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30/10/2003 | CANADA | N°2003_CSC_59

Canada | Gurniak c. Nordquist, 2003 CSC 59 (30 octobre 2003)


Gurniak c. Nordquist, [2003] 2 R.C.S. 652, 2003 CSC 59

Edward J. Nordquist et Domo Gasoline Corporation Ltd. Appelants

c.

Patricia Gurniak, Valerie Michelle Ross et Shannon Lee Ross,

représentées par leur tutrice à l’instance, Patricia Gurniak Intimées

Répertorié : Gurniak c. Nordquist

Référence neutre : 2003 CSC 59.

No du greffe : 28898.

2003 : 12 mars; 2003 : 30 octobre.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Gonthier, Iacobucci, Major, Bastarache, Binnie, Arbour, LeBel et Deschamps.

en appel de la co

ur d’appel de la colombie-britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (2001), 9...

Gurniak c. Nordquist, [2003] 2 R.C.S. 652, 2003 CSC 59

Edward J. Nordquist et Domo Gasoline Corporation Ltd. Appelants

c.

Patricia Gurniak, Valerie Michelle Ross et Shannon Lee Ross,

représentées par leur tutrice à l’instance, Patricia Gurniak Intimées

Répertorié : Gurniak c. Nordquist

Référence neutre : 2003 CSC 59.

No du greffe : 28898.

2003 : 12 mars; 2003 : 30 octobre.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Gonthier, Iacobucci, Major, Bastarache, Binnie, Arbour, LeBel et Deschamps.

en appel de la cour d’appel de la colombie-britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (2001), 93 B.C.L.R. (3d) 199, 156 B.C.A.C. 149, 15 M.V.R. (4th) 155, 33 C.C.L.I. (3d) 36, [2001] B.C.J. No. 1793 (QL), 2001 BCCA 515, qui a confirmé les décisions de la Cour suprême de la Colombie-Britannique (1997), 34 B.C.L.R. (3d) 206, 43 C.C.L.I. (2d) 132, 27 M.V.R. (3d) 314, [1997] B.C.J. No. 1093 (QL) et [1999] B.C.J. No. 1473 (QL). Pourvoi accueilli.

Avon M. Mersey et Michael Sobkin, pour les appelants.

Patrice M. E. Abrioux, David A. Joyce et Jean Renaud, pour les intimées.

Version française des motifs de la juge en chef McLachlin et du juge Gonthier rendus par

1 Le juge Gonthier — Je souscris au dispositif proposé par le juge Iacobucci en l’espèce. Toutefois, je préférerais décider le présent pourvoi sans infirmer l’arrêt Jang c. Jang (1991), 54 B.C.L.R. (2d) 121 (C.A.), sur la question dite de l’obligation de correspondance. À mon avis, la difficulté dans l’affaire dont nous sommes saisis découle de la conclusion du juge Cumming de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique dans l’arrêt Buksh c. Franco (1997), 54 B.C.L.R. (3d) 288, selon laquelle l’Insurance (Motor Vehicle) Act, R.S.B.C. 1996, ch. 231 (auparavant R.S.B.C. 1979, ch. 204), n’a pas pour objet d’indemniser les intéressés de leurs pertes. Bien que cette loi n’exige pas la preuve d’une perte, ce facteur n’est pas à lui seul déterminant eu égard au contexte législatif. Selon moi, la loi en question vise clairement à indemniser partiellement les pertes résultant des accidents d’automobile.

2 Bien que les parties aient soulevé la question du bien-fondé de l’obligation de correspondance, elles ne nous ont présenté aucune observation sur l’effet que pourrait avoir, dans d’autres ressorts canadiens, l’infirmation de l’arrêt Jang. Cet arrêt a été adopté et appliqué par la Cour d’appel de l’Ontario dans une série de décisions portant sur l’interprétation du par. 267(1) de la Loi sur les assurances, L.R.O. 1990, ch. I.8. Voir Bannon c. McNeely (1998), 38 O.R. (3d) 659; Matt c. Barber (2002), 162 O.A.C. 34; Brownell c. Tannahill (2000), 52 O.R. (3d) 227; Macartney c. Warner (2000), 46 O.R. (3d) 669; Gignac c. Neufeld (1999), 43 O.R. (3d) 741; Quiroz c. Wallace (1998), 40 O.R. (3d) 737. Cette jurisprudence n’a pas été portée à notre attention par les parties et n’a pas fait l’objet d’observations. Force m’est de conclure qu’en infirmant l’arrêt Jang notre Cour sera nécessairement présumée avoir également infirmé ces décisions ontariennes. À mon sens, la prudence dont doivent faire montre les tribunaux commande que notre Cour se garde d’adopter cette solution tant que la question de l’obligation de correspondance ne nous sera pas directement soumise et n’aura pas été pleinement débattue.

3 La démarche retenue par le juge Iacobucci peut fort bien être efficace en pratique, mais elle ne m’en paraît pas moins contraire au sens commun. Dans les faits, les victimes de délits se verront contraintes de rechercher une double indemnisation pour éviter la sous-indemnisation. Si, dans leur action en responsabilité délictuelle, elles ne réclament pas l’indemnisation des pertes dont elles ont déjà été dédommagées en vertu du texte de loi applicable, le montant total des dommages-intérêts qu’elles recevront sera réduit des prestations prévues par le texte de loi, indépendamment du chef de perte que ces dommages-intérêts sont censés compenser. Je ne vois pas comment cela favorise la réalisation de l’objectif du législateur, soit d’éviter la double indemnisation. À mon avis, il ne devrait y avoir déduction que dans les cas où le défaut de le faire entraînerait une double indemnisation.

4 Contrairement au juge Iacobucci, je ne considère pas que le respect de l’obligation de correspondance soit une tâche particulièrement lourde ou complexe. La notion de chef de dommage est une notion familière. De fait, la décision de l’écarter semble curieuse, voire injuste. Selon moi, l’obligation de correspondance décrite dans l’arrêt Jang est confirmée par le texte de la loi de la Colombie-Britannique et, de manière peut-être plus éloquente encore, par 12 années d’application par les tribunaux sans intervention de la part du législateur. Bref, je ne vois aucune raison d’ordre théorique ou pratique justifiant d’infirmer l’arrêt Jang à ce moment-ci. Aussi, j’hésite à le faire sur le fondement d’une argumentation incomplète.

Version française du jugement des juges Iacobucci, Major, Bastarache, Binnie, Arbour, LeBel et Deschamps rendu par

5 Le juge Iacobucci — Monsieur Robert Ross, qui était assuré au Québec, est mort tragiquement dans un accident d’automobile survenu en Colombie-Britannique. Sa conjointe de fait, Patricia Gurniak et les deux enfants du couple ont touché, relativement à cet accident, les indemnités de décès prévues par la loi dans le cadre du régime d’indemnisation sans égard à la responsabilité administré par la Société de l’assurance automobile du Québec (« SAAQ »). Mme Gurniak a ensuite intenté une action en responsabilité délictuelle en Colombie-Britannique et un règlement est intervenu avec l’assureur. Les parties ont convenu de considérer ce règlement comme un jugement pour les besoins du présent pourvoi et, en particulier, aux fins d’examen de la question de la déductibilité.

