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17/05/2012 | CANADA | N°2012_CSC_23

Canada | Tessier Ltée c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), 2012 CSC 23 (17 mai 2012)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Tessier Ltée c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), 2012 CSC 23

Date : 20120517

Dossier : 33935

Entre :

Tessier Ltée

Appelante

et

Commission de la santé et de la sécurité du travail

Intimée

- et -

Procureur général de l'Ontario, procureur général du Québec, procureur général de la Colombie-Britannique et Commission des lésions professionnelles

Intervenants

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLa

chlin et les juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Rothstein, Cromwell, Moldaver et Karakatsanis

Motifs de jugement :

(par. 1 à 62)

La juge Abella (av...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Tessier Ltée c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), 2012 CSC 23

Date : 20120517

Dossier : 33935

Entre :

Tessier Ltée

Appelante

et

Commission de la santé et de la sécurité du travail

Intimée

- et -

Procureur général de l'Ontario, procureur général du Québec, procureur général de la Colombie-Britannique et Commission des lésions professionnelles

Intervenants

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Rothstein, Cromwell, Moldaver et Karakatsanis

Motifs de jugement :

(par. 1 à 62)

La juge Abella (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges LeBel, Deschamps, Fish, Rothstein, Cromwell, Moldaver et Karakatsanis)

Note : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada.

tessier ltée c. québec (c.s.s.t.)

Tessier Ltée Appelante

c.

Commission de la santé et de la sécurité du travail Intimée

et

Procureur général de l’Ontario, procureur général du Québec,

procureur général de la Colombie‑Britannique et Commission

des lésions professionnelles Intervenants

Répertorié : Tessier Ltée c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail)

2012 CSC 23

No du greffe : 33935.

2012 : 17 janvier; 2012 : 17 mai.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Rothstein, Cromwell, Moldaver et Karakatsanis.

en appel de la cour d’appel du québec

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec (le juge en chef Robert et les juge Rochette et Bouchard), 2010 QCCA 1642, [2010] R.J.Q. 2131, [2010] C.L.P. 691, [2010] R.J.D.T. 1027, SOQUIJ AZ‑50671246, [2010] J.Q. no 9074 (QL), 2010 CarswellQue 9533, qui a infirmé une décision du juge Viens, 2009 QCCS 576, [2008] C.L.P. 1607, SOQUIJ AZ‑50538032, [2009] J.Q. no 1155 (QL), 2009 CarswellQue 1473. Pourvoi rejeté.

André Asselin, Sébastien Gobeil et Maxime‑Arnaud Keable, pour l’appelante.

Pierre‑Michel Lajeunesse, pour l’intimée.

Robin K. Basu et Shannon M. Chace, pour l’intervenant le procureur général de l’Ontario.

Jean‑Vincent Lacroix, pour l’intervenant le procureur général du Québec.

Jonathan G. Penner et Freya Zaltz, pour l’intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique.

Version française du jugement de la Cour rendu par

La juge Abella —

[1] Tessier ltée est une société de location de machinerie lourde; elle loue des grues à diverses fins et fournit les services de grutiers, des services de supervision et des services‑conseils en lien avec la location de grues. Elle mène aussi d’autres activités, dont le transport routier intraprovincial ainsi que l’entretien et la réparation d’équipement.

[2] En 2005‑2006, Tessier possédait 25 grues utilisées pour des travaux de construction ou d’entretien industriel; certaines grues servaient aussi pour le chargement ou le déchargement de navires, activité connue sous le nom de débardage. Toutes ces activités s’exerçaient dans la province de Québec.

[3] Les opérations de débardage généraient 14 pour cent du chiffre d’affaires de Tessier et représentaient 20 pour cent des salaires qu’elle versait. Les employés de Tessier travaillaient dans tous les secteurs de l’entreprise — un grutier envoyé dans un port une journée pouvait le lendemain être affecté dans un chantier de construction et le surlendemain conduire un camion.

[4] En l’espèce, la Cour doit déterminer si, en matière de santé et sécurité au travail, les employés de Tessier sont régis par les lois fédérales ou par les lois provinciales.

Contexte

[5] La loi du Québec en cette matière s’intitule Loi sur la santé et la sécurité du travail, L.R.Q., ch. S‑21 (« LSST »). Son application relève de la Commission de la Santé et de la Sécurité du travail (CSST). Celle‑ci est financée par des cotisations versées par les employeurs qui relèvent de sa compétence et établies en fonction de taux fixés par la CSST. Cette loi ne s’applique pas aux entreprises fédérales : Bell Canada c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 R.C.S. 749.

[6] L’indemnisation des accidents de travail est régie au Québec par la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., ch. A‑3.001 (« LATMP »). Le financement de l’application de cette loi repose lui aussi sur le versement de cotisations à la CSST par les employeurs, mais toutes les entreprises exploitées au Québec, qu’elles relèvent du fédéral ou des provinces, y contribuent.

[7] La CSST établit donc deux taux de cotisation. Le taux général s’applique aux entreprises provinciales, dont les cotisations servent à financer l’application à la fois de la LSST et de la LATMP. Le taux particulier s’applique aux entreprises fédérales et exclut toute cotisation à l’égard de l’application de la LSST.

[8] En 2006, la société mère de Tessier, Groupe Desgagnés, a demandé à la CSST de déclarer que le taux général de cotisation n’était pas applicable à Tessier en raison de la nature fédérale de ses activités. Elle a soutenu que les opérations de débardage de Tessier relevant de la compétence fédérale en matière de transport maritime, ses employés devraient être régis par la législation fédérale.

[9] La CSST a conclu que les activités de Tessier relevaient de la compétence provinciale, conclusion que la Commission des lésions professionnelles (CLP) a confirmée et qui a ensuite été infirmée par la Cour supérieure du Québec. La Cour d’appel du Québec a donné raison à la CSST ainsi qu’à la CLP et statué que la réglementation provinciale s’appliquait, principalement parce que le débardage ne constituait qu’un pourcentage minime des activités de Tessier, que celle‑ci n’avait pas de division spécialisée dans ce domaine et qu’elle n’avait présenté aucune preuve relative à la nature de sa relation contractuelle ou organisationnelle avec les sociétés de transport maritime auxquelles elle fournissait des services.

[10] Pour les motifs exposés ci‑après, je suis d’avis de rejeter le pourvoi.

Analyse

[11] Les articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 n’attribuent pas la compétence sur les relations et conditions de travail à l’ordre fédéral ou provincial de gouvernement. Cela étant dit, depuis Toronto Electric Commissioners c. Snider, [1925] A.C. 396 (C.P.), les tribunaux reconnaissent l’existence d’une présomption selon laquelle le pouvoir de légiférer sur les relations de travail appartient aux provinces parce que cet objet tombe sous le chef de compétence provinciale en matière de propriété et de droits civils prévu au par. 92(13) : NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C. Government and Service Employees’ Union, 2010 CSC 45, [2010] 2 R.C.S. 696, par. 11.

[12] Cette présomption n’exclut toutefois pas entièrement l’activité réglementaire fédérale à l’égard des relations de travail. Par suite de l’arrêt Snider, le législateur fédéral a modifié la loi en cause dans cette affaire, dont est issu le Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L‑2, pour en restreindre l’application aux activités ressortissant au pouvoir législatif fédéral.

