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23/06/2011 | CANADA | N°2011_CSC_32

Canada | R. c. Campbell, 2011 CSC 32 (23 juin 2011)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : R. c. Campbell, 2011 CSC 32, [2011] 2 R.C.S. 549

Date : 20110623

Dossier : 33916

Entre :

Norman Martin Campbell

Appelant

et

Sa Majesté la Reine

Intimée

- et -

Criminal Lawyers’ Association (Ontario)

Intervenante

Traduction française officielle

Coram : Les juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell

Motifs de jugement :

(par. 1 à 17)

La juge Charron (avec l’accord des juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Ro

thstein et Cromwell)

R. c. Campbell, 2011 CSC 32, [2011] 2 R.C.S. 549

Norman Martin Campbell Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

et

Criminal Lawyers’ ...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : R. c. Campbell, 2011 CSC 32, [2011] 2 R.C.S. 549

Date : 20110623

Dossier : 33916

Entre :

Norman Martin Campbell

Appelant

et

Sa Majesté la Reine

Intimée

- et -

Criminal Lawyers’ Association (Ontario)

Intervenante

Traduction française officielle

Coram : Les juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell

Motifs de jugement :

(par. 1 à 17)

La juge Charron (avec l’accord des juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Rothstein et Cromwell)

R. c. Campbell, 2011 CSC 32, [2011] 2 R.C.S. 549

Norman Martin Campbell Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

et

Criminal Lawyers’ Association (Ontario) Intervenante

Répertorié : R. c. Campbell

2011 CSC 32

No du greffe : 33916.

2011 : 11 mai; 2011 : 23 juin.

Présents : Les juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell.

en appel de la cour d’appel de l’ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (les juges Doherty, Juriansz et Karakatsanis), 2010 ONCA 588, 270 O.A.C. 349, 261 C.C.C. (3d) 1, 216 C.R.R. (2d) 303, 78 C.R. (6th) 299, [2010] O.J. No. 3767 (QL), 2010 CarswellOnt 6691, qui a infirmé une décision de la juge Croll, [2009] O.J. No. 4772 (QL), 2009 CarswellOnt 9499, et ordonné la tenue d’un nouveau procès. Pourvoi rejeté.

Dirk Derstine et Mariya Yakusheva, pour l’appelant.

Susan Ficek, pour l’intimée.

Frank Addario et Colleen Bauman, pour l’intervenante.

Version française du jugement de la Cour rendu par

La juge Charron —

1. Aperçu

[1] Dans le cadre d’une enquête relative à un meurtre, la police a obtenu et exécuté un mandat de perquisition relativement à une maison en rangée de quatre chambres à coucher convertie en maison de chambres. Au cours de la perquisition, la police a trouvé un fusil de chasse à canon tronqué et des munitions dans la chambre louée par l’appelant, Norman Martin Campbell. M. Campbell a été accusé de possession d’un fusil de chasse à canon tronqué et de munitions alors qu’il était sous le coup d’ordonnances d’interdiction d’avoir des armes en sa possession et d’une ordonnance de probation assortie de conditions, dont celle de ne pas avoir d’armes en sa possession.

[2] Au procès, la perquisition et la saisie ont été jugées inconstitutionnelles, la preuve a été écartée, et M. Campbell a été acquitté ([2009] O.J. No. 4772 (QL) (C.S.J.)). Statuant sur l’appel interjeté par le ministère public, la Cour d’appel de l’Ontario a conclu à l’unanimité que la juge de première instance avait mal interprété certains des éléments de preuve et omis de tenir compte de l’ensemble de la dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition (« dénonciation ») (2010 ONCA 588, 270 O.A.C. 349). Compte tenu de ces erreurs, la Cour d’appel ne pouvait faire preuve de la retenue habituelle à l’égard des conclusions de la juge de première instance, et elle devait elle‑même trancher la question de savoir s’il existait un fondement permettant de délivrer le mandat de perquisition.

[3] Après avoir convenablement examiné la preuve, le juge Juriansz (la juge Karakatsanis souscrivant à ses motifs) a conclu qu’il y avait suffisamment de motifs pour permettre au juge de paix de délivrer le mandat de perquisition. Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont donc accueilli l’appel, annulé les acquittements et renvoyé les accusations au tribunal de première instance. Le juge Doherty, dissident, était d’avis de rejeter l’appel.

