La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/01/2014 | CANADA | N°2014_CSC_3

Canada | R. c. MacDonald


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : R. c . MacDonald , 2014 CSC 3, [2014] 1 R.C.S. 37
Date : 20140117
Dossier : 34914

Entre :
Erin Lee MacDonald
Appelant
et
Sa Majesté la Reine
Intimée
Et entre :
Sa Majesté la Reine
Appelante
et
Erin Lee MacDonald
Intimé
- et -
Directeur des poursuites pénales et procureur général de l'Ontario
Intervenants

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Fish, Abella, Rothstein, Moldaver et Wagner

Motifs de jugement :
(par. 1 à 63)

Motifs concordants :
(par. 64 à 92)
Le juge LeBel (avec l'accord de la juge en chef McLachli...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : R. c . MacDonald , 2014 CSC 3, [2014] 1 R.C.S. 37
Date : 20140117
Dossier : 34914

Entre :
Erin Lee MacDonald
Appelant
et
Sa Majesté la Reine
Intimée
Et entre :
Sa Majesté la Reine
Appelante
et
Erin Lee MacDonald
Intimé
- et -
Directeur des poursuites pénales et procureur général de l'Ontario
Intervenants

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Fish, Abella, Rothstein, Moldaver et Wagner

Motifs de jugement :
(par. 1 à 63)

Motifs concordants :
(par. 64 à 92)
Le juge LeBel (avec l'accord de la juge en chef McLachlin et des juges Fish et Abella)

Les juges Moldaver et Wagner (avec l'accord du juge Rothstein)



