséquences des évolutions constatées en cours de gestion ainsi que de certaines circonstances, telles que la censure par le Conseil constitutionnel des dispositions relatives à l'une des recettes qu'il était prévu d'affecter au FOREC (décision no 99-423 DC du 13 janvier 2000), de façon à rapprocher les recettes du niveau initialement prévu.
Eu égard à la nature et à l'ampleur limitée de ces ajustements, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'une loi de financement de la sécurité sociale rectificative aurait été nécessaire, au regard des prescriptions de la Constitution et de la loi organique prise pour son application.
En tout état de cause, les conditions générales de financement du FOREC en 2000 ont été retracées dans l'annexe f au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, présentée en application du II de l'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale, de sorte que l'information du Parlement a été assurée de manière complète sur ce point à l'occasion de l'examen de ce texte.

IV. - Sur l'article 6
A. - L'article 6 de la loi déférée prévoit l'abandon de créances détenues par le compte de prêts du Fonds de développement économique et social (FDES) sur la Société nouvelle du journal L'Humanité et sur l'Agence France-Presse. Les députés, auteurs de la première saisine, estiment que la mesure concernant le journal L'Humanité est contraire au principe d'égalité.
B. - Cette critique ne saurait être accueillie.
1. Il convient de préciser que la Société nouvelle du journal L'Humanité (SNJH), qui gère notamment le quotidien L'Humanité, a bénéficié en 1990 et 1993 de deux prêts participatifs du FDES d'un montant de 7 et 6 MF, afin d'accompagner la modernisation de la société. Ces créances ont été enregistrées sur le compte spécial du Trésor no 903-05.
Au cours des dernières années, les ventes du quotidien L'Humanité se sont érodées, passant de 68 200 exemplaires en 1991 à 54 200 en 1999, pour ne plus représenter qu'environ 45 000 exemplaires aujourd'hui. Cette diminution des ventes a provoqué une détérioration des résultats de la société et de la situation financière de l'entreprise.
Pour faire face à cette situation, l'entreprise a élaboré un plan de restructuration comportant des mesures de recomposition du capital, de réaménagement du passif bancaire et de rationalisation de la production (diminution des effectifs, centralisation de l'impression en région parisienne). Ces mesures devraient permettre un retour à l'équilibre d'exploitation et une consolidation de la structure financière de la société de nature à assurer sa pérennité.
La décision d'abandonner les créances de l'Etat détenues sur la SNJH s'inscrit dans le cadre de ce plan de redressement. Par cet abandon, l'Etat entend accompagner les efforts de restructuration de l'entreprise engagés par les actionnaires de la société et appuyés par ses partenaires financiers, afin de sauvegarder l'emploi et de maintenir le pluralisme de la presse.
2. Au regard du principe d'égalité, la situation particulière du journal L'Humanité, en droit comme en fait, doit être en premier lieu soulignée :
- du point de vue juridique, seule une autre entreprise de presse bénéficie d'un prêt du FDES, la société SEILPCA qui gère le quotidien La Marseillaise ;
- quant à sa situation de fait, le journal L'Humanité est le seul de ces deux organes de presse d'opinion à se trouver confronté à des difficultés mettant en péril la poursuite de sa parution, la société SEILPCA ne rencontrant pas les mêmes difficultés économiques et n'ayant donc pas engagé de plan de restructuration comparable à celui mis en place par la SNJH.
En second lieu, un intérêt général s'attache à la survie de cette entreprise, qui contribue au pluralisme de la presse française.
On rappellera au demeurant que, de manière générale, il existe des procédures de traitement des difficultés des entreprises qui peuvent déboucher, notamment dans le cadre du comité interministériel de restructuration industrielle, sur des rééchelonnements ou remises des dettes fiscales ou sociales. La mesure prévue n'est pas d'une nature différente de celles qui sont prises dans ce cadre et qui sont justifiées par des objectifs d'intérêt général tels que la préservation de l'emploi, le maintien du tissu économique d'une région ou la sauvegarde d'un secteur de l'économie nationale.

V. - Sur l'article 8
A. - L'article 8 de la loi de finances rectificative a pour objet de créer un compte de commerce destiné à retracer les opérations de gestion active de la dette et de la trésorerie de l'Etat : contrats d'échange de taux et de devises, achats et ventes de contrats à terme et d'options sur titres d'Etat.
Les requérants font valoir que cet article ne respecterait pas l'article 26 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 en ce qu'il omettrait d'évaluer les recettes et les dépenses du compte de commerce créé.
B. - Le Conseil constitutionnel ne saurait retenir ce moyen, car il manque en fait : il résulte des termes mêmes du dernier alinéa de l'article 8 qu'est prévue, outre une autorisation limitative de découvert, l'évaluation du montant des recettes et des dépenses du compte créé. On notera au demeurant que le Gouvernement n'était pas, aux termes de l'article 26 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, tenu de demander au Parlement de se prononcer sur le niveau des recettes et des dépenses, le découvert du compte faisant seul l'objet d'un vote.

VI. - Sur l'article 16
A. - L'article 16 a pour objet l'ouverture de mesures nouvelles au profit du compte de prêts à des Etats étrangers et à l'Agence française de développement (AFD) pour un montant de 400 MF .
Les crédits en cause sont des crédits dits de fonctionnement et seront donc ouverts par les décrets de répartition associés à la loi de finances rectificative sur le chapitre 2 « Prêts à l'Agence française de développement pour des opérations de développement économique et social dans des Etats étrangers ».
Les requérants font valoir que ce prêt serait en réalité constitutif d'une dotation en capital à l'AFD, et devrait en conséquence être retracé par le compte d'affectation spéciale no 902-24.
B. - Cette critique, qui ne met d'ailleurs en cause aucun principe constitutionnel, n'est pas fondée.
L'ouverture réalisée dans le projet de loi de finances rectificative est destinée à permettre un prêt de l'Etat à l'Agence française de développement, qui permettra à celle-ci de réaliser à son tour, conformément à sa vocation, des prêts au profit d'opérations de développement dans des pays étrangers. Cette ouverture et l'emploi qui en sera fait sont donc parfaitement conformes à l'objet du compte de prêts no 903-07.
Il se trouve effectivement que, depuis 1998, certains prêts consentis par l'Etat à l'AFD ont la caractéristique de prêts « subordonnés », c'est-à-dire placés dans les derniers rangs dans l'ordre de priorité pour le remboursement des créanciers en cas de défaillance. Cette caractéristique a notamment pour conséquence que ces prêts sont pris en compte comme des « quasi-fonds propres » pour l'établissement du ratio de solvabilité prévu par la réglementation bancaire qui s'impose à l'AFD en tant qu'établissement financier.
Cette conséquence particulière est sans effet aucun sur la nature des concours apportés par l'Etat à l'AFD au travers du compte de prêts du FDES.

VII. - Sur l'article 35
A. - Depuis le 1er janvier 1997, il a été institué une taxe sur les achats de viande, dite taxe d'équarrissage, qui est codifiée à l'article 302 bis ZD du code général des impôts.
Les dispositions de cet article prévoient notamment que la taxe est due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viandes et autres produits taxables, à condition que leur chiffre d'affaires de l'année civile précédente et le montant des achats mensuels hors taxes de viande soient respectivement supérieurs à 2 500 000 F et 20 000 F.
L'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2000 élargit l'assiette de la taxe à l'ensemble des produits à base de viandes, et porte les taux plafond de 0,6 % à 2,1 % et de 1 % à 3,9 %. Corrélativement, le seuil d'imposition de la taxe est relevé à 5 MF de chiffre d'affaires hors taxes.
Par ailleurs, l'affectation au CNASEA est supprimée à compter du 1er janvier 2001, le produit de la taxe revenant au budget général de l'Etat.
Pour contester cette mesure, les sénateurs requérants font valoir que la taxe ne pèsera désormais que sur une catégorie restreinte de débiteurs, la grande distribution, qui n'est pas dans une situation différente des autres entreprises qui achètent de la viande, au regard de l'objet de la taxe. Ils estiment que la référence au chiffre d'affaires global n'est pas pertinente et ne rend pas compte de la faculté contributive.
Enfin, ils soutiennent qu'en raison de l'ambiguïté de la notion de « produits à base de viande », la loi est entachée d'incompétence négative.
B. - Cette argumentation ne peut être accueillie.
1. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le nouveau seuil d'imposition de 5 MF est fondé sur des critères objectifs et rationnels.
a) En premier lieu, en effet, ce seuil correspond au seuil de chiffre d'affaires en deçà duquel les entreprises relève du régime simplifié d'imposition en matière de TVA.
A ce sujet, il faut rappeler que la taxe sur les achats de viandes est recouvrée et contrôlée selon les règles applicables en matière de TVA. Par ailleurs, un seuil de même montant a déjà été retenu pour d'autres taxes indirectes (exemple : taxe sur certaines dépenses de publicité instituée par l'article 23 de la loi de finances pour 1998 et codifiée à l'article 302 bis MA du CGI).
b) En deuxième lieu, ce seuil permet de dispenser des petites entreprises de formalités déclaratives complexes pour un enjeu financier faible.
Il importe, à cet égard, de souligner que les principaux contributeurs de la taxe étaient, d'ores et déjà, les moyennes et grandes surfaces. Ainsi, sur les 31 309 bouchers et charcutiers identifiés par la DGI, 27 264, soit 87 %, réalisaient un chiffre d'affaires inférieur à 2,5 MF. Les mêmes constatations peuvent être opérées pour les commerces d'alimentation générale (18 284 sur 20 860 en deçà de 2,5 MF).
Seront désormais dispensées de la taxe environ 2 289 entreprises, pour un produit de 16 MF, soit 2,4 % du recouvrement global de la taxe sur les achats de viande. En 1999, le produit de cette taxe s'est élevé à 657 MF pour 9 370 entreprises.
En relevant le seuil d'imposition, la loi déférée ne modifie que marginalement la répartition du poids de la taxe entre les catégories de professionnels.
En résumé, le relèvement du seuil conduit à exonérer le quart des redevables actuels, lesquels ne contribuaient qu'à hauteur de 2 % des recettes totales. La fixation de ce seuil répond donc à des considérations d'intérêt général en entraînant, pour un coût très limité, une réelle simplification.
On peut relever que, dans une hypothèse analogue, le Conseil constitutionnel a jugé pertinents de tel motifs de fixation de limites d'imposition, à propos des seuils de 500 000 F et 175 000 F pour le régime des « micro-entreprises » qui concourent à la détermination des résultats professionnels et à la franchise en matière de TVA (no 98-405 DC du 29 décembre 1998).
c) Le principe d'égalité devant les charges publiques n'est pas non plus méconnu en raison des effets de seuil, qui peuvent d'ailleurs exister quel que soit le niveau auquel est fixée l'exonération. En l'espèce, ils sont atténués par deux dispositifs ;
- l'application d'un taux réduit jusqu'à 125 000 F d'achats mensuels (soit 1,5 MF/an) ;
- et le fait que la taxe n'est pas due lorsque le montant d'achats mensuel est inférieur à 20 000 F hors TVA (soit 240 000 F par an).
En conséquence, les redevables qui réalisent un chiffre d'affaires élevé comprenant une faible part de vente de produits carnés sont exonérés.
Par ailleurs, et compte tenu des coefficients de bénéfice moyen dans la boucherie (de l'ordre de 2), une entreprise dont le chiffre d'affaires reposerait uniquement sur la vente de viande serait imposée, à partir d'un chiffre d'affaires de 5 MF, sur un montant d'achats de l'ordre de 2,5 MF.
On observera que, contrairement aux conclusions tirées par les requérants dans l'exemple cité pour étayer leur démonstration, une entreprise qui réalise un chiffre d'affaires annuel de 245 000 F de viande sur un total de chiffre d'affaires de 5,1 MF ne sera pas redevable de taxe sur les achats de viande. C'est la conséquence du dispositif d'atténuation mentionné plus haut, qui permet d'éviter la taxation des entreprises qui procèdent à des achats inférieurs à 240 000 F par an, ce qui correspond à un chiffre d'affaires d'environ 500 000 F, et qui retient un taux d'imposition plus faible pour la tranche d'achats mensuels allant jusqu'à 125 000 F.
2. En recourant à la notion de « produits à base de viandes » pour étendre l'assiette de la taxe, la loi ne méconnaît pas les exigences de l'article 34 de la Constitution.
En effet, sont actuellement soumis à la taxe les achats de viande, d'aliments pour animaux, de salaisons, produits de charcuterie, saindoux, conserves de viandes et abats transformés. Cette dernière catégorie fait partie des produits à base de viande définis par la directive 1992/5/CEE qui a été transposée par un arrêté du 22 janvier 1993 (JO du 16 mars 1993). Aux termes de cet arrêté les produits à base de viande s'entendent :
a) Des produits transformés qui ont été élaborés à partir de viandes ou avec de la viande qui a subi un traitement tel que la surface de coupe à coeur permet de constater la disparition des caractéristiques de la viande fraîche ;
b) Des plats cuisinés à base de viande correspondant à des préparations culinaires cuites ou précuites et conditionnées et conservées par le froid.
En adoptant cette expression pour définir l'assiette de la taxe, le législateur a ainsi entendu faire référence à une définition qui existe déjà et qui, étant parfaitement connue des intéressés, ne risque pas de donner lieu à des interprétations divergentes de la part des professionnels et de l'administration.