[4] M. Campbell se pourvoit de plein droit devant la Cour. Il s’agit précisément de savoir s’il y avait suffisamment de motifs pour permettre au juge de paix de délivrer le mandat de perquisition. À mon humble avis, il y en avait. Le juge Juriansz a conclu à bon droit que la perquisition et la saisie étaient constitutionnelles et que la juge de première instance avait commis une erreur en écartant la preuve constituée par le fusil de chasse et les munitions. Je suis d’avis de rejeter le pourvoi, essentiellement pour les mêmes motifs que ceux invoqués par le juge Juriansz.

2. Les décisions des juridictions inférieures

[5] Le juge Juriansz a fait un examen approfondi du contenu de la dénonciation et des autres éléments de preuve présentés dans le cadre de la demande fondée sur la Charte. Pour les fins du présent pourvoi, un bref résumé de la preuve sur laquelle la dénonciation était fondée suffira.

[6] M. Campbell a loué une chambre meublée dans une maison en rangée convertie en maison de chambres sise au 77‑246, boulevard John Garland, à Toronto. La chambre de M. Campbell se trouvait au sous‑sol de la maison, mais il devait passer par le rez‑de‑chaussée pour s’y rendre. Les trois chambres à coucher situées au premier étage de la maison étaient louées à trois personnes non liées, à savoir M. Imona-Russel (qui a éventuellement été déclaré coupable du meurtre), M. Ryder, et la victime, Mme Ashareh. La porte de la chambre de chaque locataire était dotée d’un verrou. Il y avait une salle de bain commune à cet étage, et une cuisine, une salle à manger et un salon communs au rez-de-chaussée. Il y avait également une autre cuisine et une autre salle de bain au sous-sol.

[7] Le 14 juillet 2006, les restes d’un corps humain partiellement vêtu ont été découverts, à environ 100 mètres de la maison, dans un gros sac de sport noir. Selon l’enquête policière, il s’agissait du corps de Mme Ashareh, qui avait été poignardée à mort. Le sac de sport contenait aussi des sacs à déchets, dans lesquels se trouvaient des articles tels un reçu relatif à une commande de mets chinois livrée à la maison et un reçu de la Western Union sur lequel figuraient le nom de M. Imona‑Russel et l’adresse de la maison.

[8] Une recherche dans les bases de données informatisées de la police relativement à la maison a produit plusieurs « occurrences », notamment trois accusations en instance portées contre M. Imona‑Russel pour agression sexuelle grave. Craignant pour la sécurité des autres occupants de la maison, des membres de l’escouade d’urgence y ont pénétré le 15 juillet 2006 et en ont retiré M. Campbell, sa petite amie, et M. Imona‑Russel. Dans une déclaration qu’il a faite à la police, M. Campbell a expliqué qu’il avait emménagé dans la maison à la mi‑juin 2006 et qu’il n’était jamais allé au premier étage. Dans la déclaration qu’il a faite à la police, M. Imona‑Russel a mentionné que M. Campbell s’était servi de sacs noirs lorsqu’il avait emménagé dans la maison.

[9] Sur la foi d’une dénonciation assermentée, la police a demandé et obtenu un mandat de perquisition de la maison. La dénonciation consistait en la formule 1 exigée par l’art. 487 du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, accompagnée de dix annexes. À son procès, M. Campbell a fait valoir que la dénonciation avait une portée trop large et qu’elle était insuffisante en ce qui concernait la chambre qu’il louait. Il a donc demandé que la preuve constituée par le fusil de chasse et les munitions soit écartée au motif qu’il avait été porté atteinte au droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives que lui garantit l’art. 8 de la Charte canadienne des droits et libertés.

[10] Selon la juge de première instance, la dénonciation comportait quatre lacunes. Premièrement, l’auteur de la dénonciation a confondu les casiers judiciaires et les antécédents des trois locataires, alors que seuls les antécédents de M. Imona‑Russel étaient pertinents quant à l’infraction. Deuxièmement, il a exagéré la connaissance qu’avaient les locataires des allées et venues de chacun; il ressort tout au plus des liens qui existaient entre les locataires que ceux‑ci avaient pu avoir l’occasion de participer à l’infraction, ce qui ne constitue pas un motif raisonnable et probable. Troisièmement, son affirmation qu’il n’était peut‑être pas possible de verrouiller convenablement les portes des chambres n’était que pure conjecture. Quatrièmement, le reçu relatif à la commande de mets chinois ne constituait pas non plus un motif raisonnable et probable justifiant la fouille de la chambre de M. Campbell. La juge de première instance a également conclu que le libellé de la dénonciation était [traduction] « intentionnellement confus et obscur » (par. 18). Elle a conclu qu’il avait été porté atteinte aux droits que l’art. 8 de la Charte garantit à M. Campbell et écarté la preuve en application du par. 24(2) de la Charte.