R. c . MacDonald, 2014 CSC 3, [2014] 1 R.C.S. 37

Erin Lee MacDonald Appelant
c.
Sa Majesté la Reine Intimée
‑ et ‑
Sa Majesté la Reine Appelante
c.
Erin Lee MacDonald Intimé
et
Directeur des poursuites pénales et
procureur général de l'Ontario Intervenants
Répertorié : R. c. MacDonald
2014 CSC 3
N o du greffe : 34914.
2013 : 23 mai; 2014 : 17 janvier.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Fish, Abella, Rothstein, Moldaver et Wagner.
en appel de la cour d'appel de la nouvelle‑écosse
Droit constitutionnel — Charte des droits — Fouilles, perquisitions et saisies — Policier répondant à une plainte de bruit à la résidence de l'accusé — Accusé dissimulant une arme à feu à autorisation restreinte chargée en ouvrant la porte — Policier poussant la porte pour l'ouvrir un peu plus afin de voir ce que dissimulait l'accusé — La conduite du policier constituait‑elle une fouille et, dans l'affirmative, la fouille était‑elle abusive? — Charte canadienne des droits et libertés , art. 8 .
Droit criminel — Infractions — Éléments de l'infraction — Mens rea — Possession d'une arme à feu à autorisation restreinte chargée — Policier répondant à une plainte de bruit à la résidence de l'accusé — Accusé dissimulant une arme à feu à autorisation restreinte chargée en ouvrant la porte — Accusé croyant à tort que son permis de possession d'une arme à feu en Alberta était valide en Nouvelle‑Écosse — Le ministère public devait‑il prouver que l'accusé savait ou avait ignoré volontairement que sa possession de l'arme à feu n'était pas autorisée? — Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46 , art. 95 .
La police a répondu à une plainte de bruit à la résidence de M à Halifax. Lorsque M a ouvert la porte, un policier a remarqué que M tenait un objet dans sa main, dissimulé derrière sa jambe. Le policier a demandé deux fois à M ce qu'il tenait dans sa main. Comme M ne répondait pas, le policier a poussé la porte pour l'ouvrir quelques pouces de plus pour mieux voir. Après un bref corps à corps, le policier a enlevé à M l'arme de poing chargée qu'il tenait. M était titulaire d'un permis de possession et de transport de l'arme de poing valide en Alberta mais, contrairement à ce qu'il croyait, non valide en Nouvelle‑Écosse. Le juge du procès a conclu que M n'était pas autorisé à posséder l'arme à feu. Il a aussi conclu qu'en poussant la porte pour l'ouvrir un peu plus, le policier n'avait pas violé le droit de M à la protection contre les fouilles abusives garanti par l' art. 8 de la Charte . Le juge du procès a déclaré M coupable d'avoir manipulé une arme à feu d'une manière négligente (aux termes de l' art. 86 du Code criminel ), d'avoir eu en sa possession une arme dans un dessein dangereux ( art. 88 ) et d'avoir eu en sa possession une arme à feu à autorisation restreinte chargée ( art. 95 ). Il a condamné M à trois ans d'emprisonnement et lui a interdit de posséder une arme à feu pendant dix ans. La Cour d'appel, à la majorité, a maintenu la décision du premier juge selon laquelle le policier n'avait pas violé le droit que l' art. 8 de la Charte garantit à M. Elle a maintenu les déclarations de culpabilité fondées sur les art. 86 et 88 du Code criminel mais a atténué considérablement les peines. Cependant, la Cour d'appel a accueilli l'appel de M interjeté à l'encontre de la déclaration de culpabilité fondée sur l' art. 95 et a ordonné un acquittement.
Arrêt : Le pourvoi est rejeté sur la question relative à l' art. 8 de la Charte et le pourvoi du ministère public contre l'acquittement relatif à l'accusation portée en vertu de l' art. 95 du Code criminel est accueilli. L'affaire est renvoyée à la Cour d'appel pour la détermination de la peine.
La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Fish et Abella : L'intervention du policier, lorsqu'il a poussé la porte un peu plus loin, constituait une « fouille » au sens de l' art. 8 de la Charte . Ce geste allait au‑delà de l'autorisation implicite de frapper à la porte et constituait une atteinte à une attente raisonnable de M en matière de respect de la vie privée dans sa demeure. Même si l'intervention du policier constituait une fouille au sens de l' art. 8 , cette fouille n'était pas abusive parce que les deux volets du critère de l'arrêt Waterfield étaient respectés. Le premier volet était respecté puisque la fouille sans mandat s'inscrivait dans le cadre du devoir qu'ont les policiers en common law de protéger la vie et la sécurité, et le second, puisque la fouille constituait un exercice justifiable des pouvoirs afférents à ce devoir.
Pour déterminer si une fouille de sécurité est raisonnablement nécessaire, et donc justifiable, un certain nombre de facteurs doivent être pris en considération pour mettre en équilibre le devoir des policiers et le droit à la liberté en cause. Ces facteurs englobent l'importance de ce devoir pour l'intérêt public, la nécessité de l'atteinte pour l'accomplissement de ce devoir et l'ampleur de l'atteinte. Le devoir de protéger la vie et la sécurité est de la plus haute importance pour l'intérêt public, mais une atteinte à la liberté d'une personne peut être nécessaire lorsque, par exemple, le policier a des motifs raisonnables de croire que cette personne est armée et dangereuse. Cette atteinte à la liberté ne sera justifiée que dans la mesure où il est nécessaire que le policier vérifie la présence d'armes. En d'autres mots, et comme notre Cour l'a reconnu dans R. c. Mann , 2004 CSC 52, [2004] 3 R.C.S. 59 , les pouvoirs des policiers sont limités. Les tribunaux doivent prendre en compte non seulement l'ampleur de l'atteinte, mais aussi la façon dont la fouille a été effectuée. Des limites à l'égard des fouilles de sécurité effectuées dans une résidence privée sont particulièrement importantes car ces fouilles peuvent souvent permettre à la police d'obtenir de nombreux renseignements personnels très délicats.
En l'espèce, le policier avait des motifs raisonnables de croire à l'existence d'une menace imminente pour la sécurité du public et celle des policiers et que la fouille était nécessaire pour éliminer cette menace. La façon dont il a effectué la fouille n'était pas non plus abusive. Le juge du procès a conclu que le policier n'a pas ouvert la porte plus qu'il n'était nécessaire pour découvrir ce qui se trouvait derrière la jambe de M. Le policier a demandé deux fois à M ce qu'il tenait dans sa main, sans obtenir de réponse. Dans de telles circonstances, il est difficile d'imaginer une façon moins envahissante de déterminer si M cachait une arme et, par le fait même, d'éliminer toute menace. Par conséquent, il n'y a pas eu violation des droits que l' art. 8 de la Charte confère à M.
Pour ce qui est de la déclaration de culpabilité fondée sur l' art. 95 du Code criminel , la Cour d'appel a commis une erreur en obligeant le ministère public à prouver que M savait que son permis de possession et d'acquisition de l'arme à feu et son autorisation de transporter l'arme n'étaient pas valides à sa résidence de Halifax. Cette exigence contrevient à la règle, codifiée à l'art. 19 du Code , selon laquelle l'ignorance de la loi n'est pas une excuse. L' article 95 crée une infraction exigeant la mens rea , mais il ne comporte pas comme élément la connaissance que la possession de l'arme n'est pas autorisée . Il suffit plutôt de prouver que la personne sait qu'elle a l'arme en sa possession et qu'elle a l'intention de la posséder dans un lieu donné.
En l'espèce, la croyance subjective de M qu'il pouvait avoir l'arme à feu en sa possession dans sa résidence de Halifax est une erreur de droit et cette erreur ne constitue pas un moyen de défense. Par conséquent, la déclaration de culpabilité de M fondée sur l' art. 95 doit être rétablie et l'affaire doit être renvoyée à la Cour d'appel pour la détermination de la peine et pour qu'elle détermine la validité constitutionnelle de la peine minimale obligatoire applicable aux termes de l' art. 95 .
Les juges Rothstein, Moldaver et Wagner : Selon les juges majoritaires, la conduite du policier en l'espèce était justifiée uniquement parce qu'il avait des motifs raisonnables de croire que M était armé et dangereux. De ce fait, ils infirment effectivement le pouvoir de procéder à une « fouille de sécurité » reconnu dans Mann et dans la jurisprudence des 10 années qui ont suivi.
Dans l'arrêt Mann , notre Cour a statué que les policiers peuvent procéder à des fouilles préventives lorsqu'ils ont des motifs raisonnables de soupçonner qu'une personne est armée et dangereuse. Et c'est pourquoi la fouille était justifiée en l'espèce. Cinq raisons confirment cette conclusion.
Premièrement, le libellé de Mann indique clairement que cet arrêt reconnaît un pouvoir de fouille préventive fondé sur des soupçons raisonnables. Deuxièmement, la Cour dans Mann s'appuie sur l'arrêt de principe Terry c. Ohio , 392 U.S. 1 (1968), rendu par la Cour suprême des États‑Unis, une décision qui a reconnu un pouvoir de fouilles préventives directement analogue fondé sur une norme de soupçons raisonnables. Troisièmement, les décisions subséquentes de notre Cour et des cours d'appel ont confirmé que l'arrêt Mann avait adopté la norme des soupçons raisonnables. Quatrièmement, il n'est guère logique d'appliquer la norme des motifs raisonnables de croire dans ce contexte; s'il établit que des motifs raisonnables de croire sont exigés pour justifier une fouille par palpation, l'arrêt Mann ne fait donc apparemment que reconnaître un pouvoir de fouille lorsqu'il existe déjà des motifs de procéder à une arrestation . Cinquièmement, les faits de l'espèce ne permettent pas de conclure que le policier avait des motifs raisonnables de croire que M était armé et dangereux.
À la lumière de ces cinq motifs — le libellé de Mann , le contexte historique ayant mené à cet arrêt, les conséquences de l'interprétation selon laquelle l'arrêt Mann exige des motifs raisonnables de croire, la jurisprudence qui a interprété ce précédent, et les faits de l'espèce — une seule conclusion s'impose : l'arrêt Mann reconnaît un pouvoir de fouille préventive fondé sur des soupçons raisonnables.
Il aurait fallu résoudre la présente affaire suivant la logique de Mann . Premièrement, le policier, dans l'exercice légitime de ses fonctions, soupçonnait raisonnablement que M était armé et dangereux. Deuxièmement, à cause de ces soupçons raisonnables, l'intervention du policier — en poussant la porte de M pour l'ouvrir quelques pouces de plus — n'a porté atteinte au droit de M au respect de sa vie privée que dans la mesure raisonnablement nécessaire pour faire face à la menace. En conséquence, la fouille n'était pas abusive au sens de l' art. 8 .
La décision rendue par les juges majoritaires a pour conséquence de priver les policiers du pouvoir d'effectuer une fouille préventive, sauf s'ils ont déjà des motifs de procéder à une arrestation. À partir d'aujourd'hui, les policiers peuvent détenir à des fins d'enquête les personnes soupçonnées d'être armées et dangereuses, mais ne sont pas autorisés à effectuer des fouilles par palpation pour assurer leur sécurité ou celle du public dans le cadre d'une enquête. Toutefois, un policier sur le terrain, exposé à un risque réaliste de préjudice imminent, devrait pouvoir agir immédiatement et prendre des mesures raisonnables, sous la forme d'une fouille de sécurité peu envahissante, pour atténuer ce risque.