6 La présente affaire porte essentiellement sur l’interprétation qu’il convient de donner à l’art. 25 de la loi de la Colombie-Britanique intitulée Insurance (Motor Vehicle) Act, R.S.B.C. 1996, ch. 231. Suivant la définition qu’en donne cet article aux fins de détermination des sommes déductibles, le mot [traduction] « prestations » s’entend également des prestations versées en vertu d’autres contrats ou régimes d’assurance automobile établis ou en vigueur, selon le cas, à quelque endroit que ce soit, dans la mesure où de telles prestations sont [traduction] « similaires » à celles décrites à la partie 6 de l’Insurance Act de la Colombie‑Britannique, R.S.B.C. 1996, ch. 226.

7 À mon avis, les indemnités qui ont été versées à Mme Gurniak et à ses enfants à l’égard de l’accident en vertu de la Loi sur l’assurance automobile du Québec, L.R.Q., ch. A‑25 (la « Loi québécoise »), sont des prestations de nature similaire à celles prévues par l’Insurance Act de la Colombie-Britannique. Une fois tranchée la question de savoir si ces indemnités et prestations sont similaires au sens du par. 25(1), toutes les indemnités reçues en vertu d’un texte de loi doivent, en application du par. 25(2) de l’Insurance (Motor Vehicle) Act, être déduites du montant total des dommages-intérêts délictuels.

8 Je conclus donc que l’obligation des appelants devrait être réduite de la somme totale reçue par Mme Gurniak et ses enfants en raison de la mort de M. Ross au titre des indemnités versées au conjoint et aux personnes à charge en vertu de la Loi québécoise. En conséquence, j’accueillerais le pourvoi.

I. Les faits

9 Le 14 novembre 1991, en Colombie-Britannique, un véhicule appartenant à l’appelante Domo Gasoline Corporation Ltd. et conduit par l’appelant Edward J. Nordquist a quitté la chaussée et est monté sur un trottoir, causant la mort de Robert Bruce Ross. Au moment de l’accident, ce dernier et sa conjointe de fait, Patricia Gurniak, résidaient au Québec avec leurs deux enfants.

10 La SAAQ administre le régime public d’assurance automobile qui s’applique aux résidents du Québec et dont les conditions sont énoncées dans la Loi québécoise. Le régime québécois d’indemnisation sans égard à la responsabilité vise à remplacer le régime de la responsabilité civile extracontractuelle. La mort de M. Ross dans l’accident d’automobile survenu hors du Québec a donné aux intimées, Mme Gurniak et ses enfants, le droit d’être indemnisées conformément à cette loi.

11 En vertu de la Loi québécoise, Mme Gurniak a reçu une indemnité de décès forfaitaire en faveur du conjoint ainsi qu’une somme forfaitaire au titre des indemnités pour personnes à charge en sa qualité de tutrice de ses deux enfants. Une somme additionnelle lui a aussi été versée par la SAAQ à l’égard des frais funéraires. Le paiement des indemnités versées par la SAAQ est financé au moyen des droits ou primes d’assurance perçus par celle-ci auprès de l’ensemble des propriétaires d’automobiles immatriculées au Québec et des titulaires de permis de conduire délivrés dans cette province. Avant son accident, M. Ross avait payé de telles sommes à la SAAQ.

12 L’article 83.60 de la Loi québécoise précise que la SAAQ dispose d’un droit de subrogation lorsqu’elle dédommage une personne à la suite d’un accident survenu hors du Québec et que cette dernière reçoit, au terme d’une action en responsabilité délictuelle, une indemnité relativement à cet accident.

13 Mme Gurniak a intenté une action en Colombie-Britannique en vertu de la Family Compensation Act, R.S.B.C. 1979, ch. 120 (maintenant R.S.B.C. 1996, ch. 126), en son propre nom ainsi qu’au nom de ses deux enfants en qualité de tutrice à l’instance. Dans cette action, Mme Gurniak a réclamé des dommages-intérêts pour les pertes résultant de la mort de son conjoint de fait.

14 Les appelants ont sollicité un jugement déclaratoire portant que les indemnités (« benefits » dans la version anglaise de la Loi québécoise) versées aux intimées par la SAAQ constituaient des [traduction] « prestations » au sens de l’art. 25 de l’Insurance (Motor Vehicle) Act de la Colombie‑Britannique et devaient être déduites de tous dommages-intérêts accordés en vertu de la Family Compensation Act.

15 Au procès, le juge Bauman de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a estimé que l’indemnité de décès et l’indemnité pour frais funéraires versées à Mme Gurniak constituaient effectivement des [traduction] « prestations » au sens du par. 25(1) de l’Insurance (Motor Vehicle) Act, puisqu’elles étaient de nature similaire à celles prévues à la partie 6 de l’Insurance Act de la Colombie-Britannique. Il a cependant conclu que les sommes versées aux enfants n’étaient pas similaires aux prestations payables en vertu de la partie 6 de l’Insurance Act de la Colombie‑Britannique et n’étaient donc pas des [traduction] « prestations » au sens du par. 25(1) de l’Insurance (Motor Vehicle) Act.

16 Les parties ont par la suite réglé leur différend, sauf pour la question de la réduction de l’obligation pour tenir compte des indemnités versées par la SAAQ. Pour trancher la question de la déductibilité, elles ont convenu de considérer ce règlement comme un jugement. Les parties ont demandé au juge Bauman de décider si le montant des indemnités payées par la SAAQ devait être soustrait soit de l’ensemble de la somme versée en règlement, soit d’une partie de celle-ci. Le juge Bauman a rejeté la demande, s’appuyant sur le raisonnement suivi par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans les arrêts Jang c. Jang (1991), 54 B.C.L.R. (2d) 121, et Buksh c. Franco (1997), 54 B.C.L.R. (3d) 288.

17 Les appelants ont porté les deux décisions en appel, mais ils ont été déboutés.

II. L’historique des procédures judiciaires

A. Cour suprême de la Colombie-Britannique (1997), 34 B.C.L.R. (3d) 206 (« Gurniak no 1»)

18 Le juge Bauman a énoncé ainsi les deux questions dont il était saisi : (1) Les indemnités de la SAAQ ont-elles été versées en vertu d’un contrat ou d’un régime d’assurance automobile établi ou en vigueur, selon le cas, à quelque endroit que ce soit? (2) Ces prestations constituaient-elles des prestations d’assurance accident similaires à celles décrites à la partie 6 de l’Insurance Act? Relativement à la première question, il a souligné que la SAAQ n’avait pas contesté l’assertion des défendeurs selon laquelle les indemnités qu’elle verse sont effectivement payables en vertu d’un contrat ou régime d’assurance automobile. Examinant ensuite la question plus difficile de savoir si les indemnités de la SAAQ étaient effectivement similaires à celles prévues à la partie 6 de l’Insurance Act, le juge Bauman a fait observer qu’il fallait plutôt comparer les indemnités de la SAAQ à celles prévues aux art. 152, 169 et 175 de l’Insurance Act et à l’annexe de cette loi.

19 Le juge Bauman a estimé que, bien que leur quantum diffère considérablement, les prestations payables en vertu de l’Insurance Act de la Colombie‑Britannique étaient de nature similaire à celles payées par la SAAQ, sauf en ce qui concerne les indemnités forfaitaires de décès en faveur des enfants. À son avis, il n’existe aucune similarité entre la Loi québécoise et l’Insurance Act de la Colombie-Britannique sur ce dernier point, étant donné que sous le régime de la Loi québécoise, contrairement à celle de la Colombie-Britannique, les enfants à charge reçoivent les indemnités forfaitaires de leur chef.