[11] S’exprimant au nom des juges majoritaires de la Cour d’appel, le juge Juriansz a conclu que la juge de première instance avait commis une erreur en concentrant son attention sur une petite partie de la dénonciation, omettant de tenir compte d’éléments de preuve pertinents, et faisant une interprétation erronée d’une partie de la preuve. La juge de première instance a notamment omis de tenir compte d’éléments de preuve pertinents lorsqu’elle a qualifié les antécédents judiciaires de M. Campbell de [traduction] « non pertinents » et écarté la preuve constituée par les sacs noirs. Des trois locataires, seul M. Campbell avait déjà été déclaré coupable d’agressions contre des femmes, et lui seul avait un lien avec les sacs noirs. Le juge Juriansz a également conclu que rien n’étayait la conclusion de la juge de première instance selon laquelle le libellé de la dénonciation était [traduction] « intentionnellement confus et obscur » (par. 30). La juge de première instance aurait dû tout simplement écarter les déclarations erronées figurant dans le résumé de la dénonciation et examiner le reste de celle‑ci afin de décider s’il y avait suffisamment de motifs pour justifier la délivrance du mandat de perquisition. Compte tenu des erreurs commises par la juge de première instance, la Cour d’appel ne pouvait faire preuve de la retenue habituelle à l’égard des conclusions d’un juge de première instance, et elle devait elle‑même trancher la question de savoir s’il existait un fondement permettant de délivrer le mandat de perquisition. Le juge Juriansz a conclu que l’effet cumulatif de l’inférence convaincante que le meurtre avait été commis dans la maison, et de la preuve constituée par les antécédents judiciaires de M. Campbell, le fait qu’il lui avait été possible de se trouver en présence de la victime, l’occasion qu’il avait pu avoir de commettre le meurtre et le fait qu’il avait eu des sacs noirs en sa possession, constituait un motif raisonnable pour justifier la délivrance d’un mandat autorisant la fouille de sa chambre.

[12] Le juge Doherty, dissident, était d’accord que la juge de première instance avait mal interprété une partie de la preuve, omis de prendre en compte des éléments de preuve pertinents, et tiré une conclusion déraisonnable en affirmant que le libellé de la dénonciation était [traduction] « intentionnellement confus et obscur » (par. 94). Il était également d’accord qu’en raison de ces erreurs la Cour d’appel ne devait pas s’en remettre aux conclusions de la juge de première instance dans son appréciation de la validité du mandat. Après avoir examiné la dénonciation, le juge Doherty a conclu qu’il y avait des « motifs sérieux » de croire que la victime avait été assassinée et que le meurtre avait été commis dans la maison, ou qu’il existait un lien quelconque entre celle‑ci et le meurtre (par. 70). Il a également conclu que « des motifs sérieux justifiaient la fouille des chambres des deux autres locataires de sexe masculin, de la chambre de la victime et des aires communes de la maison » (par. 71).

[13] Toutefois, le juge Doherty n’était pas d’avis que les quatre éléments de preuve invoqués par les juges majoritaires de la Cour d’appel constituaient des motifs suffisants pour justifier la délivrance du mandat en ce qui concerne la chambre de M. Campbell. Il a notamment jugé que la preuve constituée par les sacs noirs ou le contenu des sacs à déchets trouvés près du corps de la victime ne justifiait pas de quelque manière que ce soit la demande de délivrance d’un mandat autorisant la fouille de la chambre de M. Campbell. Après avoir soupesé les autres éléments de preuve qui se rapportaient au casier judiciaire de M. Campbell et au fait qu’il lui avait été possible de se trouver en présence de la victime au regard d’un cas hypothétique auquel il renvoyait par analogie et dans lequel il était question d’un immeuble de 100 logements, le juge Doherty a conclu que ces deux faits n’étaient pas suffisants à eux seuls pour justifier que l’on autorise une fouille de la chambre de M. Campbell. Le juge Doherty était donc d’avis de confirmer la conclusion de la juge de première instance que la perquisition était inconstitutionnelle et de confirmer la décision de cette dernière d’écarter la preuve.

