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20/12/2001 | CANADA | N°2001_CSC_92

Canada | Sam Lévy & Associés Inc. c. Azco Mining Inc., 2001 CSC 92 (20 décembre 2001)


Sam Lévy & Associés Inc. c. Azco Mining Inc., [2001] 3 R.C.S. 978, 2001 CSC 92

Azco Mining Inc. Appelante

c.

Sam Lévy & Associés Inc. Intimée

Répertorié : Sam Lévy & Associés Inc. c. Azco Mining Inc.

Référence neutre : 2001 CSC 92.

No du greffe : 27876.

2001 : 15 mai; 2001 : 20 décembre.

Présents : Le juge en chef McLachlin et les juges L’Heureux‑Dubé, Iacobucci, Major, Binnie, Arbour et LeBel.

en appel de la cour d’appel du québec

Faillite et insolvabilité -- Tribunaux -- Compétence -- PrÃ

©sentation à la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite d’une requête du syndic visant à « recouvrer» des biens r...

Sam Lévy & Associés Inc. c. Azco Mining Inc., [2001] 3 R.C.S. 978, 2001 CSC 92

Azco Mining Inc. Appelante

c.

Sam Lévy & Associés Inc. Intimée

Répertorié : Sam Lévy & Associés Inc. c. Azco Mining Inc.

Référence neutre : 2001 CSC 92.

No du greffe : 27876.

2001 : 15 mai; 2001 : 20 décembre.

Présents : Le juge en chef McLachlin et les juges L’Heureux‑Dubé, Iacobucci, Major, Binnie, Arbour et LeBel.

en appel de la cour d’appel du québec

Faillite et insolvabilité -- Tribunaux -- Compétence -- Présentation à la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite d’une requête du syndic visant à « recouvrer» des biens retenus par une société ayant un bureau en Colombie-Britannique -- Présentation par la société d’une requête sollicitant le renvoi en Colombie-Britannique de la requête en recouvrement de biens -- La Cour supérieure était-elle incompétente ratione materiae pour entendre la requête en recouvrement de biens? -- La Cour supérieure a-t-elle commis une erreur en exerçant son pouvoir discrétionnaire pour refuser de renvoyer l’affaire? -- Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B-1, art. 187(7).

L’appelante est une société constituée sous le régime des lois du Delaware, offrant du capital de risque à partir de son bureau en Colombie-Britannique. En 1996, l’appelante et Eagle, une société ayant des bureaux au Québec, ont conclu une opération concernant le financement d’une mine d’or africaine. Les parties ont consigné leur entente dans une série de documents, dont chacun contenait une clause portant que le contrat était régi par les lois de la Colombie-Britannique. En septembre 1997, Eagle a été déclarée en faillite par la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite et la société intimée a été nommée syndic de la faillite. En janvier 1999, le syndic intimé a présenté une requête visant à « recouvrer » des biens de Eagle, y compris la valeur pécuniaire de nombreuses actions détenues ou contrôlées par l’appelante. L’appelante a alors présenté une requête sollicitant le renvoi de la requête en recouvrement de biens « à la Division des faillites de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique à Vancouver ». La requête de l’appelante a été rejetée. La Cour d’appel a confirmé cette décision à l’unanimité.

Arrêt : Le pourvoi est rejeté.

La requête en faillite a été déposée à bon droit devant la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite. Le créancier doit déposer une requête de mise en faillite auprès du tribunal compétent dans le district judiciaire de la localité du débiteur. Eagle faisait affaire au Québec et son seul lien avec la Colombie-Britannique tenait au fait que les contrats entre elle et l’appelante renvoyaient aux lois de cette province. Aucun élément de preuve ne laissait croire que le tribunal de faillite du Québec n’avait pas compétence ratione materiae sur la requête de mise en faillite et compétence ratione personae sur Eagle lorsqu’il a rendu l’ordonnance de séquestre. Le tribunal de faillite a ainsi acquis la compétence pour trancher les affaires touchant l’actif du failli qui ont pris naissance en Colombie‑Britannique. La Loi sur la faillite et l’insolvabilité établit un régime national de règlement des demandes en matière de faillite. Le paragraphe 188(1) prévoit que les ordonnances du tribunal de faillite siégeant dans une province sont exécutoires et exécutées partout au pays.

Le tribunal de faillite ne perd pas compétence sur l’objet du litige parce qu’il s’agit d’une affaire contractuelle. Bien qu’une demande du syndic qui est dirigée contre un « étranger à la faillite » ou qui n’est pas de la « nature d’une affaire de faillite » doive être présentée aux tribunaux civils ordinaires, si le litige contractuel se rapporte bel et bien à la faillite, le fait que ce litige comporte également un aspect touchant la propriété et les droits civils n’écarte aucunement la compétence du tribunal de faillite. En l’espèce, loin d’être une « étrangère » à la faillite, l’appelante en est potentiellement le joueur le plus important, que ce soit en qualité de créancière ou de débitrice, selon le cas. De plus, même si le tribunal de faillite ne possède pas la compétence générale d’un tribunal civil pour accorder des dommages‑intérêts à la suite de la rupture d’un contrat, on ne peut qualifier la demande du syndic de simple demande en dommages‑intérêts, car il s’agit plutôt d’une demande de recouvrement de biens précis du failli que l’appelante retient sans droit.

La Loi sur la faillite et l’insolvabilité établit à première vue un centre de commandement ou un « contrôle unique » pour la totalité des procédures liées à la faillite. Le « contrôle unique » n’est pas nécessairement incompatible avec le renvoi de litiges particuliers à d’autres ressorts, mais le créancier (ou le débiteur) qui désire fragmenter les procédures et qui ne peut pas prétendre être un « étranger à la faillite » a le fardeau de démontrer l’existence d’un « motif suffisant » au sens du par. 187(7), justifiant que le syndic doive accourir dans plusieurs ressorts. Le juge des requêtes pouvait conclure que les faits ne faisaient pas ressortir un « motif suffisant » pour renvoyer l’instance en Colombie-Britannique.

Les contrats pertinents auxquels l’appelante et Eagle étaient parties contenaient une clause exprimant le choix des lois applicables, et non une clause d’élection de for, et les tribunaux québécois sont parfaitement capables d’appliquer les lois de la Colombie‑Britannique. Par ailleurs, les art. 3148 et 3135 du Code civil du Québec ne s’appliqueraient dans une instance devant le tribunal de faillite que « [d]ans les cas non prévus par la Loi ou les [. . .] règles ». Étant donné que le par. 187(7) de la Loi prévoit explicitement que le renvoi n’est ordonné que lorsqu’il est prouvé de façon satisfaisante qu’une instance sera « administré[e] d’une manière plus économique » dans une autre division ou dans un autre district ou « pour un autre motif suffisant », ces dispositions particulières du Code ne s’appliquent pas. Lorsqu’un défendeur, contrairement au défendeur en l’espèce, bénéficie d’une clause d’élection de for, le juge des requêtes doit examiner cette clause avec soin en application du par. 187(7), mais il n’est pas lié par elle.

Jurisprudence

Arrêts suivis : Stewart c. LePage (1916), 53 R.C.S. 337; In re Ireland (1962), 5 C.B.R. (N.S.) 91; Holt Cargo Systems Inc. c. ABC Containerline N.V. (Syndics de), [2001] 3 R.C.S. 907, 2001 CSC 90; distinction d’avec l’arrêt : Amchem Products Inc. c. Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Board), [1993] 1 R.C.S. 897; arrêts mentionnés : Attorney-General for Alberta c. Atlas Lumber Co., [1941] R.C.S. 87; Boily c. McNulty, [1928] R.C.S. 182; In re Mount Royal Lumber & Flooring Co. (1926), 8 C.B.R. 240; Associated Freezers of Canada Inc. (Trustee of) c. Retail, Wholesale Canada, Local 1015 (1996), 39 C.B.R. (3d) 311; Kansa General International Insurance Co. (Liquidation de), [1998] R.J.Q. 1380; In re Morris Lofsky (1947), 28 C.B.R. 164; Sigurdson c. Fidelity Insurance Co. (1980), 35 C.B.R. (N.S.) 75; Re Holley (1986), 54 O.R. (2d) 225; Falvo Enterprises Ltd. c. Price Waterhouse Ltd. (1981), 34 O.R. (2d) 336; In re The Moratorium Act (Sask.), [1956] R.C.S. 31; Union St. Jacques de Montreal c. Bélisle (1874), L.R. 6 P.C. 31; Ellis c. Silber (1872), L.R. 8 Ch. App. 83; Cry-O-Beef Ltd./Cri-O-Bœuf Ltée (Trustees of) c. Caisse Populaire de Black-Lake (1987), 66 C.B.R. (N.S.) 19; In re Martin (1953), 33 C.B.R. 163; In re Reynolds (1928), 10 C.B.R. 127; Re Galaxy Interiors Ltd. (1971), 15 C.B.R. (N.S.) 143; Mancini (Trustee of) c. Falconi (1987), 65 C.B.R. 246; Geoffrion c. Barnett, [1970] C.A. 273; Arctic Gardens inc. (Syndic de), [1990] R.J.Q. 6; Excavations Sanoduc inc. c. Morency, [1991] R.D.J. 423; In re Atlas Lumber Co. c. Grier and Sons Ltd. (1922), 3 C.B.R. 226; In re Maple Leaf Fruit Co. (1949), 30 C.B.R. 23; Re Westam Developments Ltd. (1967), 10 C.B.R. (N.S.) 61; Re M. B. Greer & Co. (1953), 33 C.B.R. 69; Re M.P. Industrial Mills Ltd. (1972), 17 C.B.R. 226; Harelkin c. Université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561; Re Lions D’Or Ltée (1965), 8 C.B.R. (N.S.) 171; Re M. Pollack Ltée (1979), 30 C.B.R. (N.S.) 256; Bourque Consumer Electronics Inc. (Syndic de), J.E. 91-1040; Sarabia c. « Oceanic Mindoro » (The) (1996), 26 B.C.L.R. (3d) 143, autorisation de pourvoi refusée [1997] 2 R.C.S. xiv; Volkswagen Canada Inc. c. Auto Haus Frohlich Ltd., [1986] 1 W.W.R. 380; Ash c. Lloyd’s Corp. (1991), 6 O.R. (3d) 235, conf. par (1992), 9 O.R. (3d) 755, autorisation de pourvoi refusée [1992] 3 R.C.S. v; Maritime Telegraph and Telephone Co. c. Pre Print Inc. (1996), 131 D.L.R. (4th) 471; Industrial Packaging Products Co. c. Fort Pitt Packaging International, Inc., 161 A.2d 19 (1960); In re Treco, 239 B.R. 36 (1999), conf. par 240 F.3d 148 (2001); Industrial Acceptance Corp. c. Lalonde, [1952] 2 R.C.S. 109; Coastal Steel Corp. c. Tilghman Wheelabrator Ltd., 709 F.2d 190 (1983); In re Diaz Contracting, Inc., 817 F.2d 1047 (1987); Hays and Co c. Merrill Lynch, 885 F.2d 1149 (1989).