Jurisprudence
Citée par le juge LeBel
Arrêts appliqués : R. c. Mann , 2004 CSC 52, [2004] 3 R.C.S. 59 ; R. c. Evans , [1996] 1 R.C.S. 8; R. c. Collins , [1987] 1 R.C.S. 265; R. c. Waterfield , [1963] 3 All E.R. 659; Dedman c. La Reine , [1985] 2 R.C.S. 2 ; R. c. Clayton , 2007 CSC 32, [2007] 2 R.C.S. 725 ; R. c. Forster , [1992] 1 R.C.S. 339 ; arrêts mentionnés : R. c. A.M. , 2008 CSC 19, [2008] 1 R.C.S. 569; R. c. Godoy , [1999] 1 R.C.S. 311; R. c. Feeney , [1997] 2 R.C.S. 13; R. c. Silveira , [1995] 2 R.C.S. 297; R. c. Stenning , [1970] R.C.S. 631; Knowlton c. La Reine , [1974] R.C.S. 443; Renvoi sur l'écoute électronique , [1984] 2 R.C.S. 697; R. c. Tse , 2012 CSC 16, [2012] 1 R.C.S. 531; Lévis (Ville) c. Tétreault , 2006 CSC 12, [2006] 1 R.C.S. 420; La Reine c. Sault Ste‑Marie , [1978] 2 R.C.S. 1299; Beaver c. The Queen , [1957] R.C.S. 531.
Citée par les juges Moldaver et Wagner
Arrêt appliqué : R. c. Mann , 2004 CSC 52, [2004] 3 R.C.S. 59 ; arrêts mentionnés : Baron c. Canada , [1993] 1 R.C.S. 416; R. c. MacKenzie , 2013 CSC 50, [2013] 3 R.C.S. 250; R. c. Chehil , 2013 CSC 49, [2013] 3 R.C.S. 220; Hunter c. Southam Inc. , [1984] 2 R.C.S. 145 ; R. c. Kang‑Brown , 2008 CSC 18, [2008] 1 R.C.S. 456; R. c. A.M. , 2008 CSC 19, [2008] 1 R.C.S. 569; Terry c. Ohio , 392 U.S. 1 (1968); Arizona c. Johnson , 129 S. Ct. 781 (2009) ; R. c. Clayton , 2007 CSC 32, [2007] 2 R.C.S. 725 ; R. c. Aucoin , 2012 CSC 66, [2012] 3 R.C.S. 408; R. c. Crocker , 2009 BCCA 388, 275 B.C.A.C. 190, autorisation d'appel refusée, [2010] 1 R.C.S. viii; R. c. Atkins , 2013 ONCA 586, 310 O.A.C. 397; R. c. Caslake , [1998] 1 R.C.S. 51; R. c. Storrey , [1990] 1 R.C.S. 241; R. c. Feeney , [1997] 2 R.C.S. 13; R. c. Godoy , [1999] 1 R.C.S. 311; R. c. Golub (1997), 34 O.R. (3d) 743, autorisation de pourvoi refusée, [1998] 1 R.C.S. ix .
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés , art. 8 , 12 , 24(2) . Code criminel , L.R.C. 1985, ch. C‑46 , art. 19 , 86 , 88 , 95 , 487.11 , 529.3(2) .
Loi sur les armes à feu , L.C. 1995, ch. 39 , art. 17 .
Doctrine et autres documents cités
Healy, Patrick. « Investigative Detention in Canada », [2005] Crim. L.R. 98.
LaFave, Wayne R. Search and Seizure : A Treatise on the Fourth Amendment , 5th ed., vol. 4. St. Paul, Minn. : West, 2012.
Oxford English Dictionary (online : www.oed.com), « risk ».
Ruby, Clayton C., Gerald J. Chan and Nader R. Hasan. Sentencing , 8th ed. Markham, Ont. : LexisNexis, 2012.
Stribopoulos, James. « The Limits of Judicially Created Police Powers : Investigative Detention after Mann » (2007), 52 Crim. L.Q. 299.
POURVOIS contre un arrêt de la Cour d'appel de la Nouvelle‑Écosse (le juge en chef MacDonald et les juges Saunders et Beveridge), 2012 NSCA 50, 317 N.S.R. (2d) 90, 1003 A.P.R. 90, 283 C.C.C. (3d) 308, 261 C.R.R. (2d) 303, [2012] N.S.J. No. 252 (QL), 2012 CarswellNS 328, qui a annulé la déclaration de culpabilité de l'accusé de possession d'une arme à feu à autorisation restreinte chargée. Pourvoi d'Erin Lee MacDonald rejeté et pourvoi de Sa Majesté la Reine accueilli.
Hersh Wolch , c.r. , et Janna Watts , pour l'appelant/intimé.
William D. Delaney , c.r. , et Timothy S. O'Leary , pour l'intimée/appelante.
James C. Martin et Ann Marie Simmons , pour l'intervenant le directeur des poursuites pénales.
John C. Pearson et Michelle Campbell , pour l'intervenant le procureur général de l'Ontario.
Version française du jugement de la juge en chef McLachlin et des juges LeBel, Fish et Abella rendu par
Le juge LeBel —
I. Introduction
[1] Dans la présente affaire, il nous faut examiner l'étendue des pouvoirs en matière de fouille dont disposent les policiers dans leurs interactions quotidiennes avec des citoyens lorsqu'ils se présentent à leur porte. En l'espèce, les policiers ont répondu à une plainte de bruit. Sans s'y attendre, ils se sont trouvés dans une situation dangereuse mettant, selon eux, leur sécurité et celle d'autrui en péril. Les accusations portées à la suite de cet incident nous donnent l'occasion d'examiner l'application de l' art. 8 de la Charte canadienne des droits et libertés dans ce contexte, la mens rea requise pour une déclaration de culpabilité fondée sur le par. 95(1) du Code criminel , L.R.C. 1985, ch. C‑46 , ainsi que certaines questions accessoires liées à la détermination de la peine.
II. Contexte factuel
[2] En 2009, M. MacDonald travaillait dans l'industrie pétrolière et gazière. Son travail l'amenait à partager son temps entre Calgary et Halifax. Le soir du 28 décembre 2009, il recevait un collègue et l'amie de celui‑ci à son condominium de Halifax (l'« unité »). Ils ont consommé une certaine quantité d'alcool pendant la soirée, alors que M. MacDonald et son collègue — qui devait prendre le poste de M. MacDonald à Halifax — discutaient de leur travail.
[3] Plus tard dans la soirée, le concierge de l'immeuble, M. Sears, a reçu une plainte de bruit causé par la force de la musique qui résonnait de l'unité de M. MacDonald. Monsieur Sears s'est alors rendu chez ce dernier, a entendu cette musique et a frappé à la porte de l'unité. Personne n'a répondu. Alors que M. Sears s'apprêtait à partir, il a vu les invités de M. MacDonald sortir de l'unité et s'en aller. À ce moment, M. Sears a demandé à ce dernier de baisser le son de la musique. Celui‑ci a refusé en l'injuriant.
[4] Monsieur Sears a communiqué avec la police régionale de Halifax et lui a demandé de s'occuper du problème de bruit. L'agente Pierce s'est donc présentée à l'immeuble et, accompagnée de M. Sears, s'est rendue à l'unité de M. MacDonald. Elle a frappé à sa porte et lui a demandé de baisser le son ou d'arrêter sa musique. Celui‑ci l'a injuriée en claquant la porte.
[5] L'agente Pierce a appelé son superviseur, le sergent Boyd, qui est arrivé environ 30 minutes plus tard. Le sergent Boyd, l'agente Pierce et M. Sears se sont rendus à l'unité de M. MacDonald. Pour l'amener à ouvrir, le sergent Boyd a frappé à la porte et y a donné un coup de pied, tout en annonçant d'une voix forte que la police régionale de Halifax était à la porte.
[6] Environ cinq minutes plus tard, M. MacDonald a ouvert la porte, mais seulement d'environ 16 pouces — assez pour montrer le côté droit de son corps et de son visage. Le sergent Boyd a remarqué quelque chose de [ traduction ] « noir et brillant » dans la main droite de M. MacDonald, dans la pénombre et dissimulé en partie derrière sa jambe droite (d.a., p. 167). Croyant qu'il puisse s'agir d'un couteau, il a demandé à deux reprises à M. MacDonald ce qui se trouvait derrière sa jambe, en indiquant sa main droite. Ce dernier n'a pas répondu.
[7] Afin de mieux voir l'objet qui se trouvait dans la main de M. MacDonald, le sergent Boyd a poussé la porte pour l'ouvrir de quelques pouces de plus. Un meilleur éclairage lui a permis de constater qu'il s'agissait d'une arme de poing. Il a crié [ traduction ] « arme! » et est rapidement entré de force dans l'unité de M. MacDonald. Il est parvenu à le désarmer après un bref corps à corps.
[8] La suite de l'enquête a révélé que l'arme à feu que tenait M. MacDonald lorsqu'il a ouvert la porte était un pistolet Beretta de calibre 9 mm — une arme à autorisation restreinte — enregistrée à son nom. L'arme était chargée.
[9] Monsieur MacDonald a été accusé de nombreuses infractions, dont trois sont pertinentes dans le cadre du présent pourvoi : avoir manipulé une arme à feu d'une manière négligente ou sans prendre suffisamment de précautions pour la sécurité d'autrui, contrairement au par. 86(1) du Code ; avoir eu illégalement en sa possession une arme dans un dessein dangereux pour la paix publique, contrairement au par. 88(1); et avoir eu en sa possession une arme à feu à autorisation restreinte chargée, sans être titulaire d'une autorisation ou d'un permis qui l'y autorisait dans ce lieu, contrairement au par. 95(1) .
III. Historique judiciaire
A. Cour provinciale de la Nouvelle‑Écosse
[10] Au procès, le juge a tenu un voir‑dire pour déterminer si le droit de M. MacDonald à la protection contre une fouille abusive garanti par l' art. 8 de la Charte avait été violé lorsque le sergent Boyd avait poussé la porte de l'unité pour l'ouvrir quelques pouces de plus afin de vérifier ce que M. MacDonald tenait dans sa main. Le juge Digby a conclu à l'existence d'une exception permettant à un policier d'entrer dans une résidence pour assurer sa sécurité, en particulier si, comme en l'espèce, l'intrusion est mineure. Selon lui, [ traduction ] « il n'y a pas eu violation de la Charte et il incombe à l'accusé de prouver selon la prépondérance des probabilités qu'une telle violation a été commise » (d.a., p. 250).
[11] Après avoir évalué l'ensemble des circonstances, le juge Digby a déclaré M. MacDonald coupable des infractions prévues aux par. 86(1) et 88(1). Le comportement de ce dernier aurait pu causer des blessures à autrui et était disproportionné par rapport à une menace, réelle ou raisonnablement perçue, dont il pouvait faire l'objet. Avant d'ouvrir, M. MacDonald savait que des policiers ou des personnes prétendant l'être se trouvaient à sa porte. Il savait aussi que, si ces personnes appartenaient effectivement à la police, elles réagiraient à la vue d'une arme de poing, ce qui mettrait sa sécurité, celle des policiers et celle du public en péril.
[12] Le juge Digby a aussi déclaré M. MacDonald coupable de l'infraction prévue au par. 95(1) . Ce faisant, il a souligné que ce dernier et le ministère public s'entendaient sur les faits suivants :
[ traduction ] . . . il est admis que M. MacDonald détenait un permis de possession et d'acquisition, que le pistolet Beretta était dûment enregistré au nom de M. MacDonald et que ce dernier avait le droit de l'avoir en sa possession dans sa résidence. Le pistolet en question était enregistré auprès du Centre canadien des armes à feu ou d'un autre endroit approuvé pour l'entreposage par le contrôleur des armes à feu.
. . .
Il est admis qu'il [M. MacDonald] possédait une arme à feu à autorisation restreinte chargée dans sa résidence de Bishop's Landing. [. . .] Il possédait, et a présenté en preuve, des documents de la Nova Scotia Rifle Association indiquant qu'il était membre de cette association et qu'il pouvait utiliser ses installations. Il est à mon avis admis, et il a certainement été tenu pour avéré, que la Nova Scotia Rifle Association est une organisation visée par l' al. 19(1) a ) de la Loi sur les armes à feu . [d.a., p. 19 et 21]
[13] Monsieur MacDonald était autorisé à transporter l'arme à feu, mais le savant juge du procès a conclu que cette autorisation lui permettait seulement de transporter l'arme de sa résidence de Calgary aux champs de tir et aux postes frontaliers de l'Alberta. Il n'avait donc pas le droit de l'apporter à Halifax. Monsieur MacDonald a été déclaré coupable de l'infraction prévue au par. 95(1) parce qu'il avait l'arme à feu en sa possession dans l'unité sans être titulaire d'un permis l'autorisant à posséder cette arme dans ce lieu.