[13] La validité constitutionnelle de cette loi de portée plus limitée a été examinée dans Reference re Industrial Relations and Disputes Investigation Act, [1955] R.C.S. 529 (l’« Affaire des débardeurs »), où la Cour a répondu à deux questions : celle de la compétence du législateur fédéral pour adopter cette loi limitée relative au travail et celle de l’applicabilité de la loi en question aux employés d’une société particulière de débardage en poste à Toronto, exclusivement affectés au débardage et qui effectuaient toutes les opérations de chargement et de déchargement de sept sociétés de transport maritime extraprovincial.

[14] Dans des motifs rédigés par chacun des neuf juges, la Cour a répondu à la première question en confirmant à l’unanimité la validité de la loi fédérale et en concluant que, malgré l’arrêt Snider, le Parlement peut légiférer en matière de relations de travail lorsqu’il est établi que la compétence à l’égard d’une entreprise est partie intégrante de la compétence principale du Parlement sur un autre sujet. Ainsi que l’a exposé le juge Abbott :

[traduction] . . . les décisions portant sur des sujets tels que la durée du travail, les taux de salaire, les conditions de travail et autres matières analogues constituent à mon avis une partie essentielle de l’administration et de l’exploitation de toute entreprise commerciale ou industrielle. Ceci étant, le pouvoir de réglementer de telles matières dans les entreprises qui tombent sous l’autorité législative du Parlement revient au Parlement et non aux législatures provinciales. [Je souligne; p.592.]

[15] La Cour a maintes fois confirmé la conclusion du juge Abbott voulant que la compétence exclusive d’un ordre de gouvernement à l’égard d’un ouvrage ou d’une entreprise emporte le pouvoir d’en réglementer les relations de travail : Commission du salaire minimum c. Bell Telephone Co. of Canada, [1966] R.C.S. 767, p. 771‑72; Bell Canada c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), p. 816‑17, 825‑26 et 833; Ontario Hydro c. Ontario (Commission des relations de travail), [1993] 3 R.C.S. 327, p. 363‑64 et 368‑69. Voir aussi H. Brun, G. Tremblay et E. Brouillet, Droit constitutionnel (5e éd. 2008), p. 533 et 535.

[16] Pour ce qui est de la deuxième question posée dans l’Affaire des débardeurs, soit celle relative au gouvernement ayant compétence à l’égard des relations de travail de la société de débardage en cause, huit des neuf juges[1] ont conclu dans des motifs distincts que la loi fédérale en matière de travail s’appliquait parce que les tâches accomplies par les employés faisaient partie intégrante des sociétés d’expédition fédérales qui les employaient. Les juges majoritaires ont conclu, en se fondant sur la preuve abondante se rapportant aux services de débardage fournis aux sociétés de transport maritime, que les employés consacraient tout leur temps à ces sociétés assujetties aux lois fédérales, lesquelles faisaient exclusivement appel à eux pour charger et décharger leurs marchandises.

[17] Dans l’Affaire des débardeurs, la Cour a donc établi que le fédéral a compétence en matière de réglementation du travail dans deux circonstances : lorsque l’emploi s’exerce dans le cadre d’un ouvrage, d’une entreprise ou d’un commerce relevant du pouvoir législatif du Parlement ou lorsqu’il se rapporte à une activité faisant partie intégrante d’une entreprise assujettie à la réglementation fédérale, ce qui est parfois appelé compétence dérivée. Dans Travailleurs unis des transports c. Central Western Railway Corp., [1990] 3 R.C.S. 1112, p. 1124‑25, le juge en chef Dickson a indiqué qu’il s’agissait là de deux formes de compétence distinctes mais connexes.

[18] S’agissant de la compétence fédérale directe en matière de travail, on détermine si la nature fonctionnelle essentielle de l’ouvrage, du commerce ou de l’entreprise le fait tomber dans un champ de compétence fédérale, tandis que dans le cas de la compétence dérivée, on détermine si cette nature est telle que l’ouvrage fait partie intégrante d’une entreprise fédérale. Dans les deux cas, l’attribution de la compétence en matière de relations de travail nécessite l’établissement de la nature fonctionnelle essentielle de l’ouvrage.

[19] Cette évaluation fonctionnelle suppose l’analyse de l’entreprise en tant qu’entreprise active, en fonction de ses caractéristiques constantes uniquement : Commission du salaire minimum c. Bell Telephone Co. of Canada. Des éléments exceptionnels ne sauraient définir la nature fonctionnelle essentielle d’une entreprise. Ainsi, quelques voyages extraprovinciaux occasionnels ne faisant pas partie de ses activités régulières de transport local, par exemple, ne sont pas déterminants pour la nature d’une entreprise de transport maritime (Agence Maritime Inc. c. Conseil canadien des relations ouvrières, [1969] R.C.S. 851). Un seul contrat ne saurait non plus être déterminant pour la nature d’une entreprise de construction (Construction Montcalm Inc. c. Commission du salaire minimum, [1979] 1 R.C.S. 754). De la même façon, un pourcentage ténu d’activité locale ne saurait changer la nature d’une entreprise faisant par ailleurs partie intégrante du service postal (Union des facteurs du Canada c. Syndicat des postiers du Canada, [1975] 1 R.C.S. 178).

[20] Tessier invoque ses activités liées au transport maritime pour affirmer qu’elle est une entreprise fédérale. Elle soutient, plus particulièrement, que l’arrêt de la Cour dans l’Affaire des débardeurs établit que le débardage est un élément essentiel de la compétence sur « [l]a navigation et les bâtiments ou navires » visée au par. 91(10) de la Loi constitutionnelle de 1867 ou de la compétence sur les « [l]ignes de bateaux à vapeur ou autres bâtiments » visée aux al. 92(10)a) et b) et qu’il est donc assujetti à la réglementation fédérale. Selon Tessier, les relations de travail de toute société dont les employés font du débardage doivent être régies par les lois fédérales. L’argumentation de Tessier est donc fondée sur la compétence directe. Avec égards, je ne peux retenir l’interprétation de la Loi constitutionnelle ou de l’Affaire des débardeurs proposée par Tessier.

[21] Le rattachement constitutionnel du pouvoir de légiférer sur les relations de travail des débardeurs découle de l’attribution des pouvoirs en matière de transport maritime. Les paragraphes 91(10) et 92(10) sont ainsi conçus :

91. [Pouvoirs du parlement] [. . .] il est par la présente déclaré que [. . .] l’autorité législative exclusive du parlement du Canada s’étend à toutes les matières tombant dans les catégories de sujets ci‑dessous énumérés, savoir :

10. La navigation et les bâtiments ou navires (shipping),

[. . .]

92. [Pouvoirs exclusifs des législatures provinciales] Dans chaque province la législature pourra exclusivement faire des lois relatives aux matières tombant dans les catégories de sujets ci‑dessous énumérés, savoir :

[. . .]

10. Les travaux et entreprises d’une nature locale, autres que ceux énumérés dans les catégories suivantes :

a) Lignes de bateaux à vapeur ou autres bâtiments, chemins de fer, canaux, télégraphes et autres travaux et entreprises reliant la province à une autre ou à d’autres provinces, ou s’étendant au‑delà des limites de la province;

b) Lignes de bateaux à vapeur entre la province et tout pays dépendant de l’empire britannique ou tout pays étranger;

c) Les travaux qui, bien qu’entièrement situés dans la province, seront avant ou après leur exécution déclarés par le parlement du Canada être pour l’avantage général du Canada, ou pour l’avantage de deux ou d’un plus grand nombre des provinces.