Lois et règlements cités

Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, art. 3135, 3148.

Code de procédure civile, L.R.Q., ch. C-25.

Loi constitutionnelle de 1867, art. 91(21), 92(13).

Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B-3, art. 2(1) [mod. 1997, ch. 12, art. 1], 17(1), 30(1)d), 43(5) [abr. & rempl. 1992, ch. 27, art. 15], 72(1), 183(1)b), c), 187(7), 188(1), (2).

Règles générales sur la faillite et l’insolvabilité, C.R.C., ch. 368 [mod. DORS/98-240], art. 3.

Doctrine citée

Bohémier, Albert. Faillite et insolvabilité, vol. 1. Montréal : Thémis, 1992.

Castel, J.-G. Canadian Conflict of Laws, 4th ed. Toronto : Butterworths, 1997.

Fletcher, I. F. Insolvency in Private International Law. Oxford : Clarendon Press, 1999.

Houlden, L. W., and G. B. Morawetz. Bankruptcy and Insolvency Law of Canada, vol. 2, 3rd ed. Toronto : Carswell, 1989 (loose-leaf updated 2001, release 7).

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec, [2000] R.J.Q. 392, [2000] Q.J. No. 417 (QL), rejetant l’appel interjeté par l’appelant à l’encontre d’un jugement de la Cour supérieure, [1999] R.J.Q. 1497. Pourvoi rejeté.

Yves Martineau, pour l’appelante.

Jean-Philippe Gervais, pour l’intimée.

Version française du jugement de la Cour rendu par

1 Le juge Binnie -- La Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite a le bras long au point d’avoir atteint l’appelante à Vancouver (Colombie‑Britannique) concernant une demande d’actions, de bons de souscription et de paiement d’autres créances auxquels le failli prétend avoir droit et que le syndic de faillite évalue à plus de 4,5 millions de dollars. L’appelante a rétorqué que le litige, qui porte sur le financement d’une mine d’or en Afrique, n’a rien à voir avec le Québec. Elle prétend que la demande du syndic de faillite intimé constitue une demande civile ordinaire, entièrement fondée sur des contrats qui doivent être interprétés en conformité avec les lois de la Colombie‑Britannique. Selon elle, ce motif et d’autres raisons de commodité et d’efficacité font en sorte que la demande devrait être entendue en Colombie‑Britannique. Le tribunal de faillite et la Cour d’appel du Québec ont rejeté ces arguments et je suis d’avis que le pourvoi interjeté auprès de notre Cour devrait aussi être rejeté.

I. Les faits

2 L’appelante Azco Mining Inc. (« Azco »), une société constituée sous le régime des lois du Delaware, offrait du capital de risque à partir de son bureau de Vancouver (Colombie‑Britannique). En 1996, on l’a mise en contact avec Eagle River International Limited et Eagle River Exchange and Financial Services Inc. (ci‑après appelées collectivement « Eagle »), qui avaient des bureaux à Gatineau (Québec). Eagle faisait des démarches en vue d’exploiter des mines d’or prometteuses dans une région de 500 milles carrés située au Mali (Afrique occidentale). Il a été convenu que Eagle continuerait à mettre son expertise au profit de la mise en production de ces mines par l’entremise de filiales au Mali et que Azco fournirait le financement. Les parties ont consigné leur entente dans une série de documents, dont chacun contenait l’une des dispositions suivantes que l’appelante qualifie de clauses d’élection de for, mais qui, selon l’intimée, exprimaient simplement leur choix quant aux lois applicables :

[traduction]

Contrat de financement conclu le 7 juin 1996

28. Le contrat est régi par les lois de la Colombie‑Britannique.

Contrat de services de gestion conclu le 12 juin 1996

13. Arbitrage : Les parties conviennent de soumettre à l’arbitrage toute question litigieuse relative au présent contrat conformément à ses stipulations.

. . .

20. Lois applicables : Le présent contrat a été conclu à Vancouver (Colombie‑Britannique); il est régi exclusivement et à tous égards par les lois en vigueur dans la province de la Colombie‑Britannique, et il sera interprété et exécuté en conformité avec celles-ci.

3 Azco invoque en outre les stipulations suivantes du contrat d’emprunt sous forme de débenture qu’elle a conclu avec la filiale de Eagle au Mali (la West African Gold & Exploration S.A.) :

[traduction]

Contrat d’emprunt sous forme de débenture de West African Gold & Exploration S.A. conclu le 9 août 1996

17. Le présent contrat d’emprunt sous forme de débenture a été conclu à Vancouver (Colombie‑Britannique); il est régi exclusivement et à tous égards par les lois en vigueur dans la province de la Colombie‑Britannique, et il sera interprété et exécuté en conformité avec celles-ci. En outre, la société convient expressément de signer sans délai tous les documents nécessaires pour que le présent contrat d’emprunt sous forme de débenture devienne exécutoire et soit enregistré valablement à l’égard des biens grevés conformément aux lois en vigueur dans la province de la Colombie‑Britannique et aux lois en vigueur dans la République du Mali; sans limiter la portée générale de ce qui précède, la société convient en outre de reconnaître, le cas échéant, la juridiction des tribunaux compétents de la province de la Colombie‑Britannique pour l’application et l’interprétation du présent contrat d’emprunt sous forme de débenture en conformité avec les lois en vigueur dans la province de la Colombie‑Britannique.

4 Il était prévu qu’en bout de ligne, en cas de succès du projet, Azco détiendrait une participation majoritaire dans la Sanou Mining Corporation (« Sanou »), que le syndic a qualifié de société de gestion en coentreprise et dans laquelle Eagle obtiendrait une participation minoritaire.

5 Entre le 16 mai 1996 et le 1er mai 1997, Azco a versé au total à Eagle la somme de 3 844 858 $US. Pour chaque versement, Eagle a signé un billet à ordre par lequel elle s’engageait à rembourser Azco si elle manquait à ses obligations contractuelles.

6 Le 12 septembre 1997, Eagle a été déclarée en faillite. La société intimée a été nommée syndic de la faillite. Malgré la faillite de Eagle, le projet du Mali s’est poursuivi et, selon Azco, il est toujours en cours. Le syndic affirme que l’appelante contrôle maintenant la société de gestion Sanou et retient illégalement les 3,5 millions d’actions et les 4 millions de bons de souscription auxquels Eagle avait droit -- et auxquels elle a toujours droit.

7 Le 18 janvier 1999, le syndic intimé a présenté à la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite (le « tribunal de faillite ») une requête visant à « recouvrer des biens » de Eagle, y compris la valeur pécuniaire de 125 000 actions de Azco même, ainsi que de 3,5 millions d’actions et 4 millions de bons de souscription de Sanou, qu’il considère comme des biens du débiteur retenus illégalement. Le syndic intimé évalue les actions de Azco à 337 500 $CAN et la participation dans Sanou à 1 875 000 $US. Le syndic fait également valoir certaines demandes pécuniaires relativement à diverses créances alléguées.

8 Le 24 février 1999, l’appelante a présenté une requête sollicitant le renvoi de la requête en recouvrement de biens [traduction] « à la Division des faillites de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique à Vancouver ». À l’appui de sa requête, l’appelante a déclaré : [traduction] « Azco déposera assurément une demande reconventionnelle d’un montant de plus de 5 000 000 $CAN fondée principalement » sur les contrats de financement en vue de recouvrer les versements susmentionnés d’environ 3 850 000 $US remis à Eagle, qui étaient garantis par des billets à ordre, comme je l’ai déjà expliqué. Azco a soutenu que, selon les contrats, en cas de non‑respect de certaines conditions, les avances de fonds seraient considérées comme un prêt à demande. D’après elle, ces conditions n’ont pas été remplies et elle a droit au remboursement immédiat de toutes les avances de fonds. Azco a prétendu que [traduction] « [l]a division des faillites de la Cour supérieure de Hull n’a pas compétence pour entendre la présente demande contractuelle contre Azco ». Elle plaide que le dossier doit être renvoyé à la Division des faillites de Vancouver.