[14] Le juge Digby a condamné M. MacDonald à trois ans d'emprisonnement. Il a estimé qu'il convenait d'infliger une peine d'emprisonnement de deux ans dans un pénitencier fédéral pour l'infraction prévue au par. 86(1). Pour celle prévue au par. 88(1), il y avait lieu d'infliger une peine d'emprisonnement de trois ans dans un pénitencier fédéral, concurrente à la première peine. Quant à l'infraction prévue au par. 95(1) , il a jugé appropriée la peine minimale de trois ans d'emprisonnement dans un pénitencier fédéral, et il a ordonné qu'elle soit purgée concurremment avec les deux autres peines. Le juge Digby a rejeté l'argument de M. MacDonald selon lequel la peine minimale de trois ans d'emprisonnement violait le droit à la protection contre toutes peines cruelles et inusitées garanti par l' art. 12 de la Charte , et il a estimé qu'elle n'était pas exagérément disproportionnée, en dépit des conséquences pour M. MacDonald et malgré certains scénarios hypothétiques. Le juge a ordonné la confiscation de l'arme à feu, a interdit à M. MacDonald de posséder des armes pendant une période de 10 ans et lui a infligé une interdiction perpétuelle de posséder des armes à autorisation restreinte.
B. Cour d'appel de la Nouvelle‑Écosse, 2012 NSCA 50, 317 N.S.R. (2d) 90
[15] Le juge en chef MacDonald (avec l'accord du juge Saunders) a conclu que la Charte n'avait aucunement été violée le soir où est survenu l'incident. Il a fait remarquer qu'une entrée sans mandat dans une résidence est à première vue illégale et qu'il incombe au ministère public de justifier l'entrée. S'appuyant sur la décision de notre Cour dans R. c. Mann , 2004 CSC 52, [2004] 3 R.C.S. 59 , il a conclu que la common law reconnaît aux policiers le pouvoir de procéder à une fouille sans mandat lorsque la sécurité du public ou des policiers est en jeu. Il a toutefois reconnu que les policiers ne peuvent exercer ce pouvoir que dans les situations où, [ traduction ] « en plus d'agir dans le cadre général de leurs pouvoirs, [ils] ne disposent d'aucune autre solution pratique moins envahissante », ajoutant que « la façon de mener l'activité reprochée ne doit pas être abusive » (par. 31). Il a estimé que, en l'espèce, le sergent Boyd avait validement exercé son pouvoir. Les policiers agissaient dans le cadre général de leurs pouvoirs en se rendant chez M. MacDonald pour répondre à une plainte de bruit. Dans les circonstances, le sergent Boyd n'avait pas agi de manière abusive en ouvrant la porte un peu plus pour voir ce que cachait M. MacDonald. En outre, aucune autre mesure n'aurait été appropriée car il était trop tard pour que le policier puisse simplement se retirer ou donner une contravention pour bruit excessif.
[16] Toutefois, le juge en chef MacDonald a maintenu les déclarations de culpabilité fondées sur les art. 86 et 88 , mais a annulé celle fondée sur l' art. 95 . En ce qui a trait à cette dernière déclaration de culpabilité, il a reconnu qu'aux termes de l' art. 17 de la Loi sur les armes à feu , L.C. 1995, ch. 39 , le permis de M. MacDonald n'était pas valide à sa résidence de Halifax. Les juges majoritaires ont toutefois conclu que M. MacDonald devait être acquitté au motif qu'il croyait honnêtement, quoiqu'à tort, que son permis était valide à son unité. Selon les juges majoritaires, cette croyance constituait une erreur de fait annulant la mens rea de l'infraction prévue à l' art. 95 . Le ministère public devait prouver que M. MacDonald savait — ou avait ignoré volontairement le fait — qu'il n'était pas autorisé à garder son arme dans ce lieu. Il n'y était pas parvenu puisque M. MacDonald croyait sincèrement être autorisé à posséder l'arme à feu dans l'unité. Par conséquent, les juges majoritaires ont annulé le verdict et ordonné un acquittement relativement à l'accusation fondée sur l' art. 95 .
[17] Enfin, les juges majoritaires ont réexaminé la justesse des peines imposées à M. MacDonald pour les infractions prévues aux art. 86 et 88 . Selon eux, l'examen de ces peines s'imposait parce que le juge du procès n'avait pas analysé séparément chaque infraction mais avait plutôt considéré l'incident globalement. Puisqu'ils avaient annulé la déclaration de culpabilité fondée sur l' art. 95 , il devenait nécessaire à leur avis d'examiner de plus près les décisions relatives aux autres déclarations de culpabilité.
[18] Le juge en chef MacDonald a estimé que la peine de trois ans d'emprisonnement relative à la déclaration de culpabilité fondée sur l' art. 88 était trop sévère car les actes de M. MacDonald [ traduction ] « ne comportaient pas un scénario plus typique, par exemple un affrontement public explosif ou une querelle conjugale dangereuse », et que « [ce dernier] n'a[vait] tiré aucun coup de feu ni [. . .] intentionnellement pointé l'arme » (par. 117). Le juge en chef a examiné un certain nombre de décisions indiquant qu'une peine de trois ans d'emprisonnement excédait la gamme des peines infligées pour cette infraction. Estimant que la peine était manifestement inappropriée, il a conclu en ces termes :
[ traduction ] Compte tenu des principes de détermination de la peine, des circonstances liées à la perpétration de l'infraction et de la situation de M. MacDonald, en particulier son rapport présentenciel favorable et son casier judiciaire vierge, j'estime qu'une peine correspondant à la période de détention purgée serait appropriée. Cela représenterait 18 jours de détention (vu les 2 jours passés en détention suivant son arrestation, sa mise en liberté sur son propre engagement et les 16 jours passés en détention entre la détermination de sa peine et sa mise en liberté sous caution en attendant l'issue de l'appel). [par. 123]
[19] Au sujet de la peine relative à la déclaration de culpabilité fondée sur l' art. 86 , les juges majoritaires ont conclu que la peine maximale de deux ans d'emprisonnement était trop sévère par rapport aux peines infligées dans les cas semblables. À leur avis, la peine de deux ans d'emprisonnement était manifestement inappropriée. La cour a alors imposé une peine de 14 jours, concurrente à la peine relative à l'infraction prévue à l' art. 88 .
[20] Enfin, le juge en chef MacDonald a ordonné une période de probation de deux ans, une interdiction de posséder des armes pendant une période de cinq ans et la confiscation de l'arme à feu.
[21] Le juge Beveridge, dissident, a conclu qu'en ouvrant un peu plus la porte de l'unité et en passant sa main dans l'ouverture, le sergent Boyd avait violé le droit garanti à M. MacDonald par l' art. 8 de la Charte . À son avis, les policiers ne détenaient pas, dans les circonstances, le pouvoir d'entrer dans la résidence d'un particulier pour assurer leur sécurité :
[ traduction ] Bien que j'accepte sans difficulté la prémisse selon laquelle les policiers se trouvaient sur les lieux légalement et accomplissaient leur devoir, cela ne leur donnait pas le pouvoir d'entrer chez [M. MacDonald] parce que le sergent Boyd craignait que [celui‑ci] dissimule quelque chose. Le sergent Boyd n'a jamais laissé entendre qu'il soupçonnait, et encore moins qu'il avait des motifs raisonnables de croire, qu'il s'agissait d'une arme à feu. Il a dit avoir vu quelque chose de noir et brillant. Tout au plus, il a dit qu'il « pensait qu'il pouvait tenir une arme à la main ». À mon avis, cela ressemble davantage à une intuition ou à un soupçon qu'à des motifs raisonnables de croire. En fait, le juge du procès n'a aucunement conclu à l'existence de motifs raisonnables. Même s'il a eu amplement l'occasion de le faire, le sergent Boyd n'a pas témoigné qu'il avait des motifs raisonnables de croire que [M. MacDonald] tenait une arme.
. . .
La question n'est pas de savoir si le sergent Boyd a agi raisonnablement en poussant la porte, mais s'il était légalement autorisé à le faire. Ce serait le cas seulement s'il avait des motifs raisonnables de croire que sa sécurité, ou celle d'autrui, était menacée, et si la fouille qu'il a effectuée en poussant la porte était raisonnablement nécessaire dans les circonstances.
En l'absence d'un nouveau pouvoir d'entrer dans une habitation privée sur le fondement de soupçons que la sécurité du policier soit menacée, il faut inévitablement conclure qu'il y a eu violation de l'attente raisonnable de [M. MacDonald] en matière de vie privée garantie par l' art. 8 de la Charte . [par. 156 et 173‑174]
[22] Compte tenu de l'ensemble des circonstances, le juge Beveridge aurait exclu l'arme à feu de la preuve au procès au motif que son utilisation serait susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Par conséquent, il aurait annulé les déclarations de culpabilité et ordonné l'acquittement relativement aux trois chefs d'accusation.
IV. Analyse
A. Questions en litige
[23] La présente affaire soulève trois questions que j'examinerai successivement :
1. Le droit à la protection contre les fouilles, perquisitions et saisies abusives garanti à M. MacDonald par l' art. 8 de la Charte a‑t‑il été violé et, dans l'affirmative, quelle réparation convient‑il d'accorder?
2. La mens rea de l'infraction prévue au par. 95(1) du Code comporte‑t‑elle la connaissance du caractère inapplicable du permis dans le lieu où l'accusé possède l'arme à feu?
3. Les peines infligées par la Cour d'appel relativement aux infractions visées aux par. 86(1) et 88(1) devraient‑elles être modifiées?
B. La contestation de M. MacDonald fondée sur la Charte
[24] Monsieur MacDonald plaide principalement que le fait que le sergent Boyd ait poussé la porte un peu plus loin avec sa main constitue une fouille abusive contraire à l' art. 8 de la Charte . Il prétend que la preuve ultérieurement obtenue par la police — en l'occurrence l'arme à feu — devrait être exclue en application du par. 24(2) de la Charte , puisque son utilisation serait susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Je ne puis accepter cet argument. Comme je l'expliquerai, même si l'intervention du sergent Boyd constituait une « fouille » au sens de l' art. 8 de la Charte , cette fouille n'était pas abusive.
(1) L'intervention du sergent Boyd constituait‑elle une fouille?
[25] L'arrêt R. c. Evans , [1996] 1 R.C.S. 8, est un arrêt de principe relativement à ce qui constitue une « fouille » au sens de l' art. 8 . Cet arrêt présentait des faits similaires à ceux de l'espèce dans la mesure où la fouille avait été effectuée par un policier à la porte de la maison de l'accusé. À cette occasion, le juge Sopinka a énoncé le critère suivant pour déterminer si une intervention policière constitue une « fouille » :
. . . ce n'est que lorsque les attentes raisonnables d'une personne en matière de vie privée sont affectées d'une manière ou d'une autre par une technique d'enquête que l' art. 8 de la Charte entre en jeu. Par conséquent, tout type d'enquête gouvernementale ne constituera pas forcément, sur le plan constitutionnel, une « fouille ou perquisition ». Au contraire, ce n'est que lorsque les enquêtes de l'État empiètent sur un droit raisonnable des particuliers à la vie privée que l'action gouvernementale en cause constitue une « fouille ou perquisition » au sens de l' art. 8 . [Je souligne; par. 11.]
Autrement dit, une fouille au sens de l' art. 8 est « une atteinte de l'État à une attente raisonnable en matière de vie privée » ( R. c. A.M. , 2008 CSC 19, [2008] 1 R.C.S. 569, par. 8).