[22] Le paragraphe 91(10) confère au Parlement la compétence législative exclusive sur la « navigation et les bâtiments ou navires » sans l’assortir d’aucune restriction territoriale. Il englobe les aspects de la navigation et des bâtiments ou navires qui se rapportent à des objets nationaux exigeant une réglementation uniforme dans tout le pays, sans égard à leur portée territoriale. Dans Colombie‑Britannique (Procureur général) c. Lafarge Canada Inc., 2007 CSC 23, [2007] 2 R.C.S. 86, la Cour a confirmé, au par. 62, que :

L’étendue de la compétence conférée par le par. 91(10) s’étend au droit maritime, qui établit le cadre des relations juridiques découlant des activités propres à la navigation et aux bâtiments ou navires. La compétence fédérale s’étend aussi à l’infrastructure des activités liées à la navigation et aux bâtiments et navires. Elle permet au gouvernement fédéral de construire ou de réglementer les installations nécessaires, comme les ports, et de contrôler l’usage des voies maritimes et des eaux navigables (A. Braën, Le droit maritime au Québec (1992), p. 68‑75).

[23] Les aspects suivants de la navigation et des bâtiments ou navires se rapportent à des objets nationaux : les règles de droit maritime relatives à la négligence (ITO‑International Termnal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc., [1986] 1 R.C.S. 752; Whitbread c. Walley, [1990] 3 R.C.S. 1273; Succession Ordon c. Grail, [1998] 3 R.C.S. 437); la réalisation d’ouvrages pour faciliter la navigation (Reference re Waters and Water‑Powers, [1929] R.C.S. 200, p. 220‑21); les havres et ports (Lafarge). Voir aussi P. W. Hogg, Constitutional Law of Canada (5e éd. sup.), p. 22‑21. Dans Succession Ordon, la Cour a expliqué ce qui suit :

L’existence de règles de droit maritime uniformes est nécessaire en pratique à cause de la nature même des activités relatives à la navigation et aux expéditions par eau, tel qu’elles sont exercées au Canada. Bon nombre des règles de droit maritime sont le produit de conventions internationales et les droits et obligations juridiques de ceux qui se livrent à la navigation et aux expéditions par eau ne devraient pas changer de façon arbitraire suivant l’endroit où ils se trouvent. La nécessité de règles juridiques uniformes est particulièrement pressante dans le domaine de la responsabilité délictuelle pour abordages et autres accidents de navigation [. . .] [Par. 71.]

La Cour a pareillement reconnu que les entreprises de transport maritime ont besoin d’installations pour charger et décharger des marchandises et que, en conséquence, les « intérêts locaux ne sauraient entraver » la réglementation des ports et des havres : Lafarge, par. 64.

[24] Pour autant, le par. 91(10) ne confère pas au gouvernement fédéral un pouvoir de réglementation absolu sur le transport maritime. Il doit être lu en conjonction avec le par. 92(10) dont la fonction essentielle est d’opérer le partage du pouvoir législatif sur les ouvrages et entreprises de transport et de communication en fonction de la portée territoriale des activités.

[25] Le paragraphe 92(10) confère aux législatures provinciales le pouvoir de légiférer sur les travaux et entreprises d’une nature locale autres que ceux qui sont énumérés aux al. 92(10)a) et b) qui visent notamment les lignes de bateaux exploitées au‑delà des limites provinciales. Le paragraphe 92(10) permet la réglementation provinciale du transport intra‑provincial, tandis que le gouvernement fédéral a compétence sur le transport qui dépasse les limites provinciales et qui relie les provinces à d’autres provinces ou à d’autres pays.

[26] La Cour a statué que les sujets attribués respectivement aux provinces et au gouvernement fédéral par le par. 92(10) ainsi que les exceptions qui y sont prévues restreignent la compétence fédérale prévue au par. 91(10). Dans Agence Maritime Inc. c. Conseil canadien des relations ouvrières, par exemple, la Cour devait déterminer de quel ordre de gouvernement relevaient les relations de travail d’une société de transport maritime. Les activités d’Agence Maritime ne dépassant pas, sauf dans de rares cas, les frontières du Québec, elle était une société intraprovinciale au sens où il faut l’entendre pour l’application du par. 92(10), et la compétence fédérale découlant des al. 92(10)a) ou b) ne s’exerçait donc pas à son égard. Agence Maritime soutenait que ses activités de transport maritime relevaient malgré tout de la compétence fédérale prévue au par. 91(10), et qu’elles étaient donc assujetties aux lois fédérales en matière de travail. Le juge Fauteux a confirmé que les entreprises de transport maritime exploitées à l’intérieur d’une province ressortissent à la province, déclarant que les objets attribués exclusivement aux provinces ne sont pas de compétence fédérale :

On ne saurait accueillir l’interprétation suggérée sans être conduit à conclure qu’en édictant les dispositions des art. 91(29) et 92(10)(a) du statut de 1867 [. . .] le Législateur a parlé pour ne rien dire [. . .] [D]ans un cas comme celui qui nous occupe et sauf en ce qui concerne l’aspect navigation, les dispositions des art. 91(29) et 92(10)a) et b) ont collectivement pour effet d’exclure de la compétence du Parlement les entreprises de transport maritime dont les opérations sont effectuées strictement à l’intérieur d’une même province. [p. 859]

[27] Les objets expressément visés par le par. 92(10) et ses exceptions limitent donc la portée de la compétence fédérale conférée au par. 91(10). En fait, comme le juge Duff l’a reconnu dans Reference re Waters and Water‑Powers :

[traduction] Si le par. 91(10) englobe les objets qui tombent sous le chef des « travaux et entreprises » liés à la « navigation et [aux] bâtiments ou navires » [. . .] alors [. . .] les objets [. . .] liés à la navigation et aux bâtiments ou navires aux al. 92(10)a) et b) deviennent théoriques. [p. 222]

[28] Le paragraphe 92(10) concerne le pouvoir de légiférer sur les travaux et entreprises de transport maritime, un pouvoir qui, comme on l’a vu, s’étend aux conditions de travail de ceux qui y sont employés. Cette disposition s’articule tout entière autour de la portée territoriale des activités visées. Ainsi, le principe qui s’est établi au sujet des relations de travail en contexte de transport maritime est que la compétence dépend de la portée territoriale de l’activité en cause. Puisque le débardage n’est pas en soi une activité transfrontière de transport, il n’est pas assujetti à la réglementation fédérale par application directe des paragraphes 92(10)a) ou b) : Consolidated Fastfrate Inc. c. Western Canada Council of Teamsters, 2009 CSC 53, [2009] 3 R.C.S. 407, par. 43 et 61. Par conséquent, la réglementation fédérale en matière de travail ne s’appliquera aux travaux ou entreprises de débardage que si ceux‑ci font partie intégrante d’une entreprise fédérale d’une façon qui justifie qu’ils relèvent exceptionnellement de la compétence fédérale.

[29] C’est ainsi que la Cour a interprété l’Affaire des débardeurs. Comme je l’ai mentionné, les huit juges qui, dans cet arrêt, ont conclu à l’assujettissement de l’entreprise de transport maritime de Toronto à la réglementation fédérale en matière de travail ont rédigé des motifs distincts exposant des raisonnements différents, de sorte qu’il est difficile d’en dégager une possible assise unificatrice.