VIII. - Sur l'article 37
A. - Afin de contribuer à la réduction des émissions de dioxyde de carbone et d'inciter les redevables à maîtriser leurs consommations énergétiques, l'article 37 de la loi de finances rectificative pour 2000 étend la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) à certains produits énergétiques.
Cette taxe est supportée par les personnes physiques ou morales qui reçoivent des produits énergétiques taxables, c'est-à-dire le destinataire réel desdits produits. L'assiette est constituée par le nombre total de mégawattheure reçus pour le gaz et l'électricité, par le nombre total de milliers de litres reçus pour le fioul domestique et par le nombre total de tonnes reçues pour les autres produits.
Le taux de la taxe applicable à chaque produit énergétique taxable a été fixé en fonction de son contenu en carbone, de manière à représenter une valeur de 260 F par tonne carbone.
L'article 37 prévoit deux régimes principaux de taxation, étant précisé que, pour l'année 2001, le montant de la taxe due par chaque redevable est plafonné, quel que soit le régime auquel il est soumis, à 0,3 % de sa valeur ajoutée :
- le premier régime concerne les redevables dont les consommations de produits énergétiques ne sont pas considérées comme intensives, c'est-à-dire ceux dont la consommation de l'année précédente, rapportée à leur valeur ajoutée, est inférieure à 20 tonnes équivalent pétrole ; les personnes morales ou physiques entrant dans cette catégorie ne sont soumises à la taxe que sur la fraction de leurs réceptions de produits énergétiques excédant 100 tonnes équivalent pétrole ;
- le second vise les redevables dont les consommations de produits énergétiques sont considérées comme intensives, c'est-à-dire ceux dont les consommations excèdent le seuil précité.
Enfin, chaque redevable est soumis au dépôt d'une seule déclaration par an. Les redevables dont les consommations sont inférieures à 100 tonnes équivalent pétrole en sont dispensés.
Pour contester ce dispositif, les députés, auteurs de la première saisine, invoquent d'abord le principe d'égalité devant les charges publiques : ils considèrent que le texte crée une rupture injustifiée entre les immeubles résidentiels suivant leur importance, que le système d'abattement progressif crée des effets de seuils et que celui des engagements de réduction des consommations intermédiaires d'énergie provoque des ruptures entre les entreprises, suivant que leurs consommations d'énergie peuvent ou non être réduites.
Les requérants estiment ensuite que les modalités de mise en oeuvre de cette taxe ne sont pas cohérentes avec l'objectif de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Il font également valoir que l'amendement qui est à l'origine de la nouvelle rédaction de l'article 37 a été adopté dans des conditions irrégulières.
Enfin, ils soutiennent que le régime des coopératives agricoles contient des incohérences portant atteinte aux principes de clarté et d'intelligibilité de la loi et que la loi revient sur des droits acquis à indemnisation.
De leur côté, les sénateurs, auteurs du second recours, contestent les exonérations, qui leurs paraissent injustifiées, concernant les transports et les administrations. Ils critiquent également le régime prévu pour les entreprises qualifiées d' « intensives » en énergie, ainsi que les mécanisme des abattements d'assiette.
B. - Le Gouvernement ne partage pas cette analyse.
A titre liminaire, il convient de relever que les députés requérants contestent à tort l'insertion de ces dispositions dans la loi déférée, alors qu'il s'agit de dispositions fiscales, et que le troisième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance organique au 2 janvier 1959, ne distingue pas, à cet égard, entre lois de finances initiales et lois de finances rectificatives.
Par ailleurs, on observera que la rédaction de l'article 37 finalement adoptée par l'Assemblée nationale a permis que s'exerce pleinement le droit d'amendement consacré par la Constitution, en conformité avec l'article 88 du règlement de l'Assemblée nationale. La circonstance, invoquée par la saisine, qu'un délai bref se soit écoulé entre le dépôt de l'amendement qui est à l'origine de la rédaction litigieuse et son adoption est inhérente aux contraintes de délais applicables à la discussion d'un texte de cette nature et ne se heurte à aucun principe constitutionnel.
Quant aux critiques adressées au dispositif lui-même, elles ne sont pas davantage fondées, pour les raisons suivantes :
1. En premier lieu, le champ d'application de la taxe repose sur des critères objectifs et rationnels au regard de l'objectif que s'est fixé le législateur.
a) On relèvera d'abord que certaines critiques procèdent d'une interprétation inexacte de la loi adoptée.
Tel est le cas pour le chauffage des immeubles résidentiels. En effet, le 4e tiret du II de l'article 266 sexies A du code des douanes exonère de la TGAP les produits utilisés pour le chauffage des locaux d'habitation. Cette exonération s'applique quelle que soit la taille des locaux et le niveau de consommation (en dessous ou au-dessus de 100 TEP).
S'agissant des coopératives agricoles, le texte a été amendé au cours des débats pour remédier aux inconvénients dénoncés par les requérants. Cela permet aux coopératives de bénéficier, non plus d'un report de franchise calculé par leurs membres, mais d'une franchise spécifique de 25 TEP pour chacun de leurs membres. Cette nouvelle disposition, prévue au IV de l'article 266 octies B du code des douanes, supprime toute obligation de contrôle de leur consommation par les exploitants agricoles. Le dispositif retrouve ainsi l'avantage de la simplicité procuré par la franchise.
Le texte limite également le supplément de franchise aux coopératives dont l'activité se situe immédiatement en aval de la production agricole (séchage, vinification, stockage) et constitue un prolongement naturel de cette dernière.
b) Les dispositions concernant les transports ne sont pas contraires au principe d'égalité.
L'article 37 soumet à la taxe les entreprises qui utilisent des produits taxables (électricité, gaz naturel, fioul domestique, fioul lourd, gaz de pétrole liquéfié ou charbon) pour les besoins de leur activité. Il place en dehors du champ de celle-ci ces mêmes produits, uniquement lorsqu'ils sont utilisés pour les besoins de la propulsion ou de la traction des véhicules ou engins de toute nature. Ce ne sont donc pas les entreprises de transport qui sont exonérées mais la fonction transport, et cette exonération n'introduit aucune incohérence dans le dispositif contesté.
La taxation des carburants utilisés dans le secteur des transports, y compris à des fins environnementales, est en effet déjà largement opérée par le biais de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP). L'application d'une nouvelle taxe au secteur des transports n'apporterait aucun progrès supplémentaire par rapport à l'objectif recherché, qui est la maîtrise de la consommation d'énergie et la diminution des émissions de dioxyde de carbone.
Elle se heurterait au contraire à de nombreuses difficultés tenant à ce que seuls les transports fluviaux et ferroviaires et une partie seulement des transports routiers pourraient être effectivement soumis à la taxe :
- pour ce qui concerne le transport aérien international, la convention de Chicago de 1947 relative à l'OACI ne permet pas de soumettre les carburants des aéronefs à des impositions indirectes ;
- pour ce qui concerne le secteur des transports maritimes, les directives communautaires en vigueur, tant en matière de TVA que de droits d'accises, conduisent les Etats membres à exonérer l'avitaillement des navires de commerce en produits pétroliers.
On ajoutera que, dans le secteur des transports routiers, l'application de la taxe contestée aurait deux conséquences néfastes :
- dans la mesure où la France est un pays de transit entre le Nord et le Sud de l'Europe, seuls les carburants acquis en France seraient soumis à cette taxe ; les transporteurs ne faisant que traverser la France pourraient effectuer leurs achats de carburants dans un autre Etat membre de la Communauté et ne pourraient être soumis à la taxe en France, ce qui serait contraire aux objectifs poursuivis ;
- par ailleurs, il n'existe pas, à l'heure actuelle, de carburant de substitution permettant d'offrir une alternative au Diesel ; l'application de la TGAP aux carburants contraindrait donc les entreprises de transports à limiter leur activité au profit des entreprises étrangères non soumises à la taxe.
Enfin, l'application de la taxe dans le secteur des transports aurait nécessairement conduit, pour un même carburant, à un traitement différencié selon les modes de transport, en vue de privilégier les transports collectifs de personnes et de marchandises (rail, voies fluviales, par exemple) au détriment des autres modes de transport (route, par exemple).
Compte tenu de ce qui précède, il apparaît que l'application de la TGAP au secteur des transports n'aurait pas permis d'obtenir le résultat recherché.
c) L'exonération des administrations est justifiée, dans la mesure où elle ne concerne que les activités qu'elles exercent en tant qu'autorités publiques.
En effet, lorsque des administrations exercent des activités de même nature que celles des entreprises avec lesquelles elles sont en concurrence, par exemple dans le domaine de la distribution d'eau, de l'exploitation de parcs de loisirs ou de la location d'immeubles industriels, ces activités sont traitées comme celles du secteur concurrentiel et entrent dans le champ d'application de la TGAP.
L'exonération des activités administratives des autorités publiques exerçant des missions d'intérêt général est justifiée par le fait que ces dernières, au regard des objectifs de la TGAP, à savoir la maîtrise des consommations énergétiques et des émissions de CO2, ne sont pas dans la même situation que les entreprises. Les entreprises en effet seront contraintes, du fait qu'elles opèrent sur des marchés concurrentiels qui les empêcheront dans la plupart des cas de répercuter purement et simplement le montant de la taxe sur leurs clients, de s'engager dans la réduction de leurs consommations énergétiques, ce qui correspond à l'objectif recherché par le Gouvernement.
Les administrations, par définition, échappent à cette logique : une imposition nouvelle, au titre des consommations énergétiques, n'aurait qu'une répercussion budgétaire qui, à court terme, augmenterait les coûts de fonctionnement et se traduirait par un surcroît de financement public ou, s'agissant des collectivités territoriales, par un relèvement à due concurrence des impôts locaux.
L'engagement des administrations dans une politique de maîtrise des consommations d'énergie relève d'autres moyens d'intervention que la fiscalité.
d) Enfin le caractère rationnel du champ d'application de la taxe n'est pas non plus affecté par la prise en compte des consommations d'électricité, qui est conforme aux objectifs de la TGAP.
En effet, celle-ci tend, comme il a été dit, non seulement a la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi, de façon générale, à développer la maîtrise des consommations d'énergie.
S'agissant de l'effet de serre, l'inclusion de l'électricité dans le champ de la taxe est pleinement justifiée.
Elle l'est, d'abord, par le fait que la production nationale d'électricité est, pour plus de 90 %, d'origine nucléaire ou hydraulique, de sorte que la demande supplémentaire ne peut être satisfaite que par l'électricité d'origine thermique, qui émet du dioxyde de carbone. La maîtrise de la demande d'électricité devrait donc permettre de stabiliser la production d'électricité d'origine thermique.
L'inclusion des consommations électriques est aussi commandée par l'ouverture du marché français à l'électricité de provenance étrangère, dont la structure de production est très différente de la structure nationale. Il importe donc d'éviter que cette ouverture se traduise par une augmentation de la consommation de l'électricité d'origine thermique, qui doit être maîtrisée.
Par ailleurs, il convient de souligner que l'électricité est actuellement nettement moins taxée que les autres formes d'énergie. En effet, si son tarif facial est identique à celui du gaz, qui est le plus faible, l'électricité est en fait trois fois moins taxée que le gaz, compte tenu de son pouvoir calorifique. A cet égard, il importe de préciser que le taux retenu de 13 F par mégawatt (1,3 centime par kilowatt) correspond à un contenu forfaitaire en carbone. Il est très inférieur à celui du gaz, dans la mesure ou le pouvoir énergétique d'un kilowatt d'électricité est supérieur à celui d'un kilowatt de gaz.
On ajoutera enfin que, a contrario, une exonération générale de l'électricité serait susceptible d'être analysée comme une aide sectorielle ou une aide d'Etat prohibée par le droit communautaire. Il en serait de même si la taxation était limitée à la seule électricité d'origine thermique.
2. En deuxième lieu, c'est à tort que les sénateurs requérants critiquent le dispositif spécifique prévu en faveur des entreprises qualifiées d' « intensives » en énergie.
Ces entreprises sont celles dont le ratio d'intensité énergétique, déterminé par la consommation totale de produits énergétiques par rapport à la valeur ajoutée produite, est supérieur à 20 TEP. Deux raisons justifient un traitement particulier.
La première est que la consommation énergétique est une charge importante pour ces entreprises. Tel est notamment le cas de divers secteurs industriels comme la sidérurgie (464 TEP/MF de valeur ajoutée), la production d'aluminium (1 260 TEP/MF VA), l'industrie chimique minérale (309 TEP/MF VA). La proportion des produits énergétiques dans le prix de revient de leurs produits est en conséquence déterminante, en comparaison de la situation des entreprises non intensives.
La seconde raison est que, compte tenu de ces charges, ces redevables mettent en oeuvre dans leurs procédés les technologies qui sont disponibles pour améliorer leur efficacité énergétique et donc réduire le poids de leur facture énergétique. Pour eux, les gains supplémentaires en termes de réduction des consommations nécessitent de disposer d'une technologie plus performante, coûteuse et complexe et qui, de surcroît, n'est pas nécessairement disponible dans l'immédiat.
C'est pourquoi le Gouvernement a prévu des mesures spécifiques d'atténuations de la taxe (abattement progressif d'assiette et réductions de taxe), afin notamment de préserver la compétitivité des entreprises intensives en énergie exposées à une forte concurrence internationale.
3. En troisième lieu, le mécanisme d'abattement d'assiette contesté par les sénateurs prend en compte la situation des entreprises qui est amenée à évoluer en fonction de la conjoncture économique, entraînant des variations tant de la consommation de produits énergétiques que de la valeur ajoutée de chaque redevable.
Ce mécanisme n'introduit aucun effet de seuil, dans la mesure où les coefficients prévus sont progressifs en fonction de l'intensité énergétique du redevable. Dès lors, l'hypothèse de comportement d'optimisation de redevables qui augmenteraient leurs consommations de produits énergétiques pour bénéficier d'un abattement supplémentaire n'est pas crédible.
Par ailleurs, le dispositif de plafonnement de la taxe en 2001 à un pourcentage de la valeur ajoutée du redevable permet d'éviter d'éventuels effets de seuil et d'atténuer la charge fiscale consécutive à l'entrée dans le dispositif.
L'objectif est donc à la fois d'atténuer le coût de la taxation pour ces entreprises, afin de prendre en compte l'impact de la taxation sur les conditions de concurrence, mais également de maintenir un effet incitatif pour une meilleure maîtrise de la consommation d'énergie, afin de faire contribuer ces mêmes entreprises à l'effort national de réduction des émissions de carbone.
Nos partenaires européens qui ont mis en place une « écotaxe » ont également prévu des modalités d'application permettant de concilier l'objectif environnemental et le maintien de la compétitivité internationale. Ainsi par exemple, en l'Allemagne, les entreprises industrielles bénéficient, pour leurs produits énergétiques, d'un taux réduit, fixé à 20 % du taux normal applicable. Le Royaume-Uni envisage (le système entrera en application le 1er avril 2001) une réduction de 80 % de la taxe pour les entreprises qui auront souscrit un engagement de réduction de consommation. Au Danemark, les mécanismes de remboursement au profit des entreprises industrielles laissent à la charge de ces dernières une cotisation de l'ordre de 10 couronnes danoises (environ 9 F) par tonne de CO2 émise.
4. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le mécanisme des engagements de réduction de la consommation ne crée aucune discrimination entre les entreprises concernées.
L'article 266 nonies C du code des douanes prévoit la possibilité, pour les entreprises intensives en énergie (celles ayant un ratio au moins égal à 20 TEP par million de francs de valeur ajoutée), de prendre avec l'administration un engagement, d'une durée de cinq ans, de réduction de leurs consommations de produits énergétiques et de leurs émissions de dioxyde de carbone par rapport à une situation de référence. Celle-ci sera évaluée par un expert indépendant, agréé par l'administration, qui aura pour mission de définir la consommation annuelle prévisionnelle de produits énergétiques d'une entreprise, en tenant compte à la fois des prévisions de production et des ratios d'intensité énergétique.
Le respect de ces engagements, qui implique des coûts d'adaptation pour les entreprises concernées, sera apprécié chaque année par rapport à cette situation de référence.
L'expert indépendant ne détermine nullement l'assiette de la TGAP-Energie. Celle-ci demeure du domaine exclusif du législateur, conformément à l'article 34 de la Constitution. L'article 266 nonies C définit en effet l'assiette de la TGAP-Energie due par ces redevables comme la quantité totale de produits reçus excédant le seuil de 100 TEP. L'assiette de la taxe n'est donc pas constituée par la situation de référence déterminée par l'expert mais bien par la consommation réelle de produits énergétiques.
Le recours à un expert s'explique par le degré de technicité requis pour évaluer la situation d'un redevable intensif en énergie, afin de mesurer les efforts accomplis par ce redevable en termes de réduction de ses émissions de dioxyde de carbone et de sa consommation de produits énergétiques.
De manière générale, on observera qu'il est de la nature même d'un tel impôt que les éléments qui en constituent l'assiette puissent varier en fonction de certains facteurs. L'essentiel est que la loi l'ait prévu, ce qui est le cas en l'espèce avec l'intervention de cet expert.
5. Enfin c'est à tort que le recours des députés soutient que l'article 37 de la loi déférée remet en cause les dispositions de l'article 91 de la loi no 85-30 du 9 janvier 1985, qui accorde aux communes de montagne sur le territoire desquelles sont implantés des ouvrages hydroélectriques un dédommagement sous la forme d'un contingent d'énergie, et de l'article 8 de la loi no 46-628 du 6 avril 1946 relative à la nationalisation du gaz et de l'électricité qui accorde aux entreprises qui détenaient pour leur propre usage des installations de production énergétique dont une partie de la production était revendue et qui ont été nationalisées, des dédommagements sous forme de quantités d'énergie électriques et gazières.
En réalité, la taxation à la TGAP de ces contingents ou fournitures énergétiques particuliers ne remet aucunement en cause le principe de ces indemnisations, dont les quotités ne sont ni modifiées ni supprimées. Leur exonération, en revanche, créerait une rupture de l'égalité devant les charges publiques :
- les communes de montagne recevant des contingents d'énergie seront, comme les autres communes, exonérées au titre de leur activité d'autorité publique, et soumises à l'impôt pour celles de leurs activités qui entreraient en concurrence avec le secteur privé ;
- les entreprises recevant des dédommagements au titre des nationalisations de 1946 seront soumises à la taxe, en fonction de leur intensité énergétique, dans les mêmes conditions que la généralité des entreprises.
L'exonération de ces dédommagements serait donc injustifiée et irait, en outre, à l'encontre de l'objectif poursuivi par la loi, à savoir la maîtrise des consommations énergétiques et des émissions de CO2, quelle que soit l'origine des produits.

