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08/08/2002 | CANADA | N°2002_CSC_59

Canada | Somersall c. Friedman, 2002 CSC 59 (8 août 2002)


Somersall c. Friedman, 2002 3 R.C.S. 109, 2002 CSC 59

Scottish & York Insurance Co. Ltd. Appelante

c.

Pearl Somersall, Gwendolyn Somersall et Janice Somersall Intimées

Répertorié : Somersall c. Friedman

Référence neutre : 2002 CSC 59.

No du greffe : 27851.

2002 : 21 janvier; 2002 : 8 août.

Présents : Le juge en chef McLachlin et les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, Iacobucci, Major, Binnie et LeBel.

en appel de la cour d’appel de l’ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (2000)

, 183 D.L.R. (4th) 396, 129 O.A.C. 68, 17 C.C.L.I. (3d) 1, 50 M.V.R. (3d) 148, [2000] O.J. No. 401 (QL), qui a accueilli un appe...

Somersall c. Friedman, 2002 3 R.C.S. 109, 2002 CSC 59

Scottish & York Insurance Co. Ltd. Appelante

c.

Pearl Somersall, Gwendolyn Somersall et Janice Somersall Intimées

Répertorié : Somersall c. Friedman

Référence neutre : 2002 CSC 59.

No du greffe : 27851.

2002 : 21 janvier; 2002 : 8 août.

Présents : Le juge en chef McLachlin et les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, Iacobucci, Major, Binnie et LeBel.

en appel de la cour d’appel de l’ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (2000), 183 D.L.R. (4th) 396, 129 O.A.C. 68, 17 C.C.L.I. (3d) 1, 50 M.V.R. (3d) 148, [2000] O.J. No. 401 (QL), qui a accueilli un appel contre un jugement de la Cour de l’Ontario (Division générale) (1998), 40 O.R. (3d) 461, 162 D.L.R. (4th) 229, 5 C.C.L.I. (3d) 309, 36 M.V.R. (3d) 153, [1998] I.L.R. ¶ I- 3571, [1998] O.J. No. 2223 (QL). Pourvoi rejeté, les juges Major et Binnie sont dissidents.

Brian J. E. Brock, c.r., et Rita Bambers, pour l’appelante.

Jeffrey W. Strype, pour les intimées.

Version française du jugement du juge en chef McLachlin et des juges L’Heureux-Dubé, Gonthier, Iacobucci et LeBel rendu par

Le juge Iacobucci --

I. Introduction

1 J’ai lu les motifs succincts du juge Binnie. Je ne partage malheureusement pas son opinion et je suis d’avis de rejeter le pourvoi. Je vais donc décrire le contexte du pourvoi avant d’exposer les raisons de mon désaccord avec mon collègue.

2 Les Somersall ont été heurtées et blessées par un automobiliste sous assuré en 1989. Elles ont recouvré de l’assureur de cet automobiliste toute la part des dommages‑intérêts qu’elles pouvaient obtenir de lui puis, se rappelant avoir souscrit à une garantie additionnelle pour se protéger contre une telle éventualité, elles ont demandé le solde à leur propre assureur. Ce dernier n’a toutefois pas voulu leur verser l’indemnité demandée. L’assureur prétend qu’en raison de la convention qu’elles ont signée avec l’homme dont la négligence leur a causé des lésions corporelles et dans laquelle elles se sont engagées à ne pas lui réclamer en justice une somme excédant la garantie stipulée dans sa police d’assurance, les Somersall ont perdu leur droit à une indemnité et contrecarré les droits de subrogation de l’assureur. Pour résoudre ce différend, nous devons examiner les droits et obligations que prévoit le contrat d’assurance conclu entre les parties.

II. Le contexte

3 Les faits peuvent être exposés brièvement. Le 29 janvier 1989, les intimées Pearl et Gwendolyn Somersall (« les intimées ») ont été blessées dans un accident d’automobile avec le défendeur Jerry Friedman. Les intimées ont déposé la déclaration dans leur action le 28 janvier 1991. Le 13 décembre 1991, les intimées et le défendeur Friedman ont conclu une convention que les parties ont appelée la [traduction] « convention de limitation ». La convention de limitation prévoyait ce qui suit : a) au procès, M. Friedman s’avouerait responsable de l’accident; b) les intimées ne feraient valoir contre M. Friedman ou son assureur aucune réclamation excédant la garantie d’assurance de M. Friedman, qui s’élevait à 200 000 $; enfin, c) l’assureur de M. Friedman verserait une avance de 50 000 $ aux intimées.

4 La codéfenderesse au procès et appelante dans le présent pourvoi était l’assureur des intimées, la société Scottish & York Insurance Co. Ltd. (« Scottish & York »), qui a été jointe à l’action en juillet 1994. Les intimées ont réclamé le solde de leurs dommages-intérêts à Scottish & York en invoquant leur garantie sous‑assurance des tiers. Cette garantie était prévue dans l’avenant de protection familiale, avenant optionnel mais très courant dans les contrats d’assurance automobile de l’Ontario, aussi connu sous le nom d’avenant « SEF 44 ». Aux termes de cet avenant, le demandeur doit avoir « le droit de recouvrer » des dommages-intérêts d’un automobiliste sous assuré pour bénéficier de la protection offerte par son assureur en pareil cas. Elle oblige plus particulièrement l’assureur à :

[traduction] . . . indemniser chaque demandeur admissible du montant que ce dernier a le droit de recouvrer d’un automobiliste sous assuré à titre de dommages-intérêts compensatoires pour les lésions corporelles subies par une personne assurée ou pour son décès par suite d’un accident découlant de l’usage ou de la conduite d’une automobile.

5 L’avenant SEF 44 est issu du régime d’assurance automobile de l’Ontario et l’expression « a le droit de recouvrer » (« is legally entitled to recover ») est une expression courante qui figure également dans des avenants types similaires dans la plupart des ressorts canadiens. Il importe de noter que le régime ontarien maintenant en vigueur est assez différent de celui qui régit la présente espèce. Le régime applicable au présent pourvoi reposait principalement sur la responsabilité délictuelle, tandis que, selon le régime actuel, la partie lésée est généralement dédommagée par son propre assureur, les dommages-intérêts en responsabilité civile délictuelle n’entrant en jeu que dans les cas de « catastrophes ».

6 Scottish & York a formé une demande reconventionnelle contre M. Friedman. Celui-ci a fait valoir dans sa défense modifiée à la demande reconventionnelle que la convention de limitation liait les intimées. L’appelante a demandé par voie de motion, conformément à la règle 21.01 des Règles de procédure civile, R.R.O. 1990, Règl. 194, que la question de droit suivante soit décidée avant l’instruction :

[traduction] La convention conclue entre l’avocat des demanderesses et l’avocat du défendeur Friedman limitant la réclamation des demanderesses au montant de la garantie stipulée dans la police de ce défendeur empêche‑t‑elle les demanderesses de présenter une demande d’indemnité contre Scottish & York en invoquant les dispositions de la police qui concernent les automobilistes sous assurés?

Le juge Spiegel a conclu que la convention de limitation empêchait effectivement les demanderesses de présenter une demande d’indemnité contre Scottish & York : (1998), 40 O.R. (3d) 461. La Cour d’appel de l’Ontario a accueilli l’appel interjeté par les Somersall et conclu que la convention de limitation n’avait pas cet effet : (2000), 183 D.L.R. (4th) 396. Scottish & York se pourvoit maintenant devant notre Cour.

III. Les dispositions contractuelles et législatives pertinentes

7 Avenant de protection familiale SEF 44

[traduction]

2. CONVENTION D’ASSURANCE

En contrepartie de la prime exigée et sous réserve des dispositions des présentes, il est entendu et convenu que l’Assureur indemnisera chaque demandeur admissible du montant que ce dernier a le droit de recouvrer d’un automobiliste sous assuré à titre de dommages-intérêts compensatoires pour les lésions corporelles subies par une personne assurée ou pour son décès par suite d’un accident découlant de l’usage ou de la conduite d’une automobile.

3. LIMITE DE LA GARANTIE PRÉVUE PAR LE PRÉSENT AVENANT

a) La responsabilité maximale de l’Assureur en vertu du présent avenant, indépendamment du nombre de demandeurs admissibles ou du nombre de personnes assurées blessées ou décédées, ou du nombre d’automobiles assurées en vertu de la police, est le montant correspondant à l’excédent de la garantie de protection familiale sur le total de toutes les garanties d’assurance responsabilité civile automobile, ou des cautionnements, dépôts en espèces ou autres cautionnements financiers exigés par la loi pour tenir lieu d’assurances, de l’automobiliste sous assuré et de toute personne responsable conjointement avec lui.

b) Lorsque le présent avenant s’applique à titre d’assurance complémentaire, la responsabilité maximale de l’Assureur en vertu du présent avenant est le montant déterminé conformément à l’alinéa 3a) moins les sommes dont les demandeurs admissibles peuvent se prévaloir en vertu de toute assurance de premier rang visée à l’article 7 du présent avenant.

4. MONTANT PAYABLE À CHAQUE DEMANDEUR ADMISSIBLE

a) Le montant payable en conformité avec le présent avenant à tout demandeur admissible correspond au montant des dommages-intérêts que le demandeur admissible a le droit de recouvrer de l’automobiliste sous assuré, déduction faite du total des montants visés à l’alinéa 4b), mais l’Assureur ne peut jamais être tenu de payer un montant excédant la limite de garantie stipulée au paragraphe 3 du présent avenant.

b) Le montant payable en application du présent avenant à tout demandeur admissible est complémentaire au montant effectivement recouvré par ce dernier de toute source (sauf les sommes payables au décès en vertu d’une police d’assurance) et à tout montant que le demandeur admissible a le droit de recouvrer (qu’il fasse valoir ce droit ou non) :

(i) des assureurs de l’automobiliste sous assuré et des cautionnements, dépôts en espèces ou autres cautionnements financiers fournis au nom de l’automobiliste sous assuré;

(ii) des assureurs de toute personne responsable conjointement avec l’automobiliste sous assuré du dommage subi par une personne assurée;

(iii) de la Régie de l’assurance automobile du Québec;

(iv) d’une caisse d’indemnisation des créanciers de jugements inexécutés ou d’un régime semblable ou qu’une telle caisse ou un tel régime aurait dû verser n’eût été le présent avenant;

(v) de la garantie non-assurance des tiers d’une police d’assurance responsabilité civile automobile;

(vi) de tout régime d’indemnisation des victimes d’accidents d’automobiles applicable dans le ressort où l’accident s’est produit;

(vii) de toute police d’assurance stipulant une indemnité d’invalidité ou de réadaptation, ou une indemnité pour manque à gagner ou frais médicaux;

(viii) de tout régime d’indemnisation des accidents du travail ou régime semblable du ressort, applicable aux lésions corporelles subies ou au décès;

(ix) de toute garantie de protection familiale d’une police d’assurance responsabilité civile automobile.

. . .

5. DÉTERMINATION DU MONTANT QUE LE DEMANDEUR ADMISSIBLE A LE DROIT DE RECOUVRER

a) Le montant qu’un demandeur admissible a le droit de recouvrer est déterminé selon la méthode établie pour résoudre les questions de quantum et de responsabilité dans les dispositions de la police régissant la garantie non-assurance des tiers.

b) Pour déterminer le montant qu’un demandeur admissible a le droit de recouvrer de l’automobiliste sous assuré, les questions de quantum sont tranchées en conformité avec les lois de la province régissant la police et les questions de responsabilité sont résolues en conformité avec les lois du lieu où l’accident s’est produit.

c) Dans le calcul du montant qu’un demandeur admissible a le droit de recouvrer, aucun montant n’est inclus au titre de l’intérêt avant jugement couru avant l’avis exigé par le présent avenant.

. . .

6. PROCÉDURE

a) Les stipulations qui suivent constituent des conditions préalables à la responsabilité de l’Assureur envers le demandeur admissible en vertu du présent avenant :

(i) le demandeur admissible informe promptement l’Assureur, par un avis écrit donnant tous les détails dont il dispose, de tout accident ayant causé des lésions corporelles à une personne assurée ou entraîné son décès et de toute demande d’indemnité relative à l’accident;

(ii) le demandeur admissible fournit, sur demande, le détail de toute police d’assurance, autre qu’une assurance-vie, qu’il peut faire valoir;

(iii) le demandeur admissible et la personne assurée se soumettent à un interrogatoire sous serment et produisent, pour examen au lieu et à la date raisonnables désignés par l’Assureur ou son représentant, tous les documents qui ont trait aux questions en cause et se trouvent en leur possession et sous leur contrôle, et ils permettent qu’il en soit pris des copies ou des extraits.

b) Le demandeur admissible qui engage une action en dommages-intérêts pour des lésions corporelles ou un décès contre toute autre personne propriétaire ou conductrice d’une automobile impliquée dans l’accident, expédie par courrier recommandé ou remet immédiatement copie du bref introductif d’instance ou de tout autre acte introductif à l’agence principale ou au siège social de l’Assureur dans la province, en donnant des précisions sur l’assurance et sur la perte.

c) Toute action ou procédure en recouvrement engagée contre l’Assureur en vertu du présent avenant est introduite dans un délai de 12 mois à compter de la date à laquelle le demandeur admissible ou ses représentants légaux ont appris ou auraient dû savoir que le quantum des demandes d’indemnité à l’égard d’une personne assurée excédait la garantie minimum d’assurance responsabilité civile automobile applicable dans le ressort où l’accident s’est produit. La présente clause n’emporte pas prescription d’une action intentée dans les 2 ans suivant la date de l’accident.

. . .

9. SUBROGATION

Sur présentation d’une demande d’indemnité en vertu du présent avenant, l’Assureur est subrogé dans les droits du demandeur admissible qui en est l’auteur et peut ester en justice au nom de cette personne contre l’automobiliste sous assuré et contre les personnes mentionnées à l’alinéa 4b).

10. CESSION DES DROITS D’ACTION

Sur paiement d’une indemnité en application du présent avenant, l’Assureur a le droit d’obtenir du demandeur admissible, en contrepartie de ce paiement, cession de tous les droits d’action, qu’un jugement ait été obtenu ou non; le demandeur admissible s’engage à coopérer avec l’Assureur, sauf sur le plan pécuniaire, dans la poursuite de toute action par subrogation ou de tout droit d’action ainsi cédé.

Insurance Act Regulations, R.R.O. 1980, règl. 535

[traduction]

DÉTERMINATION DE LA RESPONSABILITÉ ET DU MONTANT DES DOMMAGES-INTÉRÊTS

4. -- (1) La question de savoir si l’assuré a le droit de recouvrer des dommages-intérêts et, dans l’affirmative, quel en est le montant, est tranchée, selon le cas :

a) par entente entre la personne assurée par le contrat et l’assureur,

b) à la demande de la personne assurée par le contrat et avec le consentement de l’assureur, par arbitrage par une personne choisie par les deux parties ou, si celles-ci ne parviennent pas à s’entendre sur le choix d’une seule personne, par deux personnes, l’une étant choisie par la personne assurée par le contrat et l’autre par l’assureur, et par une troisième personne nommée par les personnes ainsi choisies,

c) par une cour compétente en Ontario dans une action intentée contre l’assureur par la personne assurée par le contrat, et l’assureur peut inclure dans sa défense la question de la responsabilité et du montant de celle-ci, sauf si une cour compétente en Ontario s’est déjà prononcée à cet égard dans le cadre d’une action contestée.

Loi sur les assurances, L.R.O. 1990, ch. I.8

278 (1) L’assureur qui effectue un paiement ou assume la responsabilité à cet effet en vertu d’un contrat est subrogé à tous les droits de recouvrement que l’assuré possède contre toute personne et peut intenter une action au nom de l’assuré pour faire valoir ces droits.

. . .

(6) Un règlement conclu ou une quittance donnée avant ou après l’introduction de l’action ne fait pas obstacle aux droits de l’assuré ou de l’assureur, selon le cas, à moins qu’ils n’aient donné leur consentement à cet effet.

IV. La question en litige

8 La convention de limitation conclue entre les intimées et le défendeur Friedman empêche-t-elle les intimées de demander une indemnité à l’assureur appelant en vertu de l’avenant SEF 44?