[30] Tessier a soutenu qu’elle était directement assujettie à la réglementation fédérale en matière de travail, en s’appuyant principalement sur le passage suivant des motifs du juge Abbott :

[traduction] [L]e chargement et le déchargement de navires [. . .] constituent un élément essentiel du transport de marchandises par les eaux. Pour cette raison, [. . .] ils relèvent de la compétence législative exclusive du Parlement fédéral en vertu de la disposition 10 de l’article 91 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, intitulé « La navigation et les bâtiments ou navires » [. . .] [p. 591]

Selon Tessier, ce passage établit que le Parlement exerce une compétence directe sur les relations de travail des débardeurs, le débardage faisant partie intégrante du chef de compétence fédéral sur la navigation et les bâtiments ou navires.

[31] Avec le temps, toutefois, la Cour en est plutôt venue à appliquer le principe de la compétence dérivée exposé dans les motifs du juge Estey. Après avoir indiqué que les débardeurs fournissaient leurs services à des sociétés de transport exerçant une entreprise extraprovinciale et relevant du pouvoir fédéral, le juge Estey a formulé la conclusion suivante :

[traduction] Si [. . .] l’arrimage exercé aux termes des contrats ci‑dessus constitue une partie intégrante ou nécessairement accessoire de l’exploitation efficace de ces lignes de bateaux à vapeur, la législation qui porte sur lui ne peut être adoptée valablement que par le Parlement du Canada. [p. 568]

Parce que les activités de débardage de la société torontoise étaient essentielles pour les sociétés de transport maritime relevant de la compétence fédérale, le juge Estey a conclu que la réglementation fédérale était applicable aux débardeurs qu’elle employait. (Voir Union des facteurs du Canada, juge Ritchie, p. 185‑86, et Travailleurs unis des transports, p. 1136‑38.)

[32] Dans United Transportation Union, le juge en chef Dickson a résumé l’Affaire des débardeurs en indiquant qu’elle établissait le principe selon lequel une société dont les relations de travail seraient normalement régies par les lois provinciales pourrait néanmoins relever de la compétence fédérale si l’entreprise fédérale qui fait appel à ses services ne pouvait s’acquitter efficacement de ses activités sans elle. Le rattachement des relations de travail à la compétence fédérale, en de tels cas, résulte de la conclusion que l’entreprise fédérale dépend dans une mesure importante des travailleurs en cause. Autrement dit, l’assise de la compétence fédérale est la relation entre l’activité de débardage et l’entreprise fédérale concernée, non la relation entre le débardage et le chef de compétence en cause.

[33] Le fait que l’Affaire des débardeurs est considérée comme un cas de compétence dérivée affaiblit l’argument de Tessier selon lequel ses activités de débardage font directement d’elle une entreprise fédérale. Cet arrêt n’établit pas que dès qu’une société effectue du débardage ses relations de travail sont automatiquement assujetties à la réglementation fédérale. Tout passage de l’Affaire des débardeurs suggérant que le Parlement exerce une compétence exclusive sur les relations de travail de tous les employés effectuant des opérations régulières de débardage doit donc être considéré comme incompatible avec les interprétations subséquentes que la Cour a faites de cette affaire.

[34] Tel qu’elle a été interprétée au fil des ans, l’Affaire des débardeurs établit donc que le débardage n’est pas une activité qui fait directement tomber une entreprise sous un chef de compétence fédéral, à tout le moins pour ce qui est des relations de travail. La réglementation fédérale des relations de travail des débardeurs ne sera justifiée que si le débardage forme une partie intégrante du transport maritime extraprovincial envisagé aux al. 92(10)a) et b). Ce résultat est compatible avec la conception que nous avons exposée précédemment du partage des pouvoirs opéré par le paragraphe 91(10) ainsi que par le paragraphe 92(10) et ses exceptions en matière de transport maritime.

[35] Quel cadre d’analyse doit en conséquence servir pour déterminer si une entreprise connexe à une entreprise fédérale est une partie intégrante de cette dernière?

[36] On l’a vu, la Cour a commencé à élaborer la règle de la compétence dérivée dans l’Affaire des débardeurs. Dans Union des facteurs du Canada, elle a conclu que la compétence fédérale dérivée en matière de travail peut jouer même si une entreprise n’exerce pas uniquement des activités de nature fédérale. En l’occurrence, l’entreprise visée consacrait 90 pour cent de son temps à la cueillette et à la livraison de courrier en exécution de contrats conclus avec Postes Canada et 10 pour cent à des activités purement locales. Le juge Ritchie a statué que la distribution et la levée du courrier, qui constituaient la principale et plus importante partie du travail de l’entreprise, étaient essentielles au fonctionnement du service postal et en faisaient une entreprise assujettie à la réglementation fédérale en matière de travail.

[37] Dans Northern Telecom Ltd. c. Travailleurs en communication du Canada, [1980] 1 R.C.S. 115 (Northern Telecom 1), le juge Dickson a étoffé la règle de qualification de la compétence dérivée et expliqué le cadre d’analyse devant servir à déterminer si une société connexe est essentielle à une entreprise fédérale. Il s’agissait dans cette affaire de déterminer si les employés travaillant comme surveillants pour le service d’installation de la région de l’ouest de Northern Telecom étaient régis par les lois fédérales ou par les lois provinciales en matière de travail. Le juge Dickson a ainsi décrit le cadre d’analyse :

Premièrement, il faut examiner l’exploitation principale de l’entreprise fédérale. On étudie ensuite l’exploitation accessoire pour laquelle les employés en question travaillent. En dernier lieu, on parvient à une conclusion sur le lien entre cette exploitation et la principale entreprise fédérale, ce lien nécessaire étant indifféremment qualifié « fondamental », « essentiel » ou « vital ». [ p. 132.]

[38] L’analyse met l’accent sur la relation entre l’activité, les employés concernés et l’entreprise fédérale à laquelle le travail des employés est censé profiter : Travailleurs unis des transports, p. 1138‑39. Dans Northern Telecom 1, le pourvoi a été rejeté à cause de l’insuffisance de la preuve, mais, depuis, la Cour a généralement appliqué les principes sous‑tendant le cadre d’analyse applicable en matière de compétence dérivée relative au travail qui y sont énoncés.

[39] Dans Conseil canadien des relations du travail c. Paul L’Anglais Inc., [1983] 1 R.C.S. 147, la Cour devait décider quel niveau de gouvernement était compétent en matière de travail à l’égard des employés de deux filiales de Télé‑Métropole Inc. — société fédérale de télédiffusion — , soit Paul L’Anglais Inc., qui s’occupait de la vente de temps de commandite d’émissions de télévision et J.P.L. Productions Inc., qui produisait des émissions et des commerciaux. Les sociétés connexes et l’entreprise fédérale partageaient des liens sociaux, la société mère étant la principale cliente des filiales et tirant profit des services que celles‑ci lui fournissaient. Le juge Chouinard n’en a pas moins estimé qu’une entreprise de télédiffusion pouvait être exploitée efficacement sans les services fournis par les filiales, c’est‑à‑dire que les activités menées par ces dernières n’étaient pas indispensables à l’entreprise fédérale, et que c’est donc la compétence provinciale en matière de travail qui s’appliquait.