[26] Il ne fait aucun doute qu'un particulier a, dans sa résidence, une attente raisonnable, voire considérable, en matière de vie privée ( R. c. Godoy , [1999] 1 R.C.S. 311, par. 19; R. c. Feeney , [1997] 2 R.C.S. 13; R. c. Silveira , [1995] 2 R.C.S. 297), ainsi qu'aux abords de sa résidence ( Evans , par. 21). Cependant, l'arrêt Evans a aussi établi que les policiers sont implicitement autorisés à s'approcher de la porte d'une résidence et à y frapper. L'intervention des policiers ne sera pas considérée comme une atteinte à la vie privée assimilable à une fouille si leur but demeure de communiquer avec l'occupant. Toutefois, « [l]orsque la conduite des policiers [. . .] va au‑delà de ce qui est permis en vertu de l'autorisation implicite de frapper à la porte, les “conditions” implicites de cette autorisation sont effectivement violées et l'auteur de l'activité non autorisée qui s'approche de la maison devient un intrus » ( Evans , par. 15). Dans une telle situation, l'intervention policière constitue une « fouille ».
[27] Au départ, la conduite du sergent Boyd était conforme à l'autorisation implicite de frapper à la porte. Il s'est approché de la porte de M. MacDonald, a frappé et a donné un coup de pied dans celle‑ci dans le but d'informer l'occupant qu'il devait baisser le son de sa musique. Toutefois, après que M. MacDonald eut ouvert la porte, le sergent Boyd voulait, en ouvrant la porte un peu plus, voir mieux ce que M. MacDonald tenait dans sa main (d.a., p. 168‑169). Plus simplement, la renonciation implicite de M. MacDonald à son droit au respect de sa vie privée n'allait pas jusque‑là. Cette renonciation permet au policier de parler ou de crier à travers la porte, ou même d'y frapper, mais pas de la pousser pour l'ouvrir. En poussant la porte pour l'ouvrir davantage, le sergent Boyd a porté atteinte à l'attente raisonnable en matière de respect de la vie privée de M. MacDonald dans sa demeure.
[28] Ayant conclu que l'action policière constituait une fouille de la demeure de M. MacDonald, je dois maintenant examiner si cette fouille était abusive et contraire à l' art. 8 de la Charte . À cette étape, parce que la fouille n'était pas autorisée par un mandat, le ministère public doit démontrer qu'elle n'était pas abusive ( R. c. Collins , [1987] 1 R.C.S. 265, p. 278) .
(2) La fouille était‑elle abusive?
[29] Dans l'arrêt Mann , la Cour a résumé le cadre permettant de déterminer si les fouilles sans mandat sont conformes à la Charte :
[Les] fouilles [sans mandat] sont présumées abusives à moins qu'elles puissent être justifiées et, partant, jugées non abusives conformément au critère établi dans l'arrêt R. c. Collins , [1987] 1 R.C.S. 265. D'après cet arrêt, une fouille sans mandat est réputée non abusive lorsque les conditions suivantes sont réunies : a) elle est autorisée par la loi; b) la loi elle‑même n'a rien d'abusif; c) la fouille n'a pas non plus été effectuée de manière abusive (p. 278). Il incombe au ministère public d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que la fouille effectuée sans mandat était autorisée par une loi non abusive et qu'elle n'a pas été effectuée de manière abusive : R. c. Buhay , [2003] 1 R.C.S. 631, 2003 CSC 30, par. 32. [par. 36]
[30] En appliquant le critère énoncé dans l'arrêt Collins aux faits de l'espèce, j'estime que la fouille effectuée par le sergent Boyd n'était pas abusive.
a) La fouille était autorisée par une règle de droit qui n'avait elle‑même rien d'abusif
[31] Suivant le premier volet du critère énoncé dans Collins , la fouille est autorisée par une règle de droit si l'exercice d'un pouvoir policier valide le permet. Dans Godoy , le juge en chef Lamer a confirmé que la common law imposait au policier un devoir de protéger la vie et la sécurité. Cependant, « [i]l n'y a pas nécessairement correspondance entre les pouvoirs dont disposent les policiers et les devoirs qui leur incombent » ( Mann , par. 35). En fait, le pouvoir des policiers de procéder à une fouille n'est pas absolu. Il ne peut être exercé qu'en cas de nécessité objectivement vérifiable (par. 26). Dans Mann , le juge Iacobucci a reconnu la nécessité d'un pouvoir général des policiers de procéder à des fouilles par palpation, mais seulement si les circonstances le justifient. Il est demeuré conscient des risques d'abus de ce pouvoir. Il a d'ailleurs fait les remarques suivantes : « Un tel pouvoir de fouille n'existe pas de manière autonome; le policier doit croire, pour des motifs raisonnables, que sa propre sécurité ou celle d'autrui est menacée » (par. 40).
[32] Une fouille policière raisonnablement nécessaire pour éliminer les menaces à la sécurité du public ou du policier — que j'appellerai une « fouille de sécurité » — est généralement menée en réaction à une menace. C'est-à-dire que, même si de telles fouilles peuvent être effectuées dans toutes sortes de situations, elles sont généralement imprévues parce qu'elles constituent une réponse à une situation dangereuse créée par une personne, situation à laquelle les policiers doivent réagir « sous l'impulsion du moment ». Le propos du juge Binnie dans l'arrêt A.M. relativement aux fouilles effectuées avec des chiens renifleurs, selon lequel « les policiers sont généralement obligés de prendre rapidement des mesures en fonction des observations faites sur place » (par. 90), s'applique également aux fouilles de sécurité. Ces fouilles sont donc habituellement effectuées sans mandat, car les policiers n'ont généralement pas le temps d'obtenir une autorisation judiciaire préalable. Elles procèdent en quelque sorte d'une situation d'urgence. Malgré cette situation d'urgence, les « fouilles de sécurité » doivent néanmoins être autorisées par une règle de droit.
[33] En plaidant que la fouille effectuée par le sergent Boyd était autorisée par une règle de droit, le ministère public s'appuie sur le critère établi dans l'arrêt R. c. Waterfield , [1963] 3 All E.R. 659 (C.A.C.), et énoncé par notre Cour dans Dedman c. La Reine , [1985] 2 R.C.S. 2. Il convient de rappeler que dans Waterfield , deux policiers avaient essayé de détenir un bien personnel (une automobile) appartenant à l'accusé. La cour a établi un critère à deux volets pour déterminer si les policiers agissaient dans l'exercice de leurs fonctions lorsqu'ils avaient tenté d'empêcher l'accusé de déplacer le bien lui appartenant. Comme le souligne le professeur P. Healy, le critère proposé dans Waterfield a servi, dans Dedman et dans les premières décisions canadiennes l'ayant appliqué ( R. c. Stenning , [1970] R.C.S. 631, et Knowlton c. La Reine , [1974] R.C.S. 443), à établir [ traduction ] « le cadre de la responsabilité applicable lorsqu'il s'agi[ssait] de déterminer si un policier a[vait] agi dans l'exercice de ses fonctions » : « Investigative Detention in Canada », [2005] Crim. L.R. 98, p. 102. Ce critère aidait à déterminer si un policier victime d'une agression agissait, au moment de l'agression, à titre de policier, et si l'accusé s'était donc rendu coupable de voies de fait à l'endroit d'un policier plutôt qu'à l'endroit d'un citoyen ordinaire. L'arrêt Waterfield ne répond donc pas parfaitement à la question de savoir si les policiers ont le pouvoir en common law d'effectuer des fouilles de sécurité touchant des personnes .
[34] Tournons-nous plutôt vers notre jurisprudence. Notre Cour a précisé et appliqué le critère à deux volets de l'arrêt Waterfield dans des contextes divers, comparables à celui des fouilles de sécurité, afin de déterminer si le pouvoir des policiers englobait une conduite constituant à première vue une atteinte à la liberté d'une personne ( Dedman et Mann ).
[35] Pour satisfaire au premier volet du critère établi dans l'arrêt Waterfield , le tribunal doit se demander si la conduite s'inscrit dans le cadre général d'un devoir incombant aux policiers aux termes d'un texte de loi ou de la common law. Dans le cas des fouilles de sécurité, il est facile de satisfaire à ce premier volet du critère. Comme nous l'avons vu, la conduite des policiers en l'espèce s'inscrit dans le cadre général du devoir qu'ont les policiers en common law de protéger la vie et la sécurité. Ce devoir est bien établi ( Mann , par. 38; R. c. Clayton , 2007 CSC 32, [2007] 2 R.C.S. 725, par. 20‑21; Dedman ).
[36] Ensuite, si la réponse à la première question est affirmative, comme en l'espèce, le tribunal doit se demander si la conduite constitue un exercice justifiable des pouvoirs afférents à ce devoir. Comme la Cour l'a affirmé dans Dedman :
L'atteinte à la liberté doit être nécessaire à l'accomplissement du devoir particulier de la police et elle doit être raisonnable , compte tenu de la nature de la liberté entravée et de l'importance de l'objet public poursuivi par cette atteinte. [Je souligne; p. 35.]
Ainsi, pour que l'atteinte soit justifiable, la conduite des policiers doit, eu égard à l'ensemble des circonstances, être raisonnablement nécessaire à l'accomplissement du devoir en question ( Mann , par. 39; Clayton , par. 21 et 29).
[37] Pour déterminer si une fouille de sécurité est raisonnablement nécessaire, et donc justifiable, un certain nombre de facteurs sont pris en considération pour mettre en équilibre le devoir des policiers et le droit à la liberté en cause. Ces facteurs englobent les suivants :
1. l'importance que présente l'accomplissement de ce devoir pour l'intérêt public ( Mann , par. 39);
2. la nécessité de l'atteinte à la liberté individuelle pour l'accomplissement de ce devoir ( Dedman , p. 35; Clayton , par. 21, 26 et 31);
3. l'ampleur de l'atteinte à la liberté individuelle ( Dedman , p. 35).
Si ces trois facteurs, examinés globalement, indiquent que l'intervention policière en cause était raisonnablement nécessaire, la conduite en question ne constituera pas un « emploi injustifiable » d'un pouvoir de la police ( Dedman , p. 36). Si les deux volets du critère de l'arrêt Waterfield sont respectés, le tribunal sera alors en mesure de conclure que la fouille en cause était autorisée par une règle de droit.
[38] Ainsi, le courant jurisprudentiel découlant des arrêts Dedman et Mann ne permet pas d'affirmer que toute conduite découlant de l'accomplissement des devoirs d'un policier est autorisée par une règle de droit. Bien au contraire, seuls les actes raisonnablement nécessaires à l'accomplissement de tels devoirs peuvent être considérés, si les circonstances s'y prêtent, comme étant autorisés par une règle de droit. La Cour d'appel d'Angleterre a été claire sur ce point dans Waterfield , dans un passage cité par notre Cour dans l'arrêt Dedman :
[ traduction ] Ainsi, comme on peut affirmer en termes généraux que les agents de police ont le devoir d'empêcher le crime et le devoir, lorsque le crime a été perpétré, de traduire le délinquant en justice, il est également évident, selon la jurisprudence, que, lorsque l'accomplissement de ces devoirs généraux comporte des atteintes à la personne ou aux biens d'un particulier, les pouvoirs des policiers ne sont pas illimités . [Je souligne; p. 33.]
De même, dans la forte dissidence qu'il a exprimée dans le Renvoi sur l'écoute électronique , [1984] 2 R.C.S. 697, le juge Dickson a insisté sur l'importance cruciale d'interpréter restrictivement le critère de l'arrêt Waterfield :
Même si on peut prétendre qu'un policier agit dans le cadre général de son devoir d'enquêter sur le crime, cela ne l'autorise pas à violer la loi chaque fois que cela pourrait se justifier par l'intérêt public à ce que la loi soit appliquée. Tout principe de ce genre ne constituerait rien de moins qu'une autorisation donnée à la police de commettre des actes illégaux dès lors que les avantages de ces actes semblent l'emporter sur les inconvénients qu'entraînerait la violation des droits d'une personne. [p. 718‑719]