V. Les décisions des juridictions inférieures

A. La Cour de l’Ontario (Division générale) (1998), 40 O.R. (3d) 461

9 Le juge Spiegel a passé en revue les arrêts de la Cour d’appel de l’Ontario Johnson c. Wunderlich (1986), 57 O.R. (2d) 600, et Chambo c. Musseau (1993), 15 O.R. (3d) 305. Il a conclu qu’ils ont établi qu’un assuré pouvait poursuivre directement la société d’assurance émettrice de l’avenant SEF 44 et n’était pas tenu d’obtenir un jugement contre l’auteur du délit pour se faire indemniser par la société d’assurance en vertu de l’avenant SEF 44. Cette action directe peut être formée même si le délai de prescription de la poursuite contre l’auteur du délit est expiré. Le juge Spiegel a distingué les actions engagées contre l’auteur du délit malgré l’expiration du délai de prescription des circonstances de la présente espèce. Examinant l’affaire Burns c. Ferri (1994), 16 O.R. (3d) 569 (C.A.), le juge Spiegel a conclu qu’à la suite d’une convention entre l’assuré et l’auteur du délit visant à dégager ce dernier de toute responsabilité excédant le paiement convenu, l’assuré n’aurait plus « le droit de recouvrer » des dommages-intérêts et qu’il se trouverait ainsi sans recours contre l’assureur. La convention conclue dans l’affaire Burns ne libérait pas l’auteur du délit de toute responsabilité au‑delà de la responsabilité qui lui était imputée dans la convention de règlement amiable. Par conséquent, contrairement à la situation créée par la présente convention de limitation, l’assuré avait encore en tout temps « le droit de recouvrer » des dommages-intérêts en sus des sommes prévues dans le règlement.

10 Le juge Spiegel a par conséquent conclu que, par l’effet de la convention de limitation, les demanderesses n’avaient plus « le droit de recouvrer » des dommages‑intérêts en sus de ceux qu’elles avaient déjà recouvrés en vertu de cette convention. La question soulevée a donc reçu une réponse affirmative et l’action engagée contre l’assureur a été rejetée.

B. La Cour d’appel de l’Ontario (2000), 183 D.L.R. (4th) 396

11 Le juge Charron, au nom d’une formation unanime, a conclu que la question portée devant le juge Spiegel, même si elle était nouvelle, était régie par la jurisprudence existante et que le juge des requêtes était tenu d’y répondre par la négative. Ce dernier avait commis une erreur en établissant une distinction avec la jurisprudence.

12 Il n’existait aucune raison de principe permettant d’établir une distinction entre une entrave à l’exercice d’un droit d’action légal causée par un délai de prescription et l’entrave causée par la convention de limitation. Selon le principe énoncé dans l’arrêt Johnson et repris dans l’arrêt Chambo, l’assuré n’est tenu de prouver que la faute et le quantum des dommages dans une action directe formée contre l’assureur. Les demanderesses n’avaient qu’à démontrer que M. Friedman avait commis une faute dans l’accident et que les dommages causés par sa faute excédaient sa garantie d’assurance. Les arrêts Johnson et Chambo enseignent essentiellement que le droit d’action directe contre l’assureur n’exige pas qu’une cour de justice tranche au préalable la question de la responsabilité.

13 Le juge Charron a conclu que même si la convention de limitation contrecarrait les droits de subrogation de l’assureur, celui-ci ne se trouverait pas dans une situation plus avantageuse, puisque l’expiration d’un délai de prescription les contrecarrerait aussi. De plus, même s’il n’était pas nécessaire de trancher cette question puisque M. Friedman n’était pas partie à l’appel, le par. 278(6) de la Loi sur les assurances semblait préserver les droits de l’assureur en l’espèce contre lui.

14 Le juge Charron a enfin établi une distinction avec les affaires tranchées en Alberta qui ont mené à une conclusion opposée dans l’interprétation de l’avenant concernant les automobilistes sous assurés. Par contraste avec la réglementation ontarienne sur ce point, la disposition albertaine examinée dans Fogarty c. Co-operators Group Ltd., [1990] I.L.R. ¶ 1-2545 (B.R. Alb.), et Nielsen c. Co-operators General Insurance Co. (1997), 209 A.R. 177 (C.A.), ne permettait pas une détermination de la responsabilité et du quantum des dommages-intérêts par un tribunal compétent, mais uniquement par arbitrage à défaut d’entente entre l’assuré et l’assureur.

15 L’appel a donc été accueilli et la question soulevée a reçu une réponse négative.

VI. Analyse

A. Introduction : l’avenant SEF 44

16 L’assurance responsabilité civile a pour objet général de répartir le risque entre les personnes qui ont contracté une police d’assurance et paient, à ce titre, une prime pour être protégées. Dans l’arrêt Frenette c. Métropolitaine (La), cie d’assurance-vie, [1992] 1 R.C.S. 647, p. 668, madame le juge L’Heureux-Dubé a repris les propos du juge Malouf de la Cour d’appel et défini le risque comme un « événement futur, certain ou incertain, qui peut occasionner une perte ». Dans la décision University of Saskatchewan c. Fireman’s Fund Insurance Co. of Canada (1997), 158 Sask. R. 223 (C.A.), le juge Sherstobitoff a, aux par. 33-34, défini la notion de risque comme [traduction] « le danger contre lequel l’assuré se prémunit » ou « la possibilité qu’une malchance ou perte survienne un jour ». Il a précisé que [traduction] « la malchance ou perte qui est déjà survenue ne constitue plus un risque, mais une certitude. » Par conséquent, l’assureur crée une police qui protège les assurés contre un risque précis ou un danger futur en contrepartie du paiement périodique d’une prime. Pour fournir cette protection, l’assureur s’engage à être prêt à verser un montant à l’assuré jusqu’à concurrence du quantum maximum de la perte que ce dernier pourrait subir si le risque se réalise, pour lequel on fixe habituellement un plafond.

17 L’avenant SEF 44 a pour objet particulier de fournir, en contrepartie d’une prime versée par l’assuré, une garantie contre les lésions corporelles subies par l’assuré et les autres occupants du véhicule admissibles, dans des accidents d’automobiles causés par des automobilistes non assurés ou dont les limites de responsabilité sont insuffisantes pour compenser les lésions corporelles subies par les demandeurs. Même si la formule de l’avenant SEF 44 est normalisée, il s’agit d’une garantie facultative pour laquelle une prime doit être versée en sus de la prime payée pour la garantie souscrite en vertu de la police type d’assurance automobile.

18 Par cet avenant, l’assuré se protège essentiellement, en versant une prime supplémentaire, contre le risque d’être blessé par un automobiliste sous assuré. L’assuré paie une prime à l’assureur afin que celui-ci l’indemnise directement en cas de survenance d’un tel accident. Comme l’assurance automobile est obligatoire pour tous les conducteurs en Ontario, et qu’elle l’était au moment de l’accident à l’origine du pourvoi, ce risque est relativement peu élevé. Il a été encore réduit par l’introduction, dans le régime d’assurance automobile ontarien, du système général d’indemnisation directe de la partie lésée par son propre assureur. Comme le partage de la responsabilité est maintenant, dans la plupart des cas, une question qu’il appartient aux compagnies d’assurance de régler entre elles, la catégorie des automobilistes sous assurés se limite maintenant, en ce qui concerne la personne assurée, aux conducteurs qui n’ont souscrit aucune assurance.

19 La clause la plus déterminante dans le présent litige est la clause 2 de l’avenant SEF 44, qui énonce les conditions générales de la convention. La voici :

[traduction] En contrepartie de la prime exigée et sous réserve des dispositions des présentes, il est entendu et convenu que l’Assureur indemnisera chaque demandeur admissible du montant que ce dernier a le droit de recouvrer d’un automobiliste sous assuré à titre de dommages-intérêts compensatoires pour les lésions corporelles subies par une personne assurée ou pour son décès par suite d’un accident découlant de l’usage ou de la conduite d’une automobile. [Je souligne.]

La portée et le sens de l’expression « a le droit de recouvrer » constituent le premier et le plus important point en litige dans le présent pourvoi.

20 L’appelante prétend en outre que l’atteinte portée par les intimées au droit de l’assureur d’être subrogé dans leur droit de recours contre M. Friedman l’immunise contre la présente action. Ce droit à la subrogation est énoncé aux clauses 9 et 10 de l’avenant SEF 44. J’analyserai tour à tour chacun de ces deux aspects de l’affaire.

B. Le sens de l’expression « a le droit de recouvrer »

21 L’avenant SEF 44 emploie l’expression « a le droit de recouvrer » pour établir les conditions auxquelles l’assuré doit satisfaire pour recevoir une indemnité en vertu de l’avenant. Celui-ci prévoit plus précisément que l’assuré doit avoir le droit de recouvrer des dommages-intérêts de l’automobiliste sous assuré impliqué dans l’accident.

a) La jurisprudence ontarienne

22 La Cour d’appel de l’Ontario s’est déjà penchée sur le sens de cette disposition et elle a conclu, comme le note le juge Spiegel, que la prescription légale de l’action sous-jacente contre l’auteur du délit ne porte pas atteinte au droit de l’assuré de recouvrer des dommages-intérêts au sens de l’avenant SEF 44. Dans l’arrêt Johnson, précité, l’assureur défendeur a été joint à une action engagée contre le défendeur auteur du délit quatre jours après l’expiration du délai de prescription du recours contre l’auteur du délit. Le juge Morden, qui s’exprimait au nom de la majorité de la Cour, a conclu que l’action contre l’assureur était une action distincte de nature contractuelle et que le délai de prescription d’une telle action directe ne commençait à courir qu’à partir du moment où le demandeur avait pris ou aurait dû prendre connaissance des faits essentiels de la cause d’action contre l’assureur, soit le fait que l’auteur du délit était sous assuré. En établissant une distinction entre la cause d’action contre l’auteur du délit et la cause d’action contre l’assureur, le juge Morden s’est penché sur le sens des mots « a le droit de recouvrer ». Il a conclu en ces termes, à la p. 609 :

[traduction] . . . [l]es mots « a le droit de recouvrer » ne signifient pas que cette question doit avoir été tranchée au préalable par une cour de justice, mais plutôt, tout simplement, que la personne assurée doit établir que le propriétaire ou le conducteur non assuré ou non identifié a commis une faute et prouver le montant des dommages.

23 La Cour d’appel de l’Ontario s’est de nouveau penchée sur cette expression et sur la conclusion tirée par le juge Morden, dans Chambo, précité. Dans cette affaire, l’assureur avait intenté une action contre l’auteur non assuré du délit dans le délai prescrit. L’assuré a ensuite introduit une deuxième action à la fois contre l’assureur et contre l’auteur du délit quatre jours après l’expiration du délai de prescription contre l’auteur du délit. L’assureur a fait valoir en défense à cette dernière action la même argumentation que celle qui avait été rejetée dans Johnson, soit qu’à défaut d’avoir poursuivi l’auteur du délit dans le délai imparti, l’assuré n’avait plus « le droit de recouvrer » des dommages-intérêts et que, par conséquent, il se trouvait également sans recours contre l’assureur. Le juge Osborne a dit (à la p. 312) :

[traduction] Il me semble que dans Johnson c. Wunderlich, le juge Morden a dit en termes non équivoques que dans une action directe contre l’assureur, les mots « a le droit de recouvrer des dommages-intérêts », dans le contexte d’une garantie non-assurance des tiers, exigent que l’assuré établisse seulement la faute de l’automobiliste non assuré et le montant des dommages subis par l’assuré.

Comme le délai de prescription de l’action directe contre l’assureur n’était pas expiré, l’action a pu se poursuivre. Le fait que le demandeur ne pouvait pas poursuivre directement l’auteur du délit en raison de l’expiration du délai de prescription n’était pas pertinent quant à son droit d’intenter l’action directe contre l’assureur.

24 Je ne suis pas d’accord avec mon collègue le juge Binnie lorsqu’il dit que l’interprétation donnée dans Chambo « étend considérablement et de façon injustifiée » (par. 128) la portée de la décision Johnson. Le juge Morden a dit très clairement dans l’arrêt Johnson qu’il pouvait survenir des situations où le droit de recours par subrogation est perdu, comme je l’expliquerai plus loin. Tout en exprimant une certaine appréhension au sujet de cette possibilité, il a conclu, à bon droit selon moi, que tel était l’effet du contrat et qu’il ne lui appartenait pas de le reformuler. La réduction de l’obligation de l’assuré à la seule preuve qu’il avait « le droit de recouvrer » des dommages-intérêts et la possibilité d’intenter une action directe en vertu de l’al. 4(1)c) du Règlement 535, en soi, ont pour effet de tronquer le processus de la preuve du bien‑fondé d’un recours contre l’auteur du délit. Autrement, la possibilité d’intenter une action directe ne serait d’aucune utilité, car il faudrait obtenir de facto une décision judiciaire quant à la faute et aux dommages ainsi que l’octroi de dommages‑intérêts correspondants avant de pouvoir obtenir une indemnité. L’arrêt Chambo, à l’instar de l’arrêt Johnson, reconnaît simplement les concessions mutuelles inhérentes à la relation créée par l’avenant SEF 44.

25 En résumé, il est clair que, selon le droit applicable en Ontario, les délais de prescription empêchent l’assuré d’exercer un droit légal d’obtenir compensation de l’auteur du délit, mais n’empêchent pas l’assuré d’exercer un droit légal contre son assureur en vertu d’un avenant comme l’avenant SEF 44. La question inédite qui se pose en l’occurrence est de savoir si nous devrions considérer les conventions telle celle conclue en l’espèce comme empêchant l’assuré de se faire indemniser par l’assureur. Les parties ont stipulé que la convention en l’espèce n’est pas du même type que celle en cause dans Burns, précité. En d’autres termes, dans l’affaire Burns, l’assuré n’avait reconnu l’auteur du délit quitte qu’à l’égard de toute action visant à recouvrer la partie des dommages-intérêts déjà payés en vertu de la convention, alors qu’en l’espèce, force nous est de supposer que, dans la convention de limitation, l’assuré s’engage à s’abstenir de prendre, contre l’auteur du délit, toute autre mesure juridique découlant de l’accident.

b) Le moment pertinent de l’examen

26 L’interprétation donnée par la Cour d’appel de l’Ontario des mots « a le droit de recouvrer » laisse croire que cette expression n’englobe que le droit substantiel en matière délictuelle, étant donné que la preuve requise se limite à la faute et aux dommages. Selon cette approche, les délais de prescription et, potentiellement, la convention de limitation sont exclus simplement parce que cette expression est censée renvoyer uniquement au droit substantiel de la responsabilité délictuelle et non aux règles de nature procédurale, renonciations et autres règles, lois ou conventions particulières quelconques qui entravent la poursuite effective de l’auteur du délit. Ce point de vue semble toutefois incompatible avec des commentaires comme ceux que le juge Charron a formulés en l’espèce, selon lesquels [traduction] « toutes les règles de droit applicables » régissent le droit du demandeur de recouvrer des dommages-intérêts en vertu de l’avenant SEF 44.

27 À mon avis, ces commentaires touchent le nœud de l’affaire. La véritable question n’est pas de savoir quelles règles de droit sont applicables, en principe, pour déterminer si l’assuré a le droit de recouvrer des dommages-intérêts. La question de l’existence d’un droit de recouvrement doit être tranchée en tenant compte de toutes les règles de droit pertinentes en vigueur. Il faut plutôt déterminer à quel moment se reporter pour tirer une conclusion à cet égard. L’examen de toutes les lois et obligations existantes à l’époque pertinente permettra de déterminer si oui ou non, à cette époque, la demanderesse avait le droit de recouvrer des dommages-intérêts au regard de toutes les règles de droit applicables.

28 La clause 2 de l’avenant SEF 44 stipule que [traduction] « l’Assureur indemnisera [l’assuré] du montant que ce dernier a le droit de recouvrer » de l’auteur du délit sous assuré. Mon collègue le juge Binnie met l’accent sur l’emploi du présent de l’indicatif dans l’expression « a le droit de recouvrer » et affirme que si l’auteur du délit est maintenant dégagé de toute responsabilité, l’assureur n’était pas tenu de payer l’indemnité. Je ne crois pas que le présent de l’indicatif ait une telle importance. Cette disposition ne peut obliger le juge à vérifier ponctuellement si l’assuré a, à un moment précis, le droit de recouvrer des dommages-intérêts. Qu’il se reporte au moment de la demande d’indemnité, de l’introduction de l’action ou de l’accident, l’analyse de la question de savoir s’il existe un droit de recouvrement demeure un exercice rétrospectif.