20 Il s’est ensuite demandé si les indemnités payables par la SAAQ à Mme Gurniak étaient « similaires » à celles payables en vertu de l’Insurance Act de la Colombie-Britannique. Après avoir étudié la définition que donne le dictionnaire du mot anglais « similar », le juge Bauman a conclu, au par. 58, que [traduction] « [b]ien que les paiements faits à Mme Gurniak en vertu du régime québécois soient substantiellement plus élevés, ils ont la même nature générale, le même caractère général que ceux effectués en vertu de la partie 6 de l’Insurance Act. » Il a ordonné que soit prononcé un jugement déclaratoire portant que l’indemnité payée par la SAAQ à Mme Gurniak personnellement constituait une « prestation » au sens du par. 25(1) de l’Insurance (Motor Vehicle) Act.

B. Cour suprême de la Colombie-Britannique, [1999] B.C.J. No. 1473 (QL) (« Gurniak no 2 »)

21 Dans l’arrêt Gurniak no 2, le juge Bauman a souligné que l’action des demanderesses relativement au décès de M. Ross avait fait l’objet d’un règlement. L’affaire avait été renvoyée au juge de première instance pour qu’il décide si l’indemnité de décès en faveur du conjoint devait, en application de l’art. 25 de l’Insurance (Motor Vehicle) Act, être soustraite soit de l’ensemble de la somme versée en règlement, soit d’une partie de celle-ci.

22 Le juge Bauman a fait observer que, depuis le prononcé de l’arrêt Gurniak no 1, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique avait déposé ses motifs dans l’arrêt Buksh. Il a estimé que la question préliminaire à trancher dans l’arrêt Gurniak no 2 était de savoir si le raisonnement suivi dans Buksh s’appliquait aux prestations de décès prévues à la partie 6 de l’Insurance Act, de telle sorte que ces prestations devraient être qualifiées de paiements non indemnitaires. Il a souligné que, sans être identiques, les prestations prévues à la partie 6 d’une part et celles prévues à la partie 7 du Revised Regulation (1984) Under the Insurance (Motor Vehicle) Act, B.C. Reg. 447/83 (le « Règlement ») d’autre part étaient très similaires. Dans les deux cas, il s’agit de prestations établies par une disposition législative et le demandeur n’est pas tenu d’apporter la preuve de quelque perte ou besoin concret. Le juge Bauman a conclu que la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Buksh était effectivement applicable aux prestations prévues à la partie 6 et que celles-ci n’ont pas un caractère indemnitaire.

23 La question suivante, selon le juge Bauman, consistait à se demander si les indemnités versées par la SAAQ étaient déductibles par application de l’art. 25, compte tenu de la conclusion tirée dans l’affaire Gurniak no 1 selon laquelle les indemnités de la SAAQ sont similaires aux prestations de décès prévues à la partie 6 de l’Insurance Act. La réponse à cette question dépendait de celle de savoir s’il était juste de qualifier de paiements indemnitaires les indemnités versées par la SAAQ, eu égard à l’analyse énoncée dans Buksh. Le juge Bauman a estimé que, vu sa conclusion que les indemnités versées par la SAAQ étaient « similaires », au sens du par. 25(1) de l’Insurance (Motor Vehicle) Act, aux indemnités de décès prévues à la partie 6 de celle-là, il ne lui était pas loisible de conclure que les premières constituaient des paiements indemnitaires. Il a exprimé l’opinion que des indemnités ne pouvaient pas être « similaires », au sens du par. 25(1), aux prestations de la partie 6 et en même temps différer de celles-ci en tant que paiements « indemnitaires » ou « non indemnitaires ».

24 Le juge Bauman s’est également demandé si, indépendamment du résultat dicté par l’arrêt Buksh et sa propre conclusion dans l’affaire Gurniak no 1, les indemnités de la SAAQ tenaient de la nature d’un contrat d’indemnisation. Après avoir étudié la preuve par affidavit émanant de deux avocats du Québec, le juge Bauman a conclu que les versements faits en vertu du régime de la SAAQ ne constituaient pas des paiements indemnitaires, puisqu’ils étaient exigibles dès qu’un événement précis était prouvé, que la personne présentant la demande ait ou non subi une perte pécuniaire. Le juge a indiqué que, [traduction] « [b]ien que le montant de l’indemnité varie en fonction du revenu et de l’âge de la victime [. . .], la somme versée ne devient pas de ce seul fait un paiement indemnitaire » (par. 43). L’élément essentiel d’un paiement indemnitaire était manifestement absent, à savoir la nécessité pour le survivant d’apporter la preuve d’une perte concrète.

25 Le juge Bauman s’est ensuite penché sur la question du droit de subrogation accordé à la SAAQ par la Loi québécoise. Il a rejeté l’argument selon lequel un droit de subrogation suppose l’existence d’un contrat d’indemnisation. À son avis, il est plus juste de dire qu’un contrat d’indemnisation fait naître un droit de subrogation. Le juge Bauman a estimé que, [traduction] « [d]u seul fait que la loi confère à la SAAQ certains droits lui permettant de se substituer au bénéficiaire dans un litige extraprovincial, il ne s’ensuit pas nécessairement que les sommes versées à cette personne doivent être considérées comme payées en application d’un contrat d’indemnisation » (par. 47).

26 Enfin, le juge Bauman a indiqué qu’il devait décider lequel des deux assureurs, la SAAQ ou l’Insurance Corporation of British Columbia (« ICBC »), supporterait les 193 200 $ versés à Mme Gurniak personnellement. Comme le par. 25(1) de l’Insurance (Motor Vehicle) Act n’était d’aucune utilité pour les assureurs de la Colombie-Britannique eu égard à l’analyse énoncée dans l’arrêt Buksh, le juge Bauman a rejeté la requête de l’ICBC sollicitant la déduction de la somme payée par la SAAQ conformément à la Loi québécoise.

C. Cour d’appel de la Colombie-Britannique (2001), 93 B.C.L.R. (3d) 199, 2001 BCCA 515

27 S’exprimant pour la cour, le juge Hall n’a pas estimé nécessaire de trancher la question de la [traduction] « similarité », ayant conclu que l’argument des défendeurs fondé sur la déductibilité des paiements en litige devait être rejeté, vu la réponse donnée à la question du caractère indemnitaire. Après un examen assez détaillé de la jurisprudence pertinente concernant la distinction entre les contrats d’indemnisation et les contrats n’ayant pas ce caractère, il a jugé que, bien que sous certains aspects les paiements pour perte de revenu versés en vertu de la Loi québécoise participaient d’une indemnité, il était impossible d’en dire autant des indemnités de décès prévues par le régime de la SAAQ. En particulier, la personne survivante n’était aucunement tenue d’établir l’existence d’une perte pécuniaire concrète.

28 Tout comme le juge Bauman, il a considéré que la décision rendue plus tôt par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’affaire Buksh militait contre l’acceptation de l’argument de l’ICBC selon lequel les paiements faits par la SAAQ pouvaient être qualifiés de paiements indemnitaires et être déduits.