IX. - Sur l'article 48
A. - L'article L. 35-6 du code des postes et télécommunications fixe le principe d'une rémunération versée aux opérateurs pour les prescriptions exigées par la défense et la sécurité publique, en particulier pour celles qui concernent les interceptions téléphoniques.
Dans la perspective de l'extension ou de la mise à niveau des réseaux existants et de la construction des nouveaux réseaux de télécommunications, l'article 48 de la loi déférée prévoit une modification de l'article L. 35-6, afin d'assurer la prise en charge, par les opérateurs, d'une partie de ces dépenses.
Les investissements, ainsi que le choix des solutions technologiques les mieux adaptées, relèvent en vertu de cet article de la responsabilité des opérateurs, tandis que l'Etat participe au financement des frais d'exploitation de ces systèmes, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
Les parlementaires requérants estiment que la mise à la charge des opérateurs de ces investissements est constitutive d'une rupture d'égalité devant les charges publiques et critiquent l'absence d'indemnisation. Ils considèrent également que l'article 48 porte atteinte à des situations légalement acquises et qu'il est entaché d'incompétence négative.
B. - Ces moyens ne sont pas de nature à justifier la censure de l'article 48.
1. S'agissant, en premier lieu, de l'égalité devant les charges publiques, ce principe ne fait pas obstacle à ce que des sujétions particulières puissent être imposées à une catégorie d'opérateurs économiques, sans pour autant prévoir une compensation indemnitaire totale, dès lors qu'elles s'inscrivent dans un objectif d'intérêt général et qu'elles correspondent à la nécessité de répondre à des risques intrinsèques au secteur économique concerné.
A cet égard, l'argumentation que les requérants tirent du caractère régalien des missions en cause et de la jurisprudence du Conseil d'Etat relative au financement des missions de la gendarmerie sur les autoroutes ne peut être considérée comme décisive. Dans l'arrêt Wajs et Monnier du 30 octobre 1996 dont se prévalent les requérants, le Conseil d'Etat a jugé que le coût de telles missions ne peut être mis, par décret, à la charge des concessionnaires d'autoroute, c'est-à-dire des usagers, à travers la répercussion de ce coût dans le montant des péages. Il s'agit de dépenses qui ne sont pas essentiellement exposées dans l'intérêt de ceux à qui un décret avait entendu les faire supporter par un mécanisme de redevances, mais dans l'intérêt général.
La conclusion de ce raisonnement, tout comme celle du raisonnement analogue fait par la haute juridiction administrative dans ses décisions sur le financement des contrôles de sécurité dans les aéroports, est simplement que le pouvoir réglementaire n'est pas compétent pour décider de faire supporter par l'usager d'un service des dépenses qui ne sont pas essentiellement exposées dans son intérêt propre.
Dégagée pour encadrer l'action de l'autorité administrative, cette jurisprudence n'est pas transposable au cas où le législateur lui-même intervient pour imposer une telle sujétion. C'est d'ailleurs ce que le Conseil constitutionnel a admis lorsqu'il a eu à connaître de la taxe créée à la suite de la censure, par le Conseil d'Etat, du mécanisme de redevance qui avait été auparavant mis en place pour financer les missions de sûreté dans les aéroports : la décision no 98-405 DC du 29 décembre 1998 juge expressément que le législateur n'a pas créé de rupture caractérisée de l'égalité entre les redevables de cette taxe et les autres citoyens.
En l'espèce, ce n'est pas un mécanisme de taxe qui a été retenu, mais le législateur n'a pas davantage créé de rupture d'égalité en imposant aux opérateurs des obligations spécifiques. Tout comme les compagnies aériennes qui supportent, à travers la taxe mise en place par la loi de finances pour 1999, le financement de missions de sûreté dont le développement est lié à la croissance de l'activité du transport aérien, le développement des réseaux de télécommunications s'accompagne d'un accroissement de risques réels, pour la défense et la sécurité publique, qui justifient que les opérateurs contribuent à y répondre de façon appropriée.
En particulier, la technologie du téléphone mobile se caractérise par :
- des difficultés très grandes de localisation géographique des appels, contrairement aux communications par liaison fixe, qui lui confèrent un caractère attractif pour des usages délictueux ;
- l'existence de possibilités, largement utilisées par les usagers, de prépaiement des communications par cartes anonymes qui, contrairement aux abonnements, ne permettent pas l'identification aisée de l'origine des appels, faute de la possibilité d'y associer un compte d'abonné ou un compte bancaire ;
- et, au surplus, une évolution très rapide des technologies, qui impose un renouvellement des méthodes et matériels d'interception et leur conception parallèlement au développement de ces technologies.
L'obligation qui pèse sur les opérateurs s'analyse comme une condition particulière, à laquelle est soumis l'exercice de l'activité concernée. Elle vise à rendre possible l'exercice des interceptions, sans pour autant substituer les opérateurs à l'Etat dans la mise en oeuvre de cette mesure. Elle peut être comparée aux contraintes qui pèsent, par exemple, sur les exploitants de dépôts d'hydrocarbures qui ont l'obligation de maintenir un niveau minimal de stock stratégique, permettant notamment de garantir l'approvisionnement énergétique de la force publique.
Les opérateurs étant dans une situation spécifique, au regard des besoins nouveaux de sécurité induits par le développement de leurs réseaux, le législateur a pu légitimement leur imposer les obligations que prévoit l'article 48.
Ainsi, en clarifiant le régime des responsabilités applicables, la mesure en cause amène les opérateurs à prendre en compte les systèmes d'interception dès la conception de leur réseau de télécommunications comme l'implique la loi du 10 juillet 1991, ce qui doit permettre une meilleure performance technique et une disponibilité de ces systèmes dès l'ouverture au public.
2. En deuxième lieu, c'est à tort que les requérants se prévalent de la jurisprudence issue de l'article 17 de la Déclaration de 1789 pour critiquer l'absence d'une indemnité « juste et préalable ».
Une mesure comme celle qui est en cause ici ne saurait, en effet, s'analyser comme une dépossession du droit de propriété ou d'un démembrement de celui-ci.
3. En troisième lieu, le moyen tiré d'une atteinte aux situation acquises est inopérant : s'il est exact que, dans sa rédaction jusque-là applicable, l'article L. 35-6 du code des postes et télécommunications ne prévoyait pas d'imposer les mêmes contraintes aux opérateurs, cette circonstance ne fait évidemment pas obstacle à ce que le législateur adopte ensuite des dispositions différentes, si elles lui paraissent plus appropriées.
4. S'agissant enfin du moyen tiré de l'incompétence négative, on observera que la loi fixe le principe de l'obligation et de la réalisation des investissements par les opérateurs. Elle fixe également le principe d'une participation de l'Etat au financement des charges d'exploitation que devront supporter les opérateurs pour la mise en oeuvre des moyens nécessaires.
Il ne résulte pas de l'article 34 de la Constitution que la loi devait énoncer en détail le mode de calcul de cette participation.