[40] Northern Telecom Canada Ltd. c. Travailleurs en communication du Canada, [1983] 1 R.C.S. 733 (Northern Telecom 2) portait sur des employés d’installation différents, mais posait la même question constitutionnelle que Northern Telecom 1 : les installateurs relevaient‑ils de la compétence fédérale ou de la compétence provinciale en matière de travail? Plus précisément, il s’agissait de déterminer si ces employés fournissaient des services vitaux pour Bell Canada, une entreprise fédérale.

[41] Pour conclure que les relations de travail des installateurs de Telecom relevaient de la compétence fédérale, le juge Estey a généralement appliqué le raisonnement élaboré par le juge Dickson dans Northern Telecom 1 :

L’intégration presque totale du travail quotidien des installateurs aux tâches d’établissement et d’exploitation du réseau de télécommunications fait du travail d’installation un élément intégral de l’entreprise fédérale. Les équipes d’installation travaillent la plupart du temps dans les locaux occupés par le réseau de télécommunications. L’agrandissement, l’expansion et l’amélioration du réseau constituent une opération conjointe du personnel de Bell et de celui de Telecom. L’expansion ou le remplacement de l’équipement de commutation et de transmission, qui est en lui‑même essentiel à l’exploitation continue du réseau, est intimement intégré aux systèmes de prestation des communications du réseau. Tout ce travail absorbe une très grande proportion du travail des installateurs.

[. . .]

[L]’attribution de ces relations de travail au domaine fédéral correspond à la nature du travail des employés en cause, au rapport entre leurs services et l’entreprise fédérale, aux réalités géographiques de la portée interprovinciale du travail de ces employés puisqu’elles traversent plusieurs limites provinciales, à l’intégration complète du travail de ces employés et à l’expansion, la rénovation et la modernisation quotidiennes de cette grande entreprise de télécommunication. [p. 766‑768.]

[42] Le juge Dickson a souscrit à ce résultat, mais a rédigé des motifs distincts. Premièrement, il a fait remarquer que les installateurs étaient fonctionnellement séparés du reste des opérations de Telecom. Deuxièmement, il a indiqué que la participation de Bell dans Northern Telecom aidait quelque peu à conclure qu’un secteur des activités de Telecom faisait partie intégrante de celles de Bell. Troisièmement, il a confirmé que la majeure partie du travail des installateurs, soit 80 pour cent de leur temps environ, était destinée à Bell. Enfin, le lien matériel et opérationnel entre les installateurs et Bell était important. Par conséquent, il a estimé que les services des installateurs représentaient une partie essentielle des activités de Bell.

[43] Dans Travailleurs unis des transports, la Cour a examiné si les employés de Central Western Railway Corp. étaient assujettis à la réglementation fédérale ou à la réglementation provinciale en matière de travail. Central Western exploitait une voie ferrée entièrement située en Alberta qu’elle avait acquise de la Compagnie des chemins de fer nationaux (CN) avec l’aide financière de cette dernière et qui comptait un point de raccordement avec le réseau de celle‑ci. Après avoir conclu que Central Western n’exploitait pas un chemin de fer interprovincial au sens où il faut l’entendre pour l’application de l’al. 92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 1867, le juge en chef Dickson a examiné si la voie ferrée formait une partie intégrante de l’entreprise du CN, une entreprise fédérale. Il a signalé qu’il n’existait pas de lien quotidien ou de simultanéité entre les deux entreprises et qu’on ne pouvait dire que le CN dépendait des services de Central Western — en fait, le CN tentait d’abandonner la ligne de chemin de fer de Central Western, signe que cette ligne ne constituait pas une partie vitale des opérations du CN. Selon le juge en chef Dickson, il fallait davantage que l’existence d’un lien matériel et de relations commerciales mutuellement avantageuses avec une entreprise fédérale pour satisfaire au critère d’intégration fonctionnelle. Par conséquent, il a conclu que le degré d’intégration nécessaire faisant défaut, la présomption d’application de la réglementation provinciale du travail s’appliquait à l’égard des employés de Central Western.

[44] Dans Westcoast Energy Inc. c. Canada (Office national de l’énergie), [1998] 1 R.C.S. 322, la Cour a examiné si la réglementation fédérale était applicable à deux usines de traitement de gaz naturel et aux installations de collecte afférentes que Westcoast Energy Inc. proposait de construire dans le nord de la Colombie‑Britannique. Les installations de collecte et de traitement étaient entièrement situées dans la province. La Cour a statué malgré tout à la majorité qu’elles relevaient de la compétence fédérale parce que le gaz naturel traité était transporté dans un gazoduc interprovincial possédé et exploité par Westcoast. Les juges de la majorité ont estimé qu’il s’agissait donc d’un cas où il y avait compétence fédérale directe. Westcoast exploitait une entreprise unique et indivisible qui tombait dans un champ de compétence fédérale, le transport interprovincial, aux termes de l’al. 92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 1867.

[45] La juge McLachlin, dans des motifs dissidents, a analysé la question différemment, d’une manière qui donne un éclairage particulièrement utile en l’espèce. Après avoir signalé que les installations de collecte et de traitement n’étaient pas en elles‑mêmes des entreprises de transport interprovincial (le critère de la compétence directe), elle a indiqué qu’elles ne pouvaient alors être assujetties à la réglementation fédérale que si elles faisaient partie intégrante de gazoducs interprovinciaux. Appliquant le raisonnement relatif à la compétence dérivée, elle a posé que la compétence fédérale d’exception ne se justifiait que s’il existait entre l’opération connexe et l’entreprise fédérale un lien fonctionnel si essentiel qu’il faisait perdre à l’opération son caractère provincial distinct et la faisait tomber dans la sphère fédérale : par. 111. Comme le juge en chef Dickson dans Travailleurs unis des transports, elle a pris soin de mettre en relief la souplesse du critère applicable. En effet, des décisions différentes ont mis l’accent sur des facteurs différents, et il n’existe pas de critère simple et décisif : par. 125 et 128. Elle a tenu compte de la gestion commune et de l’interconnexion des usines et du gazoduc ainsi que de la dépendance du pipeline à l’égard des usines de traitement. Elle a néanmoins conclu que ces usines conservaient leur identité propre non liée au transport et qu’elles ne formaient pas une partie essentielle, au sens requis par la Constitution, du gazoduc interprovincial.

[46] Ainsi, la Cour a généralement examiné le lien entre l’entreprise fédérale et l’activité censée en former une partie intégrante dans la perspective de chacune, évaluant dans quelle mesure l’exploitation efficace de l’entreprise fédérale dépendait des services fournis par l’entreprise connexe et soupesant l’importance de ces services pour l’entreprise connexe elle‑même.

[47] Peut‑on dire, en appliquant ces principes aux faits de la présente espèce, que les activités de débardage de Tessier font partie intégrante d’une entreprise fédérale au point de justifier que la compétence fédérale exceptionnelle en matière de relations de travail s’exerce à l’égard de ses employés?

[48] Jusqu’à présent, la Cour a appliqué le critère relatif à la compétence dérivée en matière de relations de travail dans deux contextes. Premièrement, elle a confirmé que l’assujettissement à la réglementation fédérale peut être justifié lorsque les services fournis à l’entreprise fédérale constituent la totalité ou la majeure partie de l’entreprise connexe (Affaire des débardeurs; Union des facteurs du Canada).