29 Le juge Hall a reconnu que les décisions antérieures sur les contrats d’indemnisation n’avaient pas porté sur un régime public du genre de celui en vigueur au Québec, et que n’était effectivement pas dénué de logique l’argument de l’ICBC selon lequel le résultat n’était pas entièrement satisfaisant du fait qu’il était possible, dans une certaine mesure, d’y voir un cas de double indemnisation. Cependant, compte tenu de l’arrêt Buksh, il a considéré qu’il serait contraire à l’esprit de la règle du stare decisis de retenir la thèse des appelants en l’espèce. En conséquence, il a jugé que la décision du juge Bauman sur la question du caractère indemnitaire devait être maintenue et que les appels devaient être rejetés.

III. Analyse

30 En l’espèce, la principale question consiste à déterminer si les prestations qui, en raison de l’accident, ont été versées à Mme Gurniak et à ses enfants en application du régime d’indemnisation sans égard à la responsabilité en vigueur au Québec sont déductibles, en vertu de l’art. 25 de l’Insurance (Motor Vehicle) Act de la Colombie-Britannique, des dommages-intérêts délictuels accordés dans cette province. Pour trancher cette question, il suffit de lire le texte de l’art. 25, qui précise que les prestations prévues par la loi en cas d’accident sont déduites de la somme obtenue au titre des dommages-intérêts délictuels, lorsqu’il est démontré que ces prestations sont « similaires » à celles prévues à la partie 6 de l’Insurance Act de la Colombie-Britannique. L’article 25 de l’Insurance (Motor Vehicle) Act de la Colombie-Britannique est rédigé ainsi :

[traduction]

25 (1) Pour l’application du présent article et de l’article 26, « prestation » s’entend des paiements faits ou pouvant être faits en vertu d’un régime établi en application de la présente loi en cas de décès ou de préjudices corporels, à l’exclusion des paiements effectués en vertu d’un contrat d’assurance responsabilité civile ou des obligations découlant d’un régime d’assurance responsabilité civile; sont visées par la présente définition les prestations d’assurance accident similaires à celles décrites à la partie 6 de l’Insurance Act et versées en application d’un contrat ou régime d’assurance automobile établi ou en vigueur, selon le cas, en quelque lieu que ce soit.

(2) La personne qui réclame des dommages-intérêts et qui reçoit ou a le droit de recevoir des prestations à l’égard de la réclamation est réputée avoir renoncé à cette réclamation dans la mesure des prestations reçues. [Je souligne.]

31 Je partage l’avis du juge Bauman selon lequel l’art. 25 oblige le tribunal à se demander si les prestations payables en vertu de la Loi québécoise sont [traduction] « de nature similaire » à celles payables en vertu de l’Insurance Act de la Colombie-Britannique. Il est évident que « similaire » ne veut pas dire « identique ». Des prestations de nature similaire peuvent différer quant au quantum. Le qualificatif « similaire » ne vise pas le système juridique de l’endroit où sont versées les prestations, le régime global en vertu duquel celles-ci sont administrées ou la procédure juridique au moyen de laquelle elles sont réclamées. À mon sens, en utilisant le mot « similaire » dans ce contexte, le législateur voulait exprimer le principe que les prestations concernées doivent posséder la même nature générale ou le même caractère général que les prestations décrites à la partie 6 de l’Insurance Act de la Colombie-Britannique.

32 Il n’est pas nécessaire, à mon avis, de procéder à une comparaison exhaustive des prestations payables en vertu des deux régimes, puisque l’on constate aisément qu’elles sont en fait largement « similaires » au sens du par. 25(1) de l’Insurance (Motor Vehicle) Act. Bien que leur quantum soit très différent, les prestations payables en vertu de la Loi québécoise en cas d’accident possèdent la même nature générale ou le même caractère général que celles décrites à la partie 6 de l’Insurance Act de la Colombie-Britannique. Conformément à ces deux lois, des indemnités de décès forfaitaires sont payables au conjoint et aux personnes à charge d’un assuré décédé. Ces prestations sont calculées suivant une formule ou un barème prédéterminé et elles visent à compenser totalement ou partiellement les pertes financières causées par le décès de l’assuré.

33 Je reconnais que le régime d’indemnisation sans égard à la responsabilité en vigueur au Québec est unique, en ce qu’il a été conçu pour remplacer le régime de la responsabilité civile extracontractuelle comme mécanisme de réparation des pertes subies par suite d’un accident d’automobile. Dans la plupart des autres provinces, y compris en Colombie-Britannique, le droit applicable n’exclut pas entièrement le droit d’ester en justice, accordant en échange une indemnisation comparativement plus complète en vertu d’un régime légal d’assurance sans égard à la responsabilité. Bien qu’il s’agisse là d’une différence appréciable entre le régime général de la Colombie‑Britannique et celui du Québec, cela ne signifie pas que les prestations versées en application de ces régimes ne sont pas « similaires » au sens de l’art. 25 de l’Insurance (Motor Vehicle) Act de la Colombie-Britannique. Dans l’analyse de la similarité requise pour l’application de cette disposition, il faut seulement se demander si les prestations — et non les régimes d’assurance globalement — possèdent la même nature générale ou le même caractère général.

34 En toute déférence, je dois également exprimer mon désaccord avec la conclusion du juge de première instance selon laquelle les prestations accordées aux personnes à charge ne sont pas similaires au sens de la loi de la Colombie-Britannique parce que celle-ci exige qu’elles soient versées non pas directement aux enfants eux‑mêmes mais plutôt à Mme Gurniak en sa qualité de tutrice à l’instance. À mon avis, l’identité du bénéficiaire légal des prestations n’est pas pertinente, dans la mesure où les prestations elles-mêmes sont similaires à celles décrites dans l’Insurance Act de la Colombie‑Britannique. En l’espèce, les prestations prévues par les deux régimes visent à indemniser les personnes à charge des pertes financières causées par le décès d’un tuteur. Les modalités de paiement de la prestation en cause ne modifient pas sa nature fondamentale.

35 Par conséquent, tant les indemnités de décès payables au conjoint que celles payables aux personnes à charge en vertu du régime public en vigueur au Québec sont « similaires », au sens du par. 25(1) de l’Insurance (Motor Vehicle) Act, aux prestations prévues à la partie 6 de l’Insurance Act de la Colombie-Britannique. Une fois la « similarité » établie conformément au par. 25(1), il s’ensuit que pour éviter la double indemnisation les prestations accordées par la loi doivent être déduites en application du par. 25(2) de l’Insurance (Motor Vehicle) Act. Cette disposition précise que la personne qui réclame des dommages-intérêts et qui reçoit ou a le droit de recevoir des prestations à cet égard est réputée avoir renoncé à sa réclamation dans la mesure de ces prestations.

36 Selon les intimées et la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, l’analyse est plus complexe. Dans deux de ses décisions, à savoir les arrêts Jang et Buksh, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a importé dans l’analyse prévue par l’art. 25 des exigences additionnelles — que les appelants qualifient de [traduction] « commentaires judiciaires ».