29 Il faut donc décider à quel moment dans le passé il faut se reporter pour trancher cette question selon l’interprétation juste du contrat. À mon avis, il ressort clairement du libellé de la clause 2 que le moment où l’assureur devient assujetti à l’obligation de verser l’indemnité coïncide avec celui où l’assuré doit avoir le droit de recouvrer des dommages-intérêts. Dans les situations où le contrat prévoit que l’assureur [traduction] « indemnisera » l’assuré, c.-à-d. chaque fois que naît l’obligation de l’assureur, le montant que l’assuré « a » le droit de recouvrer à ce moment est celui que l’assureur doit lui verser à titre d’indemnité.

30 La question est donc de savoir à quel moment naît l’obligation d’indemniser l’assuré. À mon avis, il faut y répondre que l’assureur devient obligé d’effectuer le paiement dès que le droit de recours de l’assuré contre l’auteur du délit prend naissance, c’est-à-dire, au moment de l’accident. À ce moment, toutes les conditions prévues dans l’avenant SEF 44 sont réunies; il y a eu décès ou lésions corporelles, causés par la négligence d’un automobiliste sous assuré. En d’autres termes, toutes les conditions nécessaires pour qu’une demande fondée sur le droit de la responsabilité délictuelle puisse être formulée contre l’automobiliste sous assuré prennent naissance au moment de l’accident. L’avenant SEF 44 vise à indemniser l’assuré qui possède un tel droit de recours contre un conducteur sous assuré. Par conséquent, l’obligation de l’assureur prend naissance en même temps que l’obligation de l’auteur du délit de payer des dommages-intérêts.

31 Avec égards, je ne puis dire comme mon collègue que le « sens ordinaire » du contrat laisse entendre que nous devons nous reporter au moment où une demande d’indemnité est présentée. Le « droit de recouvrer » mentionné à la clause 2 ne vise pas uniquement, comme mon collègue le suggère, le quantum des dommages, mais aussi la question de la faute de l’automobiliste sous assuré. L’appréciation de la faute doit, selon moi, être centrée sur le moment de l’accident; aucune autre période ne peut aider à trancher cette question. Le droit d’être indemnisé pour les dommages subis se cristallise au même moment. J’estime aussi que le renvoi explicite au moment de la demande d’indemnité dans la clause 9, selon laquelle les droits de subrogation de l’assureur prennent naissance sur présentation de la demande d’indemnité, n’appuie pas la décision de le retenir comme moment pertinent pour évaluer le droit de recouvrement mentionné dans la clause 2. En recourant au principe d’interprétation expressio unius est exclusio alterius (la mention de l’un implique l’exclusion de l’autre), je suis plutôt d’avis que ce renvoi appuie le point de vue voulant qu’il n’ait jamais été dans l’intention des parties que le moment de la demande d’indemnité soit pertinent pour déterminer si les conditions fixées par la clause 2 sont réunies.

32 Si l’on évalue le droit de recouvrement en se reportant au moment de l’accident, il s’avérera, non pas en principe, mais parce que cette hypothèse ne sera que rarement, voire jamais fausse, que l’assuré n’est tenu de prouver que la faute de l’automobiliste sous assuré et l’étendue des dommages pour obtenir une indemnité en vertu de l’avenant SEF 44 au moyen d’une action directe contre son assureur. Dans presque tous les cas, les seules questions pertinentes régissant le droit de recouvrement au moment même de l’accident se limiteront à des questions de droit substantiel en matière délictuelle, c.‑à‑d. relatives à la faute et au quantum des dommages. Il est donc clair, par exemple, qu’aucun délai de prescription n’empêchera l’introduction d’une action contre l’assureur, comme la Cour d’appel l’a conclu dans l’arrêt Johnson, précité, et confirmé dans Chambo, précité, puisque la période au cours de laquelle une action peut être formée contre l’auteur du délit ne peut jamais se terminer avant le moment même de l’accident.

33 Je dois par conséquent rejeter le point de vue exprimé très sommairement dans l’arrêt Nielsen, précité, selon lequel une quittance donnée à l’auteur du délit en contrepartie de sa garantie d’assurance peu élevée a exclu tout excédent que l’assuré avait « le droit de recouvrer » en vertu de l’avenant SEF 44. De même, je ne puis souscrire à la conclusion tirée dans Kraeker Estate c. Insurance Corp. of British Columbia (1992), 93 D.L.R. (4th) 431 (C.A.C.-B.). À mon avis, indépendamment des différences entre les formules types en vigueur dans chaque province, la décision rendue dans chacun de ces arrêts n’analyse pas de façon assez approfondie les obligations mutuelles créées par l’avenant SEF 44. Sans me prononcer sur son bien-fondé, je ferais aussi une distinction avec la décision Fogarty, précitée, portant sur une demande d’indemnité présentée en vertu de l’avenant SEF 42 après qu’un tribunal eut conclu à l’absence de responsabilité de l’auteur du délit dans une action entre celui-ci et l’assuré. Je pense comme la Cour d’appel que, puisque l’avenant SEF 42 de l’Alberta ne prévoit pas d’examen judiciaire de la responsabilité et du quantum des dommages, l’arrêt Fogarty ne comporte pas d’analyse pertinente de la nature de la condition portant que l’assuré doit avoir « le droit de recouvrer » des dommages‑intérêts.

c) La jurisprudence américaine et l’avenant SEF 44

34 Je suis conforté dans mon interprétation des mots « a le droit de recouvrer » par l’historique passablement plus long de l’interprétation de ces mots figurant dans diverses polices américaines stipulant une garantie sous‑assurance et non-assurance des tiers. L’obligation imposée à l’assuré d’avoir « le droit de recouvrer » des dommages-intérêts de l’auteur du délit pour bénéficier de la garantie sous‑assurance et non‑assurance des tiers remonte à la mise en vigueur d’un avenant type par le National Bureau of Casualty Underwriters en 1956. Voir D. E. Ytreberg, « Insured’s Right to Bring Direct Action Against Insurer for Uninsured Motorist Benefits », 73 A.L.R. 3d 632 (1976), § 1[a]. Au cours des quelque 25 années qui se sont écoulées entre le moment où cet avenant type a été mis en vigueur en 1956 — et adopté par la suite dans la plupart des États américains, avec diverses variantes — et l’apparition en 1980 de l’avenant SEF 42 en Ontario, un grand nombre de tribunaux américains ont eu l’occasion de se pencher sur le libellé pertinent. Étant donné l’adoption du libellé même qui est utilisé dans la plupart des polices américaines, il me semble qu’un regard sur l’interprétation qui a déjà été attribuée à l’expression consacrée « a le droit de recouvrer » peut nous éclairer quant à l’intention des rédacteurs des avenants SEF 42 et 44.

35 Même si les divers États américains ne concluent pas de façon absolument unanime qu’il suffit que l’assuré prouve la faute et les dommages pour établir son droit de recouvrement, c’est la conclusion à laquelle sont parvenus la majorité des tribunaux des États qui ont examiné cette question. Voir par exemple State Farm Mutual Automobile Insurance Co. c. Griffin, 286 So.2d 302 (Ala. Civ. App. 1973); Rhault c. Tsagarakos, 361 F.Supp. 202 (D. Vt. 1973); DeLuca c. Motor Vehicle Accident Indemnification Corp., 215 N.E.2d 482 (N.Y. 1966); Wheeless c. St. Paul Fire and Marine Insurance Co., 181 S.E.2d 144 (N.C. Ct. App. 1971); voir de façon plus générale Ytreberg, loc. cit., § 8[b]. De plus, dans plusieurs des États qui se sont écartés de ce point de vue, la législation relative aux automobilistes non assurés exigeait explicitement l’obtention d’un jugement contre l’auteur du délit avant qu’une action puisse être engagée contre l’assureur. Voir par exemple Glover c. Tennessee Farmers Mutual Insurance Co., 468 S.W.2d 727 (Tenn. 1971); Conteh c. Allstate Insurance Co., 782 A.2d 748 (D.C. 2001); voir de façon plus générale Ytreberg, loc. cit., § 9. Les rédacteurs de l’avenant SEF 44 connaissaient certainement le sens antérieur généralement accepté de cette expression et ils se seraient empressés de le modifier s’ils avaient voulu imposer aux assurés un fardeau de preuve qui aille au-delà des éléments substantiels de la faute et des dommages.

36 Je note en particulier que, dans les affaires DeLuca et Wheeless, précitées, les tribunaux se sont penchés expressément sur le moment pertinent à retenir aux fins de déterminer les éléments à établir pour fonder une action directe contre l’assureur. Dans Wheeless, la cour a noté que [traduction] « [d]es poursuites peuvent être engagées lorsque l’assureur devient tenu de payer. Un assureur devient tenu de payer par application d’une clause de garantie non-assurance des tiers d’une police au moment où l’assuré subit des dommages dans des circonstances qui l’habilitent à recouvrer des dommages-intérêts du propriétaire ou du conducteur d’une automobile non assurée » (p. 146-147). Dans la décision DeLuca aussi, la cour s’est prononcée sur le moment à partir duquel l’assureur est tenu de payer, même si, fait à signaler, le régime en vigueur dans l’État de New York prévoyait expressément que cette obligation prenait naissance au moment du dépôt d’une demande d’indemnité, plutôt qu’au moment de l’accident.

37 Quoi qu’il en soit, les rédacteurs de l’avenant SEF 44 savaient assurément que, selon son interprétation la plus courante, l’expression « a le droit de recouvrer » des dommages-intérêts exigeait seulement que soient établis (i) la faute et (ii) les dommages, que ce soit en raison d’un motif que je juge valable — à savoir que la convention prévoit qu’il faut faire cette constatation en se reportant au moment de l’accident — ou simplement pour une question de principe.

d) Autres questions

38 Avant de conclure, j’aimerais noter deux autres divergences entre l’approche du juge Binnie et la mienne.

39 En premier lieu, mon collègue dit que les prestations et les sommes reçues à l’égard de l’accident qui sont exclues et, par conséquent, déduites du paiement de l’indemnité due par l’assureur aux termes de la clause 4b) de l’avenant SEF 44, n’incluent pas le montant potentiel qui pourrait être recouvré de l’auteur du délit. Même s’il est vrai qu’il n’y a pas de montant proportionnel déductible au titre du montant potentiel qui pourrait être recouvré, je crois qu’il est important de noter que la clause 4b) stipule qu’il faut déduire, bien sûr, [traduction] « le montant effectivement recouvré par ce dernier de toute source », en plus des sommes que le demandeur peut recouvrer des sources énumérées. Ainsi, l’assureur n’est pas tenu de payer la somme que les demanderesses ont effectivement recouvrée de M. Friedman. Ce n’est que dans le cas où l’assuré ne recouvre rien par lui-même que le fait qu’il n’y aura aucune défalcation (ni aucun ajout) à l’égard du montant potentiel qu’il pourrait recouvrer à l’avenir devient pertinent. Mais cela ressort déjà de façon suffisamment claire de l’existence des clauses de subrogation.

40 En deuxième lieu et en toute déférence pour mon collègue, je ne crois pas que la question de savoir si l’assuré a informé promptement l’assureur de l’accident, comme l’exige la clause 6 de l’avenant SEF 44, ait quelque incidence sur le présent pourvoi. Aucune conclusion de fait n’a été tirée à cet égard par les juridictions inférieures. Aucune partie n’a porté ce point à l’attention de notre Cour dans le dossier produit. Je ne pense pas qu’il y ait lieu de tenir un fait pour acquis sans donner aux parties l’occasion de présenter des éléments de preuve et des arguments sur la question. À mon humble avis, aucun élément du présent pourvoi ne dépend de la promptitude avec laquelle l’assureur a été informé.

e) Conclusion

41 En l’espèce, la convention de limitation, à l’instar d’un délai de prescription, ne fait pas obstacle à l’introduction de l’action. Cette convention n’a absolument aucune incidence sur le droit que possédait l’assuré contre l’auteur du délit au moment de l’accident, car elle n’existait pas au moment de l’accident. Elle peut s’avérer utile aux demanderesses comme élément de preuve de la faute de l’auteur du délit, puisqu’elle prévoit un aveu de responsabilité. Néanmoins, la promesse des demanderesses de ne pas réclamer en justice à M. Friedman un montant excédant sa garantie d’assurance n’a aucun autre effet sur quelque question que ce soit concernant le droit de recouvrement qui existait le 29 janvier 1989, lorsque l’automobile de M. Friedman est entrée en collision avec celle des Somersall. Elle empêche seulement les demanderesses de faire valoir plus amplement leurs droits contre M. Friedman devant les tribunaux.

42 Ce raisonnement et son résultat sont compatibles avec l’objectif de politique générale et la nature contractuelle de la garantie sous‑assurance et non‑assurance des tiers. Les demanderesses en l’espèce se trouvent précisément dans la situation à laquelle la garantie de l’avenant SEF 44 est censée remédier au sein du système ontarien d’assurance automobile obligatoire. Elles ont été blessées par un automobiliste dont l’assurance ne suffisait tout simplement pas à couvrir le coût des lésions corporelles qu’elles ont subies. Elles ont payé chaque mois une prime à leur assureur pour s’assurer d’être indemnisées complètement si un tel sinistre survenait. Elles ont reçu un paiement modique de la part de M. Friedman et elles ont demandé le solde en application de leur police d’assurance. À mon avis, les termes de cette police et des considérations de principe appuient leur demande.

C. Les droits de subrogation

43 L’assureur soutient brièvement, de manière subsidiaire, que les demanderesses ont contrecarré les droits de subrogation de l’assureur au point de le priver d’un droit que le contrat lui avait conféré. L’assureur dit qu’il s’agit là d’une rupture de contrat et que les Somersall, parce qu’elles sont les parties responsables de cette rupture, ne devraient pas être autorisées à exiger que la partie innocente s’acquitte de son obligation. Mon collègue le juge Binnie estime qu’il s’agit là de la question déterminante dans le présent pourvoi. Même si ce point n’a pas été débattu de façon aussi approfondie qu’il aurait été souhaitable qu’il le soit, il s’agit d’un point important qui mérite l’attention de notre Cour. J’examinerai maintenant les droits de subrogation énoncés dans l’avenant SEF 44 et la question de savoir si les demanderesses ont effectivement manqué à leurs obligations contractuelles en signant la convention de limitation.

44 Les clauses 9 et 10 de l’avenant SEF 44 énoncent les obligations qui incombent à l’assuré en ce qui concerne la subrogation. Les voici :

[traduction]

9. SUBROGATION

Sur présentation d’une demande d’indemnité en vertu du présent avenant, l’Assureur est subrogé dans les droits du demandeur admissible qui en est l’auteur et peut ester en justice au nom de cette personne contre l’automobiliste sous assuré et contre les personnes mentionnées à l’alinéa 4b).

10. CESSION DES DROITS D’ACTION

Sur paiement d’une indemnité en application du présent avenant, l’Assureur a le droit d’obtenir du demandeur admissible, en contrepartie de ce paiement, cession de tous les droits d’action, qu’un jugement ait été obtenu ou non; le demandeur admissible s’engage à coopérer avec l’Assureur, sauf sur le plan pécuniaire, dans la poursuite de toute action par subrogation ou de tout droit d’action ainsi cédé.

45 Pour déterminer si l’appelante a un droit auquel les intimées ont porté atteinte en signant la convention de limitation, il faut selon moi tenir compte de quatre éléments majeurs. Premièrement, nous devons bien sûr examiner le sens ordinaire du contrat. Deuxièmement, par rapport à la première étape, nous devons examiner les principes d’interprétation spéciaux et les principes de droit généraux applicables aux contrats d’assurance. Troisièmement, il nous faut tenir compte des points de vue retenus par d’autres tribunaux, en nous souciant plus particulièrement d’assurer la cohérence du raisonnement juridique. Quatrièmement, dans un contrat d’assurance comme celui qui nous est soumis, promulgué par les responsables de la réglementation à la Commission des assurances, nous devons nous préoccuper de la sagesse de la politique qui découlera de l’interprétation attribuée aux clauses de subrogation.

a) Les principes du droit des assurances applicables

46 Même si le libellé d’un contrat est toujours le premier élément à considérer et celui qui revêt le plus d’importance pour en interpréter les stipulations, je préfère commencer par rappeler les principes d’interprétation et de droit substantiel applicables en matière d’assurances.