De telles limites à l'égard des fouilles de sécurité sont particulièrement importantes lorsque la fouille est effectuée dans une résidence privée, comme en l'espèce, où est survenue une atteinte grave à l'intimité du foyer de M. MacDonald. De plus, de telles fouilles peuvent souvent permettre à la police d'obtenir de nombreux renseignements personnels très délicats.
[39] En gardant ces éclaircissements à l'esprit, nous devons soupeser judicieusement les facteurs à prendre en considération pour l'application du deuxième volet du critère des arrêts Dedman et Mann . Ces facteurs aident non seulement à déterminer s'il existe un pouvoir policier, mais aussi à définir les limites de ce pouvoir :
1. Importance du devoir : Nul ne peut raisonnablement contester que le devoir de protéger la vie et la sécurité est de la plus haute importance pour l'intérêt public, et qu'il peut être nécessaire que le policier, dans certaines circonstances, porte atteinte à la liberté individuelle pour s'acquitter de ce devoir.
2. Nécessité de l'atteinte pour l'accomplissement du devoir : Lorsque l'accomplissement d'un devoir exige d'un policier qu'il traite avec une personne dont il a des motifs raisonnables de croire qu'elle est armée et dangereuse, une atteinte à la liberté de cette personne peut être nécessaire.
3. Ampleur de l'atteinte : L'atteinte à la liberté d'une personne ne sera justifiée que dans la mesure où elle est nécessaire pour vérifier la présence d'armes. Bien que la manière précise dont la fouille de sécurité est effectuée variera d'une affaire à l'autre (fouille par palpation, utilisation d'une lampe de poche ou, comme en l'espèce, ouverture plus grande d'une porte), une telle fouille ne sera légale que si, sous tous ses aspects, elle exerce une fonction protectrice. Autrement dit, le pouvoir autorisant la fouille s'arrête à partir du moment où l'on ne cherche plus à vérifier la présence d'armes. Dans l'évaluation du caractère raisonnable de l'atteinte à la liberté individuelle dans le cas d'une fouille de sécurité, il faut garder à l'esprit la prémisse sur laquelle repose le critère de l'arrêt Collins — une fouille sans mandat est présumée abusive à moins qu'elle puisse être justifiée.
[40] Après avoir soupesé ces facteurs, je suis convaincu que le devoir qu'ont les policiers de protéger la vie et la sécurité peut justifier l'exercice du pouvoir d'effectuer une fouille de sécurité dans certaines circonstances. À tout le moins, lorsqu'une fouille est raisonnablement nécessaire pour éliminer une menace imminente à leur sécurité ou à celle du public, les policiers devraient pouvoir effectuer une telle fouille.
[41] Bien que je reconnaisse l'importance des fouilles de sécurité, je tiens toutefois à répéter que le pouvoir d'effectuer ces fouilles n'est pas absolu. À mon avis, suivant les principes établis dans Mann et confirmés dans Clayton , les circonstances doivent établir qu'une telle fouille est raisonnablement et objectivement nécessaire pour écarter une menace imminente à la sécurité du public ou des policiers. En raison de l'importance des droits au respect de la vie privée qui sont en jeu, pour être légalement autorisés à effectuer une fouille de sécurité, les policiers doivent croire pour des motifs raisonnables que leur sécurité est menacée et qu'il est donc nécessaire de procéder à une fouille ( Mann , par. 40; voir aussi par. 45). Pour déterminer si une fouille est légale, il faut donc se demander si elle est raisonnablement nécessaire et si cette nécessité est objectivement vérifiable dans les circonstances (voir R. c. Tse , 2012 CSC 16, [2012] 1 R.C.S. 531, par. 33). Comme la Cour l'a affirmé dans Mann , de vagues inquiétudes en matière de sécurité ne sauraient justifier une fouille. Pour effectuer une fouille de sécurité légale, le policier doit plutôt agir à partir d'« inférences raisonnables et précises fondées sur les faits connus se rapportant à la situation » ( Mann , par. 41).
[42] Les fouilles de sécurité sont des fouilles physiques susceptibles de révéler un large éventail de renseignements sur une personne. En l'espèce, même si le sergent Boyd n'a fait qu'ouvrir la porte un peu plus, ce geste risquait de révéler aux policiers un certain nombre de choses à propos de M. MacDonald, car ils pouvaient alors mieux voir l'intérieur de l'unité. Cependant, comme le sergent Boyd avait des motifs raisonnables de croire que M. MacDonald était armé et dangereux, il était légalement autorisé à ouvrir la porte un peu plus.
[43] Suivant le deuxième volet du critère énoncé dans l'arrêt Collins , nul ne peut contester que l'autorisation légale de procéder à une fouille de sécurité n'a rien d'abusif. En fait, l'accomplissement du devoir incombant aux policiers de protéger la vie et la sécurité est au cœur même de l'existence de la police en tant qu'entité sociale. De plus, le droit ne justifie l'accomplissement de ce devoir policier que dans le cas où il est raisonnablement nécessaire pour la police d'effectuer la fouille de sécurité en question ( Clayton , par. 21, 26 et 31). Comme je l'ai expliqué précédemment, il ne sera raisonnablement nécessaire pour les policiers d'effectuer une telle fouille que s'ils ont des motifs raisonnables de croire à l'existence d'une menace imminente pour leur sécurité. Cette restriction garantit que le droit n'étend pas de manière excessive les pouvoirs des policiers. Elle fournit ainsi l'assurance que le droit lui‑même n'a rien d'abusif et peut être raisonnablement circonscrit.
[44] Ce pouvoir de common law d'effectuer une fouille de sécurité constitue l'autorisation légale non abusive justifiant la fouille effectuée par le sergent Boyd. Ce pouvoir est en cause parce que le sergent Boyd avait des motifs raisonnables de croire à l'existence d'une menace imminente pour la sécurité du public ou pour celle des policiers et que la fouille était nécessaire pour écarter cette menace. Plus particulièrement, le juge du procès a conclu que le sergent Boyd avait fait les observations suivantes quand M. MacDonald avait ouvert la porte :
1. M. MacDonald cachait sa main derrière sa jambe et, de toute évidence, il tenait un objet;
2. il s'agissait d'un objet « noir et brillant », donc possiblement d'une arme;
3. lorsqu'on lui a demandé à deux reprises ce qu'il tenait derrière son dos, M. MacDonald a refusé de répondre ou de fournir toute autre explication.
[45] À mon avis, la fouille effectuée par le sergent Boyd était autorisée par une règle de droit, en l'occurrence une règle de common law maintenant bien établie, et cette règle de droit n'a rien d'abusif. Comme je l'explique ci‑après, la façon dont celui‑ci a effectué la fouille n'était pas non plus abusive.
b) La façon dont la fouille a été effectuée n'avait rien d'abusif
[46] Ce volet du critère établi dans l'arrêt Collins comporte deux aspects. Premièrement, nous avons vu que l'agent doit avoir des motifs raisonnables de croire à l'existence d'une menace imminente pour sa sécurité ou celle du public avant que l'on puisse conclure au caractère non abusif d'une fouille de sécurité. J'estime que le sergent Boyd avait de tels motifs dans les circonstances de l'espèce.
[47] Deuxièmement, les actes accomplis par les policiers lors de la fouille doivent être attentivement examinés pour déterminer si la fouille a été effectuée de manière non abusive. Dans une certaine mesure, cette analyse concerne le deuxième volet du critère de l'arrêt Waterfield . Si l'atteinte est plus importante que ce qui est nécessaire pour vérifier la présence d'armes, la fouille ne sera pas autorisée en droit. À ce stade cependant, il faut examiner le caractère globalement non abusif de la fouille eu égard à l'ensemble des circonstances ( Mann , par. 44). Il est nécessaire d'examiner non seulement l' ampleur de l'atteinte, mais également de quelle façon la fouille a été effectuée. La question est de savoir si la fouille constitue une atteinte minimale au droit à la protection de la vie privée en jeu. Autrement dit, la façon dont la fouille de sécurité a été effectuée devait être raisonnablement nécessaire pour éliminer la menace.
[48] En l'espèce, le juge du procès a conclu qu'en poussant la porte un peu plus loin, le sergent Boyd n'avait fait que ce qui était nécessaire pour trouver ce que M. MacDonald dissimulait derrière sa jambe. Ce geste était donc raisonnablement nécessaire pour découvrir ce qui se trouvait derrière la jambe de M. MacDonald et, partant, éliminer toute menace pour la sécurité du public ou des policiers. En fait, on pourrait même dire qu'il n'y avait pas de façon moins envahissante de le faire. Le sergent Boyd a demandé deux fois à M. MacDonald ce qu'il tenait dans sa main, sans obtenir de réponse. Dans de telles circonstances, il est difficile d'imaginer une façon moins envahissante de déterminer si M. MacDonald cachait une arme (et, par le fait même, d'éliminer toute menace à cet égard).
[49] En fait, si l'on considère l'ensemble du témoignage du policier, il apparaît évident que ce dernier possédait des motifs raisonnables de croire que M. MacDonald tenait une arme dans sa main. Il ne savait tout simplement pas de quel type d'arme il s'agissait (voir, par exemple, d.a., p. 180).
[50] Dans ce contexte, la fouille effectuée dans la résidence de M. MacDonald lorsque le sergent Boyd a poussé la porte un peu plus loin n'était pas abusive. Elle était autorisée par une règle de droit non abusive et a été effectuée de manière non abusive. Par conséquent, il n'y a pas eu violation des droits conférés à M. MacDonald par l' art. 8 de la Charte . Il n'est donc pas nécessaire que je me penche sur la question de la réparation fondée sur le par. 24(2) de la Charte .
C. Appel interjeté à l'encontre de l'acquittement sur l'accusation portée en vertu de l'art. 95 du Code
[51] Le ministère public interjette appel de l'acquittement de M. MacDonald sur l'accusation portée en vertu de l'art. 95 du Code . Il plaide que la Cour d'appel a commis une erreur dans son interprétation de la mens rea qu'exige l'infraction de possession d'une arme à feu à autorisation restreinte chargée prévue à l' art. 95 et qu'elle lui a imposé un fardeau quasi insurmontable, incompatible avec le principe selon lequel l'ignorance de la loi n'est pas une excuse. Pour sa part, M. MacDonald plaide que la Cour d'appel a correctement interprété la mens rea applicable à l'infraction, et qu'elle a eu raison de conclure à l'absence de preuve de la mens rea . Je suis d'accord avec le ministère public pour conclure que la Cour d'appel a commis une erreur en l'obligeant à prouver, pour obtenir une déclaration de culpabilité sous le régime de l' art. 95 , que l'accusé savait que le permis de possession et d'acquisition de l'arme à feu et l'autorisation de transporter l'arme à feu n'étaient pas valides dans le lieu où il possédait illégalement cette arme. Comme je vais l'expliquer, l'imposition d'une telle exigence contrevient à la règle, codifiée à l'art. 19 du Code , selon laquelle l'ignorance de la loi n'est pas une excuse.
[52] Le paragraphe 95(1) du Code prévoit ce qui suit :
95. (1) Sous réserve du paragraphe (3), commet une infraction quiconque a en sa possession dans un lieu quelconque soit une arme à feu prohibée ou une arme à feu à autorisation restreinte chargées , soit une telle arme non chargée avec des munitions facilement accessibles qui peuvent être utilisées avec celle‑ci, sans être titulaire à la fois :