9 Le vice-président aux Finances de Azco, Ryan Modesto, qui vit aux États‑Unis, a témoigné à l’appui de la requête en renvoi que Azco est un créancier de la faillite :

[traduction]

Q. Donc, Azco Mining plaide-t-elle qu’elle est le créancier dans le cadre de cette faillite de Eagle River?

R. Oui, c’est ça.

Q. Pour quel montant?

R. Pour trois millions huit cent quarante-quatre mille huit cent cinquante‑huit dollars (3 844 858 $) plus les intérêts courus.

Q. C’est en devises américaines?

R. C’est en devises américaines.

Q. Et vous mentionnez les intérêts. Faites-vous référence aux intérêts stipulés dans le billet à ordre?

R. Exactement.

10 Le juge Isabelle de la Cour supérieure du Québec a rejeté la requête de Azco le 6 mai 1999. La Cour d’appel du Québec a confirmé cette décision le 21 février 2000.

II. Historique des procédures judiciaires

A. Cour supérieure du Québec, [1999] R.J.Q. 1497

11 Le juge Isabelle a conclu que la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite avait compétence pour entendre la requête en recouvrement de biens présentée par l’intimée. Les dispositions pertinentes de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B‑3 (la « Loi »), étaient claires et il n’y avait pas lieu d’invoquer le Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, ni le Code de procédure civile du Québec, L.R.Q., ch. C‑25.

12 Azco n’a pas prétendu que les affaires du failli pouvaient être administrées d’une manière plus efficace en Colombie‑Britannique. Il a plutôt soutenu qu’il y avait d’autres motifs « suffisants » de renvoyer l’instance dans cette province, notamment certaines clauses du contrat (reproduites précédemment) qui, selon Azco, exigeaient que le litige soit tranché en Colombie‑Britannique. Le juge Isabelle a conclu qu’il s’agissait de clauses portant sur le choix des lois applicables plutôt que de clauses d’élection de for et que, de toute manière, elles n’avaient aucun caractère « impératif ».

13 Le juge Isabelle a reconnu qu’il pouvait renvoyer l’instance à la Division des faillites de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique à Vancouver en vertu du par. 187(7) de la Loi. Il n’était pas nécessaire d’appliquer les règles particulières régissant les situations de forum non conveniens édictées par l’art. 3135 du Code civil du Québec. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, toutefois, le juge Isabelle a estimé que le renvoi de l’instance n’était pas justifié. Le législateur a conféré au syndic le pouvoir de gérer les affaires du failli de la façon la plus pratique et la plus économique possible. Vancouver pouvait être commode pour l’appelante, mais l’intérêt de l’ensemble des créanciers l’emportait sur ce qui était commode pour un seul créancier. La requête de l’appelante a donc été rejetée.

B. Cour d’appel du Québec, [2000] R.J.Q. 392

14 La Cour d’appel a rejeté à l’unanimité l’appel de Azco. Le juge Robert, avec l’appui des juges Proulx et Rousseau‑Houle, a confirmé que la Cour supérieure du Québec avait compétence sur la faillite de Eagle, soulignant que la société faisait affaire au Québec lorsque la procédure de faillite a été engagée. La requête en recouvrement de biens présentée contre Azco était autorisée par l’al. 30(1)d) de la Loi, qui confère au syndic le pouvoir d’intenter une procédure judiciaire se rapportant aux biens du failli avec la permission des inspecteurs.

15 Le juge Robert a convenu avec le juge des requêtes qu’il était plus efficace et équitable qu’un seul tribunal supervise l’administration de l’actif du failli malgré le fait que cette centralisation pouvait causer certaines difficultés et certains inconvénients aux parties résidant dans des provinces éloignées du lieu de la faillite. Toutefois, à l’instar du juge Isabelle, il a souligné le caractère discrétionnaire du pouvoir que le par. 187(7) confère aux tribunaux de renvoyer une affaire à une autre division lorsque la preuve établit que l’actif du failli y serait administré d’une façon plus économique ou qu’un autre motif suffisant le justifie. En l’espèce, le juge Robert a conclu que Azco n’avait pas démontré qu’il serait plus économique de s’adresser au tribunal de faillite de la Colombie‑Britannique. Quant aux autres circonstances, le juge Robert s’est dit d’avis que les dispositions contractuelles que Azco avait qualifiées de clauses d’élection de for ne liaient pas le syndic de faillite, qui représente l’ensemble des créanciers et qui agit dans leur intérêt collectif. Les clauses en question ne constituaient pas des clauses attribuant une compétence exclusive. Même si tel avait été le cas, la Loi est une loi d’ordre public et ses dispositions doivent être appliquées rigoureusement compte tenu de leurs conséquences sur les droits des débiteurs et des créanciers.

II Les dispositions législatives pertinentes

16 Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B-3

2. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

. . .

« localité d’un débiteur » Le lieu principal où, selon le cas :

a) le débiteur a exercé ses activités au cours de l’année précédant sa faillite;

b) le débiteur a résidé au cours de l’année précédant sa faillite;

c) se trouve la plus grande partie des biens de ce débiteur, dans les cas non visés aux alinéas a) ou b).

30. (1) Avec la permission des inspecteurs, le syndic peut :

. . .

d) intenter ou contester toute action ou autre procédure judiciaire se rapportant aux biens du failli;

43. . . .

(5) La pétition est déposée auprès du tribunal compétent dans le district judiciaire de la localité du débiteur.

72. (1) La présente loi n’a pas pour effet d’abroger ou de remplacer les dispositions de droit substantif d’une autre loi ou règle de droit concernant la propriété et les droits civils, non incompatibles avec la présente loi, et le syndic est autorisé à se prévaloir de tous les droits et recours prévus par cette autre loi ou règle de droit, qui sont supplémentaires et additionnels aux droits et recours prévus par la présente loi.

183. (1) Les tribunaux suivants possèdent la compétence en droit et en équité qui doit leur permettre d’exercer la juridiction de première instance, auxiliaire et subordonnée en matière de faillite et en d’autres procédures autorisées par la présente loi durant leurs termes respectifs, tels que ces termes sont maintenant ou peuvent par la suite être tenus, pendant une vacance judiciaire et en chambre :

. . .

b) dans la province de Québec, la Cour supérieure;

c) dans les provinces de la Nouvelle‑Écosse et de la Colombie‑Britannique, la Cour suprême;

187. . . .

(7) Sur preuve satisfaisante que les affaires du failli peuvent être administrées d’une manière plus économique dans un autre district ou dans une autre division de faillite, ou pour un autre motif suffisant, le tribunal peut, par ordonnance, renvoyer des procédures, que prévoit la présente loi et qui sont pendantes devant lui, à un autre district ou à une autre division de faillite.

188. (1) Une ordonnance rendue par le tribunal, sous le régime de la présente loi, est exécutée dans les tribunaux ayant juridiction en matière de faillite ailleurs au Canada, de la même manière, à tous les égards, que si l’ordonnance avait été rendue par le tribunal tenu par les présentes de l’exécuter.

(2) Tous les tribunaux, ainsi que les fonctionnaires de ces tribunaux, doivent s’entraider et se faire les auxiliaires les uns des autres en toutes matières de faillite; une ordonnance d’un tribunal demandant de l’aide, accompagnée d’une requête à un autre tribunal, est censée suffisante pour permettre au dernier tribunal d’exercer, en ce qui concerne les affaires prescrites par l’ordonnance, la juridiction que le tribunal qui a présenté la requête ou le tribunal à qui la requête a été présentée, pourrait exercer relativement à des affaires semblables dans sa juridiction.

Règles générales sur la faillite et l’insolvabilité, C.R.C., ch. 368 (mod. DORS/98‑240)

3. Dans les cas non prévus par la Loi ou les présentes règles, les tribunaux appliquent, dans les limites de leur compétence respective, leur procédure ordinaire dans la mesure où elle est compatible avec la Loi et les présentes règles.

Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64

3135. Bien qu’elle soit compétente pour connaître d’un litige, une autorité du Québec peut, exceptionnellement et à la demande d’une partie, décliner cette compétence si elle estime que les autorités d’un autre État sont mieux à même de trancher le litige.

. . .

3148. Dans les actions personnelles à caractère patrimonial, les autorités québécoises sont compétentes dans les cas suivants :

. . .

5º Le défendeur a reconnu leur compétence.

Cependant, les autorités québécoises ne sont pas compétentes lorsque les parties ont choisi, par convention, de soumettre les litiges nés ou à naître entre elles, à propos d’un rapport juridique déterminé, à une autorité étrangère ou à un arbitre, à moins que le défendeur n’ait reconnu la compétence des autorités québécoises.

IV Analyse

17 Le Parlement a conféré au tribunal de faillite la capacité et le pouvoir d’exercer « la juridiction de première instance, auxiliaire et subordonnée en matière de faillite et en d’autres procédures autorisées par la présente loi » (par. 183(1)). Il est évident que cette disposition vise à conférer au tribunal de faillite les pouvoirs et les obligations correspondant à la compétence qui appartient au législateur fédéral en matière de « faillite » en vertu du par. 91(21) de la Loi constitutionnelle de 1867, sauf dans la mesure où le législateur a lui‑même limité la compétence du tribunal ou l’a expressément attribuée autrement.