47 Le principe d’interprétation applicable est celui qui commande que les contrats d’assurance soient interprétés contra proferentem, ou en faveur de l’accusé. Notre Cour a formulé les remarques suivantes dans Non-Marine Underwriters, Lloyd’s of London c. Scalera, [2000] 1 R.C.S. 551, 2000 CSC 24, par. 70, et les a reprises dans Derksen c. 539938 Ontario Ltd., [2001] 3 R.C.S. 398, 2001 CSC 72 :

Comme le contrat d’assurance est essentiellement un contrat d’adhésion, il est courant d’interpréter les ambiguïtés contre l’assureur [. . .] Le corollaire de ce principe est que « les dispositions concernant la garantie doivent recevoir une interprétation large, et les clauses d’exclusion une interprétation restrictive » [. . .] Il faut donc toujours être vigilant face au déséquilibre du rapport de force entre les parties à un contrat d’assurance et en interpréter les clauses en conséquence.

Voir également July c. Neal (1986), 57 O.R. (2d) 129 (C.A.). On ne saurait douter qu’il s’agit d’un contrat d’adhésion. L’industrie des assurances a été mêlée étroitement à la rédaction de l’avenant SEF 42, puis de l’avenant SEF 44, tandis que l’assuré a simplement reçu une proposition d’avenant « à prendre ou à laisser ».

48 Par conséquent, si nous décelons une ambiguïté dans les clauses de subrogation quant à savoir si l’assureur a un droit que la convention de limitation pourrait avoir contrecarré, cette ambiguïté doit être résolue en faveur de l’assuré. En d’autres termes, seule une obligation claire et non ambiguë imposée à l’assuré de préserver son droit de recours délictuel et de s’abstenir d’y renoncer en contrepartie d’un paiement peut, à mon avis, étayer une interprétation qui serait favorable à l’appelante.

49 Outre ce principe d’interprétation, plusieurs principes de droit substantiel sont pertinents.

50 Premièrement, il importe de garder à l’esprit les objectifs sur lesquels repose la théorie de la subrogation et qui consistent à garantir (i) que l’assuré ne recevra ni plus ni moins qu’une indemnisation complète et (ii) que c’est la personne qui est juridiquement responsable de la perte qui la supportera : voir Birds’ Modern Insurance Law (5e éd. 2001), p. 289-290; R. H. Jerry, Understanding Insurance Law (2e éd. 1996), p. 602. Le principe de la subrogation entre en jeu pour garantir que l’assuré ne reçoive rien de plus qu’une indemnité juste et ne tire aucun avantage de l’assurance : voir Castellain c. Preston (1883), 11 Q.B.D. 380 (C.A.), p. 386-387; A.F.G. Insurances Ltd. c. City of Brighton (1972), 126 C.L.R. 655 (H.C. Aus.); C. Brown, Insurance Law in Canada (feuilles mobiles), p. 13-1; E. R. H. Ivamy, General Principles of Insurance Law (6e éd. 1993), p. 494; MacGillivray on Insurance Law (9e éd. 1997), p. 531. En conséquence, s’il n’existe aucun risque de surindemnisation de l’assuré et si la capacité de l’auteur du délit d’indemniser l’assuré a été épuisée, il n’existe aucune raison d’invoquer la subrogation. De même, si l’assuré conclut une convention de limitation ou abandonne autrement ses droits de recours contre l’auteur d’un délit qui est sans le sou, l’assureur ne perd rien du fait qu’il ne peut être subrogé.

51 En l’espèce, il n’existe aucun risque que les assurées soient surindemnisées en recevant un paiement en vertu de la police en sus de la somme de 200 000 $ reçue en exécution du règlement amiable. Si l’assureur verse la différence entre le montant que les assurées ont recouvré de l’auteur du délit et le montant de la perte que les intimées ont réellement subie, les intimées ne recevront qu’une indemnisation complète; elles ne seront pas surindemnisées. De même, bien que la preuve à cet égard ne soit pas aussi claire qu’on l’aurait souhaité, il semble que la convention de limitation a épuisé la capacité de M. Friedman d’indemniser les intimées. Cette constatation étant conforme à l’opinion très répandue, dont je reparlerai plus abondamment, voulant que les droits de subrogation aient une valeur pratiquement négligeable pour les assureurs, il me semble que le droit de subrogation n’a aucune valeur pour l’appelante. Le fait que l’appelante ne peut être subrogée ne contrecarre pas les objectifs que la doctrine de la subrogation est censée réaliser.

52 Le fait que l’appelante ne semble avoir subi aucune perte réelle du fait qu’elle ne peut être subrogée constitue un argument en faveur du rejet du pourvoi. En l’absence de preuve d’une perte réelle ou probable, les assureurs ne doivent pas être autorisés à soulever une présumée atteinte à leurs droits de subrogation pour faire échec à une demande d’indemnité présentée de bonne foi par l’assuré. Il serait impossible de concilier l’irrecevabilité d’une demande d’indemnité fondée sur un motif semblable avec la nature des polices d’assurance, qui sont des contrats fondés sur la bonne foi. La possibilité d’accorder réparation en equity en cas d’atteinte technique au droit de subrogation est à la fois bien établie en droit de la subrogation et compatible avec la nature de l’assurance à caractère indemnitaire, qui constitue un contrat fondé sur la bonne foi visant à garantir que l’assuré soit indemnisé advenant la réalisation du risque contre lequel il s’est assuré.

53 Deuxièmement, il est établi de longue date en droit qu’en l’absence de stipulations contractuelles contraires, le droit de subrogation de l’assureur ne prend naissance qu’après l’indemnisation complète de l’assuré : Pacific Coyle Navigation Co. c. Ruby General Insurance Co. (1954), 12 W.W.R. (N.S.) 715 (C.S.C.-B.); Ontario Health Insurance Plan c. United States Fidelity and Guaranty Co. (1989), 68 O.R. (2d) 190 (C.A.); Confederation Life Insurance Co. c. Causton (1989), 38 C.C.L.I. 1 (C.A.C.‑B.). L’assureur ne peut contrôler les mesures judiciaires tant que l’indemnisation complète n’a pas eu lieu : Globe & Rutgers Fire Insurance Co. c. Truedell (1927), 60 O.L.R. 227 (C.S., Div. app.). Ainsi, en equity, Scottish & York ne serait pas encore habilitée à exercer son droit de recours par subrogation en l’espèce puisqu’elle n’a pas indemnisé complètement l’assuré.

54 Troisièmement, l’assuré est tenu d’exercer de bonne foi ses droits de recours contre un tiers jusqu’à ce que l’assureur soit habilité à les prendre en charge et les prenne effectivement en charge : Commercial Union Assurance Co. c. Lister (1874), L.R. 9 Ch. App. 483; Globe & Rutgers, précité. Dans Globe & Rutgers, la Cour d’appel de l’Ontario a appliqué cette règle en se demandant si, eu égard à la possibilité que la responsabilité ne puisse être établie et aux risques et dépenses liés à une poursuite judiciaire, l’assuré avait obtenu du tiers moins qu’il aurait en toute honnêteté et bonne foi cru sage et prudent d’accepter. Cette exigence n’impose pas au détenteur de la police l’obligation d’obtenir effectivement le meilleur marché possible. Elle signifie plutôt qu’il faut croire à la bonne foi des intimées si elles ont signé la convention de limitation en croyant sincèrement qu’il était sage et prudent d’agir ainsi. Le fait qu’il soit impossible d’affirmer avec certitude qu’aucun autre petit montant n’aurait pu être perçu ne permet pas d’inférer en soi que les intimées n’ont pas agi honnêtement et de bonne foi.

55 Par conséquent, s’il nous fallait appliquer tout simplement à la situation qui nous est soumise les règles de l’equity en matière de subrogation, je serais disposé à conclure que la convention de limitation n’a pas d’incidence sur les droits de Scottish & York. Le droit de subrogation de l’appelante n’a pas encore pris naissance et, quoi qu’il en soit, aucune preuve ne démontre que les intimées ne croyaient pas honnêtement et de bonne foi qu’il était sage et prudent de conclure la convention de limitation. Toutefois, comme ce droit de subrogation est régi par un contrat, je dois maintenant examiner le libellé du contrat, tout en gardant à l’esprit ces principes qui servent de toile de fond aux droits stipulés.

b) Le libellé du contrat

56 Les principes de subrogation reconnus par l’equity en matière d’assurance, exception faite du principe d’interprétation contra proferentem, peuvent être modifiés par les stipulations du contrat conclu entre les parties.

57 La clause 9 du présent contrat prévoit que, sur présentation par l’assuré d’une demande d’indemnité en vertu de l’avenant SEF 44, l’assureur a) « est subrogé » dans les droits de l’assuré et b) « peut ester » en justice au nom de cette personne. Cette clause établit premièrement la relation d’identité qui existe entre les droits de l’assureur et le droit du demandeur dès la présentation d’une demande d’indemnité. Deuxièmement, elle permet à l’assureur d’exercer tous les recours possibles en droit par suite de cette identité de droits entre l’assureur et l’assuré. Elle n’a toutefois apparemment pas pour effet d’imposer quelque obligation que ce soit à l’assuré d’exercer pareil recours ni d’en préserver la recevabilité. En fait, la clause 9 ne contient aucune disposition qui pourrait raisonnablement sembler imposer une obligation quelconque à l’assuré. Cette clause entière ne concerne que l’assureur.

58 Cela dit, cette clause vise clairement à écarter certaines règles de common law intégrées, dans le présent contexte, au par. 278(1) de la Loi sur les assurances. Il est clair que les parties, en assujettissant le droit de subrogation de l’assureur à la présentation d’une demande d’indemnité, entendaient renoncer à l’exigence du paiement de l’indemnité. L’assureur n’est pas tenu d’attendre d’avoir consenti à couvrir les dommages de l’assuré pour faire valoir ses droits de subrogation et ester en justice au nom de l’assuré. Il peut agir dès que l’assuré présente sa demande d’indemnité.

59 Par ailleurs, il ressort clairement qu’il n’est pas obligatoire que l’assureur exerce son droit de subrogation; l’assuré peut exercer lui-même son droit de recours jusqu’à ce que l’assureur en prenne charge. L’assureur [traduction] « peut ester en justice » au nom de l’assuré. Par conséquent, si l’assuré introduit une action, même pendant que l’assureur traite sa demande d’indemnité, et obtient gain de cause, l’assureur ne peut prétendre qu’il y a eu entrave à ses droits de subrogation. Cela vaut tout autant en ce qui concerne la conclusion d’un règlement comme la convention de limitation. Dans la mesure où l’assuré agit avec la bonne foi que l’equity exige de lui, l’assureur ne peut se plaindre de la diligence avec laquelle l’assuré a réussi à régler le différend sous-jacent avec célérité.

60 La clause 10 prévoit la cession des droits d’action, plutôt que la subrogation, au moment du paiement de l’indemnité par l’assureur. Cette disposition vise évidemment à prévoir un transfert direct du droit lorsque ni l’assureur, ni l’assuré n’ont exercé un recours avant l’exécution de l’obligation d’indemnisation. Aux termes de cette clause, l’assureur a le droit, en contrepartie du versement de l’indemnité, à la [traduction] « cession de tous les droits d’action, qu’un jugement ait été obtenu ou non ». L’assuré doit en outre, conformément à cette clause, s’engager à coopérer avec l’assureur aux fins de l’exercice des droits d’action cédés. Encore une fois, le sens ordinaire de la clause 10 n’oblige en rien l’assuré à préserver la recevabilité de l’action, et encore moins à la poursuivre jusqu’à l’obtention d’un jugement, comme l’indique clairement les termes [traduction] « qu’un jugement ait été obtenu ou non ». Le droit de l’assureur porte sur toutes les causes d’action que l’assuré peut posséder relativement à l’accident. Le fait qu’il ne soit pas possible, en pratique, de mener ces actions à terme avec succès ne modifie en rien le droit de l’assureur à la cession des causes d’action. En d’autres termes, l’assuré peut avoir l’obligation de transmettre tout ce qu’il a, mais il s’acquitte de cette obligation même s’il n’a rien.

61 La seule obligation clairement imposée à l’assuré par l’une ou l’autre de ces clauses, est celle de [traduction] « coopérer avec l’assureur, sauf sur le plan pécuniaire », dans la poursuite de l’action. Encore une fois, je ne suis pas convaincu que cette stipulation puisse être perçue comme obligeant l’assuré à préserver la recevabilité de l’action. En premier lieu, l’assuré n’est pas obligé de coopérer tant qu’il n’y a pas eu paiement d’une indemnité. Comme aucun paiement n’a encore été fait en l’espèce, l’assuré n’est aucunement lié par cette disposition. Il est absurde de considérer l’inexécution de cette obligation comme un empêchement au paiement, alors que le paiement constitue précisément une condition préalable à l’existence de cette obligation.

62 En deuxième lieu, une fois un paiement effectué, il me semble que les actes accomplis par l’assuré avant ce paiement ne peuvent contrevenir à son engagement à coopérer à partir du moment du versement. Si aucune action ne peut plus être poursuivie, il est évident que la coopération de l’assuré se résumera en pratique à très peu de chose. Mais telle est la nature de l’engagement stipulé par les parties au contrat.

63 En troisième lieu, si cette obligation devait être interprétée de façon à permettre à l’assureur de refuser d’effectuer le paiement pour cause de non‑coopération tout simplement parce que l’action n’est désormais plus possible, l’assureur pourrait se soustraire au paiement en refusant simplement de l’effectuer jusqu’à ce que l’action contre l’auteur du délit soit prescrite. J’estime que les rapports entre l’assureur et l’assuré ne sauraient être ainsi modifiés sans le concours du surintendant des assurances.

64 Enfin, même s’il subsistait quelque ambiguïté quant à la teneur de l’obligation de « coopérer », le principe reconnu d’interprétation contra proferentem nous obligerait, comme je l’ai mentionné plus haut, à résoudre la question en faveur de l’assuré. La coopération dans la poursuite de l’action, tout particulièrement à la lumière de la stipulation précisant que l’assuré n’est pas tenu de coopérer « sur le plan pécuniaire », semble destinée principalement à faire en sorte que l’assuré témoigne dans une action par subrogation. Je n’ai pas l’intention de tirer de conclusion quant à la teneur exacte de cette obligation de « coopérer », mais je la restreindrais à l’intention raisonnable des parties en adoptant une interprétation contra proferentem et je conclurais que cette clause n’exige guère plus que la participation effective de l’assuré comme témoin dans l’instance fondée sur le droit d’action cédé.

65 Je suis donc d’avis que le sens ordinaire du contrat ne permet pas de conclure que la convention de limitation a contrecarré un droit contractuel de l’appelante. L’application du principe contra proferentem devrait dissiper tout doute qui pourrait subsister à cet égard.

c) Les précédents

66 Même si notre Cour peut toujours rejeter l’interprétation des lois (et des contrats légaux) adoptée par les tribunaux d’instance inférieure, il nous faut tenir compte de leurs points de vue réfléchis et participer à l’élaboration d’un raisonnement cohérent dans les domaines du droit dans lesquels ils exercent quotidiennement leur compétence. Les tribunaux d’instance inférieure n’ont pas encore examiné de façon exhaustive la nature des droits de subrogation stipulés dans l’avenant SEF 44. Je voudrais toutefois faire quelques observations susceptibles de maintenir l’harmonie désirée dans le raisonnement juridique.

67 D’abord, l’entrave potentielle aux droits de subrogation a été soulignée il y a longtemps dans l’arrêt Johnson, précité, par le juge Morden, en ces termes (à la p. 608) :

[traduction] La réserve que j’ai exprimée [à l’égard d’une action directe contre l’assureur] repose avant tout sur la crainte qu’une demande qui se limiterait à l’action directe fasse échec aux droits de subrogation de l’assureur [. . .] et l’empêche de limiter sa responsabilité au solde du montant d’un jugement obtenu contre l’auteur du délit. [. . .] Toutefois, si mon interprétation, qui est apparemment aussi celle des parties, n’est pas conforme à l’intention des rédacteurs, il est facile de corriger la situation en modifiant le Règlement 535.

Cette déclaration a été faite en 1986 et, à ce jour, ni le Règlement 535 (maintenant R.R.O. 1990, Règl. 676) ni les avenants types n’ont subi de modification qui laisse croire qu’une solution aurait été apportée à la perte occasionnelle des droits de subrogation. Cette opinion a été reprise par le juge Grange dans l’arrêt Beausoleil c. Canadian General Insurance Co. (1992), 8 O.R. (3d) 754 (C.A.), p. 760, à l’égard de l’avenant SEF 42. Compte tenu de cette absence de réaction, je suis encore moins disposé à modifier le statu quo, apparemment accepté par l’industrie et par le surintendant des assurances. À mon avis, il ne nous appartient pas de remettre en question les conclusions de ces tribunaux sur le libellé du contrat à la lumière d’une question de pur principe, bien que ce problème puisse intéresser le surintendant des assurances.