3. Analyse

[14] Les principes juridiques pertinents ne sont pas remis en question dans le présent pourvoi. Le juge Juriansz a correctement suivi la démarche qu’il convient d’appliquer pour réviser le fondement d’une demande de mandat et que notre Cour a récemment examinée dans R. c. Morelli, 2010 CSC 8, [2010] 1 R.C.S. 253. Pour se conformer à l’art. 8 de la Charte, la police doit, avant d’effectuer une perquisition, fournir des « motifs raisonnables et probables, [dont l’existence est] établie sous serment, de croire qu’une infraction a été commise et que des éléments de preuve se trouvent à l’endroit de la perquisition » (Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145, p. 168). Le tribunal siégeant en révision n’a pas à se demander s’il « aurait lui‑même délivré le mandat, mais s’il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables » pour permettre au juge de délivrer le mandat (Morelli, par. 40). Lorsqu’il effectue cette analyse, le tribunal siégeant en révision doit faire abstraction des renseignements inexacts figurant dans la dénonciation, et il peut avoir recours à l’« amplification », c’est‑à‑dire à d’autres éléments de preuve admis à bon droit (R. c. Araujo, 2000 CSC 65, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 58; Morelli, par. 41). Il appartient à l’accusé de démontrer que la dénonciation ne justifiait pas l’autorisation (Québec (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, [2002] 3 R.C.S. 708, par. 68; Morelli, par. 131).

[15] Il est important de souligner, comme le juge Juriansz l’a à bon droit reconnu, que M. Campbell pouvait s’attendre au respect de sa vie privée dans la chambre qu’il occupait dans la maison au même titre que la personne qui réside dans un logement unifamilial. Il convient d’appliquer ce principe dans la rédaction de toute dénonciation visant à obtenir un mandat de perquisition de plusieurs logements se trouvant dans le même immeuble, et ce en énonçant clairement les motifs raisonnables et probables pour lesquels chacun de ces derniers doit faire l’objet de la perquisition. À cet égard, le libellé de la dénonciation qui nous intéresse ici laissait beaucoup à désirer. De plus, il semble que certaines parties de la dénonciation n’ont été remises à la juge de première instance qu’à la toute fin de l’audience. Ce fait, conjugué au manque de clarté du libellé de la dénonciation, pourrait bien expliquer les erreurs que la juge de première instance a commises. Néanmoins, je suis d’accord avec le juge Juriansz que le dossier était suffisant. Notamment, le juge Juriansz n’a pas trouvé utile le cas hypothétique auquel le juge Doherty renvoyait par analogie et dans lequel il était question d’un immeuble de 100 logements. Voici ce que le juge Juriansz a dit à cet égard :

[traduction] Les locataires de cette maison en rangée, à la différence des locataires d’un immeuble de 100 logements, avaient accès non seulement à la porte d’entrée de la résidence de la victime, mais aussi à la porte de sa chambre à coucher et aux aires communes qu’ils partageaient avec elle, c’est‑à‑dire la salle de bain, la cuisine, la salle à manger et le salon. Les locataires d’un immeuble de 100 logements peuvent sortir de leur chambre à coucher et se rendre à leur salle de bain en toute intimité. Ce n’est pas le cas dans cette maison en rangée. Le juge qui a délivré le mandat aurait pu considérer que les résidences des locataires de celle‑ci étaient étroitement reliées les unes aux autres, à la différence des logements dans un grand immeuble. [par. 59]

[16] Je souscris à ce point de vue. À mon humble avis, M. Campbell n’a pas établi en bout de ligne qu’il n’y avait pas suffisamment de motifs pour justifier la délivrance d’un mandat autorisant la fouille de sa chambre. La perquisition et la saisie étaient donc constitutionnelles.

[17] Je suis d’avis de rejeter le pourvoi.

Pourvoi rejeté.

Procureurs de l’appelant : Derstine, Penman, Toronto.

Procureur de l’intimée : Procureur général de l’Ontario, Toronto.

Procureurs de l’intervenante : Sack Goldblatt Mitchell, Toronto.


Synthèse
Référence neutre : 2011 CSC 32 ?
Date de la décision : 23/06/2011
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit constitutionnel - Charte des droits - Fouilles, perquisitions et saisies - Validité d’un mandat de perquisition - Obtention par la police d’un mandat de perquisition relativement à une maison en rangée de quatre chambres à coucher convertie en maison de chambres - L’accusé y louait une chambre - L’accusé a été inculpé de possession d’un fusil de chasse à canon tronqué et de munitions alors qu’il était sous le coup d’ordonnances d’interdiction d’avoir des armes en sa possession et d’une ordonnance de probation assortie de conditions, dont celle de ne pas avoir d’armes en sa possession - Y avait‑il suffisamment de motifs pour permettre au juge de paix de délivrer le mandat de perquisition? - La fouille de la chambre de l’accusé portait‑elle atteinte aux droits que lui garantit l’art. 8 de la Charte canadienne des droits et libertés? - Dans l’affirmative, la preuve devait‑elle être écartée en application de l’art. 24(2) de la Charte?.