X. - Sur l'article 64

A. - L'article 64 a pour objet d'autoriser la Caisse de mutualité sociale agricole (CMSA) de Corse à accorder un plan d'échelonnement de la dette sociale des exploitants agricoles portant sur les cotisations patronales de sécurité sociale des exercices antérieurs au 31 décembre 1998.
Les auteurs de la saisine estiment que cette mesure est contraire au principe d'égalité en raison de la discrimination qu'elle introduit entre les agriculteurs installés en Corse et ceux du continent. Ils critiquent en outre son insertion en loi de finances.
B. - Ces critiques appellent les observations suivantes :
1. Au regard du principe d'égalité, tout d'abord, l'adoption de mesures spécifiques pour les responsables d'exploitations agricoles situées en Corse se justifie par leur situation particulière
Contrairement aux évolutions connues par le reste du territoire français, l'agriculture ne s'est réellement développée, en Corse, qu'après la Seconde Guerre mondiale. Pour rattraper ce retard, dans les conditions tant géographiques que climatiques propres à cette île, un très important effort d'investissement s'est révélé nécessaire, d'où la situation de surendettement des agriculteurs corses par rapport aux agriculteurs continentaux.
Certaines crises conjoncturelles sont venues rendre le remboursement de leurs dettes extrêmement difficile pour nombre d'entre eux. C'est notamment le cas dans la viticulture qui a eu à faire face en quelques années à la substitution de vin d'appellation à des vins de coupage. La Caisse de mutualité sociale agricole de Corse doit donc faire face à un taux de recouvrement des cotisations incomparablement moins élevé que sur le continent.
C'est à cette situation spécifique qu'il s'agit de faire face par un dispositif qui, aux termes même de la loi, ne concerne que les exploitants qui ont déjà accompli un effort pour s'acquitter de leurs obligations, notamment en étant à jour de leurs cotisations au titre des deux dernières années, et qui s'engagent à poursuivre cet effort. La mesure doit en effet permettre aux exploitations agricoles économiquement viables de poursuivre leur activité.
A l'inverse, en l'absence d'une telle disposition, une grande partie de ces exploitations seraient condamnées à la liquidation judiciaire en raison du passif accumulé pour les raisons évoquées plus haut.
Ainsi, non seulement, contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, les exploitants agricoles installés en Corse et ceux du continent sont bien placés dans une situation différente par rapport à l'objet de la disposition en cause, mais, de surcroît, un évident motif d'intérêt général s'attache à ce que le législateur prenne les mesures permettant de maintenir le tissu agricole insulaire.
2. En second lieu, une telle mesure a sa place en loi de finances. En effet, les remises de dettes accordées dans le cadre des plans d'apurement à conclure entre la caisse de MSA de Corse et les exploitants agricoles seront prises en charge par le budget de l'Etat, comme le prévoit explicitement le VI de l'article.
La charge pour l'Etat sera répartie au plus sur neuf ans, compte tenu du délai d'un an ouvert à compter de la publication de la loi pour conclure les plans d'apurement qui pourront comporter, soit une remise de 50 % de la dette des exploitants dès paiement de la moitié du montant de leur dette, soit la remise des dettes restantes après qu'auront été constatées pendant huit années les paiements prévus par un échéancier de report et de rééchelonnement des paiements. L'impact budgétaire total est évalué à 150 MF.
Le financement de la charge budgétaire des plans qui seront conclus et exécutés avant le 31 décembre 2001 sera assuré par le chapitre 44-77 « Compensation de l'exonération des cotisations sociales », article 43 « Exonération de cotisations sociales au titre de la zone franche de Corse », au titre IV du budget de l'emploiConformément à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, les députés soussignés défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances rectificative pour 2000 et lui demandent de la déclarer non conforme à la Constitution, notamment pour les motifs suivants :

I. - La loi de finances rectificative pour 2000 est entachée d'erreurs manifestes d'appréciation qui portent atteinte au principe de sincérité budgétaire

Il résulte de la jurisprudence constitutionnelle, et notamment de la décision no 94-351 du 29 décembre 1994, que le conseil est garant du principe de sincérité budgétaire, venant assurer les droits du Parlement à une information complète, nécessaire à l'exercice effectif de ses pouvoirs de contrôle.

Le texte de la loi de finances rectificative pour 2000 viole manifestement ce principe de sincérité en présentant une sous-estimation manifeste du niveau des recettes fiscales, et un niveau de déficit budgétaire au titre de l'exercice 2000 manifestement erroné. Ces erreurs manifestes d'appréciation doivent conduire le conseil à censurer l'ensemble du projet de loi.

A. - Le niveau des recettes fiscalesest manifestement sous-évalué

Le Gouvernement a certes procédé, à plusieurs reprises, à des réévaluations du niveau des recettes fiscales 2000, depuis la promulgation de la loi de finances du même exercice. La dernière de ces réévaluations date de la présente loi de finances rectificative. Elle modifie le niveau des recettes fiscales 2000, tel qu'il fut évalué dans la loi de finances rectificative de printemps promulguée le 13 juillet 2000. Mais cette réévaluation laisse quasiment inchangées les évaluations de recettes révisées pour 2000, figurant dans les documents de présentation du projet de loi de finances pour 2001 et ayant servi de base de calcul pour les évaluations de recettes du prochain exercice budgétaire. Les évaluations de recettes présentées le 15 novembre dernier, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative de fin d'année, s'appuient par voie de conséquence sur les mêmes encaissements réels que ceux ayant été utilisés lors des travaux préparatoires du projet de loi de finances pour 2001, à savoir les encaissements de juillet 2000.

Or, le Gouvernement disposait, lors de la préparation du projet de loi de finances rectificative de fin d'année, d'informations complémentaires sur la situation réelle des encaissements de recettes fiscales. Les nouvelles technologies de l'information lui permettent d'être informé en temps réel de la situation des encaissements. Il pouvait à tout le moins s'appuyer sur les chiffres définitifs du mois de septembre 2000. Il n'est donc pas normal que le Gouvernement continue à travailler sur des hypothèses datant de juillet dernier, alors même que deux mois d'exécution budgétaire séparent les présentations officielles du projet de loi de finances pour l'année suivante et du projet de loi de finances rectificative de fin d'année.

Il résulte clairement de l'absence de prise en compte des derniers chiffres officiels connus sur la situation mensuelle d'exécution du budget de l'Etat (document officiel paraissant dans les notes bleues publiées par le ministère de l'économie et des finances) une sous-évaluation du niveau des recettes fiscales 2000 affiché dans la loi de finances rectificative.