68 Ensuite, la conclusion que la convention de limitation contrecarre le droit de subrogation à tel point que l’assuré perd le droit d’être indemnisé s’écarterait sérieusement de la conclusion fondamentale tirée dans l’arrêt Johnson -- à savoir qu’il existe bel et bien un droit d’action directe contre l’assureur. L’arrêt Johnson dit bien sûr essentiellement que l’assuré n’était pas tenu d’obtenir un jugement, ni même de préserver la recevabilité d’une action menacée par l’expiration d’un délai de prescription, pour recevoir une indemnité aux termes de l’avenant SEF 44. Si l’assuré contrecarre le droit de subrogation en signant une convention de limitation, comment distinguer cette situation de l’entrave aux droits de subrogation qui découlerait de l’expiration d’un délai de prescription? Dans l’un et l’autre cas, l’action ou l’inaction de l’assuré a pour effet de priver l’assureur de la valeur potentielle du droit de recours délictuel acquis par subrogation. Selon moi, conclure que la mise en péril du droit de subrogation par la convention de limitation suffit à empêcher toute demande d’indemnité en vertu de l’avenant SEF 44 reviendrait à éliminer le droit d’action directe par un moyen détourné. Je suis porté à convenir, avec le juge Morden, que la façon appropriée d’éliminer le droit d’action directe, même si cela était souhaitable, consisterait à modifier le règlement, et non à adopter une nouvelle interprétation des clauses de subrogation.

69 En bref, l’assureur préconise une façon toute nouvelle de comprendre l’avenant SEF 44 lorsqu’il fait valoir, bien que brièvement, son argument concernant la subrogation. Indépendamment de mon opinion sur le sens ordinaire du contrat, j’éprouve une certaine réticence à modifier l’état du droit tel qu’il a été énoncé par le juge Morden.

d) Considérations de principe

70 Enfin, j’estime utile d’examiner les conséquences de cette conclusion, sur le plan des principes, par comparaison avec la conclusion contraire.

71 L’appelante, tout particulièrement au moyen d’un affidavit émanant du Conseil d’assurances du Canada, a souligné les prétendus effets dramatiques que le rejet de la position de l’appelante pourrait avoir sur l’industrie des assurances. Le fait est toutefois que la valeur des droits de subrogation contre les automobilistes sous assurés ou non assurés est rarement élevée. Comme l’a noté C. Brown dans Insurance Law in Canada, op. cit., par. 13.7, p. 13‑30, dans un contexte plus large, [traduction] « [l]a plupart des observateurs considèrent que le fondement économique de la subrogation est au mieux négligeable et que tout montant recouvré au moyen d’un recours par subrogation constitue en réalité un gain fortuit pour un assureur ». Certains tribunaux américains ont souligné que la valeur réelle limitée du droit de subrogation s’avère plus particulièrement dans le cas des automobilistes sous assurés. Voir Puckett c. Liberty Mutual Insurance Co., 477 S.W.2d 811 (Ky. Ct. App. 1971); Sahloff c. Western Casualty & Surety Co., 171 N.W.2d 914 (Wis. 1969). Indépendamment des règles d’interprétation, aucune considération de principe valable ne justifierait que notre Cour inclue implicitement dans le contrat une stipulation qui causerait un préjudice aussi grave à l’assuré alors que l’assureur n’y gagnerait pratiquement rien si ce n’est une exemption de paiement de l’indemnité même en contrepartie de laquelle l’assuré a payé fidèlement les primes mensuelles qui lui garantissaient ce paiement.

72 Eu égard à la valeur pratiquement négligeable du droit de subrogation, ce serait exagérer, à mon avis, que de considérer sa perte comme un facteur susceptible de modifier sensiblement la situation de l’assureur. La prime mensuelle versée par l’assuré compense réellement le risque que l’assureur a assumé. Sans vouloir être cynique, je serais vraiment très étonné que la perte d’un droit de subrogation ayant une valeur pratique aussi faible soit assez importante pour avoir un effet quelconque sur le bilan de l’assureur. L’assureur est libre de fixer les primes à un niveau suffisant pour lui permettre de couvrir le risque qu’il assume, sans tenir compte de la valeur anticipée des droits de subrogation, et je présumerais, sans trop m’aventurer, que c’est précisément ce qu’il a fait en l’espèce.

73 En revanche, le paiement de l’indemnité a une très grande valeur pour l’assuré. Il est évident que la possibilité d’obtenir un tel paiement revêtait beaucoup d’importance aux yeux de l’assuré, puisqu’il a accepté une majoration importante de ses primes mensuelles afin d’y avoir droit. Il est aussi évident que l’assureur préférait ne pas effectuer le paiement puisqu’il a porté l’affaire jusqu’à notre Cour. L’effet d’une décision favorable à l’appelante sur l’industrie des assurances dans son ensemble ne serait pas de rétablir ou de confirmer la valeur des droits de subrogation perdus, mais plutôt de libérer les assureurs de l’obligation de verser les sommes bien plus importantes auxquelles auraient autrement droit les assurés dont la police inclut l’avenant SEF 44.

74 L’assureur a, au même titre qu’une personne physique, le droit d’exercer les droits qu’il acquiert par contrat. Il serait toutefois téméraire de ne pas tenir compte, sous l’angle du simple bon sens, des résultats d’une interprétation d’un contrat qui accorderait un gain fortuit à l’assureur, en lui permettant d’échapper à ses obligations présumées, tout en privant l’assuré de la somme qu’il s’attendrait normalement à recevoir. Je suis convaincu, non seulement que l’interprétation retenue en l’espèce est celle qui découle le plus naturellement des termes du contrat, mais qu’elle est sensée et équitable sur le plan des principes. On s’attendrait à ce que le surintendant des assurances s’efforce de formuler et d’adopter une politique générale qui reconnaît la valeur relative d’un droit de subrogation pour l’assureur et du paiement d’une indemnité pour l’assuré. À mon avis, c’est ce qui a été fait dans l’avenant SEF 44.

D. Autres questions

75 Je suis entièrement d’accord avec mon collègue le juge Binnie en ce qui concerne l’application du par. 278(6) de la Loi sur les assurances. Cette disposition n’est d’aucun secours pour l’assureur puisqu’il n’a effectué aucun paiement ni assumé aucune responsabilité à cet égard, comme l’exige le par. 278(1) de la Loi.

76 Soulignons que les parties n’ont pas soulevé la question de la déchéance ni du droit d’en être relevé et que, par conséquent, les présents motifs ne l’abordent pas.

VII. Conclusion

77 Pour ces motifs, je suis d’avis de répondre par la négative à la question posée par les parties. Les intimées ont le droit de poursuivre leur action contre l’assureur en vue d’obtenir paiement de l’indemnité qui leur est due en vertu de leur avenant SEF 44, malgré la convention de limitation. Pour obtenir gain de cause, elles doivent prouver la faute du défendeur Friedman et le quantum des dommages. Je suis donc d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

Version française des motifs des juges Major et Binnie rendus par

78 Le juge Binnie (dissident) -- Une police d’assurance garantissant le paiement de la perte prouvable réellement subie en cas de réalisation d’un risque déterminé est un contrat d’indemnisation qui repose sur le [traduction] « principe de droit bien connu selon lequel la personne qui a convenu d’en indemniser une autre a, une fois sa promesse remplie, le droit d’être subrogée dans tous les moyens par lesquels la personne indemnisée aurait pu se protéger contre la perte ou en obtenir le remboursement » (je souligne) (Guardian Assurance Co. c. Town of Chicoutimi (1915), 51 R.C.S. 562, le juge en chef Fitzpatrick, p. 564, citant Simpson c. Thomson (1877), 3 App. Cas. 279 (H.L.), lord Cairns, p. 284). La majorité de mes collègues concluent que ce principe fondamental du droit des assurances ne s’applique pas à la garantie sous-assurance des tiers de la police type d’assurance automobile de l’Ontario (SEF 44), bien que l’avenant SEF 44 fasse expressément mention des droits de subrogation. Je ne puis malheureusement pas souscrire à leur opinion.

79 En l’espèce, les intimées ont subi une perte réelle par suite d’un accident d’automobile causé par un automobiliste sous assuré, un dénommé Jerry Friedman. Elles cherchent à recouvrer de leur propre assureur, l’appelante, le montant de leurs dommages excédant la garantie d’assurance responsabilité de 200 000 $ qu’avait contractée M. Friedman. Les intimées ont toutefois, à l’insu de l’assureur appelant et sans son consentement, donné quittance à M. Friedman de toute réclamation qui excéderait sa garantie d’assurance de 200 000 $, privant ainsi l’assureur appelant de la possibilité de se rembourser à l’aide des autres biens de M. Friedman en utilisant [traduction] « tous les moyens par lesquels la personne indemnisée aurait pu se protéger contre la perte ou en obtenir le remboursement » (Guardian Assurance Co., précité). L’assureur appelant a donc rejeté leur demande d’indemnité.

80 La Cour d’appel de l’Ontario a conclu que cette quittance ne justifiait pas le refus de l’appelante de verser l’indemnité. Cette décision aurait probablement été différente dans le contexte de polices similaires comportant une garantie « sous‑assurance » des tiers dans au moins deux autres provinces, soit la Colombie‑Britannique et l’Alberta : voir Kraeker Estate c. Insurance Corp. of British Columbia (1992), 93 D.L.R. (4th) 431 (C.A.C.‑B.), et Nielsen c. Co-operators General Insurance Co. (1997), 209 A.R. 177 (C.A.).

81 À mon avis, l’assureur avait le droit de rejeter la demande d’indemnité. La quittance donnée par les intimées à M. Friedman à l’égard de la réclamation même qu’elles veulent maintenant faire valoir contre l’assureur appelant allait à l’encontre d’une stipulation fondamentale de leur police. Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi.

82 Il faut souligner que les intimées ont donné quittance à M. Friedman après avoir appris que sa garantie était insuffisante, alors qu’elles auraient dû se rendre compte qu’elles devraient demander à l’assureur appelant de leur verser le montant manquant.

I. Les faits

83 Les intimées Pearl Somersall et sa mère Gwendolyn Somersall ont subi de graves blessures lors d’une collision d’automobiles le 29 janvier 1989. (Le dossier n’explique pas pourquoi il a fallu plus de 12 ans pour que cette cause parvienne devant notre Cour en appel d’une motion préliminaire.) Une action a été intentée dans le délai imparti contre le conducteur de l’autre véhicule, M. Friedman. L’intimée Janice Somersall est la fille de Gwendolyn et elle a engagé la poursuite en son propre nom et au nom des autres membres de la famille faisant valoir une demande en vertu de l’art. 61 de la Loi de 1986 sur le droit de la famille, L.O. 1986, ch. 4.

84 Dès le 21 octobre 1991, les intimées se sont rendu compte que le montant de la garantie d’assurance responsabilité civile de M. Friedman était d’à peine 200 000 $, montant qui était, selon elles, bien inférieur à leur perte réelle.

85 Le 13 décembre 1991, les intimées, pleinement conscientes de l’insuffisance de la garantie de M. Friedman, ont conclu une convention écrite (la « convention de limitation ») avec lui, sans en informer l’assureur appelant. La convention prévoyait ce qui suit :

[traduction]

(i) au procès, M. Friedman s’avouerait responsable de l’accident;

(ii) les intimées ne feraient valoir contre M. Friedman ou son assureur aucune réclamation excédant la garantie d’assurance de M. Friedman, qui s’élevait à 200 000 $;

(iii) l’assureur de M. Friedman verserait une avance de 50 000 $ aux intimées (ce qu’il a fait).

86 Il se peut que mon collègue le juge Iacobucci ait raison lorsqu’il affirme, au par. 51, que « la convention de limitation a épuisé la capacité de M. Friedman d’indemniser les intimées ». Il se peut aussi qu’il se trompe. Aucun fait confirmant ou infirmant cette affirmation ne nous a été soumis. Mais ce qui importe surtout, c’est que l’assureur n’a jamais eu la possibilité d’évaluer la capacité de l’auteur du délit de contribuer au règlement au moyen de ses éléments d’actifs personnels, quels qu’ils soient.

87 Deux ans et demi plus tard, le 4 juillet 1994, les intimées ont constitué leur propre assureur, l’appelante, défenderesse dans l’action. L’appelante a déposé une défense dans l’action et elle a présenté une motion en rejet de l’action intentée contre elle en invoquant un point de droit. L’avocat de l’assureur du procureur initial des intimées, qui avait négocié la convention de limitation, a contesté la motion en leur nom. Le litige oppose donc des compagnies d’assurance.

II. Historique des procédures judiciaires

88 Le 4 juin 1998, le juge Spiegel, siégeant en qualité de juge des requêtes, a donné raison à l’appelante et rejeté l’action intentée contre elle (1998), 40 O.R. (3d) 461. La Cour d’appel de l’Ontario a infirmé sa décision le 16 février 2000 : (2000), 183 D.L.R. (4th) 396. Le juge Charron a conclu que la question avait déjà été tranchée contre l’assureur dans les arrêts antérieurs de la cour Johnson c. Wunderlich (1986), 57 O.R. (2d) 600, et Chambo c. Musseau (1993), 15 O.R. (3d) 305.

III. L’avenant SEF 44

89 Les stipulations de l’avenant SEF 44 sont reproduites dans les motifs de mon collègue, le juge Iacobucci. Je me contenterai donc d’en citer au besoin les passages pertinents.

IV. Analyse

90 Le libellé des polices d’assurance automobile est généralement assujetti à la réglementation de chaque province. Les assureurs sont consultés. L’assuré ne l’est pas. Je retiens la méthode d’interprétation proposée par le juge MacKinnon, juge en chef adjoint de l’Ontario, dans July c. Neal (1986), 57 O.R. (2d) 129 (C.A.), p. 135 :

[traduction] À mon sens, si la loi établissant et régissant la garantie laisse place à un doute et que deux interprétations de tout aspect de la garantie soient possibles, celle qui est la plus favorable à l’assuré doit primer.

91 Cela dit, nous sommes obligés d’appliquer le texte de l’avenant SEF 44 tel qu’il est rédigé. Avec égards pour les tenants de l’opinion contraire, j’interprète les termes de la police comme exigeant clairement que l’assuré s’abstienne de tout acte qui priverait l’assureur de son droit à la subrogation. Selon moi, les termes de l’avenant SEF 44 ne sont pas ambigus. Ayant renoncé par écrit à leur réclamation contre M. Friedman, les intimées ne peuvent recouvrer de l’appelante ce à quoi elles ont ainsi renoncé.

92 L’appelante a également invoqué dans sa défense le défaut des intimées d’engager une action dans un délai de 12 mois à compter de la date à laquelle elles se sont rendu compte ou auraient dû se rendre compte que leur droit de recours contre M. Friedman excédait la garantie minimum fixée à 200 000 $ (clause 6c)). Ce point n’a pas été soumis à notre appréciation.

A. La garantie sous-assurance des tiers

93 Les intimées ont souscrit une « garantie sous‑assurance ou non‑assurance des tiers » moyennant une prime additionnelle pour se prémunir contre le risque d’un accident d’automobile causé par la faute d’un conducteur sous assuré ou non assuré. La compagnie d’assurance appelante s’est engagée, à des conditions déterminées, à prendre à sa charge les dommages-intérêts excédentaires à concurrence du montant de garantie de la police. Cette garantie spéciale est prévue par l’avenant SEF 44 dont le libellé a été négocié par l’industrie des assurances avec le surintendant des assurances de l’Ontario et approuvé par celui‑ci. Voici la clause 2 de l’avenant SEF 44, qui prévoit la garantie pertinente :

[traduction]

2. CONVENTION D’ASSURANCE

En contrepartie de la prime exigée et sous réserve des dispositions des présentes, il est entendu et convenu que l’Assureur indemnisera chaque demandeur admissible du montant que ce dernier a le droit de recouvrer d’un automobiliste sous assuré à titre de dommages-intérêts compensatoires pour les lésions corporelles subies par une personne assurée ou pour son décès par suite d’un accident découlant de l’usage ou de la conduite d’une automobile. [Je souligne.]