18 Bien que l’appelante ait demandé simplement dans sa requête que le litige soit renvoyé à la Division de Vancouver de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique siégeant en matière de faillite (semblant ainsi reconnaître que le litige était considéré à bon droit comme une affaire de faillite), elle a aussi allégué que les demandes du syndic étaient [traduction] « de nature exclusivement contractuelle » (par. 6) et que la [traduction] « Division des faillites de la Cour supérieure de Hull n’a pas compétence pour entendre la présente demande de nature contractuelle contre Azco » (par. 20). De plus, une bonne partie des arguments avancés oralement par l’appelante laissaient entendre que le litige devait être tranché par les tribunaux civils ordinaires. L’appelante soutient en outre que le Québec n’est pas le lieu où il convient que ce litige soit tranché et que la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite n’a pas le bras suffisamment long pour contraindre Azco à amener ses témoins dans l’Est pour débattre du litige. Elle prétend que le lieu approprié est la Colombie‑Britannique, car il n’existerait absolument aucun lien important entre la présente affaire et la province de Québec.

19 Il convient d’examiner dans l’ordre suivant les questions de droit que l’appelante a soulevées :

1. La requête de mise en faillite a‑t-elle été déposée à bon droit devant la Division de Hull de la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite?

2. Dans l’affirmative, cette cour a‑t‑elle ainsi acquis la compétence pour trancher les affaires touchant l’actif du failli qui ont pris naissance en Colombie‑Britannique?

3. Dans l’affirmative, les demandes de nature contractuelle échappent‑elles néanmoins à la compétence fédérale en matière de faillite?

4. Dans la négative, cette demande contractuelle particulière relève‑t‑elle de la compétence du tribunal de faillite?

5. Même s’il avait pleine et entière compétence pour entendre la présente affaire, le tribunal de faillite de Hull aurait‑il dû renvoyer le dossier au tribunal ayant la même compétence en matière de faillite à Vancouver?

5. La requête de mise en faillite a‑t‑elle été déposée à bon droit devant la Division de Hull de la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite?

20 Le Parlement a décidé d’utiliser les cours supérieures des provinces et des territoires pour exercer sa compétence en matière de faillite (art. 183). Il est établi depuis longtemps que, dans les domaines relevant des chefs de compétence énumérés à l’art. 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, [traduction] « le Parlement du Canada peut donner compétence aux cours provinciales et réglementer au maximum les procédures devant ces cours » : Attorney-General for Alberta c. Atlas Lumber Co., [1941] R.C.S. 87, le juge Rinfret, p. 100. Les cours mentionnées à l’art. 183 conservent leur statut de cour supérieure de compétence inhérente, mais je les appellerai ici tribunaux de faillite, quoique cette expression soit quelque peu imprécise.

21 Le créancier qui désire obtenir une ordonnance de séquestre contre un débiteur doit déposer une requête de mise en faillite « auprès du tribunal compétent dans le district judiciaire de la localité du débiteur » (par. 43(5)).

22 Le paragraphe 2(1) définit la « localité du débiteur » comme le « lieu principal » où, selon le cas :

a) le débiteur a exercé ses activités au cours de l’année précédant sa faillite;

b) le débiteur a résidé au cours de l’année précédant sa faillite;

c) se trouve la plus grande partie des biens de ce débiteur, dans les cas non visés aux alinéas a) ou b).

23 Le paragraphe 43(5) exprime une règle de compétence qui attribue à l’un ou l’autre des tribunaux nommés au par. 183(1) le pouvoir judiciaire de statuer sur les requêtes de mise en faillite. La preuve a permis de constater que Eagle faisait affaire au Québec, même si elle n’avait pas obtenu de permis le lui permettant. Les contrats entre Azco et Eagle (ainsi que les billets à ordre fondant la demande reconventionnelle de Azco) précisent que Eagle a un bureau au 212, boulevard Labrosse, à Gatineau (Québec). Cette adresse figure dans l’en‑tête de son papier à lettres. Le vice‑président aux Finances de Azco a témoigné que les rencontres relatives au financement ont été tenues à ce bureau. Rien ne laisse entendre que Eagle ait quitté les lieux avant sa faillite, ni qu’elle ait eu d’autres bureaux au Canada.

24 Le seul lien apparent entre Eagle et la Colombie‑Britannique tient au fait que les contrats susmentionnés renvoient aux lois de cette province. Il est clair que le par. 43(5) n’aurait pas permis le dépôt de la requête de mise en faillite en Colombie‑Britannique pour un tel motif. J’estime qu’aucun élément de la preuve ne laisse croire que le tribunal de faillite à Hull n’avait pas compétence ratione materiae sur la requête de mise en faillite et compétence ratione personae sur Eagle lorsqu’il a rendu l’ordonnance de séquestre le 12 septembre 1997.

2. Le tribunal de faillite a‑t‑il ainsi acquis la compétence pour trancher les affaires touchant l’actif du failli qui ont pris naissance en Colombie‑Britannique?

25 La Loi établit un régime national de règlement des demandes en matière de faillite. Comme le juge Rinfret l’a souligné dans l’arrêt Boily c. McNulty, [1928] R.C.S. 182, p. 186 : « Il s’agit d’une loi fédérale qui concerne tout le pays, et elle envisage le territoire à ce point de vue ». C’est par l’intermédiaire du réseau d’entraide des cours supérieures des provinces et des territoires prévu par l’art. 188 que les décisions rendues par un tribunal siégeant dans une province donnée sont exécutées à l’échelle nationale : In re Mount Royal Lumber & Flooring Co. (1926), 8 C.B.R. 240 (C.A. Qué.), le juge Rivard, p. 246 : « La Loi de faillite est fédérale, et les ordonnances de la Cour Supérieure de la province de Québec, siégeant en vertu de cette loi comme Cour de Faillite, sont exécutoires [en] Ontario ». Voir également : Associated Freezers of Canada Inc. (Trustee of) c. Retail, Wholesale Canada, Local 1015 (1996), 39 C.B.R. (3d) 311 (C.A.N.‑É.), p. 314, et Kansa General International Insurance Co. (Liquidation de), [1998] R.J.Q. 1380 (C.A.), p. 1389.

26 Les syndics auront souvent (et peut-être de plus en plus) à composer avec des débiteurs et des créanciers résidant dans différentes régions du pays. Ils ne pourront pas s’acquitter efficacement de leurs fonctions, pour reprendre les mots du juge Idington dans l’arrêt Stewart c. LePage (1916), 53 R.C.S. 337, p. 345, [traduction] « si tous peuvent s’interposer et invoquer leurs propres perceptions de leurs droits quant à la présentation d’une demande en justice ». L’arrêt Stewart portait sur la liquidation d’une société de fiducie constituée sous le régime des lois fédérales en Colombie‑Britannique. Par suite de la liquidation, un client de l’Île‑du‑Prince‑Édouard a présenté devant la Cour supérieure de cette province une demande de jugement déclaratoire portant que certains des fonds détenus par la société de fiducie faillie étaient détenus en fiducie et que cette société devait être déchue de sa qualité de fiduciaire. Notre Cour a conclu qu’en dépit de son lien très étroit avec l’Île‑du‑Prince‑Édouard, le litige ne pouvait pas être soumis à la cour de cette province sans l’autorisation de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique. Le juge Anglin a fait remarquer, à la p. 349 :

[traduction] Il ne fait pas de doute que des inconvénients surgiront dans les cas exceptionnels où, comme en l’espèce, la liquidation de la société a lieu dans une province du Dominion très éloignée de la province de résidence des personnes intéressées en qualité de créancières ou de demanderesses. Mais le législateur a probablement jugé nécessaire dans l’intérêt d’une liquidation prudente et économique que la cour chargée de la liquidation ait le contrôle non seulement de l’actif et des biens se trouvant en la possession de la société mise en liquidation, mais aussi de l’ensemble des litiges dans lesquels cette société pourrait être engagée. De façon générale, la prépondérance des inconvénients milite probablement en faveur de ce genre de contrôle unique, bien qu’il puisse comporter des désavantages dans certains cas.

27 Comme je l’ai mentionné, l’arrêt Stewart portait sur la liquidation d’une société, mais la politique législative favorisant le « contrôle unique » s’applique également en matière de faillite. Il y va du même intérêt public à la gestion expéditive, efficace et économique des retombées d’un effondrement financier. Par application du par. 188(1), les ordonnances du tribunal de faillite siégeant dans une province sont exécutoires et exécutées partout au pays.

28 J’ai conclu que les créanciers qui ont demandé la mise en faillite ont fait appel à bon droit à la compétence de la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite, mais l’avocat de l’appelante affirme que sa cliente, qui a un bureau en Colombie-Britannique, échappe à la compétence de cette cour. Il plaide, notamment que, quel que soit le pouvoir du Parlement de conférer une compétence nationale à la cour supérieure d’une province, il demeure que cette cour est constituée par la province et que la loi grâce à laquelle elle a le bras long doit être respectée en ce qui concerne la signification des actes de procédure. Les faits révélés par le dossier n’indiquent pas précisément de quelle manière la requête en recouvrement présentée par le syndic a été signifiée à l’appelante, mais si Azco avait des arguments à faire valoir relativement à la validité de la signification de cette requête introductive d’une instance contre elle, elle y a renoncé en ne les soulevant pas dans la requête qu’elle a présentée à Hull. En appel, une bonne partie de l’audience a été consacrée aux arguments portant sur la question de savoir comment un tribunal québécois pouvait acquérir la compétence ratione personae sur une société située en Colombie‑Britannique et si les règles québécoises de signification ex juris s’appliquaient. Je rejette la prétention selon laquelle la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite ne peut exercer la compétence ratione personae sur les créanciers d’une autre province en vertu de la Loi, et ce pour les motifs déjà exposés qui tiennent à la compétence nationale de la cour. Aucune objection liée à la signification des actes de procédure ne saurait subsister, étant donné que Azco a non seulement comparu au Québec, mais aussi invoqué la compétence de la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite en lui demandant de renvoyer l’instance au tribunal de faillite siégeant à Vancouver par application du par. 187(7). Elle a ainsi renoncé à soulever toute question irrésolue concernant la compétence ratione personae.