Droit criminel - Mandat de perquisition - Validité - Obtention par la police d’un mandat de perquisition relativement à une maison en rangée de quatre chambres à coucher convertie en maison de chambres - L’accusé y louait une chambre - L’accusé a été inculpé de possession d’un fusil de chasse à canon tronqué et de munitions alors qu’il était sous le coup d’ordonnances d’interdiction d’avoir des armes en sa possession et d’une ordonnance de probation assortie de conditions, dont celle de ne pas avoir d’armes en sa possession - Y avait‑il suffisamment de motifs pour permettre au juge de paix de délivrer le mandat de perquisition?.

Dans le cadre d’une enquête relative à un meurtre, la police a obtenu et exécuté un mandat de perquisition relativement à une maison en rangée de quatre chambres à coucher convertie en maison de chambres. Au cours de la perquisition, la police a trouvé un fusil de chasse à canon tronqué et des munitions dans la chambre louée par l’accusé. L’accusé a été inculpé de possession d’un fusil de chasse à canon tronqué et de munitions alors qu’il était sous le coup d’ordonnances d’interdiction d’avoir des armes en sa possession et d’une ordonnance de probation assortie de conditions, dont celle de ne pas avoir d’armes en sa possession. Au procès, la perquisition et la saisie ont été jugées inconstitutionnelles, la preuve a été écartée, et l’accusé a été acquitté. Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont accueilli l’appel interjeté par le ministère public, annulé les acquittements et renvoyé les accusations au tribunal de première instance. L’accusé se pourvoit de plein droit devant la Cour.

Arrêt : Le pourvoi est rejeté.

Il y avait suffisamment de motifs pour permettre au juge de paix de délivrer le mandat de perquisition. Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont conclu à bon droit que la perquisition et la saisie étaient constitutionnelles et que la juge de première instance avait commis une erreur en écartant la preuve constituée par le fusil de chasse et les munitions. Ils ont correctement suivi la démarche qu’il convient d’appliquer pour réviser le fondement d’une demande de mandat.

Pour se conformer à l’art. 8 de la Charte, la police doit, avant d’effectuer une perquisition, fournir des motifs raisonnables et probables, dont l’existence est établie sous serment, de croire qu’une infraction a été commise et que des éléments de preuve se trouvent à l’endroit de la perquisition. Le tribunal siégeant en révision n’a pas à se demander s’il aurait lui‑même délivré le mandat, mais s’il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour permettre au juge de paix de délivrer le mandat. Lorsqu’il effectue cette analyse, le tribunal siégeant en révision doit faire abstraction des renseignements inexacts figurant dans la dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition (« dénonciation »), et il peut avoir recours à l’« amplification », c’est‑à‑dire à d’autres éléments de preuve admis à bon droit. Il appartient à l’accusé de démontrer que la dénonciation ne justifiait pas l’autorisation.

L’accusé pouvait s’attendre au respect de sa vie privée dans la chambre qu’il occupait dans la maison au même titre que la personne qui réside dans un logement unifamilial. Il convient d’appliquer ce principe dans la rédaction de toute dénonciation visant à obtenir un mandat de perquisition de plusieurs logements se trouvant dans le même immeuble, et ce en énonçant clairement les motifs raisonnables et probables pour lesquels chacun de ces derniers doit faire l’objet de la perquisition. À cet égard, le libellé de la dénonciation laissait beaucoup à désirer. De plus, il semble que certaines parties de la dénonciation n’ont été remises à la juge de première instance qu’à la toute fin de l’audience. Ce fait, conjugué au manque de clarté du libellé de la dénonciation, pourrait bien expliquer les erreurs que la juge de première instance a commises. Néanmoins, les juges majoritaires de la Cour d’appel ont eu raison de conclure que le dossier était suffisant. L’accusé n’a pas établi qu’il n’y avait pas suffisamment de motifs pour justifier la délivrance d’un mandat autorisant la fouille de sa chambre.


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Campbell

Références :

Jurisprudence
Arrêts mentionnés : R. c. Morelli, 2010 CSC 8, [2010] 1 R.C.S. 253
Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145
R. c. Araujo, 2000 CSC 65, [2000] 2 R.C.S. 992
Québec (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, [2002] 3 R.C.S. 708.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 8, 24(2).
Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, art. 487.

Proposition de citation de la décision: R. c. Campbell, 2011 CSC 32 (23 juin 2011)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2011-06-23;2011.csc.32 ?
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