Deux exemples au moins en apportent une preuve tangible et incontestable :

L'impôt sur les sociétés

En 1999, l'Etat a perçu 229,7 milliards de francs de recettes nettes d'impôt sur les sociétés. A fin septembre, la progression des recettes nettes tirées de cet impôt s'élevait à 17 % (chiffre récemment confirmé pour la situation budgétaire d'octobre : 16,9 %). Or il n'existe aucune raison objective que cette progression soit infirmée dans les six semaines qui séparent la présentation du projet de loi de finances rectificative et la fin de l'année 2000. La croissance française reste sur un rythme légèrement supérieur à 3 %, en rythme annuel. Les bénéfices des sociétés sont à peu de chose près confirmés dans les annonces récentes faites à destination des marchés financiers. Sur cette base, l'Etat devrait donc encaisser en fin d'année, au titre de l'impôt sur les sociétés, près de 270 milliards de francs, soit près de 15 milliards de francs de plus que prévu dans la loi de finances rectificative pour 2000.

L'impôt sur le revenu

En 1999, l'Etat a encaissé 333,6 milliards de francs au titre de cet impôt. A la fin du mois de septembre 2000, les recettes tirées de l'impôt sur le revenu progressaient de 6,7 % par rapport à septembre 1999. Or, les chiffres de septembre prennent en compte, pour moitié, les conséquences en terme de recettes fiscales de la modification des taux d'imposition votée par la loi de finances rectificative pour 2000 promulguée le 13 juillet 2000, puisque la moitié des contribuables acquittent au 15 septembre leur dernier tiers provisionnel. Sur la base du rythme de progression de septembre, l'Etat devrait donc encaisser cette année environ 356 milliards de francs d'impôt sur le revenu, soit 10 milliards de francs de plus que prévu dans la loi de finances rectificative pour 2000. Ce chiffre n'intègre pas cependant les conséquences en terme de recettes de la modification du barème de cet impôt décidée au printemps dernier, s'agissant des contribuables mensualisés qui représentent la seconde moitié des contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu. Cependant, un deuxième calcul permet d'approcher de manière plus précise encore le niveau quasi certain des recettes fiscales que devrait encaisser cette année l'Etat au titre de l'impôt sur le revenu. En effet, les encaissements de juillet 2000 révélaient une progression de 9 % de l'impôt sur le revenu cette année, hors conséquences de la loi du 13 juillet 2000. Sur cette base, et compte tenu du fait que les revenus imposés sont ceux de l'année 1999, et donc connus des services fiscaux, l'impôt sur le revenu aurait donc dû rapporter cette année, hors réforme, 363,6 milliards de francs. Si l'on soustrait de ce chiffre la baisse de l'impôt appliquée par la loi du 13 juillet 2000 (11 milliards de francs), c'est donc un peu plus de 352 milliards de francs que devrait rapporter l'impôt sur le revenu, soit 6 milliards de francs de plus que prévu par la loi de finances rectificative.

Au total, la loi de finances rectificative omet donc de mentionner environ 20 milliards de francs de recettes fiscales (les évaluations des recettes fiscales autres que celles de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés ne s'écartent manifestement pas de la réalité des encaissements), somme qui représente la moitié des réévaluations de recettes fiscales nettes auxquelles procède la présente loi.

A ces 20 milliards de francs de recettes fiscales pourraient venir s'ajouter les 15 milliards de francs de recettes non fiscales que le Gouvernement refuse une nouvelle fois d'encaisser au titre de l'exercice budgétaire 2000 (alors qu'il avait déjà refusé de les encaisser au titre de l'exercice budgétaire 1999, exercice auquel elles étaient effectivement rattachées), ce qui est tout à fait anormal eu égard à la situation de déficit des finances publiques et modifie, sans justification, le niveau du déficit.

Compte tenu des sommes budgétaires en jeu et du caractère économiquement incontestable des réévaluations évoquées précédemment, une telle omission constitue une erreur manifeste d'appréciation qui porte atteinte aux droits d'information et d'autorisation du Parlement et ne respecte pas l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

B. - Un déficit budgétaire 2000 manifestement erroné

Il résulte, tant des réévaluations de recettes fiscales auxquelles il convient de procéder, que des déclarations officielles du ministre de l'économie et des finances, que le déficit budgétaire 2000 prévu par la présente loi de finances rectificative, soit 209,7 milliards de francs, est manifestement erroné.

L'encaissement de 20 milliards de francs de recettes fiscales supplémentaires conduit à l'évidence et automatiquement à ramener le niveau du déficit budgétaire de près de 210 milliards de francs à environ 190 milliards de francs. Si tel n'était pas le cas, on pourrait penser, et sans faire de procès d'intention au Gouvernement, qu'il aurait reconduit en 2000 les mêmes opérations de fin de gestion (encaissements sur l'année suivante de recettes imputables sur l'exercice en cours, engagements de dépenses par anticipation) que celles auxquelles il avait procédé pendant la période complémentaire d'exécution du budget de 1999 et qui lui avaient valu de sévères critiques de la part de la Cour des comptes dans son rapport annuel sur l'exécution des lois de finances de 1999.

Le caractère manifestement erroné du déficit budgétaire présenté est en outre confirmé par les propos mêmes du ministre de l'économie et des finances. Ce dernier évoquait le 15 novembre dernier, jour même de l'adoption du projet de loi par le Conseil des ministres, en réponse à une question au Gouvernement (JO du jeudi 16 novembre, p. 8575), un déficit probable d'exécution inférieur à 200 milliards de francs. Une telle évaluation a été de nouveau évoquée lors d'une nouvelle séance de questions au Gouvernement en date du 19 décembre 2000. Elle correspond d'ailleurs à celle figurant dans la première phrase de l'exposé général des motifs du projet de loi de finances rectificative pour 2000 : « Ce solde du collectif devrait s'accompagner ensuite d'un déficit probable d'exécution inférieur à 200 milliards de francs. » Il y a donc tout lieu de penser que le déficit budgétaire affiché ne correspondra pas, et cela dans des proportions importantes, à celui qui sera définitivement exécuté et qui figurera dans la loi de règlement pour 2000. On ne peut légitimement imaginer que le ministre de l'économie et des finances engageant l'ensemble du Gouvernement prenne le risque d'afficher, vis-à-vis de la représentation nationale comme de la Commission européenne destinataire du programme pluriannuel des finances publiques, un chiffre de déficit budgétaire dont il serait sûr qu'il n'aurait aucune chance d'être exécuté.

Il y a donc tout lieu de penser, et « l'affaire de la cagnotte de 1999 » n'est pas de nature à dissiper ces interrogations, que le ministre de l'économie et des finances disposait, au moment même de la présentation du projet de loi, d'informations complémentaires qui lui permettaient de conclure dans le sens des propos qu'il a tenus, et qu'il n'a pas révélées à la représentation nationale.

Le Parlement aura donc débattu, s'agissant de cette loi de finances rectificative, d'un déficit budgétaire manifestement erroné, s'appuyant sur un niveau de recettes fiscales manifestement sous-évalué.

L'atteinte au principe de sincérité budgétaire est donc avérée : en soustrayant quelque 20 milliards de francs de recettes fiscales au débat budgétaire, le Gouvernement prive le Parlement de son droit à l'information garanti par l'article 32 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 et contribue à affaiblir les pouvoirs de contrôle du Parlement.

Il en résulte, sur les conditions de l'équilibre du budget, une erreur manifeste d'appréciation accentuée par une sous-évaluation du niveau des recettes fiscales.

Ce sont donc des sommes très significatives qui ont été soustraites aux droits d'information et d'autorisation du Parlement, en violation manifeste de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, et notamment des règles d'unité et d'universalité budgétaires qu'elle met en oeuvre. Pour cette raison, la loi déférée doit être déclarée non conforme à la Constitution.

II. - Certaines dispositions particulières de la loi déférée doivent être censurées car elles portent atteinte à des principes fondamentaux du droit constitutionnel

A. - L'article 5 prévoyant notamment l'abandon de créances du journal L'Humanité est contraire au principe d'égalité

L'article 6 de la loi de finances rectificative pour 2000 prévoit l'abandon de créances détenues sur la Société nouvelle du journal L'Humanité au compte spécial du Trésor no 903-5 « prêts du fonds de développement économique et social ».

Cette disposition ne porte-t-elle pas atteinte au principe d'égalité en favorisant un journal de la presse d'opinion par rapport aux autres ? La sauvegarde du pluralisme de la presse, nécessaire, peut-elle justifier un tel abandon de créances ? Il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en effet que « le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce qu'une loi établisse des règles non identiques à l'égard de catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes, mais qu'il ne peut en être ainsi que lorsque cette non-identité est justifiée par la différence de situation et n'est pas incompatible avec la finalité de la loi » (décision no 82-132 du 16 janvier 1982).

La situation particulière réservée au journal L'Humanité est-elle justifiée par une différence de situation autre que financière ? Dans la mesure où « la seule considération d'un intérêt financier » n'est pas de nature à justifier qu'il soit porté atteinte à des règles de valeur constitutionnelle (95-369 DC du 28 décembre 1995), les dispositions de l'article 6 concernant la société nouvelle du journal L'Humanité ne violent-elles pas le principe d'égalité ?

B. - L'article 26 élargissant le champ d'application de la taxe générale sur les activités polluantes porte plusieurs atteintes à plusieurs principes de valeur constitutionnelle

L'article 37 de la loi de finances rectificative pour 2000 vise à étendre l'application de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) aux consommations intermédiaires d'énergie à compter du 1er janvier 2001, dans le but, selon l'exposé des motifs du texte déféré, de renforcer la lutte contre l'effet de serre et répondre ainsi aux engagements pris par la France dans ce domaine. La taxe s'applique aux principaux produits énergétiques, à l'exclusion des carburants, lorsque la consommation dépasse une franchise annuelle de 100 tonnes équivalent pétrole. Des mécanismes d'atténuation de taxe sont prévus dès 2001.

1. Ce dispositif viole le principe d'égalité devant les charges publiques

L'extension de la TGAP telle qu'elle a été adoptée par le Parlement porte atteinte au principe d'égalité devant l'impôt à plusieurs égards :

Tout d'abord, le chauffage des immeubles résidentiels est très majoritairement exonéré par le jeu de la franchise à la base, mais se trouve taxé dès lors qu'il concerne le chauffage collectif d'immeubles résidentiels de grande importance. Il en résulte une évidente rupture du principe d'égalité qui ne saurait être justifiée par aucun motif d'intérêt général, ni par aucune différence de situation au regard du droit fiscal.

En outre, le système d'abattements progressifs adopté par le Parlement comporte encore, et cela malgré les modifications apportées au texte par le rapporteur général du budget, des écarts significatifs entre les taux d'abattement selon les tranches du barème. Compte tenu du fait que ces taux s'appliquent à la consommation totale de l'entreprise, ce système d'abattements engendre d'importants effets de seuil dont l'ampleur génère, au voisinage des limites de ces tranches, des inégalités de traitement incompatibles avec le principe d'égalité devant les charges publiques. Par ailleurs, ce dispositif ne permet pas de tenir compte de la croissance de l'entreprise puisque l'année de référence est fixe.

Enfin, le mécanisme de contrat d'engagement volontaire de réduction des consommations intermédiaires d'énergie induit une rupture d'égalité entre les entreprises pour lesquelles ces consommations d'énergie peuvent effectivement être réduites et celles pour lesquelles le process industriel ne le permet pas. Cela soumet la fiscalité au bon vouloir du service des mines (DRIRE), ce qui est une rupture manifeste de l'égalité, d'autant que seule une minorité d'entreprises auront accès à ces accords. Ainsi, certaines entreprises pourront bénéficier de réductions de leur montant dû au titre de la TGAP parce que leur appareil de production dispose encore de marges d'amélioration en matière de consommations énergétiques, alors que d'autres entreprises ne bénéficieront pas des mêmes systèmes d'abattements pour la simple raison que l'état actuel de la technologie ne leur permet pas d'améliorer leur outil productif dans le sens d'une moindre consommation énergétique (exemple de l'aluminium).