37 Dans l’arrêt Jang, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique s’est demandé si les prestations d’invalidité versées à une personne au foyer devaient être déduites des dommages-intérêts généraux accordés au titre des pertes non pécuniaires. La cour a indiqué que les dommages-intérêts accordés à ce titre l’avaient été pour les douleurs et souffrances et pour la perte de certains agréments de la vie, notamment une diminution du goût de vivre. Aucune partie des dommages‑intérêts pour les pertes non pécuniaires n’avait été spécifiquement affectée à l’aspect des souffrances qui pourrait être imputé à l’incapacité de la demanderesse d’accomplir ses travaux ménagers. Le juge Lambert a dit ceci au par. 13 :

[traduction] L’idée à la base de l’art. 24 [maintenant l’art. 25] de l’Insurance (Motor Vehicle) Act est qu’une même perte ne devrait pas être indemnisée deux fois. Cela ne veut toutefois pas dire que toutes les prestations payées en vertu de la partie 7 doivent, d’une façon ou d’une autre, être déduites du montant global des dommages‑intérêts ou d’un chef donné de ceux-ci. Ce n’est que lorsque la prestation correspond à un chef de dommage particulier qu’elle doit être déduite, et dans un tel cas uniquement de la somme accordée à ce titre. La condition requérant que la prestation corresponde à un chef de réclamation ressort de façon implicite de l’économie de la loi, comme il a été expliqué dans l’arrêt Baart c. Kumar, précité, et de façon explicite du par. 24(2), qui rattache le fait de « réclame[r] des dommages-intérêts » et les « prestations à l’égard de la réclamation. » Je ne crois pas que la réclamation visée soit l’action dans son ensemble; il s’agit plutôt de la réclamation à l’égard d’un chef de perte donné correspondant à un chef d’indemnisation particulier. [Je souligne.]

38 En conséquence, dans l’arrêt Jang la Cour d’appel a conclu qu’il n’y avait pas correspondance entre les prestations versées à Mme Jang au titre de l’incapacité à vaquer aux travaux ménagers et sa réclamation sollicitant des dommages-intérêts généraux pour l’indemniser de ses douleurs et souffrances et de la perte d’agréments de la vie.

39 Dans l’arrêt Buksh, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique s’est demandé si les prestations de décès versées en vertu de la partie 7 du Règlement doivent être déduites de la somme accordée au titre des dommages-intérêts délictuels. L’argument des appelants dans cette affaire était le suivant (au par. 21) :

[traduction] Les appelants soutiennent que, comme les prestations de décès sont fonction de l’âge de la personne décédée et de sa situation dans le ménage, elles visent manifestement l’indemnisation de la perte de la contribution financière de cette personne au ménage. Ils font valoir que l’obligation de correspondance établie dans l’arrêt Jang est respectée en raison de l’objet général de la loi et du fait que l’expression [traduction] « prestations de décès » est essentiellement une expression suffisamment large pour englober divers chefs de dommage. Leur raisonnement est le suivant : comme les prestations de décès sont de nature pécuniaire et sont censées inclure tous les chefs de dommage, elles devraient être déduites de toute somme accordée au titre des dommages-intérêts en vertu de la Family Compensation Act afin d’indemniser les personnes survivantes des pertes pécuniaires causées par le décès. Ne pas le faire entraîne une double indemnisation.

40 Le juge Cumming de la Cour d’appel a exprimé l’avis que l’argument des appelants ne pouvait être retenu que s’il était d’abord établi que les prestations de décès constituent effectivement des paiements à caractère indemnitaire. Si, à l’instar des dommages-intérêts délictuels, ces prestations visent à dédommager d’une perte, elles peuvent alors être déduites de la somme totale accordée. Si, au contraire, les prestations de décès n’ont pas cette finalité, elles ne sont pas déductibles. Le juge Cumming a finalement conclu ainsi, au par. 30 :

[traduction] . . . le texte des articles 92 et 93 du Règlement d’application de l’Insurance (Motor Vehicle) Act est indicatif d’un paiement non indemnitaire. Il n’établit ni obligation de démontrer l’existence d’une perte concrète, ni distinction fondée sur le besoin. De plus, si le but de la loi est d’indemniser d’une perte concrète, il me semble difficile de concilier cet objectif avec le fait que la loi accorde également une prestation de décès pour la perte d’un enfant à charge. Par définition, un enfant à charge — particulièrement s’il a moins de cinq ans — est généralement le bénéficiaire du soutien financier et il ne contribue pas à l’entretien de la famille. À mon avis, il est clair que les prestations de décès prévues aux articles 92 et 93 ne se veulent pas de simples paiements compensatoires. En conséquence, la thèse des appelants doit être rejetée. Une fois qu’il est établi que la prestation ne constitue pas une indemnisation, il est impossible de satisfaire à l’obligation spécifique de correspondance imposée par l’arrêt Jang. [Je souligne.]

41 Dans l’arrêt Buksh, s’appuyant sur les faits propres à cette affaire, la Cour d’appel a jugé que les prestations de décès payables en vertu de la partie 7 du Règlement n’étaient pas des paiements indemnitaires et qu’elles ne pouvaient en conséquence pas être déduites des dommages-intérêts accordés aux deux demandeurs relativement à la mort de leur conjointe respective.

42 Les prestations prévues par la partie 7 du Règlement qui étaient en litige dans l’arrêt Buksh sont essentiellement pareilles ou, pour reprendre les mots utilisés par le juge Bauman, [traduction] « virtuellement identiques » à celles prévues à la partie 6 de l’Insurance Act de la Colombie-Britannique. Ces deux textes pourvoient au versement au conjoint survivant d’un assuré décédé d’une prestation forfaitaire de décès — ou capital-décès — calculée en fonction de l’âge et de la situation de la personne décédée.

43 L’argument avancé par les intimées en l’espèce est essentiellement celui‑ci : l’arrêt Jang requiert qu’il y ait « correspondance » entre la prestation reçue en application du régime public d’assurance automobile et la somme obtenue au titre des dommages-intérêts délictuels. Ce n’est que s’il y a correspondance que la prestation prévue par la loi peut être déduite. Dans la présente affaire, il ne peut y avoir correspondance selon le raisonnement énoncé dans l’arrêt Buksh que si la prestation de décès vise à dédommager de la même perte que les dommages-intérêts généraux accordés dans l’action en responsabilité délictuelle (c.-à-d. si cette prestation peut être qualifiée de contrat d’indemnisation). Étant donné que, dans l’affaire Buksh, la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a refusé de qualifier de contrat d’indemnisation la [traduction] « prestation de décès » versée en vertu de l’Insurance (Motor Vehicle) Act de la Colombie-Britannique, il s’ensuit, de prétendre les intimées, que l’indemnité de décès prévue par la Loi québécoise ne participe pas, elle non plus, du contrat d’indemnisation. En revanche, si cette indemnité de décès peut, d’une façon ou d’une autre, être considérée comme un contrat d’indemnisation, elle ne serait alors pas « similaire », au sens de la loi, aux prestations décrites au par. 25(1). La condition de similarité à laquelle est subordonnée la déduction ne serait donc pas respectée.

44 En toute déférence, j’estime que l’interprétation de la loi proposée par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique et reprise par les intimées pose problème à plusieurs égards. Le premier problème, qui est aussi le plus sérieux, est qu’elle greffe sur les dispositions législatives un élément qui n’y existe tout simplement pas. Je ne suis pas d’accord avec l’affirmation faite dans l’arrêt Jang selon laquelle [traduction] « [l]a condition requérant que la prestation corresponde à un chef de réclamation ressort de façon implicite de l’économie de la loi [. . .] et de façon explicite du par. 24(2) [maintenant le par. 25(2)], qui rattache le fait de “réclame[r] des dommages-intérêts” et les “prestations à l’égard de la réclamation” » (par. 13). Le paragraphe 25(2) de l’Insurance (Motor Vehicle) Act est ainsi rédigé :

[traduction] La personne qui réclame des dommages-intérêts et qui reçoit ou a le droit de recevoir des prestations à l’égard de la réclamation est réputée avoir renoncé à cette réclamation dans la mesure des prestations reçues.