a ) d'une autorisation ou d'un permis qui l'y autorise dans ce lieu ;

b ) du certificat d'enregistrement de l'arme.
[53] L'argument invoqué par M. MacDonald devant la Cour à propos de sa déclaration de culpabilité fondée sur l' art. 95 porte sur la mens rea de l'infraction. Il ne conteste pas avoir eu en sa possession dans son unité une arme à feu à autorisation restreinte chargée. Il ne nie pas non plus qu'il avait l'arme en sa possession dans ce lieu sans être titulaire d'une autorisation ou d'un permis l'autorisant à la posséder dans ce lieu. Il plaide plutôt que l' art. 95 crée une infraction exigeant la mens rea et que, pour obtenir une déclaration de culpabilité, le ministère public doit prouver qu'il savait qu'il n'était pas autorisé à posséder l'arme à feu dans son unité. Selon lui, le ministère public n'a pas prouvé ce fait car M. MacDonald a affirmé au procès qu'il croyait subjectivement que le permis obtenu en Alberta était aussi valide à son condominium à Halifax.
[54] À mon avis, l' art. 95 crée une infraction exigeant la mens rea . Comme la Cour l'a reconnu dans Lévis (Ville) c. Tétreault , 2006 CSC 12, [2006] 1 R.C.S. 420, par. 16, le classement d'une infraction dans la catégorie des infractions exigeant la mens rea , des infractions de responsabilité stricte ou des infractions de responsabilité absolue, est une question d'interprétation législative. À l'audience, le ministère public a reconnu qu'il s'agit d'une infraction exigeant la mens rea et, de toute façon, nous pouvons valablement nous fonder sur la présomption selon laquelle les infractions appartiennent à la catégorie des infractions exigeant la mens rea si, tout comme en l'espèce, le texte de loi n'indique pas une intention contraire ( La Reine c. Sault Ste‑Marie , [1978] 2 R.C.S. 1299, p. 1309‑1310; Beaver c. The Queen , [1957] R.C.S. 531).
[55] La mens rea que doit prouver le ministère public sous le régime du par. 95(1) ne comporte cependant pas comme élément la connaissance que la possession de l'arme au lieu en question n' est pas autorisée . Il suffit de prouver la connaissance de la possession d'une arme à feu à autorisation restreinte chargée et l'intention de posséder l'arme chargée dans ce lieu. Si une personne, intentionnellement et en toute connaissance de cause, a en sa possession dans un lieu donné une arme à feu à autorisation restreinte chargée, elle sera passible d'une peine pour l'infraction prévue au par. 95(1) si elle n'est pas titulaire d'une autorisation ou d'un permis qui autorise la possession de cette arme dans ce lieu. Ainsi, l'autorisation ou le permis de possession valide vient annuler l' actus reus de l'infraction, ce qui permet à quiconque a la possession légitime d'une arme à feu à autorisation restreinte d'échapper à toute responsabilité.
[56] En toute déférence, la Cour d'appel a commis une erreur de droit en considérant à tort que le par. 95(1) renferme implicitement un moyen de défense fondé sur l'ignorance de la loi. Les juges majoritaires ont conclu que le ministère public devait prouver que M. MacDonald savait que sa possession n'était pas autorisée ou qu'il avait ignoré volontairement ce fait. L'imposition d'un tel fardeau au ministère public obligerait celui-ci à prouver que l'accusé connaissait les conditions de son autorisation ou son permis. Cela reviendrait à dire que le ministère public doit prouver que l'accusé connaissait la loi.
[57] L'exemple suivant montre que l'erreur que commet un accusé en interprétant son autorisation ou son permis constitue une erreur de droit et non une erreur de fait. Supposons que le Code ne permette la possession d'armes à feu à autorisation restreinte qu'en Alberta et nulle part ailleurs au Canada. Certes, si tel était le cas, nul ne pourrait contester que la possession d'une telle arme par M. MacDonald à Halifax contreviendrait à cette règle. L'allégation selon laquelle il croyait pouvoir posséder l'arme légalement dans cette ville devrait être considérée comme une erreur de droit et ne pourrait servir comme moyen de défense à une accusation de possession illégale. Quant à moi, je ne vois aucune différence lorsqu'une telle règle est étendue à l'autorisation accordée à une personne et que la disposition applicable du Code renvoie simplement à cette autorisation. Par conséquent, la croyance subjective de M. MacDonald qu'il pouvait avoir l'arme à feu en sa possession à Halifax n'est rien d'autre qu'une erreur de droit.
[58] J'estime par conséquent qu'en exigeant la preuve que l'accusé savait, ou ignorait volontairement, que sa possession n'était pas autorisée, on accepterait l'erreur de droit comme moyen de défense à une accusation fondée sur le par. 95(1) . Il est bien établi en droit que, sauf dans le cas d'une erreur provoquée par une personne en autorité, une erreur de droit ne constitue pas un moyen de défense dans notre système de justice criminelle. L'article 19 du Code prévoit ce qui suit :
19. L'ignorance de la loi chez une personne qui commet une infraction n'excuse pas la perpétration de l'infraction.
[59] Dans l'arrêt R. c. Forster , [1992] 1 R.C.S. 339, le juge en chef Lamer a ainsi exprimé sa pensée de façon exacte et succincte :
Un principe de notre droit criminel veut qu'une croyance honnête mais erronée quant aux conséquences juridiques d'actes délibérés ne constitue pas un moyen de défense opposable à une accusation criminelle, même si l'erreur ne peut être attribuée à la négligence de l'accusé : Molis c. La Reine , [1980] 2 R.C.S. 356. Récemment, dans l'arrêt R. c. Docherty , [1989] 2 R.C.S. 941, à la p. 960, notre Cour a réaffirmé le principe que le fait de savoir que les actes qu'on accomplit sont contraires à la loi ne constitue pas un élément de la mens rea d'une infraction et ne peut donc pas servir de moyen de défense. [p. 346]
[60] En résumé, la Cour d'appel a commis une erreur en considérant l'erreur de droit de M. MacDonald comme une erreur de fait qui l'exonérait de l'accusation résultant de son geste. Je suis d'avis d'accueillir le pourvoi du ministère public sur ce point et de rétablir la déclaration de culpabilité fondée sur le par. 95(1) .
[61] Même si j'estime qu'il faut rétablir la déclaration de culpabilité, je comprends néanmoins la réserve de la Cour d'appel selon laquelle M. MacDonald peut, en raison de cette déclaration de culpabilité, être condamné à la peine obligatoire de trois ans d'emprisonnement, en dépit du fait que son erreur de droit constituerait, dans des circonstances ordinaires, un facteur atténuant au moment de déterminer une peine proportionnelle à la gravité de son crime (C. C. Ruby, G. J. Chan et N. R. Hasan, Sentencing (8 e éd. 2012), p. 319‑321). La constitutionnalité de la peine minimale obligatoire de trois ans d'emprisonnement prévue au sous‑al. 95(2) a )(i) est désormais une question que la Cour d'appel devra trancher.
D. Appel de la peine imposée par la Cour d'appel
[62] Ayant rétabli la déclaration de culpabilité de M. MacDonald fondée sur le par. 95(1) , la Cour n'est pas en mesure d'examiner l'appel que le ministère public a interjeté contre les peines imposées par la Cour d'appel relativement aux accusations portées en vertu des par. 86(1) et 88(1). Étant donné qu'elle a acquitté M. MacDonald de l'accusation fondée sur le par. 95(1) , la Cour d'appel n'a pas examiné l'argument soulevé par celui‑ci selon lequel la peine minimale obligatoire de trois ans prévue par le sous‑al. 95(2) a )(i) est inconstitutionnelle. En raison de la décision de rétablir la déclaration de culpabilité de M. MacDonald à l'égard de ce chef d'accusation, l'affaire doit être renvoyée à la Cour d'appel pour qu'elle puisse examiner cet argument. Étant donné que les peines imposées pour les déclarations de culpabilité fondées sur les art. 86 et 88 sont, dans les faits, étroitement liées à la peine imposée pour la déclaration de culpabilité fondée sur l' art. 95 , toutes les peines devraient être réexaminées ensemble par la Cour d'appel une fois qu'elle se sera prononcée sur la validité constitutionnelle du sous‑al. 95(2) a )(i).
V. Dispositif
[63] Pour les motifs ci‑dessus, je suis d'avis de rejeter le pourvoi de M. MacDonald sur la question relative à l' art. 8 et d'accueillir le pourvoi du ministère public relativement à l'accusation portée en vertu du par. 95(1) . L'acquittement de M. MacDonald à l'égard de cette accusation est annulé et la déclaration de culpabilité est rétablie. La présente affaire sera renvoyée à la Cour d'appel pour la détermination de la peine, et cette cour devra déterminer si la peine minimale obligatoire applicable aux termes du sous‑al. 95(2) a )(i) du Code est constitutionnellement valide.
Version française des motifs des juges Rothstein, Moldaver et Wagner rendus par
[64] Les juges Moldaver et Wagner — Tous les jours, partout au pays, des policiers mettent leur vie et leur sécurité en péril pour protéger la vie et la sécurité d'autrui. En retour, ils ont le droit de savoir que, si une situation potentiellement dangereuse se présente, ils sont légalement autorisés à effectuer des fouilles de sécurité peu envahissantes pour atténuer les risques auxquels ils s'exposent. C'est là le marché fondamental que nous avons conclu, en tant que société, avec la police, et il s'agit d'un engagement important sur lequel la police peut compter.
[65] L'engagement auquel nous référons a été reconnu par la Cour dans R. c. Mann , 2004 CSC 52, [2004] 3 R.C.S. 59 . Cet arrêt reconnaît aux policiers un pouvoir de fouille limité sans mandat, à des fins uniquement préventives, lorsqu'ils ont des motifs raisonnables de soupçonner que leur sécurité ou celle d'autrui est menacée. Les juges majoritaires en l'espèce disent appliquer les enseignements de l'arrêt Mann . Avec égard, toutefois, ce n'est pas le cas. Ils rendent plutôt superflue cette décision et privent les policiers des pouvoirs de fouille limités dont ils ont besoin pour se protéger et protéger le public dans des situations potentiellement dangereuses, nébuleuses et souvent imprévisibles.
[66] Bien que nous partagions la décision des juges majoritaires relativement aux trois questions soulevées en l'espèce, notamment en ce qui concerne l'argument de M. MacDonald fondé sur l' art. 8 de la Charte canadienne des droits et libertés , nous divergeons d'opinion avec nos collègues sur l'interprétation qu'il convient de donner à l'arrêt Mann . Se fondant sur cette décision, nos collègues affirment que les policiers ne sont autorisés à effectuer des « fouilles de sécurité » que s'ils ont des motifs raisonnables de croire qu'une personne est armée et dangereuse (par. 39 et 44). En toute déférence, nous ne souscrivons pas à cette conclusion. À notre avis, la Cour a décidé dans Mann que les policiers peuvent procéder à des fouilles de sécurité lorsqu'ils ont des motifs raisonnables de soupçonner qu'une personne est armée et dangereuse. C'est ce que nous tâcherons d'expliquer ci‑après.
[67] Selon la jurisprudence, la protection du public ou la sécurité des policiers constitue le fondement du pouvoir de fouille préventive conféré à ces derniers. À notre avis, ce pouvoir est le corollaire nécessaire des obligations imposées aux policiers, dont les deux suivantes : maintenir la paix et protéger la vie des gens et les biens. On ne peut demander aux policiers d'intervenir dans des situations dangereuses ou nébuleuses et, en même temps, les priver du pouvoir de prendre des mesures de protection lorsqu'ils soupçonnent raisonnablement que leur propre sécurité est menacée, notamment lorsqu'ils soupçonnent la présence d'armes.
[68] C'est ce que la Cour a affirmé dans Mann . Prenons donc comme point de départ le libellé de cet arrêt lui‑même :
. . . le policier qui possède des motifs raisonnables de croire que sa sécurité ou celle d'autrui est menacée peut soumettre la personne qu'il détient à une fouille par palpation préventive. [Nous soulignons; par. 45.]
[69] Considérés isolément, les termes « motifs raisonnables de croire » renvoient à la norme des « motifs raisonnables et probables ». Voir Baron c. Canada , [1993] 1 R.C.S. 416, p. 447. La lecture ne doit toutefois pas s'arrêter là, parce que le terme « menacée » évoque intrinsèquement la notion de possibilité. Voir, p. ex., le dictionnaire Oxford English Dictionary (en ligne), sub verbo « risk » ([ traduction ] « risque » : « . . . la possibilité d'une perte, d'un préjudice ou de toute autre circonstance défavorable ou fâcheuse; chance ou situation comportant une telle possibilité » (nous soulignons)).
[70] Le libellé de l'arrêt Mann semble donc accoler une probabilité à une possibilité : une chance à une chance. Autrement dit, selon l'arrêt Mann , une fouille de sécurité est justifiée s'il est probable que quelque chose puisse se produire, et non s'il est probable que quelque chose se produise . Comme la Cour l'a tout récemment expliqué, la première éventualité évoque des « soupçons raisonnables » ( R. c. MacKenzie , 2013 CSC 50, [2013] 3 R.C.S. 250, par. 74). La seconde renvoie quant à elle à des « motifs raisonnables et probables ».
[71] L'arrêt Mann aurait certes pu être plus clair. En fait, l'ambiguïté du paragraphe clé de cette décision a amené au moins un expert en la matière à laisser entendre que la Cour s'est peut‑être tout simplement [ traduction ] « mal exprimée » : J. Stribopoulos, « The Limits of Judicially Created Police Powers : Investigative Detention after Mann » (2007), 52 Crim. L.Q. 299, p. 311. Il aurait été utile que la Cour, dans Mann , indique simplement si les motifs requis sont des « motifs raisonnables de croire qu'une personne est armée et dangereuse », ou des « motifs raisonnables de soupçonner qu'une personne est armée et dangereuse »; elle ne l'a toutefois pas fait. Heureusement, cependant, nous disposons des outils nécessaires pour dissiper tout doute qui pourrait subsister quant à l'interprétation à donner à l'arrêt Mann . Comme nous le verrons, chacun de ces outils tend à exclure l'interprétation retenue par la majorité.
[72] Comme les termes techniques propres au domaine juridique n'ont pas toujours un sens évident, examinons tout d'abord la façon dont la Cour, dans Mann , décrit la norme qu'elle adopte. Une lecture attentive de cette décision ne laisse aucun doute : la Cour y décrit la norme des soupçons raisonnables. À titre d'exemple, selon Mann , « [l]a fouille doit être fondée sur des faits objectivement discernables afin d'éviter une “recherche à l'aveuglette” motivée par des facteurs discriminatoires et non pertinents » (par. 43 (nous soulignons)). Comme il a été conclu récemment dans R. c. Chehil , 2013 CSC 49, [2013] 3 R.C.S. 220, les soupçons raisonnables doivent reposer sur des « faits objectivement vérifiables , et [. . .] fai[re] obstacle à l' exercice aveugle et discriminatoire des pouvoirs policiers » (par. 3 (nous soulignons)). De même, l'arrêt Mann parle d'une « [possibilité] logiqu[e] que le [suspect] [. . .] fut en possession d'outils utilisés pour commettre l'infraction et pouvant servir d'armes » (par. 48 (nous soulignons)). Par ailleurs, l'arrêt Chehil indique clairement que les soupçons raisonnables « évoquent [une] possibilité — plutôt qu['une] probabilité — raisonnable » (par. 27 (nous soulignons)). Enfin, selon Mann , le policier ne doit pas agir « uniquement en suivant son intuition » (par. 41 (nous soulignons)). Et là encore, Chehil précise que « l' intuition [. . .] [ne] suffira [pas] » (par. 47 (nous soulignons)). Il n'existe à notre connaissance aucune décision décrivant en ces termes la norme des motifs raisonnables et probables.
[73] D'un autre point de vue, ces précisions détaillées n'auraient pas été nécessaires si la Cour, dans Mann , avait voulu adopter la norme des motifs raisonnables et probables, laquelle constituait en effet une norme bien connue à l'époque. En fait, l'application de cette norme était et demeure présumée sous le régime de la Charte (voir Hunter c. Southam Inc. , [1984] 2 R.C.S. 145). Mann constitue par ailleurs l'une des premières affaires où la Cour tente de définir la norme des soupçons raisonnables (voir aussi R. c. Kang‑Brown , 2008 CSC 18, [2008] 1 R.C.S. 456; R. c. A.M. , 2008 CSC 19, [2008] 1 R.C.S. 569; Chehil ; MacKenzie ).
[74] Examinons deuxièmement le contexte historique ayant mené à l'arrêt Mann . En reconnaissant un pouvoir de détention aux fins d'enquête ainsi qu'un pouvoir connexe de fouille préventive accessoire à la détention, la Cour dans Mann s'appuie expressément sur l'arrêt de principe Terry c. Ohio , 392 U.S. 1 (1968), rendu par la Cour suprême des États‑Unis. Fait important en l'espèce, la Cour cite l'extrait suivant de cet arrêt (p. 27) en formulant la norme applicable à une fouille policière de sécurité :