Pour ces raisons, le dispositif de l'article 37 viole le principe d'égalité devant l'impôt tel qu'il résulte de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par ailleurs, les atteintes au principe d'égalité qui résultent du texte de l'article 37 ne sauraient être justifiées par des raisons d'intérêt général, dès lors que les différences de traitement qui en résultent ne sont pas en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

En effet, certaines modalités de mise en oeuvre de l'extension de la TGAP ne sont pas cohérentes avec l'objectif général affiché de lutte contre l'émission de gaz à effet de serre. Ainsi, le choix de soumettre à la taxe l'électricité consommée par les assujettis, qu'elle soit ou non produite à partir de sources d'énergie fossiles, et de lui appliquer le même taux que celui qui est applicable au gaz naturel est illogique. Il ressort en effet du Livre blanc diffusé par le Gouvernement en juillet 1999 que la consommation de gaz dégage deux fois plus de dioxyde de carbone que la production d'électricité, ceci compte tenu de la part prise par l'électricité d'origine hydraulique ou nucléaire dans la production française d'électricité.

Ainsi, il n'est pas cohérent au regard de l'objectif poursuivi, qui est de lutter contre l'émission de gaz à effet de serre, de taxer de manière identique des sources d'énergie inégalement polluantes, sauf à considérer qu'une telle décision constitue la traduction fiscale d'une modification fondamentale de la politique énergétique de la France. Mais dans ce cas, un tel revirement ne saurait être engagé sans qu'une étude précise ne soit menée au préalable et qu'un débat approfondi ne se tienne sur ce sujet. Or, les délais impartis pour l'examen d'un collectif budgétaire de fin d'année ne le permettent pas. Qui plus est, ce débat n'a fait l'objet d'aucune programmation par le Gouvernement.

Or, selon la jurisprudence constitutionnelle no 96-380 DC du 23 juillet 1996, « le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général dès lors que les différences de traitement qui en résultent sont en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ». Les atteintes au principe d'égalité résultant du dispositif de l'article 37 sont donc contraires à la Constitution.

2. Les modalités d'examen de l'article 37 ne respectent pasles règles de la procédure législative

La présentation du dispositif concernant la TGAP à l'Assemblée nationale porte atteinte aux règles de la procédure législative dans la mesure où elle ne permet pas de respecter un exercice effectif du droit d'amendement. En effet, après le rejet de l'article 37 en commission des finances, de l'économie générale et du plan le 29 novembre 2000, le contenu modifié de ce dispositif n'a été porté à la connaissance de l'ensemble des députés par le biais du service de la distribution de l'Assemblée nationale que quelques minutes avant la réunion de la commission des finances prévue le 6 décembre 2000, en application de l'article 88 du règlement de l'Assemblée nationale. Or, compte tenu de la complexité de ce dispositif, des connaissances techniques qu'il suppose, compte tenu également de l'absence d'étude d'impact et de comparatifs européens mis à la disposition de l'ensemble de la représentation nationale, il apparaît raisonnablement impossible pour les députés, quelles que soient leur bonne volonté et leurs connaissances, de mesurer la portée réelle des nouvelles dispositions proposées et, par voie de conséquence, de sous-amender le dispositif corrigé proposé par l'Assemblée nationale.

Ainsi, la présentation du dispositif de la TGAP porte une atteinte manifeste à l'exercice effectif du droit d'amendement, lequel est protégé de façon très pragmatique par la jurisprudence du Conseil constitutionnel (DC no 75-57 du 23 juillet 1975).

3. Le texte de l'article 37 porte également atteinte au respect d'autres principes constitutionnels

Le dispositif de l'article 37 comprend plusieurs incohérences qui portent atteinte aux principes de clarté et d'intelligibilité de la loi par rapport à l'objectif poursuivi. Ainsi, le régime aménagé pour les coopératives agricoles est incohérent dans la mesure où le texte prévoit que les agriculteurs non assujettis (parce qu'ils ont une consommation d'énergie inférieure à 100 tonnes équivalent pétrole) peuvent transférer vers la coopérative à laquelle ils appartiennent la différence entre le seuil de 100 TEP et leur consommation. La loi ne prévoit cependant pas de système de contrôle de ces transferts, lesquels apparaissent d'ailleurs impossibles. Il y a donc une absurdité qui entre en contradiction avec la nécessaire cohérence de la loi par rapport à l'objectif poursuivi.

Par ailleurs, l'article 37 de la loi supprime, sans le dire, deux dispositifs d'indemnisations visant à dédommager d'une part les collectivités de montagne et, d'autre part, les établissements touchés par les nationalisations. En effet, les premières se voyaient attribuer un contingent d'énergie en compensation d'implantation d'ouvrages hydroélectriques (art. 91 de la loi no 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne). Il paraît incohérent que ces dédommagements soient pénalisés par les dispositions sur la TGAP. En outre, les quantités d'énergies électriques et gazières dues par EDF et GDF aux établissements industriels visés au dixième alinéa de l'article 8 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 relative à la nationalisation du gaz et de l'électricité devraient être exonérés pour que ne soient pas mis en cause des droits d'indemnisation issus de la nationalisation.

Ainsi, dans la mesure où le dispositif de l'article 37 met en cause des droits d'indemnisation acquis, sans que cela ne soit explicitement dit, il doit être déclaré contraire à la Constitution.

Enfin, dans la mesure où le dispositif étendant le champ d'application de la taxe générale sur les activités polluantes ne s'appliquera qu'à partir du 1er janvier 2001, il n'a pas d'incidence sur l'équilibre général du budget de l'année 2000. Il n'a donc pas sa place dans la loi de finances rectificative pour l'année 2000. Il doit alors être déclaré contraire à la Constitution, dans la mesure où il ne respecte pas le principe de l'annualité tel qu'il est mis en oeuvre par l'ordonnance du 2 janvier 1959, et notamment son article 2.

Pour toutes ces raisons, l'article 37 du projet de loi de finances rectificative pour 2000 doit être déclaré non conforme à la Constitution.

C. - L'article 48 mettant à la charge d'opérateurs privés le coût des investissements nécessaires aux interceptions est contraire à la Constitution

L'article 48 de la loi déférée, modifiant l'article L. 35-6 du code des postes et télécommunications, met à la charge des opérateurs le coût des investissements nécessaires à la pratique, notamment sur les nouveaux réseaux, des interceptions téléphoniques. Il limite le financement par l'Etat à une simple participation aux charges d'exploitation, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat.

Si la pratique de telles interceptions peut être justifiée par la nécessité d'assurer la protection de la sécurité publique, de ce fait même, son coût est une charge publique par définition. Celle-ci ne saurait, en conséquence, être transférée, en tout ou en partie, sur des personnes privées sans méconnaître plusieurs règles ou principes de valeur constitutionnelle.

Cette disposition, en premier lieu, est contraire au principe d'égalité devant les charges publiques, puisqu'elle opère une discrimination très importante au détriment des opérateurs.

Leur activité n'est, en elle-même, porteuse d'aucun danger pour la sécurité. Ils ne tirent aucun profit de la pratique des interceptions, et leurs clients moins encore. Dès lors, s'ils sont titulaires d'une autorisation, cette circonstance ne saurait avoir pour effet de les placer, au regard de l'objet de la loi (rendre possibles les interceptions que l'Etat juge nécessaires à la protection de la sécurité publique) dans une situation particulière qui les distinguerait des autres personnes physiques ou morales.

Il n'existe pas non plus d'intérêt général suffisant pour justifier qu'il soit dérogé au principe d'égalité. En effet, si le développement des réseaux complique la tâche de ceux qui souhaitent les intercepter, cela ne saurait justifier le transfert à des personnes privées d'une charge qui ne trouve d'origine que dans les seuls intérêts de l'Etat. Au demeurant, l'objectif poursuivi par la puissance publique dans l'article 48 est exclusivement financier, et la jurisprudence constitutionnelle a déjà eu l'occasion de rappeler que « la seule considération d'un intérêt financier » n'est pas de nature à justifier qu'il soit porté atteinte à des règles de valeur constitutionnelle (décision du 28 décembre 1995 précitée).

Ainsi, cette disposition traduit-elle une rupture d'égalité au moins aussi grave que celle qui a déjà été censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 85-198 DC du 13 décembre 1985.

En deuxième lieu, l'article 48 porte atteinte à des situations légalement acquises et prive de garanties légales des exigences de valeur constitutionnelle.

Afin notamment de ne pas entraver le développement de nouveaux réseaux, qui traduit un développement corrélatif de la liberté de communication, le législateur a formellement consacré, en 1996, le principe selon lequel les opérateurs bénéficieraient d'une « juste rémunération » pour les coûts d'investissement et de fonctionnement occasionnés par les écoutes téléphoniques. C'est au vu de cette garantie que les opérateurs ont pris leurs décisions d'investissements concernant les nouveaux réseaux, de sorte que la supprimer aujourd'hui mettrait gravement en cause des situations légalement acquises.

En troisième lieu, l'article 48 de la loi de finances rectificative pour 2000 est entaché d'incompétence négative. S'il est vrai qu'il envisage une participation de l'Etat, il renvoie au décret en Conseil d'Etat le soin d'en déterminer les conditions, sans même prendre la précaution d'évoquer aucune de celles-ci, ni même de prévoir la moindre corrélation entre le prix de revient des prestations et le niveau de participation de l'Etat dans leur financement.

Non conforme à la Constitution, cette carence prend un relief d'autant plus grave que, d'une part, le droit de propriété lui-même est en cause et que, d'autre part, les termes dans lesquels la loi est rédigée rendent juridiquement inopérantes les fonctions tant consultatives que juridictionnelles du Conseil d'Etat, qui ne pourrait que s'incliner devant le caractère totalement discrétionnaire du cadre défini pour l'exercice du pouvoir réglementaire.

Enfin, les dispositions de l'article 48 ne comportent pas de garanties suffisantes quant à l'usage qui sera fait d'équipements dont les opérateurs privés seront propriétaires : ce texte peut donc constituer une grave atteinte aux libertés et droits fondamentaux protégés par le Conseil constitutionnel.

Ainsi, l'article 48 de la loi de finances rectificative pour 2000 doit être déclaré non conforme à la Constitution.

Pour l'ensemble de ces motifs, et pour tout autre qu'il plairait au juge constitutionnel de soulever d'office, les auteurs de la présente saisine demandent au conseil de déclarer non conforme à la Constitution la loi de finances rectificative pour 2000.Les sénateurs soussignés défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances rectificative pour 2000, définitivement adoptée par l'Assemblée nationale le 21 décembre 2000.

Les sénateurs soussignés demandent au Conseil constitutionnel de décider, notamment, que les articles 2, 3, 4, 8, 16, 35, 37, 48 et 64 ne sont pas conformes à la Constitution, notamment pour les motifs développés ci-dessous, ainsi que de se saisir de tout autre article dont il lui paraîtrait opportun de soulever d'office la conformité à la Constitution.

Article 2

Cet article a pour objet de tirer les conséquences d'un arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 12 septembre 2000 sur l'application de la TVA aux péages routiers et autoroutiers.