Étant donné que, suivant la définition de « prestations » au par. 25(1), « sont visées par [cette] définition les prestations d’assurance accident similaires à celles décrites à la partie 6 », il s’ensuit que, en l’espèce, les « prestations à l’égard de la réclamation » s’entendent sûrement de l’ensemble des prestations d’assurance accident reçues en vertu de la Loi québécoise relativement au décès de M. Ross. À mon avis, on force le sens du texte de la loi en considérant que les termes « prestations à l’égard de la réclamation » visent les divers chefs de dommage réclamés en vertu du régime de la SAAQ, et en ne permettant ensuite la déduction de ces prestations que dans la mesure où, individuellement, elles coïncident avec des éléments de la somme accordée au titre des dommages-intérêts délictuels. Selon moi, l’expression « prestations à l’égard de la réclamation » s’entend de l’ensemble des prestations versées en vertu du régime de la SAAQ à l’égard de la réclamation présentée par Mme Gurniak pour les dommages résultant du décès de M. Ross dans l’accident automobile. À mon sens, le texte de cette disposition n’a pas pour effet de subordonner la déductibilité à l’existence d’une « correspondance » entre les divers chefs de dommages-intérêts délictuels et les divers chefs de dommage prévus par le contrat ou régime de prestations en cause.

45 Cette interprétation présente l’avantage d’être simple et facile d’application. Elle explique probablement pourquoi la Colombie-Britannique a décidé de ne pas inscrire dans la loi de condition explicite de correspondance, alors qu’il lui aurait été très facile de le faire. Dès que, dans une affaire donnée, le juge de première instance conclut à la similarité générale, au sens du par. 25(1), des prestations prévues par deux régimes, il déduit des dommages-intérêts délictuels toute prestation déjà reçue à l’égard de la réclamation résultant de l’accident automobile. Il n’a pas à se livrer à la tâche lourde et complexe qui consiste à établir la « correspondance » entre un chef de dommage-intérêt délictuel et un chef de dommage donné du régime public. Cette interprétation du par. 25(2) est étayée par le fait que les prestations versées dans le cadre de certains régimes publics ne sont pas toujours nettement rattachées aux différents chefs de dommage qu’elles réparent, et qu’il est de ce fait quasi impossible pour le juge de première instance d’appliquer utilement quelque principe de correspondance que ce soit.

46 Je reconnais qu’il pourrait se présenter des cas exceptionnels où, bien que les prestations soient similaires au sens du par. 25(1), celles accordées en vertu d’un régime public d’assurance ne coïncident pas avec les divers chefs de la somme accordée au titre des dommages-intérêts délictuels, et où le par. 25(2) ne permet pas de réaliser l’objectif qui consiste à prévenir la double indemnisation. Un exemple évident serait le fait de déduire une prestation légale d’accident à caractère compensatoire des dommages-intérêts punitifs obtenus en matière délictuelle. Pareille déduction serait, peut-on soutenir, contraire à la raison d’être de l’art. 25, même si les prestations comparées sont essentiellement similaires au sens du par. 25(1). À mon avis, il s’agit là d’une crainte généralement plus théorique que réelle. En pratique, les parties qui intentent une action en responsabilité délictuelle réclament l’ensemble des prestations auxquelles elles estiment avoir droit (c.-à‑d. les pleins dommages-intérêts compensatoires et punitifs). Il serait d’ailleurs anormal que la somme accordée au titre des dommages-intérêts délictuels soit constituée uniquement de chefs de dommage n’ayant aucun équivalent que ce soit dans les prestations jugées similaires au sens du par. 25(1). Dans la mesure, par ailleurs limitée, où cela pourrait se produire, il conviendrait davantage que ce problème soit corrigé par voie législative. Le fait d’importer dans le par. 25(2) une condition de « correspondance » additionnelle, en sus de l’appariement requis dans l’analyse de la similarité, risquerait de compromettre l’objectif du législateur, à savoir éviter la double indemnisation d’une manière qui soit simple, pratique et, dans l’ensemble, efficace.

47 Pour ces motifs, je suis d’avis que, contrairement à la conclusion de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans les arrêts Jang et Buksh, le texte de la disposition ne prévoit pas une seconde obligation de correspondance entre un chef spécifique de dommages-intérêts délictuels et un chef de dommage donné du régime d’assurance en cause. À cet égard, j’estime que les arrêts Jang et Buksh sont erronés.

48 Le deuxième problème affectant l’analyse que proposent les intimées en s’appuyant sur celle faite par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans les arrêts Jang et Buksh est le fait que leur analyse n’assure pas nécessairement la réalisation de la raison d’être de l’art. 25 de l’Insurance (Motor Vehicle) Act, à savoir empêcher la double indemnisation. En l’espèce, le bon sens commande de conclure que les indemnités de décès versées en vertu de la Loi québécoise ainsi que les dommages-intérêts attribués dans le cadre de l’action en responsabilité délictuelle en Colombie-Britannique visaient tous deux à dédommager Mme Gurniak et ses enfants de la perte financière découlant de la mort de M. Ross. Refuser de reconnaître ce fait, au motif que la prestation prévue par la loi en cas d’accident pourrait théoriquement ne pas constituer un contrat d’indemnisation (point que je m’abstiens de trancher), équivaut à permettre la double indemnisation que l’art. 25 vise généralement à empêcher. Si les indemnités versées en vertu du régime québécois ne sont pas déduites des dommages-intérêts délictuels — et ce indépendamment de la question du droit de subrogation de la SAAQ — , Mme Gurniak et ses enfants seront en fait indemnisés deux fois de la même perte.

49 Une troisième lacune de la démarche utilisée par la Cour d’appel est qu’elle oblige à trancher, de manière définitive, la question de savoir si les indemnités de décès prévues par le régime québécois sont de nature « indemnitaire » ou « non indemnitaire », décision qu’il peut être difficile de prendre sur la base de principes. Les prestations d’origine législative versées en cas d’accident, telle l’indemnité de décès québécoise, ne se prêtent pas aisément à une qualification rigide. Comme l’ont fait observer les parties, les prestations prévues par la loi en cas d’accident présentent certaines caractéristiques des contrats d’indemnisation et certaines caractéristiques des contrats de nature non indemnitaire, et de ce fait elles n’entrent pas nettement dans l’une ou l’autre de ces catégories.