29 Bien entendu, Azco n’a pas renoncé à contester la compétence ratione materiae sur l’objet du présent litige. Il s’agissait d’un élément prépondérant de sa requête. J’aborderai maintenant cette question.

3. Les demandes de nature contractuelle échappent‑elles néanmoins à la compétence fédérale en matière de faillite?

30 Dans sa requête, l’appelante a prétendu que les demandes du syndic contre elle étaient [traduction] « de nature exclusivement contractuelle » (par. 6) et que la [traduction] « Division des faillites de la Cour supérieure de Hull n’a pas compétence pour entendre la présente demande de nature contractuelle contre Azco » (par. 20). La théorie qui sous-tend ces arguments est apparemment la suivante : comme les demandes contractuelles ont trait à « [l]a propriété et [aux] droits civils » au sens du par. 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867, ces actions en justice ne relèvent pas de la compétence du tribunal de faillite. Au paragraphe 42 de son mémoire, par exemple, l’appelante soutient que :

Contrairement à ce qu’affirme la Cour d’appel, le recours du syndic est donc une affaire purement contractuelle, de droit civil. Il ne s’agit pas d’un recours spécifiquement prévu par la LFI tel le recours en annulation de paiement préférentiel (voir articles 91 à 100 LFI). Le simple fait que le demandeur soit un syndic ne change pas la nature du recours et n’en fait pas un litige en matière de faillite.

31 Bien entendu, la plupart des questions liées à la faillite concernent de près ou de loin la propriété et les droits civils. Il est cependant vrai que certains des arrêts qui nient la compétence du tribunal de faillite s’appuient sur des motifs à connotation constitutionnelle, p. ex., In re Morris Lofsky (1947), 28 C.B.R. 164 (C.A. Ont.), le juge Roach, p. 167; Sigurdson c. Fidelity Insurance Co. (1980), 35 C.B.R. (N.S.) 75 (C.A.C.‑B.), p. 102; Re Holley (1986), 54 O.R. (2d) 225 (C.A.); In re Ireland (1962), 5 C.B.R. (N.S.) 91 (C.S. Qué.), le juge Bernier, p. 94, et Falvo Enterprises Ltd. c. Price Waterhouse Ltd. (1981), 34 O.R. (2d) 336 (H.C.).

32 Il faut donc se demander ce qu’englobe le terme « faillite » au sens du par. 91(21) de la Loi constitutionnelle de 1867.

33 Dans l’arrêt In re The Moratorium Act (Sask.), [1956] R.C.S. 31, p. 46, le juge Rand a déclaré ce qui suit :

[traduction] La faillite est une procédure bien connue par laquelle les biens d’un débiteur insolvable passent de façon coercitive sous administration judiciaire principalement dans l’intérêt des créanciers.

34 Ce concept-clé d’administration coercitive est apparu dès les premiers arrêts de notre jurisprudence en matière de faillite. Dans l’arrêt Union St. Jacques de Montreal c. Bélisle (1874), L.R. 6 P.C. 31, le lord Selborne a dit ce qui suit à la p. 36, en parlant des lois de portée générale régissant la faillite et l’insolvabilité : [traduction] « Les mots décrivent dans leur sens juridique connu les dispositions légales portant sur l’administration des biens des faillis et des personnes insolvables, conformément aux règles et aux définitions prescrites par la loi, y compris, bien sûr, les conditions d’application de la loi, sa procédure d’application et l’effet de son application ».

35 La description que lord chancelier Selborne a donnée de la faillite dans le contexte de la loi anglaise dans l’arrêt Ellis c. Silber (1872), L.R. 8 Ch. App. 83, p. 86, est encore plus utile :

[traduction] Ce qu’il y a à faire en cas de faillite, c’est l’administration de la faillite. Le débiteur et les créanciers, en qualité de parties à l’administration de la faillite, sont assujettis à cette juridiction. Les syndics ou les cessionnaires, en qualité de personnes chargées de l’administration, sont assujettis à cette juridiction. Les éléments d’actif qui leur sont remis et leur mode d’administration sont assujettis à cette juridiction; et il peut exister, comme je le crois, des catégories particulières d’opérations qui, en vertu de disposition législatives particulières, reçoivent un traitement particulier en ce qui a trait aux tiers. Mais la proposition générale selon laquelle c’est la Cour des faillites qui doit entendre les demandes que peuvent faire valoir en common law ou en equity, contre un étranger à la faillite, les cessionnaires ou syndics de faillite, ou les fiduciaires ainsi nommés par acte formaliste, me paraît dénuée de tout fondement légal et de toute trace de fondement jurisprudentiel. [Je souligne.]

36 Malgré le fait que l’Angleterre soit un État unitaire libre des restrictions constitutionnelles qu’impose notre partage des compétences, les tribunaux canadiens adhèrent généralement depuis 1874 à la division fondamentale entre les litiges liés à l’administration de l’actif du failli et les litiges impliquant des « étrangers à la faillite ». Le principe veut que si le litige a trait à une matière que même une interprétation généreuse de l’administration d’une faillite ne peut englober ou si la Loi ne prévoit pas la réparation visée, le syndic doit demander réparation aux tribunaux civils ordinaires. Ainsi, dans l’affaire québécoise Re Ireland, précitée, le syndic avait intenté une procédure pour faire décider qui avait droit au produit des polices d’assurance qu’il avait souscrites relativement à des biens faisant partie de l’actif du failli. Le juge Bernier a conclu que la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite n’avait pas compétence quant à l’objet du litige. Ce dernier soulevait purement des questions de droit civil et aucune disposition de la Loi ne conférait au tribunal de faillite une compétence spéciale lui permettant de trancher ces questions. Les tribunaux ont retenu des arguments similaires dans les décisions Cry-O-Beef Ltd./Cri-O-Bœuf Ltée (Trustees of) c. Caisse Populaire de Black‑Lake (1987), 66 C.B.R. (N.S.) 19 (C.A. Qué.); In re Martin (1953), 33 C.B.R. 163 (C.S. Ont.), p. 169; In re Reynolds (1928), 10 C.B.R. 127 (C.S. Ont.), p. 131; Re Galaxy Interiors Ltd. (1971), 15 C.B.R. (N.S.) 143 (C.S. Ont.); Mancini (Trustee of) c. Falconi (1987), 65 C.B.R. 246 (C.S. Ont.), et Re Morris Lofsky, précitée, p. 169.

37 La Cour d’appel du Québec a peut-être pavé la voie à une interprétation plus large de ce qui constitue un litige relevant du droit de la faillite et ressortissant donc au tribunal de faillite : Geoffrion c. Barnett, [1970] C.A. 273; Arctic Gardens inc. (Syndic de), [1990] R.J.Q. 6; et Excavations Sanoduc inc. c. Morency, [1991] R.D.J. 423. Voir aussi les motifs dissidents du juge LeBel, maintenant juge de notre Cour, dans l’arrêt Cry-O-Beef Ltd./Cri-O-Bœuf Ltée, précité, et In re Atlas Lumber Co. c. Grier and Sons Ltd. (1922), 3 C.B.R. 226 (C.S. Qué.), mais cette tendance ne se manifeste pas uniquement au Québec : In re Maple Leaf Fruit Co. (1949), 30 C.B.R. 23 (C.S.N.‑É.); Re Westam Developments Ltd. (1967), 10 C.B.R. (N.S.) 61 (C.A.C.-B.), p. 65; Re M. B. Greer & Co. (1953), 33 C.B.R. 69 (C.S. Ont.), p. 70; Re M.P. Industrial Mills Ltd. (1972), 17 C.B.R. 226 (B.R. Man.).

38 La jurisprudence semble reconnaître que le mot « faillite » figurant au par. 91(21) de la Loi constitutionnelle de 1867 doit être interprété de façon large pour réaliser son objet. Une interprétation moins libérale compliquerait et entraverait inutilement la liquidation économique et expéditive de l’actif du failli. L’établissement d’une compétence nationale en matière de faillite se révélerait inutile si une interprétation étroite et restrictive de cette compétence constitutionnelle en entravait continuellement l’exercice. Par l’adoption du par. 183(1) de la Loi, le législateur fédéral a transmis au tribunal de faillite une vaste compétence équivalente à celle qu’il a reçue.

39 Il y a évidemment des limites. Si la demande du syndic est dirigée contre un étranger à la faillite, c.‑à‑d. [traduction] « des personnes ou des questions ne relevant pas de [la] Loi » (Re Reynolds, précité, p. 129), ou si elle n’est pas de la [traduction] « nature d’une affaire de faillite » (Re Morris Lofsky, précité, p. 169), elle doit être présentée aux tribunaux civils ordinaires, et non au tribunal de faillite. En revanche, on peut manifestement saisir le tribunal de faillite d’une demande de recouvrement d’un bien particulier (Re Galaxy Interiors, précité, et Sigurdson, précité) tout comme d’une demande sollicitant une réparation prévue par la Loi (Re Ireland, précité, et Re Atlas Lumber, précité). Cela dit, il est parfois difficile de percevoir le « fil d’or » particulier qui lie les décisions. L. W. Houlden et G. B. Morawetz font remarquer que :

[traduction] Il y a eu de nombreux litiges sur cette question et il n’est pas toujours facile de concilier les décisions. La difficulté découle du partage des compétences constitutionnelles au Canada, la faillite et l’insolvabilité étant de compétence fédérale et la propriété et les droits civils ainsi que l’administration de la justice étant de compétence provinciale.