Or, dans ses paragraphes VII et VIII, l'article 2 limite les droits à déduction de TVA des exploitants d'ouvrages de circulation routière, droits qui résultent directement de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes.

En disposant que les exploitants d'ouvrages de circulation routière peuvent formuler des réclamations contentieuses dans les seules conditions fixées par la loi et en déterminant par avance dans la loi le résultat de ces contentieux - le droit à déduction résulterait de la différence entre la TVA ayant grevé à titre définitif les travaux de construction et de grosses réparations réalisés entre le 1er janvier 1996 et le 12 septembre 2000 et la TVA non collectée pendant la même période -, cet article méconnaît les dispositions de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen relatives à la garantie des droits, qui imposent un droit au recours contre toute décision de l'administration, sans limitation par loi.

L'article 2 méconnaît également le principe de l'autorité de la chose jugée en ce qui conteste la possibilité pour un contribuable d'obtenir une pleine application d'une décision de justice, en l'occurrence une décision de la Cour de justice des Communautés européennes.

Les paragraphes VII et VIII constituent, en outre, une validation législative d'une doctrine administrative censurée à plusieurs reprises par le juge administratif, sans motif autre qu'un intérêt financier, qui ne peut être considéré comme un motif d'intérêt général.

De surcroît, en créant un dispositif par lequel l'Etat établit une compensation entre des droits à déduction acquis par les contribuables du fait de l'application de la TVA sur les péages au 1er janvier 2001 et le remboursement de sommes qu'il s'est volontairement abstenu de percevoir, l'article 2 instaure un dispositif fiscal de caractère rétroactif qui s'explique par le seul manquement de l'Etat et ne trouve aucune justification d'intérêt général.

Enfin, l'application des paragraphes VII et VIII de l'article 2 se traduirait par une rupture de l'égalité devant les charges publiques : alors que tous les péages perçus par les exploitants d'ouvrages de circulation routière seront soumis à la TVA dès le 1er janvier 2001, seuls les ouvrages construits après le 1er janvier 1996 ouvriront droit à déduction. Ainsi, les sociétés ayant construit l'essentiel, voire la totalité de leurs ouvrages avant cette date seront soumises pleinement à la TVA, comme toutes les autres sociétés, mais ne bénéficieront d'aucun droit à déduction. En application de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, il en résultera une rupture d'égalité devant les charges publiques entre les concessionnaires sans justification relative à la capacité contributive des sociétés.

Article 3

Cet article a pour objet d'affecter au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) la part de l'Etat du droit de consommation sur les tabacs manufacturés perçu en 2000.

Cet article méconnaît le champ respectif des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

En effet, l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, issu de l'article 1er de la loi no 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, dispose, dans son II, que « ... seules des lois de financement peuvent modifier les dispositions prises en vertu des 1o à 5o du I ».

Or, le 2o du I de l'article LO 111-3 précité dispose que, chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale « prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement », dont le FOREC fait partie.

Cet article modifie donc nécessairement la catégorie « impôts et taxes » des recettes prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Ainsi, dans sa décision no 2000-437 DC du 19 décembre 2000, le Conseil constitutionnel, au sujet de l'article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, a estimé qu'une loi de financement (en l'occurrence celle pour 2001) pouvait modifier une autre loi de financement (en l'occurrence celle pour 2000).

Cependant, une loi de finances (en l'occurrence la loi de finances rectificative pour 2000) ne peut modifier une mesure contenue dans une loi de financement de la sécurité sociale (en l'occurrence celle pour 2000).

Ainsi le Gouvernement aurait-il dû inscrire les dispositions de cet article, non dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000, mais dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2000 qu'il n'a pas souhaité déposer.

Ce faisant, il ne respecte pas les dispositions de l'article LO 111-33 du code de la sécurité sociale qui ont valeur organique.

Article 4

Cet article a pour objet de majorer de 350 millions de francs le prélèvement opéré sur le produit de la contribution sociale de solidarité des entreprises (C3S) au profit du BAPSA pour 2000, de manière à porter ce prélèvement au même montant que celui prévu pour le BAPSA par le projet de loi de finances pour 2001, soit 1,35 milliard de francs.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait exclu le régime des exploitants agricoles de la liste des bénéficiaires de la C3S, tout en prévoyant un versement forfaitaire de 1 milliard de francs, en quelque sorte pour « solde de tout compte ».

La loi de finances pour 2000 a prévu, par dérogation à une règle posée en loi de financement et concernant une imposition affectée exclusivement à des régimes et organismes sociaux, un nouveau versement de 1 milliard de francs, prélevé sur le solde de C3S. Cette disposition aurait dû logiquement être adoptée en loi de financement. Elle a été « coordonnée » en loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 par le vote de l'article fixant les prévisions de recettes.

Les dispositions du présent article reviennent donc rétroactivement sur la catégorie « impôts et taxes » des prévisions de recettes de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 et modifient les comptes du Fonds de solidarité vieillesse, présentés à l'annexe f du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Or la loi organique du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a prévu que « seules des lois de financement peuvent modifier » D'après le II de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.

les cinq dispositions faisant partie du domaine réservé de la loi de financement : les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale, les recettes par catégorie de l'ensemble des régimes obligatoires de base et les organismes créés pour concourir à leur financement, les objectifs de dépenses des régimes de base comptant plus de 20 000 cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie et les plafonds d'avance de trésorerie.

Le présent article, en modifiant les prévisions de recettes de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, apparaît ainsi contraire à la loi organique du 22 juillet 1996.

Article 8

Cet article a pour objet de créer un compte de commerce qui retracerait certains flux financiers : les produits et charges relatifs aux opérations sur « produits dérivés », intervenant à l'occasion des opérations de gestion active de la dette de l'Etat.

On rappelle que, dans le cadre d'un compte de commerce, ni les recettes ni les dépenses ne font l'objet d'une autorisation budgétaire qui ne porte, en vertu de l'article 26 de l'ordonnance organique, que sur leur découvert. Il est évident qu'une telle caractéristique fait que le recensement de telles opérations dans un compte de commerce ne suffirait pas à asseoir l'autorité du Parlement qui doit particulièrement se manifester s'agissant d'opérations si essentielles. On observera aussi que cet article comporte une violation de ce même article 26 en ne prenant même pas la peine d'évaluer les recettes et les dépenses du compte.

Article 16

Cet article a pour objet d'ouvrir un crédit de 400 millions de francs au titre du compte de prêts no 903-07 « Prêts du Trésor à des Etats étrangers et à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social ».

Le compte de prêts no 903-07 abrite deux catégories de prêts, la première au bénéfice des Etats étrangers dans le cadre du financement des « prêts sur protocole » du Trésor, la seconde au bénéfice de l'Agence française de développement (AFD) pour financer ses interventions ou celles de ses filiales dont la PROPARCO.

Le rattachement de cette ouverture de crédits au compte no 903-07 n'est pas conforme à la nomenclature budgétaire.

Dans la réponse adressée par le Gouvernement au questionnaire parlementaire, il est indiqué que, depuis le 1er janvier 1999, il a été décidé d'augmenter les fonds propres de l'AFD en transformant la nature des interventions réalisées à son profit.

Les interventions financées à partir du compte no 903-07 serviraient à transformer une partie de l'encours de la dette de l'AFD auprès du Trésor en éléments de dette subordonnée. Dans les comptes de l'AFD, ceux-ci sont traités en fonds propres complémentaires (Tiers-Two, au sens du ratio de solvabilité, Ratio Cooke). Cette nouvelle orientation se traduit d'ailleurs pour le compte no 903-07 par une décrue des remboursements en provenance de l'ADF, qui se réduisent d'un cinquième en 2001 par rapport à 2000 (- 116 millions de francs sur un total de 377 millions de francs prévus en 2001).

Dans ces conditions, il conviendrait d'imputer budgétairement ces dépenses, non pas au compte de prêt no 903-07, mais au compte d'affectation spéciale no 902-24 qui retrace les apports de l'Etat au capital des entreprises et établissements publics comme d'ailleurs cela a déjà été fait dans le passé.

Article 35

Cet article a pour objet de modifier le régime de la taxe sur les achats de viande prévue à l'article 302 bis ZD du code général des impôts, dite « taxe d'équarrissage ».

Le dispositif adopté se caractérise par le fait qu'il taxe essentiellement les moyennes et grandes surfaces de distribution, puisque ce sont elles qui seront assujetties, pratiquement seules.

Au regard de l'objet de la loi (en supposant qu'il reste celui qu'elle indique, malgré la suppression de l'affectation du produit de la taxe) - financer le service public de l'équarrissage -, ces distributeurs ne sont placés, ni en droit ni en fait, dans aucune situation qui les distinguerait des autres professionnels distribuant de la viande.

Sont pourtant exclus du paiement de la taxe, non seulement tous les restaurateurs (dont l'activité est une prestation de service qui ne s'assimile pas à la vente au détail au sens de la loi), mais aussi tous les distributeurs ayant un chiffre d'affaires annuel inférieur à 5 millions de francs.

Ceux qui, seuls, seraient assujettis à son paiement, se verraient contraints d'en répercuter le coût sur leurs clients. Sauf à vendre à perte, en effet, ils ne pourraient - en plus de n'avoir aucune raison de le faire - absorber dans leur marge (leur marge nette moyenne est généralement de l'ordre de 1,5 %) une taxe proche de 4 %.

Or, ni les moyennes et grandes surfaces ni leurs clients ne présentent la moindre singularité, au regard du service public de l'équarrissage, par rapport aux autres détaillants et à leurs clients.

De plus, premièrement, le seuil d'exonération est déterminé en fonction du chiffre d'affaires global, et non en fonction du chiffre d'affaires résultant de la vente de viande. De ce fait, celui qui réalise, uniquement avec la viande, un chiffre d'affaires annuel de 4,9 millions de francs n'aura pas à acquitter la taxe, cependant qu'une surface de proximité qui réaliserait un chiffre d'affaires total de 5,1 millions de francs, dans lequel la viande n'entrerait que pour 245 000 F, soit un vingtième du précédent, serait assujettie au paiement de la taxe.

Deuxièmement, le critère du chiffre d'affaires est d'autant moins pertinent qu'il est également étranger à la capacité contributive. Un chiffre d'affaires élevé peut ne dégager, on l'a vu, qu'une marge très faible, tandis qu'un chiffre d'affaires moindre peut engendrer un résultat, donc une capacité contributive, très supérieure tant en pourcentage que, même, en valeur absolue.

Enfin, cet article est entaché d'incompétence négative.

La liste des produits taxés a été complétée, au b du II de l'article 302 bis ZD, des mots : « et autres produits à base de viande ». Or, qu'est-ce qu'un produit « à base de viande » ? Si c'est une question de quantité, quelle est la part que celle-ci doit représenter dans le produit pour rendre celui-ci taxable ? Si ce n'est pas une question de quantité, l'on cherche alors en vain le critère de la taxe.

Ainsi, sur une partie potentiellement très importante, l'assiette de la taxe est, au mieux, extrêmement imprécise, au pis totalement inconnue. Cela signifierait que les assujettis, déjà contraints à assumer des difficultés de gestion de la taxe qui seraient épineuses et lourdes, seraient de surcroît livrés, sans indications éclairantes, à un pouvoir d'appréciation pratiquement discrétionnaire de l'autorité administrative.

L'on sait que, s'agissant de l'assiette d'un impôt, cet aboutissement est contraire aux exigences que l'article 34 de la Constitution fait peser sur le législateur dans l'exercice d'attributions qui ne peuvent appartenir qu'à lui.