[ traduction ] . . . il convient de reconnaître aux policiers un pouvoir étroitement circonscrit d'assurer leur protection en procédant à une fouille non abusive pour vérifier la présence d'armes, lorsqu'ils ont des raisons de croire qu'ils sont en présence d'un individu armé et dangereux, peu importe qu'ils possèdent ou non des motifs probables d'arrêter l'individu relativement à la commission d'un crime . [Nous soulignons; par. 41.]
[75] Comme l'indique clairement cet extrait, le juge en chef Warren fait une distinction claire entre la norme établie dans Terry et celle des [ traduction ] « motifs probables » — l'équivalent de notre norme des motifs raisonnables et probables — traditionnellement utilisée pour les arrestations. Or, bien qu'il n'y ait jamais eu de débat sérieux sur le sens à donner à Terry , son libellé, en ce qui concerne les « raisons de croire », risque de [ traduction ] « cré[er] de la confusion et [d'être] contradictoire », parce qu'« il s'agit précisément des termes utilisés à maintes reprises par la Cour [suprême des États‑Unis] pour définir les motifs probables exigés pour procéder à une arrestation » (W. R. LaFave, Search and Seizure : A Treatise on the Fourth Amendment (5 e éd. 2012), vol. 4, §9.6(a)). Comme nos collègues américains l'ont cependant tout récemment affirmé relativement à cet arrêt, [ traduction ] « les policiers doivent raisonnablement soupçonner que la personne [. . .] est armée et dangereuse » ( Arizona c. Johnson , 129 S. Ct. 781 (2009), p. 784 (nous soulignons)). Il est certes ironique, donc, qu'en citant Terry , la Cour dans Mann ait introduit par inadvertance la même confusion et la même contradiction au Canada.
[76] Passons maintenant au troisième point. Jusqu'à ce jour, on pensait que les tribunaux, dont la Cour, avaient dissipé cette confusion par leur interprétation et leur application de l'arrêt Mann . Plus particulièrement, dans R. c. Clayton , 2007 CSC 32, [2007] 2 R.C.S. 725, la juge Abella a expliqué que les policiers avaient détenu les deux accusés en raison d'un « soupçon raisonnable » que ceux‑ci aient des armes à feu en leur possession et « partant, que la vie des policiers et des citoyens [était] menacée » (par. 46). Ce souci d'assurer leur propre sécurité justifiait — à lui seul — les policiers de fouiller les accusés accessoirement à la détention (par. 48). Autrement dit, les policiers avaient le pouvoir de procéder à une fouille de sécurité peu envahissante parce qu'ils avaient des motifs de soupçonner que les accusés soient armés et dangereux.
[77] Outre l'arrêt Clayton , la Cour a affirmé au moins à trois occasions distinctes, quoique dans des remarques incidentes, que l'arrêt Mann autorisait une fouille préventive effectuée accessoirement à une détention aux fins d'enquête en cas de soupçons raisonnables. D'abord, s'exprimant en son nom et en celui de la Juge en chef dans Kang‑Brown , le juge Binnie a mentionné « la décision de la Cour, dans l'arrêt Mann , d'abaisser la norme applicable en la faisant passer de la norme des motifs raisonnables et probables à celle des soupçons raisonnables dans le cas d'une fouille sans mandat » (par. 62 (nous soulignons)). Dans R. c. Aucoin , 2012 CSC 66, [2012] 3 R.C.S. 408, par. 44, note 3, les juges majoritaires ont expressément refusé de souscrire à l'affirmation des juges minoritaires selon laquelle les fouilles par palpation commandent, suivant l'arrêt Mann , l'application d'une norme fondée sur des motifs raisonnables et probables. Et, finalement, il y a quelques mois à peine — dans une opinion à laquelle se rallient tous les juges formant la majorité d'aujourd'hui — nous avons souligné que l'arrêt Mann autorisait la « fouille limitée accessoire à une détention aux fins d'enquête » fondée sur des « soupçons raisonnables » ( Chehil , par. 22, note 1). Avec égards, les juges majoritaires n'expliquent pas en quoi ces commentaires sont erronés.
[78] De surcroît, des tribunaux inférieurs se sont fondés sur notre jurisprudence et ont, comme on pouvait s'y attendre, conclu que l'arrêt Mann avait adopté la norme des soupçons raisonnables. À titre d'exemple, dans R. c. Crocker , 2009 BCCA 388, 275 B.C.A.C. 190, autorisation d'appel refusée, [2010] 1 R.C.S. viii, la cour a conclu qu'[ traduction ] « [u]ne fouille de sécurité légale effectuée à des fins préventives [. . .] doit uniquement satisfaire à la norme juridique des soupçons raisonnables [. . .] imposée dans Mann » (par. 72 (nous soulignons)). Il y a seulement quelques mois, la même conclusion a été tirée dans R. c. Atkins , 2013 ONCA 586, 310 O.A.C. 397 : [ traduction ] « La fouille par palpation ayant fait suite à la détention était justifiée pour assurer la sécurité des policiers » parce que « [c]es derniers soupçonnaient raisonnablement l'appelant d'avoir une arme en sa possession » (par. 15 (nous soulignons)).
[79] Quatrièmement, il n'est guère logique d'appliquer la norme des motifs raisonnables et probables dans le contexte de l'arrêt Mann . Si le policier avait des motifs raisonnables de croire que l'accusé dans Mann était armé et dangereux, il aurait pu l'arrêter. Voir, p. ex., l' art. 88 du Code criminel , L.R.C. 1985, ch. C‑46 (port d'arme dans un dessein dangereux pour la paix publique). Autrement dit, s'il établit que des motifs raisonnables et probables sont exigés pour justifier une fouille par palpation, l'arrêt Mann ne fait donc apparemment que reconnaître un pouvoir de fouille dans un cas où il existe déjà des motifs de procéder à une arrestation . Voir aussi Stribopoulos, p. 311. Il s'agit manifestement là d'un résultat incongru.
[80] Un policier ayant des motifs raisonnables de croire qu'une personne est armée et dangereuse éprouvera toujours le besoin immédiat de maîtriser cette personne. Il devra donc inévitablement l' arrêter , et, dès qu'il pourra le faire en toute sécurité, procéder à une fouille accessoire à l'arrestation fondée sur une norme moins rigoureuse (voir R. c. Caslake , [1998] 1 R.C.S. 51, par. 25). En fait, il est contraire au bon sens de laisser entendre qu'un policier croyant pour des motifs raisonnables qu'une personne est armée et dangereuse renoncerait à la possibilité légitime d'arrêter celle‑ci pour procéder à la place à une simple fouille par palpation. Il convient de souligner que la fouille accessoire à l'arrestation est beaucoup plus envahissante que la fouille peu envahissante reconnue dans Mann . La fouille accessoire à l'arrestation comprend la fouille de la personne, mais peut aussi inclure la fouille de ses biens ou de son automobile (voir Caslake , par. 15).
[81] Dans ce contexte, il semble utile de rappeler que, chaque fois que la Cour s'est demandé si elle devrait reconnaître un nouveau pouvoir policier en common law, elle l'a fait « à cause de lacunes perçues dans le droit » ( Kang‑Brown , par. 6, le juge LeBel (nous soulignons)). La constatation préalable de telles lacunes est à juste titre nécessaire, étant donné la réticence de la Cour de se charger de créer de nouveaux pouvoirs policiers en common law. Nous ne comprenons donc pas pourquoi la Cour reconnaîtrait dans Mann un pouvoir de procéder à une fouille préventive fondée sur une norme rendant ce pouvoir inutile. Autrement dit, suivant l'interprétation retenue par la majorité, l'arrêt Mann ne comble aucune lacune. En toute déférence, la Cour dans l'arrêt Mann ne peut avoir souhaité un tel résultat.
[82] Cinquièmement, et au vu des faits de l'espèce, la conclusion de la majorité selon laquelle le sergent Boyd avait des motifs raisonnables et probables de croire que M. MacDonald était armé et dangereux n'est pas conforme à la preuve. Fait plus significatif, le raisonnement des juges majoritaires à cet égard semble abaisser considérablement la norme de ce qui constitue des motifs raisonnables et probables.
[83] Vu les faits constatés par le juge de première instance, les soupçons du sergent Boyd selon lesquels M. MacDonald était armé et dangereux étaient certes raisonnables. Le contexte de la rencontre avec ce dernier révèle qu'il affichait une certaine hostilité envers le personnel de l'immeuble et la police. Tout d'abord, M. MacDonald a repoussé les tentatives du concierge pour lui faire baisser le son de sa musique d'une manière qualifiée avec diplomatie par le juge de première instance de [ traduction ] « peu diplomatique » (motifs de première instance, d.a. de M. MacDonald, p. 5). Monsieur MacDonald manifestait « des indices d'intoxication » ( ibid. ). Quand l'agente Pierce s'est présentée sur les lieux, M. MacDonald « a fermé la porte, obligeant l'agente à retirer son pied du seuil, et lui a dit d'aller au diable ou quelque chose du genre » (p. 6). Le juge de première instance a accepté la thèse suivant laquelle le sergent Boyd avait vu un objet [ traduction ] « noir et brillant » dans la main de M. MacDonald (motifs du voir‑dire, d.a. de M. MacDonald, p. 248). Fait important, « M. MacDonald dissimulait celui‑ci derrière sa jambe droite » ( ibid. ) . De plus, le sergent Boyd a cru qu'« il pouvait s'agir d'un couteau » (p. 249). Dans ces circonstances, le sergent Boyd avait des motifs de soupçonner que M. MacDonald, qui avait manifesté un comportement hostile et agressif, était armé et dangereux — mais il n'avait certainement pas de motifs raisonnables de croire qu'il était armé et dangereux.
[84] Nos collègues ne tiennent pas compte du témoignage clair du sergent Boyd et concluent plutôt que celui‑ci avait des motifs raisonnables de croire que M. MacDonald était armé et dangereux. En toute déférence, nous ne sommes pas d'accord avec eux. C'est la première fois qu'une telle conclusion est tirée. Ni le juge de première instance, ni aucun des juges de la Cour d'appel n'ont conclu en ce sens. De plus, nul n'a soulevé pareil argument en l'espèce. En fait, selon le ministère public, il est [ traduction ] « totalement irréaliste » d'appliquer une norme des motifs raisonnables et probables dans ce contexte (m.i., par. 46).
[85] Exagérer la nature du témoignage livré par le sergent Boyd n'est pas seulement incompatible avec la preuve en l'espèce, mais abaisse aussi considérablement la norme des motifs raisonnables de croire en éliminant la condition subjective à respecter pour y satisfaire ( R. c. Storrey , [1990] 1 R.C.S. 241, p. 250‑251). Il est clair en droit que le policier doit croire subjectivement à l'existence de motifs raisonnables et probables; une croyance objective ne suffit pas. En l'espèce, toutefois, le témoignage du sergent Boyd selon lequel il « craignait » que M. MacDonald « puisse » être armé est incompatible avec la conclusion des juges majoritaires selon laquelle le sergent Boyd croyait lui‑même à l'existence de motifs raisonnables et probables. Le sergent Boyd croyait à une possibilité, et non à une probabilité [1] . Autrement dit, il soupçonnait subjectivement M. MacDonald d'être armé, et ces soupçons étaient objectivement raisonnables.
[86] À la lumière de ces cinq motifs — le libellé de Mann , le contexte historique ayant mené à cet arrêt, les conséquences logiques de l'interprétation selon laquelle l'arrêt Mann exige des motifs raisonnables de croire, la jurisprudence qui a interprété ce précédent, et les faits de l'espèce — une seule conclusion s'impose : l'arrêt Mann reconnaît un pouvoir de fouille préventive fondé sur des soupçons raisonnables.
[87] On aurait pu — et il aurait fallu — résoudre la présente affaire suivant la logique de Mann . Premièrement, le sergent Boyd, dans l'exercice légitime de ses fonctions, soupçonnait raisonnablement que M. MacDonald était armé et dangereux. Deuxièmement, à cause de ces soupçons raisonnables, la conduite du sergent Boyd — pousser la porte de M. MacDonald pour l'ouvrir quelques pouces de plus — « n'a porté atteinte à la liberté que dans la mesure raisonnablement nécessaire pour faire face au risque » ( Aucoin , par. 36, citant Clayton , par. 31). En conséquence, la fouille était non abusive pour les besoins de l' art. 8 .
[88] Il importe de souligner que, dans des cas comme celui‑ci, la « norme de l'arrêt Mann » relative aux fouilles préventives, interprétée adéquatement, n'autorise pas les policiers à effectuer des fouilles au hasard à leur gré ou en se fiant à leur intuition. Au contraire, les soupçons d'un policier selon lesquels une personne est armée et dangereuse doivent être raisonnables eu égard à l'ensemble des circonstances. Tout comme l'a récemment affirmé la Cour dans Chehil , la croyance doit découler de « faits objectivement discernables, qui peuvent ensuite être soumis à l'examen judiciaire indépendant » (par. 26).
[89] La norme proposée des soupçons raisonnables — même si elle autorise l'entrée dans une résidence — ne déroge pas non plus à la Charte . Bien qu'il ait établi une présomption d'application de la norme des motifs raisonnables et probables, le juge Dickson (plus tard Juge en chef) dans l'arrêt Hunter a pris soin de préciser que, dans certaines circonstances, « le critère pertinent pourrait fort bien être différent » (p. 168). Autrement dit, l'objectif de la fouille est important. Bien que, en règle générale, un mandat décerné sur la foi de motifs raisonnables et probables soit nécessaire pour pouvoir pénétrer dans une résidence afin de procéder à une arrestation ( R. c. Feeney , [1997] 2 R.C.S. 13), le Code criminel autorise certaines entrées sans mandat en situation d'« urgence » lorsqu'il existe « des motifs raisonnables de soupçonner qu'il est nécessaire de pénétrer dans la maison d'habitation pour éviter à une personne des lésions corporelles imminentes ou la mort » (voir, p. ex., l' art. 487.11 et le par. 529.3(2) ). De plus, la Cour a reconnu qu'un appel de détresse au 911 justifie une entrée sans mandat dans une résidence, parce qu'il révèle une menace potentielle pour la vie (voir R. c. Godoy , [1999] 1 R.C.S. 311). De même, dans R. c. Golub (1997), 34 O.R. (3d) 743, autorisation de pourvoi refusée, [1998] 1 R.C.S. ix, la Cour d'appel de l'Ontario a conclu que les policiers peuvent fouiller sans mandat une résidence accessoirement à une arrestation s'ils ont des [ traduction ] « soupçons raisonnables » qu'il existe une menace pour la sécurité (p. 758-759).
[90] En fin de compte, la présente affaire illustre bien le danger de laisser les tribunaux établir au cas par cas les pouvoirs des policiers. Nos collègues imposent aujourd'hui une norme selon laquelle un policier doit avoir des motifs raisonnables de croire qu'une personne est armée et dangereuse avant d'être autorisé à effectuer une « fouille de sécurité », ce qui supprime dans les faits le pouvoir de fouille reconnu dans Mann et écarte du même coup la jurisprudence des dix années qui ont suivi.
[91] Il est important de bien saisir les conséquences de la décision rendue par les juges majoritaires : les policiers sont privés du pouvoir d'effectuer une fouille préventive, sauf s'ils ont déjà des motifs de procéder à une arrestation. À partir d'aujourd'hui, les policiers peuvent détenir à des fins d'enquête les personnes soupçonnées d'être armées et dangereuses, mais ne sont pas autorisés à effectuer des fouilles par palpation pour assurer leur sécurité ou celle du public dans le cadre d'une enquête. À notre avis, un policier sur le terrain exposé à un risque réaliste de préjudice imminent devrait pouvoir agir immédiatement et prendre des mesures raisonnables, sous la forme d'une fouille peu envahissante, pour atténuer ce risque.
[92] Sous réserve de cette divergence d'opinions, nous souscrivons pour le reste aux motifs du juge LeBel et nous sommes d'avis de trancher l'affaire comme il le propose.
Pourvoi d'Erin Lee MacDonald rejeté et pourvoi de Sa Majesté la Reine accueilli.
Procureurs de l'appelant/intimé : Wolch, Hursh, deWit, Silverberg & Watts, Calgary.
Procureur de l'intimée/appelante : Public Prosecution Service of Nova Scotia, Halifax.
Procureur de l'intervenant le directeur des poursuites pénales : Service des poursuites pénales du Canada, Halifax.
Procureur de l'intervenant le procureur général de l'Ontario : Procureur général de l'Ontario, Toronto.
[1] Suivant l'arrêt Hunter , le respect de la norme des motifs raisonnables de croire exige des probabilités , et non des possibilités (p. 167).



Références :
Proposition de citation de la décision: R. c. MacDonald


Origine de la décision
Date de la décision : 17/01/2014
Date de l'import : 28/08/2014

Fonds documentaire ?: Lexum


Numérotation
Référence neutre : 2014 CSC 3 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2014-01-17;2014.csc.3 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award