(Bankruptcy and Insolvency Law of Canada (3e éd. (feuilles mobiles)), I§4)

40 En bref, toutefois, la réponse à l’argument fondé sur « la propriété et les droits civils » est que l’appelante pose la mauvaise question. La question est de savoir si le litige contractuel entre l’appelante et le syndic intimé se rapporte bel et bien à la faillite. Dans l’affirmative, le fait que ce litige comporte également un aspect touchant la propriété et les droits civils n’écarte aucunement la compétence du tribunal de faillite.

4. Cette demande contractuelle particulière relève‑t‑elle de la compétence du tribunal de faillite?

41 En l’espèce, le syndic intimé a intenté, avec la permission des inspecteurs, une « procédure judiciaire se rapportant aux biens du failli » devant le tribunal de faillite en vertu de l’al. 30(1)d). Le syndic prétend que, outre les actions de Azco et de Sanou, la définition de « biens » figurant à l’art. 2 inclut les « droits incorporels », ce qui, selon lui, englobe ses demandes pécuniaires.

42 Quant aux actions et aux bons de souscription, le syndic allègue au par. 108 de sa requête que Azco est [traduction] « reconnue comme la propriétaire nominale de 100 % de Sanou Mining Corporation », qui est propriétaire de West African Gold & Exploration S.A., laquelle exploite les concessions minières au Mali. En fait, le syndic prétend que Azco détient les actions et les bons de souscription de Sanou qui font partie à bon droit de l’actif du failli et que Azco est en mesure de les lui transférer si le tribunal de faillite l’exige.

43 Comme je l’ai mentionné, on ne peut pas sérieusement prétendre que le tribunal de faillite n’a pas compétence sur l’objet du litige parce qu’il s’agit d’une affaire contractuelle. De façon plus étroite, la question est de savoir si le tribunal de faillite n’a pas compétence (i) parce que l’appelante est à juste titre considérée comme une « étrangère à la faillite » ou (ii) parce que le tribunal de faillite ne peut pas accorder la réparation que le syndic sollicite.

(i) L’appelante est-elle une « étrangère à la faillite »?

44 Si un défendeur potentiel est un « étranger » à la faillite, il se peut que le tribunal de faillite n’ait pas compétence sur l’objet du litige (parce que celui‑ci ne fait pas partie de la faillite) même si l’« étranger » réside dans le ressort du tribunal.

45 Au moment de la requête en recouvrement présentée par le syndic, l’appelante n’avait déposé aucune preuve de réclamation dans le cadre de la faillite. Elle semble avoir adopté une « attitude attentiste », c’est‑à‑dire qu’elle entendait déposer une réclamation seulement si le syndic déposait une demande contre elle. Le syndic a finalement déposé une demande contre elle, dans sa requête en recouvrement du 18 janvier 1999, et l’appelante lui a donné avis de sa demande reconventionnelle dans sa requête du 24 février 1999, et notamment du fait qu’elle détenait des billets à ordre d’une valeur de 3 844 858 $US signés par le failli et payables sur demande, lesquels constituaient des obligations éventuelles dont le syndic avait hérité.

46 Dans l’arrêt Holt Cargo Systems Inc. c. ABC Containerline N.V. (Syndics de), [2001] 3 R.C.S. 907, 2001 CSC 90, rendu simultanément, nous avons confirmé la décision de la Cour fédérale du Canada de statuer sur les demandes des titulaires de privilèges maritimes grevant un navire dont le propriétaire avait été déclaré failli après la saisie du navire, mais avant qu’il soit statué sur l’action réelle. Nous avons conclu que la Cour fédérale n’avait pas perdu compétence sur l’objet du litige à la suite de la faillite du propriétaire du navire. Nous avons statué que la Cour fédérale aurait pu surseoir à l’instance par déférence envers le tribunal de faillite, mais qu’elle n’était pas obligée d’y surseoir dans les circonstances.

47 La question en litige en l’espèce est quelque peu différente. L’appelante conteste une demande du syndic de faillite et menace de présenter contre l’actif du failli une demande reconventionnelle fondée sur la même série de contrats commerciaux. L’appelante a sollicité uniquement le renvoi de l’instance à une autre division du tribunal de faillite au Canada.

48 Dans l’arrêt Re Morris Lofsky, précité, la Cour d’appel de l’Ontario s’est penchée sur une affaire dans laquelle le syndic avait sollicité un jugement déclaratoire portant que la cession d’une automobile du failli à son épouse était frauduleuse et inopposable au syndic et que cette automobile faisait partie des biens du failli. L’épouse a contesté la demande en faisant valoir que l’automobile n’avait jamais appartenu au failli (même si elle était immatriculée au nom de ce dernier). À la page 169, le juge Roach a conclu que l’épouse était une étrangère à la faillite :

[traduction] J’estime qu’on doit conclure que la question en litige entre le syndic et l’appelante n’est pas une affaire de faillite, mais bien une pure affaire de propriété et de droits civils. Elle ne comporte aucun élément susceptible d’en faire une affaire de faillite. Elle ne soulève aucune question opposant débiteur et créancier dans la répartition de l’actif du failli. L’appelante ne revendique pas le titre de l’automobile par l’entremise du failli. En effet, elle affirme que le failli n’a jamais détenu le titre et qu’elle en a toujours été la propriétaire. Je ne peux voir aucun aspect de la question qui lui conférerait la nature d’une affaire de faillite sauf, peut‑être, le fait que le failli a fait immatriculer le véhicule au nom de l’appelante au cours de la faillite. Cette immatriculation ne transforme pas la question en affaire de faillite, la seule question se posant étant de savoir qui, du failli ou de l’appelante, a toujours été le véritable propriétaire.

Voir également l’arrêt Re Reynolds, précité, p. 131.

49 Dans le dossier qui nous est soumis, toutefois, l’appelante plaide qu’elle est la créancière la plus importante de l’actif du failli et qu’elle déposera « assurément » une demande reconventionnelle en réponse à la requête du syndic. Pour sa part, le syndic considère l’appelante comme la débitrice la plus importante de l’actif du failli. Loin d’être une « étrangère » à la faillite, Azco en est potentiellement le joueur le plus important, que ce soit en qualité de créancière ou de débitrice.

(ii) Le tribunal de faillite a-t-il compétence pour accorder la réparation sollicitée par le syndic?

50 Il est bien établi que le tribunal de faillite ne possède pas la compétence générale d’un tribunal civil pour accorder des dommages‑intérêts à la suite de la rupture d’un contrat. Sa compétence et son pouvoir de réparation se limitent à ce que prévoit la Loi. Dans Sigurdson, précité, le syndic de faillite avait poursuivi deux anciens administrateurs du failli pour fraude devant la Cour suprême de la Colombie‑Britannique. Dans une partie de ses motifs portant sur un autre point, la Cour d’appel a fait remarquer que si le syndic avait intenté sa poursuite devant le tribunal de faillite, [traduction] « il se serait trouvé devant le mauvais tribunal » car « [i]l doit s’adresser aux tribunaux civils ordinaires pour engager une poursuite en dommages‑intérêts » (p. 102). Voir également Re Ireland, précité.

51 Je suis toutefois d’avis qu’on ne peut pas, en l’espèce, qualifier la demande du syndic de simple demande en dommages‑intérêts, même s’il a tenté de déterminer la valeur pécuniaire des actions qui, selon lui, reviennent à l’actif du failli et que l’appelante retient sans droit. Je ne pense pas qu’il soit interdit au tribunal de faillite d’envisager une ordonnance dans laquelle de l’argent serait substitué au bien revendiqué, lorsque celui-ci ne peut être remis. Il faut rappeler que le syndic réclame essentiellement 125 000 actions de Azco même, plus 3,5 millions d’actions et 4 millions de bons de souscription de Sanou, qu’il prétend contrôlée entièrement par l’appelante. La requête du syndic dit ce qui suit, au par. 65 :

[traduction] La société débitrice a également droit aux 3 500 000 actions et aux 4 000 000 bons de souscription de Sanou, conformément au contrat, comme l’a reconnu l’intimée elle‑même dans son rapport annuel destiné à la Securities and Exchange Commission des États‑Unis pour l’exercice financier se terminant le 30 juin 1997, déposé comme pièce R‑24;

52 Quant aux actions de Azco, le syndic déclare au par. 101 de sa requête qu’il réclame [traduction] « 125 000 actions de Azco Mining Corporation qui avaient une valeur de 2,70 $CAN l’action ».

53 Il est tout aussi important de noter que l’appelante reconnaît que l’action intentée contre elle vise essentiellement la remise des actions et déclare ce qui suit au par. 25 de son mémoire :

Il semble que le recours du syndic est une action réelle plutôt qu’une action personnelle puisque le syndic cherche principalement à se faire reconnaître des droits sur 125 000 actions d’Azco et 3 500 000 actions et 4 000 000 bons de souscription de la compagnie Sanou (voir notamment les paragraphes 95, 98, 99 et 102 de la requête du syndic).

54 Malgré l’emploi de termes qui laissent perplexe dans la requête du syndic, les parties semblent donc s’entendre pour dire que la demande du syndic doit essentiellement être qualifiée de demande de recouvrement de biens précis du failli que l’appelante retient sans droit. Par conséquent, le syndic a le droit de réclamer les actions et les bons de souscription (par. 17(1)) et, avec la permission des inspecteurs (qu’il a obtenue), d’intenter une procédure judiciaire se rapportant à ces biens devant le tribunal de faillite (al. 30(1)d)). En invoquant ces dispositions législatives et les réparations qu’elles prévoient, le syndic situe manifestement sa réclamation dans le cadre de la Loi. Voir Re Galaxy Interiors, précité, le juge Houlden, p. 144; Mancini, précité, le juge Catzman, p. 250-251; Re Atlas Lumber, précité, le juge Rinfret, p. 234.