94 À leur simple lecture, ces termes clairs exigent qu’au moment où une demande d’indemnité est présentée, il subsiste un droit d’action contre l’auteur du délit (textuellement, « a le droit de recouvrer »). Le droit de recours de l’assuré contre l’auteur du délit doit subsister au moment où la demande d’indemnité est présentée. Cette proposition est en accord avec la nature réciproque de cette assurance qui constitue un contrat d’indemnisation avec l’attente concomitante d’un droit de subrogation.

95 Cette interprétation est précisée par l’art. 9, qui subroge l’assureur dans « les droits du demandeur admissible » et l’autorise à « ester en justice au nom de cette personne contre l’automobiliste sous assuré ». À mon sens, l’expression « a le droit de recouvrer » figurant à la clause 2, qui oblige l’assureur à verser une indemnité, correspond à la cause d’action toujours existante, c’est‑à‑dire aux « droits du demandeur admissible » visés à la clause 9, qui autorise l’assureur à tenter de recouvrer son paiement de l’auteur du délit. Ces deux dispositions doivent être lues ensemble.

96 Les intimées semblent admettre que le sens des mots « a le droit de recouvrer » est clair, mais elles soutiennent qu’il suffit qu’un droit d’action subsiste à la date de l’accident. Toutefois, on n’a pas utilisé le passé, mais bien le présent de l’indicatif pour parler de ce droit. C’est ainsi que s’exprime le caractère réciproque sous-jacent de l’entente. Dans l’arrêt Kraeker Estate, précité, le juge Goldie a dit, à la p. 434, [traduction] « [j]e crois que les mots “a le droit de recouvrer des dommages-intérêts” signifie “a un droit d’action en dommages-intérêts” ». Voir aussi les motifs du juge Côté dans l’arrêt Nielsen, précité, par. 2, qui vont dans le même sens. À la date de la présentation de leur demande d’indemnité contre l’appelante, les intimées s’étaient privées volontairement de la possibilité de recouvrer, de l’auteur du délit, le montant réclamé, c’est‑à‑dire l’excédent de la perte alléguée sur la garantie de 200 000 $. Elles n’avaient pas « le droit de recouvrer » cet excédent.

97 Je n’accorde pas beaucoup de poids au fait que les intimées ont signé une convention de limitation plutôt qu’une renonciation à la cause d’action. Dans les deux cas, l’assureur est empêché de recouvrer le montant de son paiement. La subrogation est une question de fond et non de forme : Ledingham c. Ontario Hospital Services Commission, [1975] 1 R.C.S. 332, le juge Judson, p. 337.

98 D’un point de vue pratique, on ne peut affirmer qu’une personne qui a souscrit une assurance de responsabilité civile insuffisante sera nécessairement dépourvue de biens pouvant servir à exécuter en tout ou en partie un jugement dont le montant est supérieur à celui de la garantie. Un riche non assuré peut causer un accident en conduisant la voiture d’un pauvre. Le simple fait que l’automobiliste n’est pas assuré ne signifie pas que le droit de subrogation n’a aucune valeur pécuniaire. Selon moi, on peut supposer que les intimées auraient exercé leurs recours contre les éléments d’actif personnels de M. Friedman si leur seule autre option avait été de supporter elles-mêmes la perte.

99 Aux paragraphes 50-55, mon collègue le juge Iacobucci s’appuie sur l’hypothèse que M. Friedman est sans le sou. Hormis le fait que cette hypothèse relève de la conjecture, le litige porte sur l’interprétation de l’avenant SEF 44 et la décision rendue à cet égard s’appliquera tant à l’auteur du délit bien nanti qu’à celui que l’on présume démuni. Si les assurés ne sont pas tenus de préserver les droits que la loi leur confère contre l’auteur d’un délit (riche ou pauvre), ils ne verront pas l’utilité de les préserver.

100 Les limites de la garantie stipulée à la clause 2, déjà assez claires, sont renforcées par les autres dispositions de l’avenant SEF 44, lues globalement, qui traitent expressément de la subrogation et de la coopération. Mon collègue écrit, au par. 55, qu’« aucune preuve ne démontre que les intimées ne croyaient pas honnêtement et de bonne foi qu’il était sage et prudent de conclure la convention de limitation ». Si l’assureur appelant peut être tenu de verser une indemnité complémentaire, c’est à juste titre à lui qu’il revient de décider s’il est « sage et prudent » de tenter de recouvrer un montant de M. Friedman. Pour les intimées, qui s’attendent à être indemnisées par leur propre assureur, l’enjeu pécuniaire de cette décision n’est pas très important; c’est pourquoi elles ne doivent pas la prendre unilatéralement.

B. Calcul de la demande d’indemnité

101 La somme à payer au titre de l’indemnité est fixée à la clause 4b) de l’avenant SEF 44, dont voici un extrait :

[traduction]

b) Le montant payable en application du présent avenant à tout demandeur admissible est complémentaire au montant effectivement recouvré par ce dernier de toute source (sauf les sommes payables au décès en vertu d’une police d’assurance) et à tout montant que le demandeur admissible a le droit de recouvrer (qu’il fasse valoir ce droit ou non) . . . [Je souligne.]

Suit une liste de sources possibles de prestations, notamment une autre police d’assurance, une caisse d’indemnisation des créanciers de jugements inexécutés, tout régime d’indemnisation des victimes d’accidents (dont la Régie de l’assurance automobile du Québec) et tout régime d’indemnisation des accidents du travail. Si le demandeur a le droit de recevoir de telles prestations, celles-ci sont déduites de l’indemnité complémentaire, « qu’il fasse valoir ce droit ou non ».

102 Le montant potentiel qui pourrait être recouvré de l’auteur du délit n’est, bien sûr, pas exclu. C’est l’objet du risque. L’assureur peut être appelé à payer ce montant mais, le cas échéant, il ne doit pas être irrémédiablement empêché de faire ce qu’il peut pour récupérer le montant ainsi payé de l’auteur du délit qui est responsable en bout de ligne.

103 À mon avis, l’appelante n’avait pas assumé le risque de la perte totale des intimées, mais plutôt celui de leur perte réduite (du moins potentiellement) du fait de la cession en faveur de l’assureur de tous les moyens légitimes possibles d’obtenir un remboursement.

C. Indemnité et subrogation

104 À mon avis, l’affirmation que la police en cause constitue une police d’indemnisation trouve manifestement appui dans le raisonnement exposé par le juge Spence de la Haute Cour de l’Ontario (plus tard juge de notre Cour) dans Glynn c. Scottish Union & National Insurance Co., [1963] 1 O.R. 599, p. 602 (citant Halsbury’s Laws of England (3e éd. 1952), vol. 22, p. 180-181) :

[traduction] La plupart des contrats d’assurance [sauf l’assurance-vie] appartiennent à la catégorie générale des contrats d’indemnisation, en ce sens que la responsabilité des assureurs est limitée à la perte réelle effectivement prouvée.

En appel, [1963] 2 O.R. 705, p. 717, le juge Kelly a dit :

[traduction] Suivant mon interprétation de la convention d’assurance, à savoir qu’il s’agit d’un contrat d’indemnisation, la doctrine de la subrogation serait accessoire à sa nature de contrat d’indemnisation et il ne serait pas nécessaire qu’elle contienne une disposition qui prévoit expressément la subrogation . . .

105 L’importance accordée à la subrogation dans l’avenant SEF 44, en particulier, ressort des clauses 9 et 10 que je reproduis ici par souci de commodité :

[traduction]

9. SUBROGATION

Sur présentation d’une demande d’indemnité en vertu du présent avenant, l’Assureur est subrogé dans les droits du demandeur admissible qui en est l’auteur et peut ester en justice au nom de cette personne contre l’automobiliste sous assuré et contre les personnes mentionnées à l’alinéa 4b).

10. CESSION DES DROITS D’ACTION

Sur paiement d’une indemnité en application du présent avenant, l’Assureur a le droit d’obtenir du demandeur admissible, en contrepartie de ce paiement, cession de tous les droits d’action, qu’un jugement ait été obtenu ou non; le demandeur admissible s’engage à coopérer avec l’Assureur, sauf sur le plan pécuniaire, dans la poursuite de toute action par subrogation ou de tout droit d’action ainsi cédé.

106 Fait quelque peu exceptionnel, le droit de subrogation stipulé à la clause 9 prend naissance dès que l’assuré présente une demande d’indemnité. Règle générale, sous le régime du par. 278(1) de la Loi sur les assurances, L.R.O. 1990, ch. I.8, le droit de subrogation ne prend naissance que lorsque l’assureur « effectue un paiement ou assume la responsabilité à cet effet ». Le droit anticipé que prévoit l’art. 9 met en lumière l’importance accordée au droit de subrogation en général et, en particulier, à la volonté de confier à l’assureur le contrôle de l’action en recouvrement contre l’auteur du délit dès que cela est matériellement possible. L’obligation de coopérer, qui prend naissance au moment du paiement, présuppose que l’assureur a alors la conduite de l’instance. Tous ces éléments sont incompatibles, à mon sens, avec le point de vue adopté par la Cour d’appel dans la présente instance, quand elle affirme que l’extinction volontaire par les intimées du droit de subrogation éventuel n’a pas eu d’effet défavorable sur leur droit de demander une indemnisation complète en application de leur police d’assurance.

107 Cette conclusion, basée sur l’interprétation de l’avenant SEF 44 du contrat, est renforcée par la nature fondamentale de l’assurance-indemnisation, concept qu’analyse savamment le juge Kelly dans Glynn, précité, p. 710 et suiv.

108 La subrogation a une origine très ancienne dans le droit des assurances, remontant, semble‑t‑il, au droit romain : John Edwards & Co. c. Motor Union Insurance Co., [1922] 2 K.B. 249, p. 252. On la rattache maintenant parfois aux principes généraux de la common law : Hobbs c. Marlowe, [1978] A.C. 16 (H.L.), lord Diplock, p. 39, mais plus souvent aux doctrines de l’equity : Ledingham, précité, p. 336-337; Colonial Furniture Co. (Ottawa) Ltd. c. Saul Tanner Realty Ltd. (2001), 52 O.R. (3d) 539 (C.A.), par. 19; Napier c. Hunter, [1993] A.C. 713 (H.L.). L’un des jugements de principe concernant sa portée a été rendu par le lord juge Brett dans Castellain c. Preston (1883), 11 Q.B.D. 380 (C.A.), dont les propos (aux p. 388-389) ont été approuvés et appliqués par le juge Idington de notre Cour dans Guardian Assurance, précité, p. 571 :

[traduction] Or il me semble que, pour respecter la règle fondamentale du droit des assurances, cette doctrine de la subrogation doit être étendue dans la mesure que je vais maintenant essayer de préciser, savoir que, entre l’assureur et l’assuré, l’assureur a le droit de tirer parti de chaque droit de l’assuré, qu’il réside dans un contrat, exécuté ou non, ou dans un recours délictuel susceptible d’être exercé ou déjà exercé, ou dans tout autre droit, par le jeu d’une condition ou autrement, en common law ou en equity, et qui peut être ou a été exercé ou qui a été acquis, et que ce droit puisse ou non être exercé par l’assureur au nom de l’assuré lorsque l’exercice ou l’acquisition de ce droit ou de cette condition peut réduire ou a effectivement réduit la perte contre laquelle l’assuré est protégé. [Je souligne.]

Le lord juge Brett ajoute, dans l’original :

[traduction] Voilà qui, à mon sens, constitue la formulation la plus large possible de cette doctrine de la subrogation et si, aussi largement exprimée, elle ne remplit pas la condition fondamentale, j’ai dû omettre quelque chose qui aurait dû s’y trouver. Mais l’on observera que j’ai employé les mots « chaque droit de l’assuré ». Je pense que la règle commande cette limite.

109 Le passage cité par le juge Idington a été repris et approuvé plus récemment par la Chambre des lords dans Napier, précité, dans le jugement de principe de lord Templeman, à la p. 734.

110 Je remarque que, dans l’arrêt Johnson, précité, qui est une des décisions sur lesquelles la Cour d’appel s’est principalement appuyée en l’espèce, l’effet possible sur les droits de subrogation était l’un des sujets d’inquiétude exprimés dans le jugement majoritaire du juge Morden, à la p. 608 :

[traduction] La réserve que j’ai exprimée [à l’égard d’une action directe contre l’assureur] repose avant tout sur la crainte qu’une demande limitée à la voie de l’action directe puisse faire échec aux droits de subrogation de l’assureur . . .

Dans Johnson, les droits de l’assureur sont demeurés intacts car l’assuré s’était porté demandeur dans une action en instance intentée contre l’auteur du délit dans le délai prescrit.

111 Le souci de préserver les droits de subrogation a été réitéré dans Beausoleil c. Canadian General Insurance Co. (1992), 8 O.R. (3d) 754 (C.A.), où le juge Grange a fait remarquer que, dans cette affaire aussi, les droits de l’assureur avaient été préservés (p. 760).

112 La nécessité de faire intervenir l’assureur le plus tôt possible trouve écho dans la clause 6 de l’avenant SEF 44 qui exige que l’assureur soit informé promptement de tout accident et de toute demande d’indemnité relative à l’accident.

113 L’analyse qui précède est conforme, selon moi, au point de vue exprimé par la Cour d’appel de l’Alberta au sujet des automobilistes sous assurés dans Nielsen, précité. Dans cette affaire, l’assuré avait, comme en l’espèce, donné quittance à l’auteur du délit avant de présenter une demande d’indemnité à son propre assureur. S’exprimant au nom de la cour, le juge Côté dit, au par. 2 :

[traduction] L’appelante fait maintenant valoir contre son assureur albertain l’avenant SEF 44 relatif aux automobilistes sous assurés. Cet avenant est un engagement à payer le montant que l’appelante assurée « a le droit de recouvrer » de l’auteur du délit. En signant la quittance, elle a exclu tout excédent. La quittance limite le montant qu’elle a « le droit de recouvrer ». Par conséquent, l’ordonnance portée en appel est bien fondée, son appel doit être rejeté et il n’est pas nécessaire d’examiner les questions de subrogation et de non-coopération.

114 De la même façon, dans Fogarty c. Co-operators Group Ltd., [1990] I.L.R. ¶ 1-2545 (B.R. Alb.), la cour a rejeté la demande d’indemnité d’un assuré fondée sur l’avenant SEF 42 (version antérieure de l’avenant SEF 44), parce que sa réclamation contre l’auteur du délit était prescrite. Le juge de première instance O’Leary de la Haute Cour de l’Ontario arrive à la même conclusion dans la décision Khederlarian c. Safeco Insurance Co., C. Ont. (Div. gén.), 16 juin 1992 :

[traduction] Les demandeurs n’ont plus « le droit de recouvrer des dommages-intérêts » du conducteur non assuré. Ils ont perdu ce droit en n’engageant pas l’action contre lui dans le délai de deux ans.

115 Mon collègue, le juge Iacobucci, affirme, au par. 50, que les objectifs sur lesquels repose la théorie de la subrogation consistent à « garantir (i) que l’assuré ne recevra ni plus ni moins qu’une indemnisation complète et (ii) que c’est la personne qui est juridiquement responsable de la perte qui la supportera ». Il enchaîne en disant :

En conséquence, s’il n’existe aucun risque de surindemnisation de l’assuré et si la capacité de l’auteur du délit d’indemniser l’assuré a été épuisée, il n’existe aucune raison d’invoquer la subrogation.

116 En l’espèce, il n’existe pas l’ombre d’une preuve de « la capacité de l’auteur du délit d’indemniser l’assuré ». La preuve est aussi muette sur la question de savoir si cette capacité, le cas échéant, a été « épuisée ». Aucun élément de preuve n’étaye non plus la constatation faite par mon collègue, au par. 52, que « l’appelante ne semble avoir subi aucune perte réelle du fait qu’elle ne peut être subrogée ». Tout ce que nous savons, c’est que M. Friedman lui-même, qui est l’auteur du délit, n’a pas versé un sou dans le cadre du règlement. C’est son assureur qui a payé la somme de 200 000 $. La façon dont mon collègue aborde la question de la subrogation met l’accent sur l’assuré, en ne tenant pratiquement aucun compte de l’autre partie, l’assureur appelant, et n’accorde pas assez d’attention au caractère réciproque de ce contrat. Ce qui est encore plus étonnant, elle va à l’encontre du deuxième objectif de la subrogation énoncé par mon collègue, qui consiste à garantir « que c’est la personne qui est juridiquement responsable de la perte qui la supportera ».