[49] Deuxièmement, la Cour a reconnu qu’il pourrait pareillement être justifié d’appliquer la réglementation fédérale lorsque les services fournis à l’entreprise fédérale sont exécutés par des employés appartenant à une unité fonctionnelle particulière qui peut se distinguer structuralement sur le plan constitutionnel du reste de l’entreprise connexe. Dans Northern Telecom 2, par exemple, les installateurs formaient un groupe opérationnellement indépendant du reste de Telecom. La Cour a donc pu considérer que la nature opérationnelle essentielle du service d’installation en faisait une entité distincte, comme l’a indiqué le juge Dickson :

[L]es installateurs sont assez distincts, pour ce qui est de leurs fonctions, du reste des opérations de Telecom [. . .] Ils ne travaillent jamais dans les locaux de Telecom; ils travaillent dans les locaux de leurs clients. Quant à Bell Canada, l’installation se fait principalement dans ses locaux mêmes et non chez ses clients [. . .]. Les installateurs n’ont aucun contact véritable avec les autres opérations de Telecom. Les opérations principales de fabrication de Telecom tombent, de l’aveu des parties, sous la compétence provinciale, mais il n’y a absolument rien d’artificiel à conclure que les installateurs de Telecom relèvent d’une compétence constitutionnelle différente. [p. 770‑71]

(Voir aussi Ontario Hydro, où seules les personnes travaillant dans le cadre des installations de production d’énergie nucléaire étaient assujetties à la réglementation fédérale; Johnston Terminals and Storage Ltd. c. Vancouver Harbour Employees Association Local 517, [1981], [1981] 2 C.F. 686 (C.A.), et Actton Transport Ltd. c. British Columbia (Director of Employment Standards), 2010 BCCA 272, 5 B.C.L.R. (5th) 1, où le travail de certains employés pouvait être séparé de l’entreprise générale de l’employeur et relevait, par conséquent, d’une compétence différente en matière de travail.)

[50] Le présent pourvoi offre à la Cour une première occasion d’examiner les conséquences constitutionnelles d’une situation où des employés qui exécutent le travail ne forment pas une unité de travail distincte et sont pleinement intégrés à l’entreprise connexe. J’estime que même si le travail de ces employés est essentiel au fonctionnement d’une entreprise fédérale, cela n’a pas pour effet de rendre fédérale une entreprise autrement locale si ce travail ne représente qu’une partie négligeable de l’emploi du temps des employés ou qu’un aspect mineur de la nature essentielle constante de l’exploitation : Consumers’ Gas Co. c. Office national de l’énergie (1996), 195 N.R. 150 (C.A.), R. c. Blenkhorn‑Sayers Structural Steel Corp., 2008 ONCA 789, 304 D.L.R. (4th) 498 et Internation Brotherhood of Electrical Workers, Local 348 c. Labour Relations Board (1995), 168 A.R. 204 (B.R.). Voir aussi General Teamsters, Local Union No. 362 c. MacCosham Van Lines Ltd., [1979] 1 C.L.R.B.R. 498, M. Patenaude, « L’entreprise qui fait partie intégrante de l’entreprise fédérale » (1991), 32 C. de D. 763, p. 791‑99, et Brun, Tremblay et Brouillet, p. 544.

[51] En ce sens, la reconnaissance par Tessier qu’elle exploite une entreprise indivisible met à mal sa thèse voulant que la présence d’employés faisant du débardage assujettisse toute la société à la réglementation fédérale. Si Tessier elle‑même était une entreprise interprovinciale de transport, elle pourrait valablement présumer de la non‑pertinence du pourcentage de ses activités consacrées au transport local par rapport au transport extraprovincial : Attorney‑General for Ontario c. Winner, [1954] A.C. 541. Or, comme ce n’est que de façon dérivée qu’elle peut être qualifiée d’entreprise fédérale, elle ne peut relever de la compétence fédérale que si l’activité fédérale compte pour une part importante de son exploitation.

[52] Dans Consumers’ Gas, par exemple, un gazoduc interprovincial acheminait 13 pour cent du volume total de gaz de Consumers et faisait partie intégrante de son réseau global de distribution. Pour conclure que cette entreprise indivisible était de nature locale, le juge Hugessen s’est appuyé plus particulièrement sur le fait que l’aspect interprovincial du réseau représentait une fraction relativement minime de l’activité de Consumers :

Bien qu’il soit évident que, dans les cas de compétence fédérale principale visés par l’alinéa 92(10)(a), il suffit que seulement une partie minime de l’entreprise soit interprovinciale pourvu qu’elle soit exploitée de façon continuelle et régulière [. . .], la règle est différente dans les cas de compétence fédérale secondaire. En pareil cas, l’accent est mis non pas sur l’entreprise interprovinciale, mais sur une entreprise qui est, par définition, principalement provinciale, et la question qui se pose alors est celle de savoir si cette entreprise est devenue fédérale en raison de son intégration à une entreprise fédérale principale. À cette fin, il ne suffit manifestement pas que la participation de l’entreprise provinciale à l’entreprise fédérale soit minime ou occasionnelle. [. . .] En l’espèce [l’activité connexe fédérale] ne représente que 13 % de la quantité totale reçue par la Consumers’ de la part de la TCPL. À notre avis, une fraction aussi minime de l’entreprise de Consumers’ [. . .] ne suffit pas à la faire relever de la compétence fédérale. [Je souligne; références omises; par. 10.]

[53] De la même façon, le juge Sharpe a conclu, dans Blenkhorn‑Sayers, que les sociétés de construction en cause étaient des entreprises uniques indivisibles, et qu’elles n’avaient pas créé de secteurs distincts définissables œuvrant uniquement à des activités relevant de la sphère fédérale. Deux aspects de l’activité des sociétés étaient examinés. L’activité fédérale représentait jusqu’à 15 pour cent de l’activité globale dans un cas et 29 pour cent dans l’autre. Compte tenu de ces faits, le juge Sharpe a estimé que l’exclusion des employés visés de l’application uniforme des lois provinciales sur le travail porterait atteinte à la cohérence de l’application des principes constitutionnels : par. 32.

[54] Enfin, dans International Brotherhood of Electrical Workers, Local 348, la Cour d’appel de l’Alberta a indiqué que la fourniture régulière de services importants à une entreprise fédérale ne suffit pas à faire relever les relations de travail de l’entreprise connexe de la compétence fédérale. Dans cette affaire, les services connexes fournis à l’entreprise fédérale n’étaient [traduction] « pas intermittents », mais ils n’étaient pas non plus [traduction] « prédominants »; ils représentaient moins du quart de l’activité de l’entreprise : par. 15.

[55] Pour résumer, une entreprise indivisible et intégrée ne doit pas être artificiellement scindée aux fins de classification constitutionnelle. Des travaux et entreprises locaux ne seront assujettis à la réglementation fédérale que si leur nature dominante fait partie intégrante d’une entreprise fédérale; autrement, ils continuent à relever de la province. Comme la juge McLachlin l’a précisé dans sa dissidence, dans l’arrêt Westcoast Energy :

L’ouvrage ou l’entreprise de nature locale doit, en raison de son lien avec l’ouvrage ou l’entreprise de nature interprovinciale, être essentiellement exploité en tant que partie de l’entité interprovinciale et perdre son caractère distinct. Dans le cas d’une entreprise de transport ou de communication interprovinciale, l’ouvrage ou l’entreprise de nature locale doit, pour être fonctionnellement intégré, être de nature interprovinciale du point de vue de ses activités quotidiennes normales — c’est‑à‑dire constituer ce qu’on pourrait appeler une « entreprise interprovinciale ou internationale » [. . .] Si l’ouvrage ou l’entreprise de nature locale a, sur le plan de son fonctionnement, un caractère dominant différent du transport interprovincial ou des communications interprovinciales, cet ouvrage ou cette entreprise continue de relever de la compétence provinciale. [Je souligne; références omises; par. 124.]