55 Lorsque les faits seront connus et que la position des parties sur les questions en litige seront précisées, il incombera au tribunal de faillite de Hull d’examiner la requête en recouvrement de biens pour déterminer si un élément particulier des diverses demandes du syndic échappe à sa compétence. Pour le moment, il suffit de conclure que la demande du syndic se rapporte essentiellement à la faillite, pour les motifs que j’ai déjà exposés. Dans l’état actuel du dossier (il s’agit d’une requête préliminaire), nous ne pouvons aller plus loin.

5. Même s’il avait pleine et entière compétence pour entendre la présente affaire, le tribunal de faillite de Hull aurait‑il dû renvoyer le dossier au tribunal ayant la même compétence en matière de faillite à Vancouver?

56 Le tribunal peut, (i) s’il est convaincu que les affaires du failli peuvent être administrées d’une manière plus économique dans un autre district ou dans une autre division des faillites ou (ii) pour « un autre motif suffisant », renvoyer « des procédures » en cours devant lui à l’autre district ou division de faillite (par. 187(7)).

57 Le paragraphe 187(7) établit une méthode pour renvoyer des procédures entre différents tribunaux de faillite au Canada. On verra plus loin que ce paragraphe soulève des questions différentes de la situation internationale particulière en cause dans Holt Cargo Systems, précité, rendu simultanément.

58 Le juge des requêtes a exercé son pouvoir discrétionnaire en refusant d’ordonner le renvoi en l’espèce. L’appelante doit donc démontrer que cette décision est entachée d’une erreur de droit ou de principe ou de l’omission de prendre en considération un élément prépondérant : Harelkin c. Université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561, p. 588. Les décisions Re Lions D’Or Ltée (1965), 8 C.B.R. (N.S.) 171 (C.S. Qué.), et Re M. Pollack Ltée (1979), 30 C.B.R. (N.S.) 256 (C.S. Qué.), ont reconnu la portée de ce pouvoir discrétionnaire en matière de faillite.

59 L’appelante affirme que les cours d’instance inférieure ont commis une erreur, tant sur le plan du droit que sur celui des principes. Selon l’appelante, elles ont commis une erreur de droit parce que l’art. 3148 du Code civil du Québec obligeait le tribunal de faillite à se déclarer incompétent vu les clauses « d’élection de for ». Par ailleurs, elles ont commis une erreur de principe parce qu’il n’existe aucun lien important entre le litige et la province de Québec. À cet égard, l’appelante invoque les décisions Bourque Consumer Electronics (Syndic de), J.E. 91-1040 (C.S.), et Amchem Products Inc. c. Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Board), [1993] 1 R.C.S. 897.

(i) La clause d’élection de for

60 L’appelante tente de démontrer que les règles applicables se trouvent dans le Code civil du Québec, notamment à l’art. 3148, qui prévoit en partie que :

. . . les autorités québécoises ne sont pas compétentes lorsque les parties ont choisi, par convention, de soumettre les litiges nés ou à naître entre elles, à propos d’un rapport juridique déterminé, à une autorité étrangère ou à un arbitre, à moins que le défendeur n’ait reconnu la compétence des autorités québécoises.

61 L’argument fondé sur l’élection de for est malheureusement mal fondé, tant en fait qu’en droit. Pour ce qui est des faits, les seuls contrats pertinents sont ceux auxquels Eagle était partie. La clause 28 figurant au contrat de financement du 7 juin 1996 et la clause 20 du contrat de services de gestion ne constituent rien de plus que l’expression du choix des lois applicables. Les tribunaux québécois sont parfaitement capables d’appliquer les lois de la Colombie‑Britannique. Le sens de la clause 17 du contrat d’emprunt sous forme de débenture de la West African Gold & Exploration S.A. conclu le 9 août 1996 est moins clair, mais, comme Azco n’y était pas partie et ne peut donc pas être poursuivie en vertu de ce contrat, ses stipulations ne sont pas pertinentes.

62 Pour ce qui est du droit, il s’agit de savoir si les art. 3148 ou 3135 du Code civil du Québec s’appliquent de quelque manière à la présente instance. Ces dispositions ne trouvent application dans une instance devant le tribunal de faillite que « [d]ans les cas non prévus par la Loi ou les présentes règles » (Règles générales sur la faillite et l’insolvabilité, art. 3). Le paragraphe 187(7) prévoit explicitement que le renvoi n’est ordonné que lorsqu’il est prouvé de façon satisfaisante qu’une instance sera « administré[e] d’une manière plus économique » dans une autre division ou dans un autre district, ce que l’appelante n’a pas soutenu, ou pour « un autre motif suffisant ». L’appelante prétend qu’il faut « préciser » ces mots de portée générale au moyen des dispositions plus particulières du Code civil du Québec. Mais, cela est inexact. Il faut recourir aux règles provinciales seulement « [d]ans les cas non prévus ». En l’espèce, le cas est prévu. On ne peut donc pas faire appel aux dispositions particulières du Code civil du Québec. Cette interprétation de l’art. 3 est non seulement inévitable, mais souhaitable. Le Code civil du Québec s’applique à un vaste éventail de matières. Lorsque le par. 187(7) parle de « motif suffisant », il le fait dans le contexte particulier de la faillite.

63 Il faut donc laisser de côté la prescription inapplicable du Code civil du Québec et se poser la question de savoir si une clause d’élection de for constituerait un « motif suffisant » au sens du par. 187(7), de sorte que le juge des requêtes aurait commis une erreur de droit en ne lui donnant pas effet dans les circonstances. D’après moi, un juge des requêtes devrait examiner avec soin une clause d’élection de for (lorsqu’il en existe réellement une), mais il n’est pas lié par une telle clause : J.-G. Castel, Canadian Conflict of Laws (4e éd. 1997), p. 262-263. Voir Sarabia c. « Oceanic Mindoro » (The) (1996), 26 B.C.L.R. (3d) 143 (C.A.), le juge Huddart, p. 153, autorisation de pourvoi refusée, [1997] 2 R.C.S. xiv; Volkswagen Canada Inc. c. Auto Haus Frohlich Ltd., [1986] 1 W.W.R. 380 (C.A. Alb.), le juge Kerans, p. 381; Ash c. Lloyd’s Corp. (1991), 6 O.R. (3d) 235 (Div. gén.), conf. par (1992), 9 O.R. (3d) 755 (C.A.), autorisation de pourvoi refusée, [1992] 3 R.C.S. v; Maritime Telegraph and Telephone Co. c. Pre Print Inc. (1996), 131 D.L.R. (4th) 471 (C.A.N.‑É.).

(ii) Considérations d’intérêt public

64 Il serait possible de prétendre que le principe d’intérêt public favorisant le « contrôle unique » des instances en matière de faillite et s’opposant à leur fragmentation commande qu’on attribue moins de poids à une clause d’élection de for en matière de faillite que dans le contexte des litiges commerciaux ordinaires : Industrial Packaging Products Co. c. Fort Pitt Packaging International, Inc., 161 A.2d 19 (Pa. 1960); In re Treco, 239 B.R. 36 (S.D.N.Y. 1999), conf. par 240 F.3d 148 (2d Cir. 2001).

65 Dans l’arrêt Re Moratorium Act, précité, le juge Rand a parlé des objectifs d’« ordre public » importants des dispositions législatives en matière de faillite, à la p. 46 :

[traduction] À cette procédure peuvent se rattacher non seulement la stigmatisation de la personne mais des contraintes restreignant sa liberté dans ses activités commerciales futures. La réparation pour le débiteur consiste à annuler ses dettes, qui pourraient autrement faire obstacle à sa réadaptation économique et sociale.

Voir aussi Industrial Acceptance Corp. c. Lalonde, [1952] 2 R.C.S. 109, p. 120.

66 Dans son traité sur la faillite, le professeur Albert Bohémier dit ce qui suit au sujet de l’objectif de la Loi :

La Loi sur la faillite a pour but de protéger le débiteur, ses créanciers et l’intérêt public. Ces objectifs ont toujours été présents, mais avec une intensité variable. On peut affirmer sans craindre de se tromper que plus une société favorise le crédit et donc l’endettement, plus la législation aura tendance à faire primer le souci d’atténuer le sort des débiteurs honnêtes et infortunés. Un régime qui repose sur l’endettement doit comporter un système auto-régulateur de sorte que les débiteurs défaillants puissent éventuellement être réintégrés dans le système et redevenir des éléments productifs.

(Faillite et insolvabilité (1992), vol. 1, p. 48)

67 En cas de conflit, on pourrait s’attendre à ce que la mise en œuvre de ces principes d’intérêt public ait priorité sur les conventions privées d’élection de for, comme l’a effectivement conclu le juge Robert de la Cour d’appel du Québec. Une opinion semblable est exprimée dans I. F. Fletcher, Insolvency in Private International Law (1999), p. 47, note 73 :

[traduction] [L]es arrangements contractuels privés entre les parties ne peuvent avoir préséance sur l’exercice de la compétence en matière de faillite, qui est du domaine de l’ordre public et sert une plus vaste gamme d’intérêts y compris, en bout de ligne, ceux de la société dans son ensemble.