117 Mon collègue laisse entendre, au par. 51, qu’il existerait une « opinion très répandue [. . .] voulant que les droits de subrogation aient une valeur pratiquement négligeable pour les assureurs ». Pour ma part, je ne crois pas que l’industrie des assurances dépense des millions de dollars chaque année pour exercer ses droits de recours par subrogation simplement dans le but abstrait d’éviter de surindemniser les assurés ou pour mener une croisade contre les auteurs de délits au nom de la moralité. Elle se donne cette peine parce qu’elle espère recouvrer des auteurs des délits une part importante du montant des sinistres afin d’améliorer globalement ses résultats techniques, en fonction desquels elle fixe ses primes. Si les procédures judiciaires par subrogation avaient une « valeur pratiquement négligeable », les assureurs, qui sont des professionnels en la matière, s’abstiendraient d’engager pareilles procédures. Un risque assorti d’un recours contre l’auteur du délit n’est pas comparable à un risque non assorti d’un tel recours. C’est le premier type de risque que l’appelant a accepté d’assumer en l’espèce, et c’est le deuxième qui lui est imposé par l’arrêt de notre Cour.

118 Bien que le droit de subrogation ne puisse être exercé qu’après le paiement de l’indemnité, il s’agit d’un droit conditionnel qui prend naissance dès la signature de la police : MacGillivray on Insurance Law (9e éd. 1997), par. 22-28, p. 542; John Edwards, précité, p. 254. Mon collègue avance, au par. 52, qu’« [e]n l’absence de preuve d’une perte réelle ou probable, les assureurs ne doivent pas être autorisés à soulever une présumée atteinte à leurs droits de subrogation pour faire échec à une demande d’indemnité présentée de bonne foi par l’assuré ». Mon collègue semble suggérer que la preuve d’un dommage réel constitue une condition préalable à laquelle l’assureur doit satisfaire pour pouvoir se soustraire à l’exécution d’une stipulation réciproque du contrat. Pourtant, c’est un principe élémentaire en droit qu’un manquement contractuel, contrairement à un délit, peut être complet peu importe qu’un dommage puisse être établi ou soit survenu. La clause 10 de l’avenant SEF 44 n’impose pas pareille condition préalable. Voici, encore une fois, ce qu’elle prévoit :

Sur paiement d’une indemnité en application du présent avenant, l’Assureur a le droit d’obtenir du demandeur admissible, en contrepartie de ce paiement, cession de tous les droits d’action, qu’un jugement ait été obtenu ou non; le demandeur admissible s’engage à coopérer avec l’Assureur, sauf sur le plan pécuniaire, dans la poursuite de toute action par subrogation ou de tout droit d’action ainsi cédé.

119 En l’espèce, rien n’oblige l’assureur à prouver que l’auteur du délit possède des éléments d’actif personnels importants pour avoir droit à la cession de « tous les droits d’action ». L’imposition, par la Cour, d’une nouvelle exigence selon laquelle l’assureur dont on nie le droit à la subrogation doit d’abord prouver qu’il encourt de ce fait une « perte réelle ou probable » fait fi du libellé de l’avenant SEF 44 et créera inutilement de l’incertitude quant à son application pratique quotidienne.

D. Le droit d’action directe de l’assuré

120 La Cour d’appel de l’Ontario a estimé que la présente espèce était différente des cas examinés dans la jurisprudence albertaine, car l’avenant SEF 42 en Alberta ne prévoyait pas expressément de droit « d’action directe » de l’assuré contre l’assureur. (Je ferai cependant observer en passant que les tribunaux albertains autorisent l’introduction d’une action directe fondée sur le droit des contrats avant le prononcé de tout jugement en responsabilité civile délictuelle contre l’auteur du délit : Birtles c. Dominion of Canada General Insurance Co. (1986), 46 Alta. L.R. (2d) 193 (C.A.), p. 204.)

121 Le Règlement de l’Ontario 535 prévoit une action directe à l’al. 4(1)c) :

[traduction]

4. -- (1) La question de savoir si l’assuré a le droit de recouvrer des dommages‑intérêts et, dans l’affirmative, quel en est le montant, est tranchée, selon le cas :

a) par entente entre la personne assurée par le contrat et l’assureur;

b) à la demande de la personne assurée par le contrat et avec le consentement de l’assureur, par arbitrage . . .

c) par une cour compétente en Ontario dans une action intentée contre l’assureur par la personne assurée par le contrat, et l’assureur peut inclure dans sa défense la question de la responsabilité et du montant de celle-ci, sauf si une cour compétente en Ontario s’est déjà prononcée à cet égard dans le cadre d’une action contestée. [Je souligne.]

(Annexe de la police prescrite par le Règl. 535 des Règlements refondus de l’Ontario de 1980 (maintenant R.R.O. 1990, Règl. 676))

122 Il est clair que le Règlement 535 permet d’intenter une action directe contre l’assureur sans obtenir au préalable un jugement contre l’auteur du délit : Barton c. Aitchison (1982), 39 O.R. (2d) 282 (C.A.), p. 287; Re Pitts Insurance Co. (1982), 44 C.B.R. (N.S.) 133 (C.A. Ont.), p. 135. Toutefois, pour les motifs exposés précédemment, je suis d’avis que le droit de l’assureur de contester « la responsabilité et [le] montant de celle-ci » englobe le moyen de défense portant que l’assuré n’a « le droit de recouvrer » aucun autre montant de l’auteur du délit à la date où il présente sa demande d’indemnité.

123 Dans l’arrêt Johnson, précité, la Cour d’appel de l’Ontario a repoussé à bon droit l’argument de la compagnie d’assurance voulant qu’une action directe doive être intentée dans un délai de deux ans suivant un accident. Dans cette affaire, les demandeurs avaient intenté une action contre l’automobiliste sous assuré dans le délai de deux ans prévu par le Code de la route. Par la suite, après l’expiration du délai de prescription de deux ans applicable à la responsabilité civile délictuelle, ils ont voulu joindre leur compagnie d’assurance à l’instance en application de l’avenant de sous‑assurance des tiers. Le juge de première instance a statué que l’assuré était tenu d’engager une action contre sa compagnie d’assurance dans le délai de prescription de deux ans et a rejeté l’action contre l’assureur. La Cour d’appel de l’Ontario a infirmé sa décision, à bon droit à mon avis, au motif que la poursuite intentée par l’assuré contre l’assureur ne s’appuyait pas sur la responsabilité délictuelle, mais sur la responsabilité contractuelle, et que le délai de prescription de l’action contractuelle ne commençait à courir que lorsque l’assuré avait connaissance de tous les faits importants constituant sa cause d’action directe fondée sur l’avenant SEF 44.

124 Selon l’opinion du juge Morden, exprimée à la p. 608, une réclamation directe contre la compagnie d’assurance constitue une cause d’action distincte, dont voici les éléments :

[traduction]

(1) une personne assurée (2) qui a [noter le présent de l’indicatif] le droit de recouvrer des dommages-intérêts du propriétaire ou du conducteur (3) d’une automobile non assurée ou non identifiée. [Je souligne.]

125 La [traduction] « cause d’action prend naissance lorsque ces faits importants viennent à la connaissance du demandeur (la personne qui a subi le préjudice) ou lorsqu’il aurait dû les découvrir en faisant preuve d’une diligence raisonnable » (Johnson, précité, p. 608-609). La date pertinente pour établir la cause d’action contre l’assureur est celle de l’introduction de l’action contre l’assureur et non (malgré l’argument des intimées) la date antérieure à laquelle l’accident s’est produit. C’est là, de fait, l’élément décisif du jugement du juge Morden.

126 Dans ses motifs concordants dans l’arrêt Johnson, précité, le juge Finlayson emploie des termes encore plus explicites à la p. 616 : [traduction] « en l’absence de tout “droit de recouvrer des dommages-intérêts” relativement à l’automobile non assurée, aucun recours fondé sur l’al. 4(1)c) de l’annexe ne peut être exercé contre l’assureur ». Les opinions de ce dernier et du juge Morden ne divergent que lorsqu’il déclare que la cause d’action contre l’assureur ne prend naissance qu’[traduction] « au moment où l’assureur nie toute responsabilité ou au moment où l’assuré sait ou devrait savoir que sa demande d’indemnité ne sera pas accueillie » (p. 617).

127 La décision qui fait le plus problème est Chambo, précitée. Dans cette affaire, contrairement à ce qui s’est passé dans Johnson, le demandeur n’a intenté son action contre l’automobiliste sous assuré qu’une fois le délai de prescription de deux ans écoulé. L’assureur prétendait avoir été lésé dans ses droits de subrogation contre l’auteur du délit, ce qui justifiait son rejet de la réclamation. Le juge de première instance lui a donné raison. L’action contre l’assureur a donc été rejetée. En appel, la cour a décidé que l’extinction du droit de recouvrement de l’assureur contre l’auteur du délit ne constituait pas un moyen de défense. Le juge Osborne a dit ce qui suit (à la p. 312) :

[traduction] Il me semble que dans Johnson c. Wunderlich, le juge Morden a dit en termes non équivoques que dans une action directe contre l’assureur, les mots « le droit de recouvrer des dommages-intérêts », dans le contexte de la garantie non-assurance des tiers, exigent que l’assuré établisse seulement la faute de l’automobiliste non assuré et le montant du dommage subi par l’assuré.

128 À mon humble avis, l’arrêt Chambo étend considérablement et de façon injustifiée la portée de la décision Johnson. Dans celle‑ci, l’assuré avait préservé le droit de recours par subrogation contre l’auteur du délit en intentant une action avant l’expiration du délai de prescription. Dans Chambo, au contraire, le droit de recours par subrogation s’était éteint. Je suis d’accord avec le juge Osborne pour dire qu’il était loisible à l’assuré d’intenter une « action directe » contre l’assureur, mais je crois qu’il était aussi loisible à l’assureur de faire valoir en défense que l’assuré n’avait plus « le droit de recouvrer » des dommages-intérêts de l’auteur du délit au sens de l’avenant SEF 44.

129 Je ne partage pas l’opinion exprimée par la Cour d’appel de l’Ontario dans Chambo et dans la présente espèce, à savoir que l’attribution d’un droit d’« action directe » à l’al. 4(1)c) du Règlement 535, qui est une disposition de nature procédurale, régit l’interprétation du risque que l’assureur a accepté d’assumer. Il est vrai que l’al. 4(1)c) prive la compagnie d’assurance du droit de plaider qu’une réclamation directe est « prématurée » parce que le litige entre l’assuré et le tiers auteur du délit n’est pas terminé. Par contre, je ne vois pas comment une disposition de nature procédurale comme l’al. 4(1)c) pourrait modifier le risque que la compagnie d’assurance s’est engagée contractuellement à couvrir au moyen de l’avenant SEF 44. Que le montant auquel ont droit les intimées soit établi en vertu du Règlement 535 par entente, arbitrage ou action directe en justice, il reste qu’il est déterminé par le contrat d’assurance même et, en l’espèce, l’avenant SEF 44 emploie le présent de l’indicatif (« a le droit de recouvrer ») et stipule explicitement que la subrogation fait partie de la convention globale à laquelle les deux parties au contrat d’assurance ont souscrit.

130 Si l’assuré a porté atteinte aux droits de subrogation de l’assureur, alors ce dernier devrait pouvoir opposer ce moyen de défense à l’assuré, dans le cadre d’une action directe ou autrement.

131 L’avocat des intimées s’est également appuyé dans une large mesure sur la décision Burns c. Ferri (1994), 16 O.R. (3d) 569 (C.A.), qui a suivi de peu l’arrêt Chambo, mais je ne vois pas de quel secours elle lui serait. Dans cette affaire, les tribunaux ontariens ont pris soin de corriger une quittance pour préserver les droits de subrogation de l’assureur contre l’auteur du délit. Si, comme le soutiennent les intimées, la perte des droits de subrogation n’a aucune incidence dans une action directe contre l’assureur, on comprend mal pourquoi les tribunaux se sont donné la peine de corriger la quittance pour permettre le déroulement de l’action par subrogation.

E. La jurisprudence américaine

132 Les intimées s’appuient sur les précédents américains Transnational Insurance Co. c. Simmons, 507 P.2d 693 (Ariz. Ct. App. 1973), et DeLuca c. Motor Vehicle Accident Indemnification Corp., 215 N.E.2d 482 (N.Y. 1966), pour affirmer qu’en matière de garantie non‑assurance des tiers, dans au moins quelques États des États‑Unis, l’omission de l’assuré de préserver ses droits contre l’auteur du délit ne constitue pas un moyen de défense dans une action directe contre la compagnie d’assurance. Mon collègue le juge Iacobucci propose que nous adoptions le point de vue majoritaire (par. 34) exprimé dans différents ressorts des États-Unis. Je ne me suis pas donné la peine de faire le compte des tribunaux américains, mais leurs décisions sont, comme les nôtres, liées au texte particulier des polices pertinentes. Ni dans Transnational Insurance ni dans DeLuca les polices en cause ne faisaient expressément mention des droits de subrogation. En revanche, dans Allstate Insurance Co. c. Skeeters, 846 F.2d 932 (4th Cir. 1988), où la police d’assurance en cause mentionnait expressément le droit de subrogation de l’assureur, la cour a décidé qu’un règlement amiable conclu par l’assuré sans l’assentiment de l’assureur privait celui‑ci de son droit de subrogation et représentait de ce fait pour la compagnie d’assurance un moyen de défense complet contre les demandes d’indemnité fondées sur la police. Aucune de ces affaires ne présente d’analogie parfaite avec l’avenant SEF 44 et je pense que nous devons interpréter la disposition d’assurance ontarienne conformément à nos propres règles d’interprétation.

F. La réouverture de la convention de limitation

133 Dans sa plaidoirie, l’avocat des intimées a fait valoir que l’assureur pourrait demander que soit annulée la convention de limitation en vertu du par. 278(6) de la Loi sur les assurances de l’Ontario, qui dispose :

278 . . .

(6) Un règlement conclu ou une quittance donnée avant ou après l’introduction de l’action ne fait pas obstacle aux droits de l’assuré ou de l’assureur, selon le cas, à moins qu’ils n’aient donné leur consentement à cet effet.

134 Toutefois, cette disposition doit être rapprochée des autres dispositions de l’art. 278 qui régissent les droits de subrogation en Ontario. Le paragraphe 278(1) dispose :

L’assureur qui effectue un paiement ou assume la responsabilité à cet effet en vertu d’un contrat est subrogé à tous les droits de recouvrement que l’assuré possède contre toute personne et peut intenter une action au nom de l’assuré pour faire valoir ces droits. [Je souligne.]

Les divers paragraphes de l’art. 278 traitent de la procédure applicable à l’action intentée par l’assureur subrogé; par exemple, ils déterminent qui de l’assureur ou de l’assuré a la conduite de l’action, comment est partagé le montant recouvré, etc. Vu le contexte dans lequel il s’insère, le par. 278(6) a été interprété comme s’appliquant seulement à l’assureur qui a payé un montant à l’assuré ou assumé la responsabilité à cet effet. Dans Biafore c. Bates-Pasis Leasing Inc. (1976), 11 O.R. (2d) 409 (C. div.), le juge Estey, juge en chef de la Haute Cour, dit ceci (à la p. 410) :

[traduction] . . . tant les considérations pratiques que l’analyse pondérée des [par. 278(1) et (6)] commandent que l’article soit interprété comme signifiant que la signature après paiement d’une quittance par l’assuré seul ne peut emporter l’extinction du véritable droit de subrogation. [Je souligne.]

Voir aussi les décisions Toronto Hydro‑Electric Commissioners c. Budget Car Rental Toronto Ltd. (1983), 43 O.R. (2d) 539 (C. cté), et Burns c. Ferri (1992), 8 O.R. (3d) 11 (Div. gén.), infirmée pour d’autres motifs (1994), 16 O.R. (3d) 569 (C.A.).

135 À mon avis, le par. 278(6) est censé protéger les intérêts d’un assureur qui a versé une indemnité à l’assuré ou assumé la responsabilité à cet égard. Il ne limite pas la capacité de régler une action d’un demandeur qui n’a pas présenté (et peut ne jamais présenter) une demande d’indemnité contre l’assureur.

136 Au moment où les intimées en l’espèce ont conclu leur convention de limitation, elles n’avaient présenté aucune demande d’indemnité à leur assureur. Elles étaient libres d’engager une action ou de donner quittance à l’auteur du délit, à leur gré. Permettre à l’assureur qui n’avait aucun intérêt à l’époque de venir plusieurs années après le règlement contester la validité de la convention de limitation ne ferait qu’insérer un élément d’incertitude dans le processus de règlement et porter atteinte au caractère définitif des instances.