[56] Je le répète, à l’époque en cause en l’espèce, la plus grande partie de l’activité de Tessier ne concernait pas le transport maritime; Tessier s’occupait entre autres de location de grues pour des travaux de construction et d’entretien industriel, de location d’autres types de machinerie lourde et de transport intraprovincial. Le débardage ne comptait que pour 14 pour cent de son chiffre d’affaires total et ne représentait que 20 pour cent des salaires versés aux employés qui étaient par ailleurs totalement intégrés et travaillaient dans les différents secteurs de l’entreprise.

[57] Tessier disposait d’un parc de 25 grues qui servaient à diverses fins : construction, entretien industriel ainsi que chargement et déchargement de navires. Deux des grues étaient installées de façon permanente au quai de Baie‑Comeau, et une, au quai de Matane. Tessier veillait au chargement et au déchargement de certains produits livrés à Matane, Sept‑Îles, Havre‑Saint‑Pierre et Baie‑Comeau ou expédiés de ces localités. La grue installée à Matane servait au chargement de pâte à papier; celles de Baie‑Comeau étaient utilisées pour le chargement de papier journal, de bois de sciage et d’aluminium destinés à l’expédition outre‑mer. Certaines de ces marchandises étaient chargées à l’aide de grues fixées aux navires eux‑mêmes et manœuvrées par des employés de la société de transport maritime. Enfin, Tessier travaillait avec la Société canadienne de sel qui transportait du sel expédié de la Nouvelle‑Écosse à Sept Îles ou à Havre‑Saint‑Pierre par bateau, pour utilisation sur les routes pendant les mois d’hiver. Tessier fournissait les services de grutiers pour manœuvrer les grues installées sur ces navires. Quelques‑unes, à tout le moins, des sociétés de transport maritime clientes de Tessier, étaient des entreprises fédérales en raison de leurs opérations interprovinciales.

[58] Il ressort de cet examen factuel que les services de débardage de Tessier n’étaient pas exécutés par une unité distincte et qu’ils ne représentaient qu’une petite partie de l’activité de l’entreprise. Les employés de Tessier constituent une main‑d’oeuvre indivisible employée indifféremment à différentes tâches au sein de l’entreprise. Dans la mesure où des employés de Tessier effectuaient du débardage, ils ne le faisaient que de façon occasionnelle. Des grutiers assignés une journée à un chantier de construction pouvaient le lendemain travailler au déchargement de navires.

[59] Bref, Tessier est fonctionnellement de nature essentiellement locale, et ses services de débardage, qui sont intégrés à ses autres activités, constituent une partie relativement minime de son entreprise globale. Écarter la compétence provinciale à l’égard de ses employés entraînerait leur assujettissement à la réglementation fédérale sur le fondement d’activités intermittentes de débardage, en dépit du fait que l’activité de Tessier est principalement constituée d’activités assujetties à la réglementation provinciale.

[60] Bien que ce point ne soit plus déterminant en raison de la conclusion formulée précédemment, il convient aussi de signaler que nous avons, de toute manière, peu d’éléments de preuve établissant que les services de débardage de Tessier faisaient partie intégrante des sociétés fédérales de transport maritime auxquelles ils étaient destinés. Tessier cherchait principalement à établir qu’elle était une entreprise fédérale de transport maritime directement visée par les al. 91(10) ou 92(10), si bien qu’elle n’a pas présenté de preuve se rapportant au statut d’entreprise connexe à des entreprises fédérales de transport maritime. Par conséquent, bien que nous sachions que Tessier a fourni des grues et des grutiers à des sociétés de transport maritime pour le chargement ou le déchargement de leurs navires, nous n’en savons pas beaucoup plus.

[61] Pour être pertinente, la dépendance d’une entreprise fédérale à l’égard d’une entreprise connexe doit être constante. Or, nous ne disposons d’aucun renseignement au sujet de la relation entre Tessier et les sociétés de transport maritime et nous ignorons si les activités de débardage de Tessier découlaient de contrats à long ou à court terme ou si ces contrats pouvaient prendre fin à brève échéance. Bref, rien n’établit dans quelle mesure les sociétés de transport dépendaient des employés de Tessier. Comme l’a indiqué la Cour d’appel, il n’était pas même possible de tirer de conclusion concernant la question de savoir si les employés de Tessier qui effectuaient occasionnellement du débardage étaient indispensables pour les entreprises fédérales de transport maritime. Cet élément milite lui aussi contre l’application de la compétence fédérale d’exception.

[62] Je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs de l’appelante : Fasken Martineau DuMoulin, Québec.

Procureurs de l’intimée : Vigneault Thibodeau Bergeron, Québec.

Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Ontario : Procureur général de l’Ontario, Toronto.

Procureur de l’intervenant le procureur général du Québec : Procureur général du Québec, Québec.

Procureur de l’intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique : Procureur général de la Colombie‑Britannique, Victoria.

[1] Selon le juge Locke, la Loi s’appliquait aux débardeurs, mais non aux employés de bureau; selon le juge Rand, la Loi ne s’appliquait à aucun des employés.


Synthèse
Référence neutre : 2012 CSC 23 ?
Date de la décision : 17/05/2012
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit constitutionnel - Partage des compétences - Relations du travail - Société loue normalement et habituellement des grues et de la machinerie lourde et, dans une moindre mesure, offre des services de débardage - Les activités de débardage sont‑elles visées par la compétence du fédéral relativement à la navigation et aux bâtiments ou navires ? - Les activités de débardage font‑elles partie intégrante d’une entreprise assujettie à la réglementation fédérale ? - Les employés de la société sont‑ils régis par la législation fédérale ou par la législation provinciale en matière de santé et sécurité au travail ? - Loi constitutionnelle de 1867, art. 91(10), 92(10) et 92(13).

T est une société qui offre des services de location de machinerie lourde et de grues, de transport routier intraprovincial ainsi que d’entretien et de réparation d’équipement. En 2005‑2006, certaines de ses grues servaient à faire du débardage. Cette activité générait 14 pour cent du chiffre d’affaires de la société et représentait 20 pour cent des salaires qu’elle versait. Les services de débardage offerts par T n’étaient pas exécutés par une unité distincte d’employés, mais plutôt par des employés totalement intégrés à la main d’œuvre de T et qui travaillaient dans les différents secteurs de l’entreprise. Durant la période pertinente, toutes les activités de T s’exerçaient dans la province de Québec.