Il existe toutefois aux États-Unis un courant jurisprudentiel contraire portant que, règle générale, un syndic de faillite qui engage un recours fondé sur une convention comportant une clause d’élection de for devrait être lié par cette clause dans la même mesure que les parties qui l’ont stipulée : voir Coastal Steel Corp. c. Tilghman Wheelabrator Ltd., 709 F.2d 190 (3d Cir. 1983); In re Diaz Contracting, Inc., 817 F.2d 1047 (3d Cir. 1987), et Hays and Co. c. Merrill Lynch, 885 F.2d 1149 (3d Cir. 1989).

68 Selon moi, pour les motifs déjà exposés, la clause d’élection de for constituerait un facteur important pour l’application du par. 187(7), mais il ne serait pas déterminant dans le contexte des principes d’intérêt public exprimés dans la Loi.

69 Vu ma conclusion que l’appelante ne bénéficie pas d’une clause d’élection de for en l’espèce, il n’y a pas lieu que j’entreprenne l’examen de la question de savoir s’il y a ici conflit entre le choix privé et l’intérêt public et, le cas échéant, quel poids doit être accordé à l’élection de for en regard des facteurs d’intérêt public énoncés dans Amchem, précité, dans le cadre du par. 187(7) de la Loi.

70 En bout de ligne, l’appelante est incapable de démontrer que le juge des requêtes a commis une erreur de droit en refusant de renvoyer l’instance à Vancouver.

(iii) L’erreur de principe

71 Se fondant sur l’arrêt Amchem, précité, l’appelante prétend que le litige actuel a son lien le plus réel et le plus important avec la Colombie‑Britannique et que le juge des requêtes a commis une erreur de principe en ne prenant pas en considération certains facteurs pertinents pour tirer la conclusion inverse.

72 Encore une fois, j’estime que cette position est indéfendable en fait et en droit.

73 En premier lieu, comme je l’ai déjà dit, il faut appliquer en l’espèce la méthode suivie dans l’arrêt Amchem en tenant pleinement compte du contexte de la législation canadienne en matière de faillite. Le présent pourvoi porte sur l’attribution d’une affaire de faillite particulière à un tribunal à l’intérieur d’un seul régime national de faillite créé par la Loi. Comme le démontre l’arrêt Holt Cargo Systems, précité, l’examen de l’attribution d’une affaire comportant différents aspects (p. ex., un aspect de droit maritime et un aspect de droit de la faillite) entre les tribunaux canadiens et les tribunaux étrangers, assujettis à des régimes fort différents, notamment sur le plan législatif, peut soulever divers problèmes.

74 En deuxième lieu, l’arrêt Amchem et les arrêts qui l’ont suivi portaient sur des litiges privés. Le présent pourvoi, tout comme cela a été expliqué dans l’arrêt Holt Cargo Systems, précité, comporte l’aspect important de l’intérêt public mentionné précédemment. Notre Cour ne peut s’en tenir seulement aux facteurs énoncés dans Amchem; elle doit s’efforcer de donner effet à l’intention manifeste du législateur, exprimée dans la Loi, de créer un système national économique et efficace d’administration de l’actif des faillis.

75 Il est dans l’intérêt public de faciliter la résolution rapide des retombées d’un effondrement financier. Comme nous l’avons souligné dans l’arrêt Holt Cargo Systems, on ne retrouvait pas ce facteur dans la situation factuelle en cause dans Amchem. En fait, il existe des considérations de principe plus fortes en l’espèce que dans l’affaire Holt Cargo Systems. Dans cette affaire, il fallait choisir entre, d’une part, une action de droit maritime intentée à Halifax portant sur les réclamations de créanciers garantis qui avaient déjà obtenu un jugement par défaut et, d’autre part, l’exercice de sa compétence par la Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite à la demande du tribunal de faillite de la Belgique, dans une affaire qui en était encore à ses étapes préliminaires. Dans ces circonstances, la Cour fédérale du Canada a refusé d’ordonner la suspension de la procédure de droit maritime et la Cour d’appel fédérale ainsi que notre Cour ont confirmé sa décision discrétionnaire.

76 En l’espèce, nous faisons face à une loi fédérale qui établit à première vue un centre de commandement ou un « contrôle unique » (Stewart, précité, p. 349) pour la totalité des procédures liées à la faillite (par. 183(1)). Le contrôle unique n’est pas nécessairement incompatible avec le renvoi de litiges particuliers à d’autres ressorts, mais le créancier (ou le débiteur) qui désire fragmenter les procédures et qui ne peut pas prétendre être un « étranger à la faillite » a le fardeau de démontrer l’existence d’un « motif suffisant », justifiant que le syndic doive accourir dans plusieurs ressorts. Le législateur a jugé que la preuve des faits visés par la définition de l’expression « localité d’un débiteur » figurant au par. 2(1) établit un lien suffisamment important pour rattacher une instance de faillite à un district ou à une division en particulier. Le syndic de cette localité est chargé de « recouvrer » les biens, et c’est le tribunal de faillite de ce ressort qui contrôle les procédures connexes. La Loi vise l’économie de la liquidation des biens du failli, même au prix de frais additionnels pour les créanciers et les débiteurs.

77 Le « critère de la pondération » que l’appelante préconise en s’appuyant sur les facteurs énoncés dans Amchem et sur les principes généraux du droit international privé ne tient pas compte de ces importants principes d’intérêt public. La Cour supérieure du Québec siégeant en matière de faillite constitue un véritable tribunal national.

78 Enfin, sur le plan des faits, même si les principes du droit international privé s’appliquaient sans qu’il soit nécessaire de les adapter au contexte de la faillite, il est difficile de discerner quelque lien que ce soit entre le litige et Vancouver, sauf le fait que Eagle a signé certains contrats comportant une clause selon laquelle les lois applicables étaient celles de ce ressort. Les liens entre l’appelante et Vancouver ne sont pas particulièrement étroits. L’appelante a, parmi ses bureaux, une adresse à Vancouver, mais la plupart des activités en cause en l’espèce ont eu lieu à l’extérieur de la Colombie‑Britannique. Son employé clé, M. Ryan Modesto, réside aux États‑Unis. Le contrat de services de gestion du 12 juin 1996 précise que le siège social de Azco est situé en Arizona. Le communiqué de presse du 17 septembre 1996 par lequel Azco a annoncé ce projet à l’échelle mondiale émanait de l’Arizona. De plus, l’appelante n’a aucun avantage sur le plan juridique à exercer ses recours en vertu du même régime de faillite à Vancouver plutôt qu’à Hull. Dans un cas comme dans l’autre, les lois de la Colombie‑Britannique peuvent être appliquées. Il serait peut‑être légèrement plus commode pour l’appelante et pour certains de ses témoins que l’affaire soit entendue à Vancouver, mais c’est tout ce qu’on peut dire en faveur de ce lieu. De son côté, le syndic se plaint du fait que si le pourvoi est accueilli, il sera obligé, suivant le même raisonnement, d’intenter d’autres actions (sans lien avec Azco) à Chicoutimi, Toronto, Halifax, Winnipeg, Charlottetown et Calgary. De nombreux faits étayent la décision du juge de première instance de poursuivre l’instance à Hull.

79 Je ne veux toutefois pas que mes motifs soient interprétés comme rendant impossible toute application du par. 187(7). Les faits de l’espèce ne font pas ressortir un « motif suffisant » pour renvoyer l’instance en Colombie‑Britannique, mais il peut évidemment surgir d’autres affaires dans lesquelles le renvoi sera justifiable. Même dans l’arrêt Stewart, précité, qui a établi le paradigme du « contrôle unique », le juge Anglin a pris la peine de dire que l’affaire aurait probablement dû être entendue à l’Île‑du‑Prince‑Édouard. Le problème des parties demanderesses dans cette affaire tenait au fait qu’elles n’avaient pas demandé l’autorisation du tribunal de la Colombie‑Britannique avant d’introduire l’instance à l’Île‑du‑Prince‑Édouard. Juste avant le passage sur le « contrôle unique » déjà cité, le juge Anglin a affirmé ceci (à la p. 349) :

[traduction] Je refuse de tenir pour acquis que la Cour suprême de la Colombie‑Britannique ne rendra pas d’ordonnance de renvoi, précédée ou accompagnée de l’autorisation requise par l’art. 22, s’il lui est démontré -- comme cela semblerait être le cas d’après les éléments qui nous ont été soumis -- qu’il est possible d’instruire plus efficacement à l’Île‑du‑Prince‑Édouard les questions portant sur l’existence de la fiducie alléguée par la partie demanderesse et sur l’affectation de certains biens détenus par le liquidateur à titre de biens de la fiducie.

Pour sa part, le juge Brodeur a dit ce qui suit (à la p. 352) :

[traduction] Il me semble que l’intérêt de la justice serait mieux servi en l’espèce si les tribunaux de l’Île‑du‑Prince‑Édouard statuaient sur la question soulevée en l’instance. Toutefois, il incombait aux parties intimées d’obtenir l’autorisation de la cour de la Colombie‑Britannique, et elles ne l’ont pas obtenue.

80 Le fait est que Azco devait démontrer l’existence d’un « motif suffisant » à la lumière des faits de la présente affaire et elle n’y est pas parvenue.

V. Conclusion

81 Je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs de l’appelante : Stikeman Elliott, Montréal.

Procureurs de l’intimée : Gervais & Gervais, Montréal.



Parties
Demandeurs : Sam Lévy & Associés Inc.
Défendeurs : Azco Mining Inc.

Références :
Proposition de citation de la décision: Sam Lévy & Associés Inc. c. Azco Mining Inc., 2001 CSC 92 (20 décembre 2001)


Origine de la décision
Date de la décision : 20/12/2001
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : 2001 CSC 92 ?
Numéro d'affaire : 27876
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2001-12-20;2001.csc.92 ?
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