50 Même si les indemnités prévues par le régime québécois en cas d’accident étaient qualifiées de non indemnitaires au motif que leur versement n’est pas subordonné à la preuve d’une perte, ce facteur ne change rien au fait qu’il y a clairement des aspects de ces indemnités qui tendent au même rôle général que les dommages-intérêts compensatoires accordés en matière délictuelle. Comme l’ont indiqué les appelants, au par. 37 de leur mémoire :

[traduction] L’interprétation retenue par le juge Cumming de la Cour d’appel [dans l’arrêt Buksh] ne tient pas compte de l’objectif des prestations versées sans égard à la responsabilité, qui visent à dédommager de leurs pertes la victime ou les personnes à sa charge. Il en est particulièrement ainsi lorsque des prestations sont versées dans le cadre d’un régime absolu d’indemnisation sans égard à la responsabilité comme celui du Québec, qui a pour objet d’écarter entièrement l’application du système de la responsabilité civile extracontractuelle en matière d’accidents d’automobile dans cette province. Le régime de la responsabilité civile extracontractuelle permet aux personnes qui subissent des dommages à l’occasion d’un accident d’automobile d’être dédommagées de leurs pertes. Lorsqu’un régime d’indemnisation sans égard à la responsabilité supprime le droit d’ester en justice, il s’ensuit qu’il a pour objectif d’indemniser de leurs pertes les victimes et les personnes à leur charge.

La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a également fait cette observation en l’espèce, puisque le juge Hall a reconnu que le législateur québécois avait établi le régime public d’assurance automobile [traduction] « en vue d’indemniser les personnes ayant subi des pertes financières par suite d’un décès ou de blessures découlant d’un accident d’automobile » (par. 13).

51 Aux paragraphes 44-45 de leur mémoire, les appelants soulignent également que le fait que les indemnités de décès versées au Québec sont établies en fonction de l’âge et de la situation de la personne décédée montre bien qu’elles ont pour objet de dédommager d’une perte financière :

[traduction] Les prestations versées aux demanderesses en l’espèce correspondent à leurs pertes financières. La somme forfaitaire versée à la demanderesse Mme Gurniak a été calculée sur la base de l’âge et du revenu net de M. Ross. Ces deux facteurs ont un lien rationnel avec la perte subie concrètement : ils constitueraient les facteurs principaux de toute détermination par un tribunal de la perte de revenu ou de soutien futur. De tels paiements visent à dédommager de la perte de soutien et sont en conséquence cumulativement moins élevés que ceux que la victime décédée aurait pu toucher pour sa perte de revenu si elle avait survécu. Même la prestation minimale prévue par la loi reflète le postulat du législateur voulant que le décès de la victime entraîne une perte ayant une valeur pécuniaire. Sauf peut-être dans de très rares cas, les blessures et la mort entraînent inévitablement des pertes financières. . .

De même, les indemnités de décès en faveur des personnes à charge qui ont été versées aux demanderesses Valerie et Shannon Ross étaient elles aussi basées sur l’âge de ces dernières à la date de la mort de M. Ross. Le critère de l’âge tient compte du fait que plus les enfants sont âgés, moins grande est leur perte au titre du soutien. L’objet exprès des indemnités aux personnes à charge est d’accorder un dédommagement pour la perte de soutien, et le critère de l’âge constitue une méthode rapide pour estimer cette perte. Le fait que le paiement soit fait directement aux enfants survivants ne modifie pas le caractère fondamental de celui-ci, à savoir qu’il s’agit d’une forme d’indemnisation de pertes financières.

52 Sans me prononcer sur la question de savoir si une prestation de décès prévue par la loi constitue ou non un contrat d’indemnisation, je crois exact de dire que les prestations d’assurance sans égard à la responsabilité versées en cas d’accident en vertu d’un régime tel celui en vigueur au Québec visent effectivement à indemniser les bénéficiaires de ces prestations des pertes financières qu’ils subissent par suite du décès de la personne assurée.

53 Je mentionne la distinction indemnitaire/non indemnitaire uniquement parce qu’il s’agissait du principal sujet de désaccord entre les parties. La solution du présent pourvoi ne dépend toutefois pas de cette distinction, mais plutôt de la signification du mot « similaires » à l’art. 25 de l’Insurance (Motor Vehicle) Act. À mon avis, le juge de première instance a eu raison, dans l’arrêt Gurniak no 1, de conclure que le terme « similaires » au par. 25(1) a seulement pour effet d’exiger que, pour que les paiements faits en vertu du contrat ou régime en cause — en l’espèce les paiements fondés sur la Loi québécoise — soient déductibles, ils doivent posséder la même nature générale ou le même caractère général que ceux prévus à la partie 6 de l’Insurance Act de la Colombie‑Britannique.

54 Suivant l’article 25, la seule « correspondance » requise est la correspondance entre les prestations payables en vertu de la partie 6 de l’Insurance Act et celles payables en vertu du contrat ou du régime public en cause. Lorsque ces prestations sont « similaires », comme l’exige le par. 25(1) de l’Insurance (Motor Vehicle) Act, celles versées en vertu du contrat ou du régime public doivent, en application du par. 25(2), être déduites des dommages-intérêts délictuels. Le texte de loi établissant le régime de la Colombie-Britannique n’étaye pas l’existence d’une deuxième obligation de correspondance entre des chefs spécifiques de dommages-intérêts délictuels et des chefs spécifiques de dommage prévus par un régime de nature législative. Considérer que la loi comporte cette obligation de « correspondance » constituerait, à mon avis, une ingérence injustifiée dans un domaine relevant de la législature de la Colombie-Britannique.

IV. Dispositif

55 Je suis donc d’avis d’accueillir le pourvoi avec dépens dans toutes les cours, d’infirmer le jugement de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique et d’ordonner que l’obligation des appelants envers les intimées soit réduite des indemnités de décès au conjoint et aux personnes à charge reçues par les intimées en vertu du régime de la SAAQ.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs des appelants : Fasken Martineau DuMoulin, Vancouver.

Procureurs des intimées : Quinlan Abrioux, Vancouver.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Assurance - Assurance automobile - Régime d’indemnisation sans égard à la responsabilité - Indemnités de décès au conjoint et aux personnes à charge - Décès d’un assuré québécois dans un accident d’automobile en Colombie-Britannique - Indemnités prévues par la loi versées à la conjointe et aux enfants à l’égard de l’accident en vertu du régime québécois d’assurance automobile sans égard à la responsabilité - Les indemnités versées au Québec doivent-elles être déduites des dommages-intérêts accordés en Colombie-Britannique dans l’action en responsabilité délictuelle? - Ces indemnités sont-elles de nature similaire aux prestations prévues à la partie 6 de l’Insurance Act de la Colombie-Britannique? - Doit-il y avoir « correspondance » entre les divers chefs de dommages-intérêts délictuels et les divers chefs de dommage prévus par le régime d’assurance accident établi par la loi? - Sens du mot « similar » à l’art. 25(1) de l’Insurance (Motor Vehicle) Act, R.S.B.C. 1996, ch. 231.