En 2006, en se fondant sur l’Affaire des débardeurs, [1955] R.C.S. 529, la société mère de T a demandé à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (« CSST ») de déclarer que les activités de T relevaient de la compétence fédérale et que, par conséquent, elle n’était pas assujettie à la législation provinciale en matière de santé et de sécurité au travail. T a soutenu que ses opérations de débardage relevant de la compétence fédérale en matière de transport maritime, ses employés devraient être régis par la législation fédérale. La CSST a conclu que les activités de T relevaient de la compétence provinciale, conclusion que la Commission des lésions professionnelles a confirmée et qui a ensuite été infirmée par la Cour supérieure. La Cour d’appel a accueilli le pourvoi interjeté devant elle et statué que la réglementation provinciale s’appliquait, principalement parce que le débardage ne constituait qu’un pourcentage minime des activités de T, que celle‑ci n’avait pas de division spécialisée dans ce domaine et qu’elle n’avait présenté aucune preuve relative à la nature de sa relation contractuelle ou organisationnelle avec les sociétés de transport maritime auxquelles elle fournissait des services.

Arrêt : Le pourvoi est rejeté.

Depuis Toronto Electric Commissioners c. Snider, [1925] A.C. 396 (C.P.), les tribunaux reconnaissent l’existence d’une présomption selon laquelle le pouvoir de légiférer sur les relations de travail appartient aux provinces. En dépit de cette présomption, le fédéral a compétence en matière de réglementation du travail dans deux circonstances : lorsque l’emploi s’exerce dans le cadre d’un ouvrage, d’une entreprise ou d’un commerce relevant du pouvoir législatif du Parlement ou lorsqu’il se rapporte à une activité faisant partie intégrante d’une entreprise assujettie à la réglementation fédérale, ce qui est parfois appelé compétence dérivée.

Dans le cas de la compétence dérivée, on examine la nature fonctionnelle essentielle de l’ouvrage, du commerce ou de l’entreprise pour déterminer si cette nature constante est telle que l’ouvrage fait partie intégrante d’une entreprise fédérale. L’analyse met l’accent sur la relation entre l’activité, les employés concernés et l’entreprise fédérale à laquelle le travail des employés est censé profiter. Il faut examiner le lien entre l’entreprise fédérale et l’activité censée en former une partie intégrante dans la perspective de chacune, évaluant dans quelle mesure l’exploitation efficace de l’entreprise fédérale dépend des services fournis par l’entreprise connexe et soupesant l’importance de ces services pour l’entreprise connexe elle‑même. Des éléments exceptionnels ne sauraient définir la nature fonctionnelle essentielle d’une entreprise.

L’assujettissement à la réglementation fédérale peut être justifié lorsque les services fournis à l’entreprise fédérale constituent la totalité ou la majeure partie de l’entreprise connexe. Il pourrait pareillement être justifié d’appliquer la réglementation fédérale lorsque les services fournis à l’entreprise fédérale sont exécutés par des employés appartenant à une unité fonctionnelle particulière qui peut se distinguer structuralement sur le plan constitutionnel du reste de l’entreprise connexe. Si les employés qui exécutent le travail ne forment pas une unité de travail distincte et sont pleinement intégrés à l’entreprise connexe, même si leur travail est essentiel au fonctionnement d’une entreprise fédérale, cela n’a pas pour effet de rendre fédérale une entreprise autrement locale si ce travail ne représente qu’une partie négligeable de l’emploi du temps des employés ou qu’un aspect mineur de la nature essentielle constante de l’exploitation.

En l’espèce, la plus grande partie des activités de T étaient de celles qui sont régies par le provincial. Elle est fonctionnellement de nature essentiellement locale, et ses services de débardage, qui sont intégrés à ses autres activités, constituent une partie relativement minime de son entreprise globale. Par conséquent, les employés de T sont régis par la législation provinciale en matière de santé et sécurité au travail.


Parties
Demandeurs : Tessier Ltée
Défendeurs : Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail)

Références :

Jurisprudence
Arrêt expliqué : Reference re Industrial Relations and Disputes Investigation Act, [1955] R.C.S. 529
arrêts mentionnés : Bell Canada c. Québec (Commission de santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 R.C.S. 749
Toronto Electric Commissioners c. Snider, [1925] A.C. 396
NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C. Government and Service Employees’ Union, 2010 CSC 45, [2010] 2 R.C.S. 696
Commission du salaire minimum c. Bell Telephone Co. of Canada, [1966] R.C.S. 767
Ontario Hydro c. Ontario (Commission des relations de travail), [1993] 3 R.C.S. 327
Travailleurs unis des transports c. Central Western Railway Corp., [1990] 3 R.C.S. 1112
Agence Maritime Inc. c. Conseil canadien des relations ouvrières, [1969] R.C.S. 851
Construction Montcalm Inc. c. Commission du salaire minimum, [1979] 1 R.C.S. 754
Union des facteurs du Canada c. Syndicat des postiers du Canada, [1975] 1 R.C.S. 178
Colombie‑Britannique (Procureur général) c. Lafarge Canada Inc., 2007 CSC 23, [2007] 2 R.C.S.86
ITO—International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc., [1986] 1 R.C.S. 752
Whitbread c. Walley, [1990] 3 R.C.S. 1273
Succession Ordon c. Grail, [1998] 3 R.C.S. 437
Reference re Waters and Water‑Powers, [1929] R.C.S. 200
Consolidated Fastfrate Inc. c. Western Canada Council of Teamsters, 2009 CSC 53, [2009] 3 R.C.S. 407
Northern Telecom Ltée c. Travailleurs en communication du Canada, [1980] 1 R.C.S. 115
Conseil canadien des relations du travail c. Paul L’Anglais Inc., [1983] 1 R.C.S. 147
Northern Telecom Canada Ltée c. Syndicat des travailleurs en communication du Canada, [1983] 1 R.C.S. 733
Westcoast Energy Inc. c. Canada (Office national de l’énergie), [1998] 1 R.C.S. 322
Johnston Terminals and Storage Ltd. c. Association des employés du port de Vancouver, section locale 517, [1981] 2 C.F. 686
Actton Transport Ltd. c. British Columbia (Director of Employment Standards), 2010 BCCA 272, 5 B.C.L.R. (5th) 1
Consumers’ Gas Co. c. Canada (Office national de l’énergie), [1996] A.C.F. no 320 (QL)
R. c. Blenkhorn‑Sayers Structural Steel Corp., 2008 ONCA 789, 304 D.L.R. (4th) 498
International Brotherhood of Electrical Workers, Local 348 c. Labour Relations Board (1995), 168 A.R. 204
General Teamsters, Local Union No. 362 c. MacCosham Van Lines Ltd., [1979] 1 C.L.R.B.R. 498
Attorney‑General for Ontario c. Winner, [1954] A.C. 541.
Lois et règlements cités
Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L‑2.
Loi constitutionnelle de 1867, art. 91, 92.
Loi sur la santé et la sécurité du travail, L.R.Q., ch. S‑2.1.
Doctrine et autres documents cités
Brun, Henri, Guy Tremblay et Eugénie Brouillet. Droit constitutionnel, 5e éd. Cowansville, Qué. : Yvon Blais, 2008.
Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada, 5th ed. Supp. Scarborough, Ont. : Thomson/Carswell, 2007 (loose-leaf updated 2009, release 1).
Patenaude, Micheline. « L’entreprise qui fait partie intégrante de l’entreprise fédérale » (1991), 32 C. de D. 763.

Proposition de citation de la décision: Tessier Ltée c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), 2012 CSC 23 (17 mai 2012)


Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2012-05-17;2012.csc.23 ?
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