V. Conclusion

137 Je ne pense pas que l’interprétation favorable au consommateur préconisée dans l’arrêt July, précité, nous autorise à redéfinir le risque que la compagnie d’assurance a accepté de couvrir dans l’avenant SEF 44, à savoir la perte nette après épuisement des droits de subrogation potentiels.

138 Je ne crois pas non plus que ce soit imposer une contrainte excessive aux intimées que de les astreindre, en ce qui a trait à la préservation de leurs droits contre l’auteur du délit, au degré de diligence qu’on aurait attendu d’elles si elles avaient mené le dossier dans leur propre intérêt. Après tout, avant de présenter leur demande d’indemnité à l’appelante, elles agissaient pour leur propre compte et il n’est pas inéquitable de les tenir maintenant responsables des conséquences de la convention de limitation qu’elles ont conclue librement.

VI. Dispositif

139 Je suis donc d’avis d’accueillir le pourvoi avec dépens.

Pourvoi rejeté, les juges Major et Binnie sont dissidents.

Procureurs de l’appelante : Dutton, Brock, MacIntyre & Collier, Toronto.

Procureurs des intimées : Falconeri Strype, Toronto.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Assurance - Assurance automobile - Garantie sous-assurance des tiers - Subrogation - Convention de limitation entre l’assuré et l’auteur du délit sous assuré conclue à l’insu de l’assureur - Convention prévoyant que l’auteur du délit s’avouerait responsable au procès et que l’assuré ne ferait valoir contre lui aucune demande de dommages-intérêts excédant sa garantie d’assurance - Rejet par l’assureur de la demande d’indemnité de l’assuré pour les dommages excédant la garantie d’assurance de l’auteur du délit - La convention de limitation justifiait-elle le rejet de la demande d’indemnité?.

Deux des intimées ont subi de graves blessures lors d’une collision d’automobiles et elles ont intenté une action contre le conducteur de l’autre véhicule, qui était sous assuré. La troisième intimée a fondé sa demande sur l’art. 61 de la Loi sur le droit de la famille de l’Ontario. Les intimées ont ensuite signé une convention de limitation avec l’auteur du délit, à l’insu de l’appelante, leur assureur. Cette convention prévoyait que : (1) au procès, l’auteur du délit s’avouerait responsable de l’accident et (2) les intimées ne ferait valoir contre lui aucune réclamation excédant sa garantie d’assurance. Les intimées ont tenté de recouvrer le solde de leurs dommages-intérêts de l’appelante en vertu de leur garantie sous-assurance des tiers, connue sous le nom d’avenant SEF 44, aux termes duquel l’assuré doit avoir « le droit de recouvrer » des dommages-intérêts de l’automobiliste sous assuré pour bénéficier de la protection offerte par son assureur. Lorsque l’appelante a formé une demande reconventionnelle contre le tiers sous assuré, celui-ci a fait valoir dans sa défense que la convention de limitation liait les intimées. L’appelante a alors demandé par voie de motion, en invoquant un point de droit, que la question de sa responsabilité soit tranchée avant l’instruction. Le juge des requêtes a statué que la convention de limitation empêchait les intimées de présenter une demande d’indemnité contre l’appelante en invoquant l’avenant SEF 44. La Cour d’appel a toutefois accueilli l’appel des intimées.

Arrêt (les juges Major et Binnie sont dissidents) : Le pourvoi est rejeté.

Le juge en chef McLachlin et les juges L’Heureux-Dubé, Gonthier, Iacobucci et LeBel : La convention de limitation, à l’instar d’un délai de prescription, ne fait pas obstacle à l’action. Elle n’a aucune incidence sur le droit que possédait l’assuré contre l’auteur du délit au moment de l’accident, moment auquel il faut se reporter pour décider si l’assuré a le droit de recouvrer des dommages-intérêts. La promesse des intimées de ne pas réclamer en justice au tiers sous assuré un montant excédant sa garantie d’assurance n’a aucun effet sur quelque question que ce soit concernant le droit de recouvrement qui existait au moment de l’accident. Elle empêche seulement les intimées de faire valoir plus amplement leurs droits contre l’auteur du délit devant les tribunaux. Ce raisonnement et son résultat sont compatibles avec l’objectif de politique générale et la nature contractuelle de la garantie sous-assurance et non-assurance des tiers. Les intimées se trouvent précisément dans la situation à laquelle la garantie de l’avenant SEF 44 est censée remédier au sein du système ontarien d’assurance‑automobile obligatoire. Les termes de la police et des considérations de principe appuient leur demande.

Les intimées n’ont pas contrecarré les droits de subrogation de l’appelante au point de la priver d’un droit que le contrat lui avait conféré. Seule une obligation claire et non ambiguë imposée à l’assuré de préserver son droit de recours délictuel et de s’abstenir d’y renoncer en contrepartie d’un paiement peut étayer une interprétation qui serait favorable à l’appelante. De plus, il est établi de longue date en droit qu’en l’absence de stipulations contractuelles contraires, le droit de subrogation de l’assureur ne prend naissance qu’après l’indemnisation complète de l’assuré. En l’espèce, le droit de subrogation de l’appelante n’a pas encore pris naissance et, quoi qu’il en soit, aucune preuve ne démontre que les intimées ne croyaient pas honnêtement et de bonne foi qu’il était sage et prudent de conclure la convention de limitation. En l’absence de preuve d’une perte réelle ou probable, les assureurs ne doivent pas être autorisés à soulever une présumée atteinte à leurs droits de subrogation pour faire échec à une demande d’indemnité présentée de bonne foi par l’assuré. En outre, le sens ordinaire du contrat n’étaye pas la conclusion que la convention de limitation a contrecarré un droit contractuel de l’appelante. La seule obligation clairement imposée à l’assuré est celle de « coopérer avec l’assureur » (sauf sur le plan pécuniaire) dans la poursuite de l’action, mais l’assuré n’est pas obligé de coopérer tant qu’il n’y a pas eu paiement d’une indemnité et aucun paiement n’a encore été fait en l’espèce. S’il subsistait une ambiguïté quant à la teneur de cette obligation, le principe d’interprétation contra proferentem exigerait qu’elle soit résolue en faveur de l’assuré.

La conclusion que la convention de limitation contrecarre le droit de subrogation à tel point que l’assuré perd le droit d’être indemnisé s’écarterait sérieusement du principe jurisprudentiel voulant qu’il existe bel et bien un droit d’action directe contre l’assureur. Comme la valeur des droits de subrogation contre un tiers sous assuré ou non assuré est rarement élevée, ce serait exagérer que de considérer sa perte comme modifiant sensiblement la situation de l’assureur.

La majorité a souscrit à l’opinion de la minorité concernant le par. 278(6) de la Loi sur les assurances. Cette disposition n’est d’aucun secours pour l’assureur puisqu’il n’a effectué aucun paiement ni assumé aucune responsabilité à cet égard, comme l’exige le par. 278(1) de la Loi.

Les juges Major et Binnie (dissidents) : Les ambiguïtés concernant la garantie d’assurance doivent être résolues en faveur de l’assuré. Le libellé de l’avenant SEF 44 n’est toutefois pas ambigu et exige clairement que l’assuré s’abstienne de tout acte qui priverait l’assureur de son droit à la subrogation. Il doit subsister un droit d’action contre l’auteur du délit au moment où la demande d’indemnité est présentée contre l’assureur. Il ne suffit pas qu’un droit d’action existe à la date de l’accident. On n’a pas utilisé le passé, mais bien le présent de l’indicatif dans l’expression « a le droit de recouvrer ». Les intimées n’avaient pas de droit de recouvrement à la date de présentation de leur demande d’indemnité contre l’appelante.

La subrogation est une question de fond et non de forme. Le fait que les intimées ont signé une convention de limitation plutôt qu’une renonciation à la cause d’action n’a pas beaucoup d’importance, car, dans les deux cas, l’assureur est empêché de recouvrer le montant de son paiement. L’appelante n’avait pas assumé le risque de la perte totale des intimées, mais plutôt celui de leur perte réduite, du moins potentiellement, du fait de la cession en faveur de l’assureur de tous les moyens légitimes possibles d’obtenir un remboursement. Bien que le droit de subrogation ne puisse être exercé qu’après le paiement de l’indemnité, il s’agit d’un droit conditionnel qui prend naissance dès la signature de la police. L’imposition, par la Cour, d’une nouvelle exigence selon laquelle l’assureur dont on nie le droit à la subrogation doit d’abord prouver qu’il encourt de ce fait une « perte réelle ou probable » fait fi du libellé de l’avenant SEF 44 et créera inutilement de l’incertitude quant à son application pratique quotidienne. Le montant que l’assuré a le droit de recouvrer est déterminé par le contrat d’assurance et l’avenant SEF 44 stipule explicitement que la subrogation fait partie de la convention globale à laquelle les deux parties au contrat d’assurance ont souscrit. Si l’assuré a porté atteinte aux droits de subrogation de l’assureur, alors ce dernier peut rejeter la demande d’indemnité.

L’appelant ne pouvait pas demander l’annulation de la convention de limitation en invoquant le par. 278(6) de la Loi sur les assurances, parce que cette disposition est censée protéger les intérêts d’un assureur qui a versé une indemnité à l’assuré ou assumé la responsabilité à cet égard. Elle ne limite pas la capacité de régler une action d’un demandeur qui n’a pas présenté (et peut ne jamais présenter) une demande d’indemnité contre l’assureur. Permettre à l’assureur qui n’avait aucun intérêt à l’époque de venir plusieurs années après le règlement contester la validité de la convention de limitation aurait pour effet d’insérer un élément d’incertitude dans le processus de règlement et de porter atteinte au caractère définitif des instances.


Parties
Demandeurs : Somersall
Défendeurs : Friedman

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge Iacobucci
Arrêts examinés : Johnson c. Wunderlich (1986), 57 O.R. (2d) 600
Chambo c. Musseau (1993), 15 O.R. (3d) 305
DeLuca c. Motor Vehicle Accident Indemnification Corp., 215 N.E.2d 482 (1966)
Wheeless c. St. Paul Fire and Marine Insurance Co., 181 S.E.2d 144 (1971)
distinction d’avec les arrêts : Fogarty c. Co‑operators Group Ltd., [1990] I.L.R. ¶ 1-2545
Nielsen c. Co-operators General Insurance Co. (1997), 209 A.R. 177
Kraeker Estate c. Insurance Corp. of British Columbia (1992), 93 D.L.R. (4th) 431
arrêts mentionnés : Burns c. Ferri (1994), 16 O.R. (3d) 569
Frenette c. Métropolitaine (La), cie d’assurance-vie, [1992] 1 R.C.S. 647
University of Saskatchewan c. Fireman’s Fund Insurance Co. of Canada (1997), 158 Sask. R. 223
State Farm Mutual Automobile Insurance Co. c. Griffin, 286 So.2d 302 (1973)
Rhault c. Tsagarakos, 361 F.Supp. 202 (1973)
Glover c. Tennessee Farmers Mutual Insurance Co., 468 S.W.2d 727 (1971)
Conteh c. Allstate Insurance Co., 782 A.2d 748 (2001)
Non-Marine Underwriters, Lloyd’s of London c. Scalera, [2000] 1 R.C.S. 551, 2000 CSC 24
Derksen c. 539938 Ontario Ltd., [2001] 3 R.C.S. 398, 2001 CSC 72
July c. Neal (1986), 57 O.R. (2d) 129
Castellain c. Preston (1883), 11 Q.B.D. 380
A.F.G. Insurances Ltd. c. City of Brighton (1972), 126 C.L.R. 655
Pacific Coyle Navigation Co. c. Ruby General Insurance Co. (1954), 12 W.W.R. (N.S.) 715
Ontario Health Insurance Plan c. United States Fidelity and Guaranty Co. (1989), 68 O.R. (2d) 190
Confederation Life Insurance Co. c. Causton (1989), 38 C.C.L.I. 1
Globe & Rutgers Fire Insurance Co. c. Truedell (1927), 60 O.L.R. 227
Commercial Union Assurance Co. c. Lister (1874), L.R. 9 Ch. App. 483
Beausoleil c. Canadian General Insurance Co. (1992), 8 O.R. (3d) 754
Puckett c. Liberty Mutual Insurance Co., 477 S.W.2d 811 (1971)
Sahloff c. Western Casualty & Surety Co., 171 N.W.2d 914 (1969).
Citée par le juge Binnie (dissident)
Guardian Assurance Co. c. Town of Chicoutimi (1915), 51 R.C.S. 562
Simpson c. Thomson (1877), 3 App. Cas. 279
Kraeker Estate c. Insurance Corp. of British Columbia (1992), 93 D.L.R. (4th) 431
Nielsen c. Co-operators General Insurance Co. (1997), 209 A.R. 177
Johnson c. Wunderlich (1986), 57 O.R. (2d) 600
Chambo c. Musseau (1993), 15 O.R. (3d) 305
July c. Neal (1986), 57 O.R. (2d) 129
Ledingham c. Ontario Hospital Services Commission, [1975] 1 R.C.S. 332
Glynn c. Scottish Union & National Insurance Co., [1963] 2 O.R. 705, inf. [1963] 1 O.R. 599
John Edwards & Co. c. Motor Union Insurance Co., [1922] 2 K.B. 249
Hobbs c. Marlowe, [1978] A.C. 16
Colonial Furniture Co. (Ottawa) Ltd. c. Saul Tanner Realty Ltd. (2001), 52 O.R. (3d) 539
Napier c. Hunter, [1993] A.C. 713
Castellain c. Preston (1883), 11 Q.B.D. 380
Beausoleil c. Canadian General Insurance Co. (1992), 8 O.R. (3d) 754
Fogarty c. Co-operators Group Ltd., [1990] I.L.R. ¶ 1-2545
Khederlarian c. Safeco Insurance Co., C. Ont. (Div. gén.), 16 juin 1992
Birtles c. Dominion of Canada General Insurance Co. (1986), 46 Alta. L.R. (2d) 193
Barton c. Aitchison (1982), 39 O.R. (2d) 282
Re Pitts Insurance Co. (1982), 44 C.B.R. (N.S.) 133
Burns c. Ferri (1994), 16 O.R. (3d) 569, inf. (1992), 8 O.R. (3d) 11
Transnational Insurance Co. c. Simmons, 507 P.2d 693 (1973)
DeLuca c. Motor Vehicle Accident Indemnification Corp., 215 N.E.2d 482 (1966)
Allstate Insurance Co. c. Skeeters, 846 F.2d 932 (1988)
Biafore c. Bates-Pasis Leasing Inc. (1976), 11 O.R. (2d) 409
Toronto Hydro-Electric Commissioners c. Budget Car Rental Toronto Ltd. (1983), 43 O.R. (2d) 539.
Lois et règlements cités
Insurance Act Regulations, R.R.O. 1980, Règl. 535, art. 4(1) [maintenant R.R.O. 1990, Règl. 676].
Loi de 1986 sur le droit de la famille, L.O. 1986, ch. 4, art. 61.
Loi sur les assurances, L.R.O. 1990, ch. I.8, art. 278(1), (6).
Règles de procédure civile, R.R.O. 1990, Règl. 194, règle 21.01.
Doctrine citée
Birds’ Modern Insurance Law, 5th ed. by John Birds and Norma J. Hird. London : Sweet & Maxwell, 2001.
Brown, Craig. Insurance Law in Canada, vol. 1. Scarborough, Ont. : Carswell, 1999 (loose-leaf updated 2001, release 2).
Ivamy, E. R. Hardy. General Principles of Insurance Law, 6th ed. London : Butterworths, 1993.
Jerry, Robert H. Understanding Insurance Law, 2nd ed. New York : Matthew Bender, 1996.
MacGillivray on Insurance Law, 9th ed. by Nicholas Legh-Jones, general editor. London : Sweet & Maxwell, 1997.
Ytreberg, Dag E. « Insured’s Right to Bring Direct Action Against Insurer for Uninsured Motorist Benefits », 73 A.L.R. 3d 632 (1976).

Proposition de citation de la décision: Somersall c. Friedman, 2002 CSC 59 (8 août 2002)


Origine de la décision
Date de la décision : 08/08/2002
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : 2002 CSC 59 ?
Numéro d'affaire : 27851
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2002-08-08;2002.csc.59 ?
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