Article 37

Cet article a pour objet de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre et de favoriser la maîtrise de l'énergie, en instaurant une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).

Or, l'article introduit des différences de traitement qui ne sont pas liées à des différences objectives de situation, motivées par l'intérêt général et en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

Ainsi, le secteur des transports, principale source d'émission de dioxyde de carbone, est exonéré par la mise hors champ d'application de la taxe aux carburants ; les entreprises les plus intensives en énergie (et souvent les plus fortement émettrices de dioxyde de carbone) sont mieux traitées que celles qui consomment moins d'énergie (grâce à un certain nombre d'atténuations : abattements, réductions d'impôt, plafonnement, etc.) ; enfin l'administration est exonérée de tout effort.

Il n'a pas été démontré que ces différences de traitement sont justifiées par des objectifs d'intérêt général ou par des différences de situation pertinentes au regard de l'objet de la taxe (maîtrise de l'énergie et réduction des émissions de gaz à effet de serre).

La rupture d'égalité devant l'impôt, dans l'ensemble de cet article, est donc avérée.

Par ailleurs, l'article 34 de la Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel prévoient que la loi fixe « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ». La TGAP relève de cette catégorie des impositions de toute nature.

Si le Conseil constitutionnel a admis que le Parlement pouvait, en matière de taux, ne fixer que des « fourchettes » et déléguer une partie de sa compétence au pouvoir réglementaire, il est interdit au Parlement de déléguer son pouvoir de fixation de l'assiette de l'impôt, a fortiori à un expert indépendant, rémunéré par les redevables. C'est en effet lui qui sera chargé d'établir la situation de référence à partir de laquelle l'imposition sera calculée.

Cet article n'est donc pas conforme à l'article 34 de la Constitution.

De surcroît, cet article semble méconnaître le champ respectif des lois de finances et de lois de financement de la sécurité sociale.

En effet, l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, issu de l'article 1er de la loi no 96-646 du 22 juillet 1996, dispose, dans son II, que « ... seules des lois de financement peuvent modifier les dispositions prises en vertu des 1o à 5o du I ».

Le 2o du I de l'article LO 111-3 précité dispose que, chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale « prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement », dont le FOREC fait partie.

Or, cet article aura un impact certain sur la catégorie « impôts et taxes » des recettes prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, puisqu'il en a révisé à la baisse le montant attendu.

Ainsi le Gouvernement aurait-il dû inscrire les dispositions du présent article, non dans le présent projet de loi de finances rectificative, mais dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2000 qu'il a toujours refusé de déposer, en dépit des recommandations que lui a faites à maintes reprises la commission des affaires sociales du Sénat.

Cet article ne respecte donc manifestement pas les dispositions de l'article LO 111-33 du code de la sécurité sociale qui ont valeur organique.

Article 48

Cet article modifie l'article L. 35-6 du code des postes et télécommunications. Il mettrait à la charge des opérateurs le coût des investissements nécessaires à la pratique, notamment sur les nouveaux réseaux, des interceptions téléphoniques. Il limiterait le financement par l'Etat à une simple participation aux charges d'exploitations dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat.

L'on peut admettre que la pratique de telles interceptions, intrinsèquement contraires à la liberté de communication et au secret de la vie privée, puisse être justifiée par la nécessité d'assurer la protection de la sécurité publique. Mais, de ce fait même, leur coût est une charge publique par définition. Celle-ci ne saurait, en conséquence, être transférée, en tout ou en partie, sur des personnes privées sans méconnaître plusieurs règles ou principes de valeur constitutionnelle.

Cette disposition, en premier lieu, est évidemment contraire au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques, puisqu'elle opère une discrimination significative au détriment des opérateurs.

Leur activité n'est, en elle-même, porteuse d'aucun danger pour la sécurité. Celle de leurs usagers ne l'est pas davantage, qui se bornent à communiquer, comme ils en ont la liberté constitutionnelle, sans que ceci porte la moindre atteinte à la sécurité qui pourrait justifier que les usagers du téléphone doivent être mis à contribution. Ainsi, les opérateurs ne tirent aucun profit, d'aucune sorte, de la pratique des interceptions, et leurs clients moins encore. Dès lors, s'ils sont certes titulaires d'une autorisation, cette circonstance est sans pertinence ici et, notamment, ne saurait avoir pour effet de les placer, au regard de l'objet de la loi - rendre possibles les interceptions que l'Etat juge nécessaires à la protection de la sécurité publique - dans une situation particulière, en fait ou en droit, qui les distinguerait des autres personnes physiques ou morales.

Il n'existe pas non plus un intérêt général suffisant pour justifier qu'il soit dérogé au principe d'égalité. Que le développement des réseaux complique la tâche de ceux qui souhaitent les intercepter, et aggrave le coût des interceptions, est une chose. Mais aucun intérêt général, si puissant soit-il, ne peut l'être assez pour rendre légitime le fait de transférer à des personnes privées une charge qui ne trouve d'origine que dans les seuls intérêts de l'Etat. Au demeurant, l'objectif poursuivi par ce dernier dans l'article attaqué est exclusivement financier, et vous avez déjà eu l'occasion de rappeler que « la seule considération d'un intérêt financier » n'est pas de nature à justifier qu'il soit porté atteinte à des règles de valeur constitutionnelle (décision no 95-369 DC, no 35).

Au motif que ces dépenses, régaliennes par excellence, devraient être financées par le contribuable et non par l'usager, le Conseil d'Etat a annulé des dispositions des cahiers des charges de sociétés d'autoroutes obligeant ces dernières à contribuer à la couverture des frais de surveillance, par la gendarmerie, de leurs réseaux (30 octobre 1996 - Mmes Wajs et Monnier). La transposition de cette jurisprudence à l'exploitation des réseaux de télécommunications serait d'autant plus fondée que l'utilisation éventuelle de ces derniers par des malfaiteurs ne menace pas la sécurité des autres usagers contrairement à ce qui peut se produire dans le cas des autoroutes.

Ainsi, cette disposition traduit-elle une rupture d'égalité au moins aussi grave que celle que vous aviez censurée dans votre décision no 85-198 DC.

L'article contesté, en deuxième lieu, porte atteinte à des situations légalement acquises et prive de garanties légales des exigences de valeur constitutionnelle.

Afin, notamment, de ne pas entraver le développement de nouveaux réseaux, qui traduit un développement corrélatif de la liberté de communication, le législateur a formellement consacré, en 1996, le principe selon lequel les opérateurs bénéficieraient d'une « juste rémunération » pour les coûts d'investissement et de fonctionnement occasionnés par les écoutes téléphoniques.

C'est au vu de cette garantie, élémentaire, que les opérateurs ont pris leurs décisions d'investissements concernant les nouveau réseaux, de sorte que la supprimer aujourd'hui mettrait gravement en cause des situations légalement acquises et, de surcroît, pour le présent comme pour l'avenir, priverait l'extension de la liberté de communication d'une garantie importante.

A cela s'ajoute encore le fait que même les interceptions sur les réseaux anciens exigent des adaptations constantes de ces derniers. Les opérateurs devraient continuer à y pourvoir cependant que l'Etat cesserait de les financer, grâce à ce qui s'analyse alors comme l'annulation unilatérale de sa dette, que le législateur lui-même n'a pas le pouvoir de décider.

Cet article, en troisième lieu, porte une atteinte très grave au droit de propriété.

L'article L. 34-1 du code du domaine de l'Etat confère, en effet, aux exploitants de réseaux de télécommunications un droit réel et les prérogatives du propriétaire en ce qui concerne leurs installations et équipements.

L'obligation de mise en oeuvre de dispositifs d'interception constitue une servitude, certes justifiée par une nécessité publique légalement constatée mais qui, selon l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, est subordonnée à l'octroi d'une « juste et préalable indemnité ».

Or, la compensation prévue n'est ni préalable (les conditions en seront déterminées par décret au Conseil d'Etat) ni juste, puisque l'investissement sera financé par les opérateurs, tandis que l'Etat « participera » seulement aux charges de fonctionnement concernées et ne les couvrira donc pas intégralement.

En ce sens, les servitudes qui leur sont imposées par le présent article 48 causent aux opérateurs intéressés un préjudice indemnisable dont aucun élément ne saurait être exclu du droit à réparation exigible sans méconnaître le principe d'égalité devant les charges publiques, comme vous l'avez décidé le 13 décembre 1985 (décision no 85-198 DC).

Cette méconnaissance est d'autant plus manifeste qu'elle ne connaît aucune limite, ni de temps, ni de montant.

Selon le code des postes et télécommunications (chapitre III), le service public des télécommunications comprend, outre les services obligatoires, le service universel, dont les charges, supportées par l'opérateur historique, lui sont compensées par une rémunération spécifique, l'enseignement supérieur, à la charge de l'Etat, et les prescriptions exigées par la défense et la sécurité publique qui - si le présent article 48 entrait en application - ne feraient plus l'objet d'une « juste rémunération ».

Le principe d'égalité devant les charges publiques ne devrait-il pas entraîner une absence de discrimination dans la façon dont s'opère la compensation des différentes obligations assumées par les divers exploitants de réseaux au titre dudit service public de télécommunications ?

En dernier lieu enfin, l'article est entaché d'incompétence négative. S'il est vrai qu'il envisage une participation de l'Etat, il renvoie au décret en Conseil d'Etat le soin d'en déterminer les conditions, sans même prendre la précaution d'évoquer aucune de celles-ci, ni même de prévoir la moindre corrélation entre le prix de revient des prestations et le niveau de la participation de l'Etat dans leur financement.

Intrinsèquement inacceptable, cette carence prend un relief d'autant plus grave que, d'une part, l'on a vu que le droit de propriété lui-même est en cause et que, d'autre part, les termes dans lesquels la loi serait rédigée rendraient juridiquement inopérantes les fonctions, tant consultatives que juridictionnelles, du Conseil d'Etat qui ne pourrait que s'incliner devant le caractère totalement discrétionnaire que revêtirait l'exercice du pouvoir réglementaire.

Article 64

Cet article vise à autoriser la caisse de mutualité sociale agricole (CMSA) de Corse à accorder un plan d'échelonnement de la dette sociale portant sur les cotisations patronales de sécurité sociale des exercices antérieurs au 31 décembre 1998, qui entraîne la suspension des poursuites qu'elle aurait pu engager.

Ce dispositif crée une inégalité entre les exploitants agricoles installés en Corse et ceux du continent, ce qui est contraire au principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi. Cet article prévoit, en effet, la possibilité pour les exploitants agricoles installés en Corse de conclure avec la caisse de mutualité sociale agricole de Corse un plan d'apurement de leurs dettes sociales, ce qui crée de fait une inégalité de traitement entre les exploitants agricoles du continent et ceux installés en Corse, inégalité qui ne peut être que difficilement justifiée par une différence fondamentale de situation.

En outre, cette disposition, qui a une influence réelle sur les régimes de sécurité sociale, aurait dû également figurer en loi de financement de la sécurité sociale.


Références :

DC du 28 décembre 2000 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 28 décembre 2000 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi de finances rectificative pour 2000 (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation: Cons. Const., décision n°2000-441 DC du 28 décembre 2000

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Origine de la décision
Date de la décision : 28/12/2000
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro de décision : 2000-441
Numéro NOR : CONSTEXT000017664353 ?
Numéro NOR : CSCL0004589S ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.constitutionnel;dc;2000-12-28;2000.441 ?
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