Un résident du Québec est mort dans un accident d’automobile en Colombie-Britannique. Une indemnité pour frais funéraires ainsi que des indemnités de décès ont été versées à sa conjointe de fait et aux enfants du couple, les intimées, en application du régime québécois d’indemnisation sans égard à la responsabilité. Les intimées ont également intenté une action en responsabilité délictuelle en Colombie‑Britannique en vertu de la Family Compensation Act de cette province. Les appelants ont sollicité un jugement déclaratoire portant que les indemnités payées au Québec devaient être déduites, en vertu de l’art. 25 de l’Insurance (Motor Vehicle) Act, de tous dommages-intérêts obtenus au terme de l’action en responsabilité délictuelle. Selon la définition du mot « benefits » ([traduction] « prestations ») à cet article, sont considérées comme des prestations déductibles les prestations « similar » ([traduction] « similaires ») à celles décrites à la partie 6 de l’Insurance Act de la Colombie-Britannique qui sont versées en application d’un contrat ou régime d’assurance automobile établi ou en vigueur, selon le cas, en quelque lieu que ce soit. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a déclaré déductibles l’indemnité pour frais funéraires et l’indemnité de décès en faveur du conjoint, mais non déductibles les indemnités versées aux personnes à charge. Les parties ont par la suite réglé leur différend, sauf pour la question de la réduction de l’obligation pour tenir compte des indemnités versées au Québec. Les appelants ont demandé au tribunal de décider si l’indemnité pour frais funéraires et l’indemnité de décès en faveur du conjoint devaient être soustraites soit de l’ensemble de la somme versée en règlement, soit d’une partie de celle-ci. Le tribunal a répondu par la négative. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a conclu que ces prestations n’étaient pas déductibles, parce qu’elles n’avaient pas été versées en application d’un contrat d’indemnisation. Cette conclusion reposait dans une large mesure sur l’arrêt Buksh c. Franco (1997), 54 B.C.L.R. (3d) 288 (C.A.), rendu après la première déclaration de la cour sur la question de la déductibilité. Les appelants ont porté les deux décisions en appel, mais ils ont été déboutés.

Arrêt : Le pourvoi est accueilli.

Les juges Iacobucci, Major, Bastarache, Binnie, Arbour, LeBel et Deschamps : Les indemnités d’accident versées aux intimées en vertu de la Loi sur l’assurance automobile du Québec sont de nature similaire aux prestations prévues à la partie 6 de l’Insurance Act de la Colombie-Britannique et, en conséquence, elles doivent, en application de l’art. 25 de l’Insurance (Motor Vehicle) Act, être déduites du montant total des dommages-intérêts délictuels.

La solution du présent pourvoi ne dépend pas de la question de savoir si les indemnités québécoises ont un caractère indemnitaire ou non indemnitaire, mais plutôt de la signification du mot « similaires » à l’art. 25. Dans cette disposition, le mot « similaires » ne veut pas dire « identique » et ne vise pas le système juridique de l’endroit où sont versées les prestations. Par ce mot, le législateur a voulu exprimer le principe que les indemnités québécoises doivent posséder la même nature générale ou le même caractère général que les prestations décrites à la partie 6 de l’Insurance Act. En l’espèce, les prestations sont en fait largement « similaires » et, bien que leur quantum soit très différent, elles possèdent la même nature générale ou le même caractère général. Bien que le régime d’indemnisation sans égard à la responsabilité en vigueur au Québec ait été conçu pour remplacer le régime de la responsabilité civile extracontractuelle comme mécanisme de réparation des pertes subies par suite d’un accident d’automobile, cette différence appréciable entre le régime général de la Colombie‑Britannique et celui du Québec ne signifie pas que les prestations versées en application de ces régimes ne sont pas « similaires ». Dans l’analyse de la similarité requise pour l’application de l’art. 25, il faut seulement se demander si les prestations — et non les régimes d’assurance globalement — possèdent la même nature générale ou le même caractère général. Le fait que les indemnités en faveur des personnes à charge ont été versées non pas directement aux enfants eux-mêmes mais plutôt à la tutrice à l’instance n’est pas lui non plus pertinent. Les modalités de paiement de ces prestations ne modifient pas leur nature fondamentale.

Le texte du par. 25(2) n’a pas pour effet de subordonner la déductibilité à l’existence d’une « correspondance » entre les divers chefs de dommages-intérêts délictuels et les divers chefs de dommage prévus par le contrat ou régime de prestations en cause. À cet égard, les arrêts Jang c. Jang (1991), 54 B.C.L.R. (2d) 121 (C.A.), et Buksh sont erronés. Le fait d’introduire une condition de « correspondance » additionnelle, en sus de l’appariement requis dans l’analyse de la similarité, risque de compromettre l’objectif du législateur, à savoir éviter la double indemnisation d’une manière qui soit simple, pratique et efficace. Il s’agirait d’une ingérence injustifiée dans un domaine relevant de la législature.

La juge en chef McLachlin et le juge Gonthier : Le présent pourvoi devrait être tranché sans infirmer l’arrêt Jang. Aucune observation n’a été présentée sur l’effet que pourrait avoir l’infirmation de l’arrêt Jang et aucune raison ne justifie d’infirmer cette décision à ce moment-ci. De plus, la notion de chef de dommage est une notion familière et le respect de l’obligation de correspondance n’est pas une tâche lourde ou complexe. En outre, l’obligation de correspondance décrite dans l’arrêt Jang est confirmée par le texte de la loi de la Colombie-Britannique et par 12 années d’application par les tribunaux sans intervention de la part du législateur. Bien que la démarche retenue par la majorité en l’espèce puisse fort bien être efficace en pratique, elle est contraire au sens commun, car les victimes de délits se verront contraintes de rechercher une double indemnisation pour éviter la sous-indemnisation. Si, dans leur action en responsabilité délictuelle, elles ne réclament pas l’indemnisation des pertes dont elles ont déjà été dédommagées en vertu du texte de loi applicable, le montant total des dommages-intérêts qu’elles recevront sera réduit des prestations prévues par le texte de loi, indépendamment du chef de perte que ces dommages-intérêts sont censés compenser. Pour favoriser la réalisation de l’objectif du législateur, soit éviter la double indemnisation, il ne devrait y avoir déduction que dans les cas où le défaut de le faire entraînerait une double indemnisation.


Parties
Demandeurs : Gurniak
Défendeurs : Nordquist

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge Iacobucci
Arrêts renversés : Jang c. Jang (1991), 54 B.C.L.R. (2d) 121
Buksh c. Franco (1997), 54 B.C.L.R. (3d) 288.
Citée par le juge Gonthier
Arrêts mentionnés : Jang c. Jang (1991), 54 B.C.L.R. (2d) 121
Buksh c. Franco (1997), 54 B.C.L.R. (3d) 288
Bannon c. McNeely (1998), 38 O.R. (3d) 659
Matt c. Barber (2002), 162 O.A.C. 34
Brownell c. Tannahill (2000), 52 O.R. (3d) 227
Macartney c. Warner (2000), 46 O.R. (3d) 669
Gignac c. Neufeld (1999), 43 O.R. (3d) 741
Quiroz c. Wallace (1998), 40 O.R. (3d) 737.
Lois et règlements cités
Family Compensation Act, R.S.B.C. 1979, ch. 120 [maintenant R.S.B.C. 1996, ch. 126].
Insurance Act, R.S.B.C. 1996, ch. 226, partie 6, art. 152, 169, 175, ann.
Insurance (Motor Vehicle) Act, R.S.B.C. 1996, ch. 231, art. 25(1), (2).
Loi sur l’assurance automobile, L.R.Q., ch. A-25, art. 83.60.
Loi sur les assurances, L.R.O. 1990, ch. I.8, art. 267(1).
Revised Regulation (1984) Under the Insurance (Motor Vehicle) Act, B.C. Reg. 447/83, partie 7.

Proposition de citation de la décision: Gurniak c. Nordquist, 2003 CSC 59 (30 octobre 2003)


Origine de la décision
Date de la décision : 30/10/2003
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : 2003 CSC 59 ?
Numéro d'affaire : 28898
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2003-10-30;2003.csc.59 ?
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